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mercredi 6 février 2013

I. - CHILI : À LA RECHERCHE DES FACES CACHÉES DE VALPARAISO

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GRAFFITI À VALPARAISO. PHOTO  PORTEÑO_ROJO

Ascensores… en panne !

Le port a gagné en nostalgie ce qu’il a perdu en richesse. 

Les charmes du passé sautent aux yeux des visiteurs, tels ces milliers de maisons peintes en couleurs vives. 

Ce pinceau chromatique, ultra photogénique sur les villas proprettes des collines Alegre, Concepción, Artilleria et Bellavista - toutes quatre en plein renouveau touristique, avec boutiques-hôtels et restaurants-concepts -, devient vite un cache-misère sur les façades quelconques des baraques des quartiers pauvres, aux accents de vrais-faux bidonvilles. 

Il faut oser traverser en voiture ces cerros (collines) populaires (Toro, Chaparro, San Francisco, Jiménez…), prendre le temps de s’arrêter pour découvrir les maisons aux bardages de tôles rouillés, les rues sommaires, les terrains vagues enchâssés à flanc de versants, transformés en (mini) stades de foot poussiéreux… 


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GRAFFITI À VALPARAISO « LES MAINS »  MAI 2010. PHOTO BLOG MELYSO
Les fameux ascensores (funiculaires) sont aussi révélateurs d’une ville en souffrance. Jadis, la ville en comptait une trentaine. Aujourd’hui, il en reste quinze mais seuls… quatre sont en état de marche. 

Bien que classés depuis 2003 au patrimoine mondial de l’Unesco, comme l’ensemble du centre historique, les autres végètent entre promesses de réouverture, travaux interminables, pannes et problèmes incurables de gestion... 

Ces funiculaires sont pourtant pratiques pour rejoindre les collines, dans une ville où les escaliers, étroits et disjoints par les tremblements de terre, mettent les mollets à l’agonie.



Seconde capitale au monde pour le graf

Si les maisons peintes sont l’emblème de Valparaiso, d’autres compositions colorées interpellent. Ce sont celles des fresques murales, témoins d’un art graphique très en verve au Chili depuis vingt ans. 

Valparaiso est considérée par les spécialistes comme la seconde capitale au monde pour le graf, après São Paulo ! Les thèmes puisent dans le registre du surréalisme, de la bande dessinée, de l’Histoire chilienne, des traditions nationales… 

Cet art ne s’est pas émancipé par hasard. Développé après la dictature Pinochet, il est l’héritier du muralisme chilien, une expression artistique de revendications sociales et politiques née à Valparaiso à l’initiative de partis de gauche, dans les années 1960. 

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GRAFFITI À VALPARAISO. PHOTO  VALPARAISO CHILI MONSIEUR CHILI GRAFFITI ART URBAIN MAPUCHE 10, 03 2012
Les messages revendicatifs ont disparu. Reste un courant artistique fort, facette moins connue mais plus originale de l’identité de la ville. 
Enfin, on l’oublie parfois, Valparaiso vit toujours de la mer ! 

Malgré la concurrence du port de San Antonio, plus au sud, le trafic des containers bat son plein. La marine chilienne y est aussi chez elle, comme en témoigne son quartier général, vaste bâtiment néo-classique dressé plaza Sotomayor

Un tour au marché aux poissons de la caleta Portales, installé sous une grande halle à la sortie est de la ville, rappelle que le destin d’un port se joue à peu de choses. Il aura suffi d’un canal, raccourci entre l’Europe et l’Amérique du Nord, pour étouffer le dynamisme de Valparaiso. 
L’énergie brisée est devenue en soi une « histoire », à découvrir sur place si affinités. Pour le visiteur attentif, elle va au-delà – c’est l’intérêt – des traditionnels poncifs débités à longueur de guides touristiques. 

Jean-François RUST