Catégorie

mercredi 1 avril 2015

MONTRÉAL : CLÉMENT TRUDEL N’EST PLUS

[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]

CLÉMENT TRUDEL N’EST PLUS. PHOTO ARCHIVES LE DEVOIR

Le journaliste et syndicaliste québécois Clément Trudel est mort à l'âge de 78 ans, le samedi 21 mars dernier. Grand ami du Chili, il était de toutes les campagnes de solidarité depuis septembre 1973. Clément Trudel écrivit de nombreux articles sur le Chili, sur les chiliens résidents au Canada et sur l'Amérique latine, entre les années 1970 et fin des années 1990. Ses articles dénonçaient par ailleurs les dictatures latino-américaines. Il participa aussi à l'accueil favorable que beaucoup de québécois ont eu la gentillesse de faire aux exilés chiliens. 
[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
CLÉMENT TRUDEL   
ILLUSTRATION: TIFFET

Fin janvier, Clément a quitté Percé, où il habitait depuis son départ du Devoir, et s’est amené à Montréal avec Lise, sa conjointe aimée de toujours : ils étaient en partance pour le Portugal. Il avait l’air fatigué, notai-je, mais il se disait en forme quand, peu avant l’embarquement prévu, nous avons pris une bière ensemble dans un bistro.
 Jacques Keable - Montréal

Deux jours plus tard il était à l’urgence de
PHOTO THIERRY HAROUN
l’hôpital. Son mal, subit et sournois, était incurable. Il craignait par-dessus tout, me disait-il, de devenir un poids pour Lise. Ce ne fut pas le cas. Jeudi dernier, sur son lit d’hôpital, il causait encore journalisme et syndicalisme. Je devais le revoir, mais samedi, déjà, l’appel téléphonique de Lise disait que ce n’était désormais pas la peine de me présenter à l’hôpital. Elle l’avait veillé une ultime fois, toute la nuit, et au matin…

Fin janvier, Clément a quitté Percé, où il habitait depuis son départ du Devoir, et s’est amené à Montréal avec Lise, sa conjointe aimée de toujours : ils étaient en partance pour le Portugal. Il avait l’air fatigué, notai-je, mais il se disait en forme quand, peu avant l’embarquement prévu, nous avons pris une bière ensemble dans un bistro. Deux jours plus tard il était à l’urgence de l’hôpital. Son mal, subit et sournois, était incurable. Il craignait par-dessus tout, me disait-il, de devenir un poids pour Lise. Ce ne fut pas le cas. Jeudi dernier, sur son lit d’hôpital, il causait encore journalisme et syndicalisme. Je devais le revoir, mais samedi, déjà, l’appel téléphonique de Lise disait que ce n’était désormais pas la peine de me présenter à l’hôpital. Elle l’avait veillé une ultime fois, toute la nuit, et au matin…
Ses proches, comme ses amis, pleureront son départ franchement inattendu. Comme lui, à la sensibilité à fleur de peau, avait peine à refréner la larme qui lui montait si facilement à l’oeil dès qu’il parlait avec joie ou inquiétude de quelqu’un de sa famille.

Après plus de trente ans passés dans la salle de rédaction du Devoir, où il avait notamment « ouvert» le monde du travail et la politique internationale, Clément quittait la pratique quotidienne du journalisme en 2000. Homme à la pensée de gauche, il avait, en marge de la pratique de son métier, été actif à l’intérieur du syndicat des journalistes du Soleil de Québec, sa ville natale, avant de poursuivre cette activité syndicale au Devoir où, rappelait-il (Le Devoir, 16 juillet 2010), « trois décennies comme journaliste au Devoir m’ont permis de constater que les relations de travail s’y déroulent sous le signe d’une vigilance tendue. Il est rarissime que ce soit pour un enjeu de gros sous ».


[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
En 2000, il avait quitté Le Devoir, mais aucun de ses attachements à l’information. Ainsi, depuis quelques années, de Percé où il offrait de son temps à la bibliothèque municipale, il s’était entre autres choses donné pour mission d’alimenter quelques-uns de ses amis en information notamment sur la politique internationale. Régulièrement, il nous faisait ainsi partager, par courriel, le fruit de ses lectures de divers journaux de langue française, anglaise ou espagnole que, parfois, lui qui parlait espagnol, il oubliait de traduire ou de résumer pour ceux de ses amis non polyglottes !…

Le personnage pouvait sembler paradoxal. Passionné de politique internationale et de littérature, soucieux de la qualité de la langue, parlée autant qu’écrite, homme élégant, d’une politesse et d’une réserve constantes, il avait naturellement cette allure de seigneur qui, sans doute, impressionnait sinon même intimidait qui ne le connaissait pas. En réalité, il était d’abord, pour l’essentiel, un homme discret, l’envers du tape-à-l’oeil, un progressiste, un syndicaliste et un esprit ouvert sur le monde et les idées, ce qui lui aura magnifiquement permis, par exemple, tout à la fois d’afficher son incroyance et de compter quelques religieux, catholiques et musulmans, parmi ses amis.

Dans le climat de sourde méfiance qui plombe les journées sanglantes et cruelles de notre temps, c’est bien là un exemple que nous laisse Clément Trudel et qui ne devrait pas disparaître avec lui.