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dimanche 11 janvier 2015

DANS UN DÉSERT CHILIEN, LES SECRETS DE L’AURORE COSMIQUE

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PHOTO Y. BELETSKY
Ils ont déjà passé une semaine et demie à faire du repérage dans d’autres régions de l’Atacama, notamment du côté argentin du désert. Désormais équipés d’une carte que des soldats chiliens ont fourni à l’un d’eux, un astronome chilien du nom de Hernan Quintana, ils cherchent un passage vers le plateau de Chajnantor. Situé à une altitude de 5 000 m, il est presque aussi élevé que les deux camps servant de base aux grimpeurs qui se lancent à l’assaut du mont Everest.

Ils ont déjà passé une semaine et demie à faire du repérage dans d’autres régions de l’Atacama, notamment du côté argentin du désert. Désormais équipés d’une carte que des soldats chiliens ont fourni à l’un d’eux, un astronome chilien du nom de Hernan Quintana, ils cherchent un passage vers le plateau de Chajnantor. Situé à une altitude de 5 000 m, il est presque aussi élevé que les deux camps servant de base aux grimpeurs qui se lancent à l’assaut du mont Everest.

La cordillère des Andes forme une barrière naturelle aux nuages provenant d’Amazonie à l’est, et les vents du Pacifique à l’ouest ne charrient que peu d’humidité en passant par les courants froids du Pérou (anciennement appelé le courant de Humboldt). Le désert de l’Atacama est ainsi réputé pour être un des endroits les plus secs du globe, avec à peine plus d’un centimètre de pluies annuelles.

L’isolement du désert, ainsi que son air sec, raréfié et inhospitalier – idéal pour observer les cieux nocturnes – avaient déjà attiré plusieurs projets de télescopes multinationaux. La plupart étaient conçus pour observer la fraction du cosmos visible grâce aux longueurs d’ondes optiques, la portion du spectre lumineux que l’œil humain peut détecter.

Quintana et ses compagnons cherchaient un lieu pouvant accueillir une autre sorte de télescope, conçu pour passer outre les voiles de poussières et de gaz qui entourent les galaxies, se meuvent autour des étoiles et s’étendent partout dans le milieu interstellaire. La conception et la construction du projet nécessiteront plus de vingt ans et plus d’un milliard de dollars. Mais dans un premier temps, il leur fallait trouver le bon emplacement.

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PHOTO B. TAFRESHI

De quoi rapprocher ou éloigner les antennes

Dans l’univers, les objets irradient de l’énergie sous différentes longueurs d’ondes, en fonction de leur température. Une supernova ayant explosé est par exemple extrêmement chaude. En plus d’émettre une lumière visible égale à celle de plusieurs milliards de soleils, elle libère des ondes courtes, des rayons X et des rayons gamma à énergie élevée, détectables par des télescopes spéciaux, comme Chandra, le télescope spatial à rayons X de la Nasa. A l’opposé du spectre, on peut citer les comètes et les astéroïdes, qui diffusent des ondes à infrarouge plus longues, que nos yeux et télescopes optiques ne peuvent pas percevoir.

La majeure partie de l’univers est encore plus froide. Les formations de poussières et de gaz composant les étoiles sont à peine plus chaudes que le zéro absolu – la température à laquelle les atomes deviennent immobiles. La naissance d’une planète a lieu dans des conditions similaires, un essaimage de fragments de poussières et de gaz qui s’agrègent au sein des volutes tourbillonnantes qui pivotent autour des étoiles naissantes.

Dans les années 60, les astronomes qui ont tenté de pénétrer cet « univers froid » se sont rapidement rendu compte de la difficulté à employer des antennes basées au sol pour détecter les longueurs d’ondes dans les sections millimétriques et submillimétriques, plus longues encore que l’infrarouge. Leur premier souci résidait dans le fait de devoir gérer une gigantesque quantité d’interférences.

Contrairement à la lumière visible, qui circule dans l’atmosphère de la planète sans trop d’interférences, les ondes millimétriques et submillimétriques sont absorbées et déformées par la vapeur d’eau, qui émet des radiations dans le même champ du spectre, ajoutant un parasitage terrestre aux ondes provenant des cieux. Les ondes millimétriques et submillimétriques portent également beaucoup moins d’énergie que la lumière visible, produisant un signal faible, même pour une antenne parabolique dotée d’une grande surface de détection.

La solution trouvée par les scientifiques était de déployer plusieurs antennes sur un même site où l’air est sec, en combinant leurs signaux afin qu’elles fonctionnent ensemble tel un seul et unique télescope. A partir des années 80, plusieurs réseaux d’antennes étaient opérationnels au Japon, en France, ainsi qu’aux Etats-Unis, à Hawaï et en Californie. Les avancées technologiques ont rapidement rendu possible l’édification de réseaux d’antennes plus importants, toutes armées de lentilles énormes et bénéficiant d’un pouvoir de résolution grandement augmenté.

Cela à condition qu’un site puisse être trouvé, suffisamment élevé et aussi plat que possible, afin d’accroître la distance entre chaque antenne de plusieurs kilomètres. Avec des paraboles portables, la distance entre chacune d’elles pourrait être ajustée, afin de changer la sensibilité du télescope et ainsi révéler davantage de détails. Eloignées les unes des autres, elles pourraient zoomer sur des zones particulières – sur un disque circumstellaire de débris autour d’une étoile, par exemple. Rapprocher les antennes permettrait d’effectuer un zoom arrière, ce qui s’avérerait pratique pour obtenir des images de zones plus larges, comme une galaxie.

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PHOTO A. MARINKOVIC

Un effort international de deux décennies

En quête de l’endroit idéal où installer un tel télescope, des groupes de recherche venus d’Europe, du Japon et des Etats-Unis ont alors convergé vers le désert d’Atacama.

Hernan Quintana, qui avait étudié de près les cartes militaires du désert pendant des semaines avant le lancement de l’expédition au printemps 1994, suspectait que seul le plateau juché sur les hauteurs de San Pedro de Atacama satisferait leurs besoins. Mais ce dernier n’était pas facile d’accès.

« Le voyage était long et fastidieux, les pneus s’enlisaient à longueur de temps dans le sable », se souvient Riccardo Giovanelli de l’université de Cornell.

Avec Angel Otarola de l’Observatoire européen austral (ESO), ainsi que Paul Vanden Bout et Robert Brown de l’Observatoire national de radioastronomie (NRAO), ils formaient l’équipe accompagnant Quintana. A mi-parcours sur la route partant de San Pedro, le camion de Vanden Bout et Otárola est tombé en panne. Les autres sont parvenus à atteindre le sommet du col de Jama.

« Le ciel était magnifique, du bleu le plus profond qu’on puisse imaginer », se souvient Giovanelli. Un des astronomes avait apporté avec lui un instrument pour mesurer les vapeurs d’eau. La mesure de vapeur dans l’air donna un volume bas, le plus bas que le groupe ait observé jusque-là. « Il n’y avait aucun doute pour nous tous que nous allions trouver le bon endroit à proximité », dit Giovanelli.

Peu de temps après, lors d’un deuxième repérage, Brown a trouvé le site adéquat, un plateau large et étendu, au pied du Cerro Chajnantor, un pic tout proche. Il est rapidement apparu évident aux trois entités internationales qu’en joignant leurs forces, elles pourraient bâtir un réseau bien plus puissant que chacune n’en aurait la possibilité de son côté.

En 1999, la Fondation nationale pour la science (NSF) et ESO ont signé un accord de collaboration. Ils se sont mis d’accord sur le fait de fournir 32 antennes par entité, chacune mesurant 12 m de diamètre. Les Japonais ont accepté de fournir seize antennes supplémentaires pour un réseau de complément.

C’est ainsi qu’a débuté un effort de presque deux décennies pour transformer un des sites les plus reculés du monde en un observatoire moderne débordant d’activité.

Retrouvez la suite de l’histoire (payante) sur Ulyces.

Ulyces PUBLIÉ INITIALEMENT SUR Ulyces