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mardi 10 mai 2016

AU CHILI, UNE «MARÉE ROUGE» EMBRASE L’ÎLE DE CHILOÉ


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DES PÊCHEURS PROTESTENT À CHILOÉ POUR L’OBTENTION DE DÉDOMMAGEMENTS 
À LA SUITE DE LA « MARÉE ROUGE », LE 6 MAI 2016.
PHOTO  ESTEBAN FELIX
Les pêcheurs artisanaux de l’archipel de Chiloé, dans la Patagonie chilienne, à 1 000 km au sud de Santiago, sont sur le pied de guerre face à la plus grave catastrophe écologique de ces dernières années, qui a transformé l’océan Pacifique en cimetière marin. 
PHOTO EFE
Interdits de pêcher à cause d’une «marée rouge», ils ont refusé, vendredi 6 mai, le jugeant «insuffisant», le dédommagement proposé par le gouvernement de Michelle Bachelet, un bon de 400 000 pesos (525 euros) chacun ainsi que 250 000 pesos par famille.

    Faute d’accord sur le nombre de pêcheurs affectés, le gouvernement a annoncé lundi qu’il payerait de toute façon un bon de 300 000 pesos (395 euros) puis 150 000 pesos par mois pendant trois mois.

    Cette « marée rouge », qui devrait se prolonger pendant quatre mois, selon les experts, est formée d’une concentration exceptionnelle d’organismes unicellulaires, des algues microscopiques – Alexandrium catenella – qui empoisonnent les fruits de mer. Leur consommation, même en petite quantité, peut provoquer des dommages du système nerveux, une paralysie musculaire, voire respiratoire, et entraîner la mort si la personne n’est pas traitée rapidement, a précisé le ministère chilien de la santé.

    Depuis 1972, vingt-trois personnes sont mortes au Chili après l’ingestion de fruits de mer contaminés. Ce n’est pas la première fois que Chiloé est victime de cette catastrophe. Des marées rouges s’étaient produites en 2002, 2006 et 2009.

    Mystérieuses hécatombes d’espèces marines

    Depuis une semaine, accompagnés de leur famille, des centaines de pêcheurs, contraints au chômage, bloquent les accès qui relient le continent à l’archipel, qui compte 170 000 habitants et s’étend sur 180 kilomètres du nord au sud, réclamant une plus grande aide de l’État. Ils ont dressé des barrages et brûlés des pneus. La pénurie se fait sentir : plus de poissons sur les marchés, stations-service fermées, carburant strictement réservé aux véhicules de secours, manque de médicaments et de produits de base dans les petits commerces comme dans les supermarchés.

    Les écoles sont fermées, et les touristes, venus admirer les maisons typiques en bois colorés sur pilotis et les quelque 70 églises de Chiloé, sont coincés dans cette région de lacs et de glaciers.

    Depuis plusieurs mois, d’alarmantes et mystérieuses hécatombes d’espèces marines se sont succédé : dans la nuit du 25 avril, des dizaines de milliers de «machas», coquillages typiques du Chili, ont été retrouvés morts le long de 5 kilomètres de plages à Cucao.

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    DES «MACHAS», COQUILLAGES TYPIQUES DU CHILI,
    SUR LES PLAGES DE CUCAO, AU CHILI, LE 9 MAI 2016.
    Puis quelque 8 000 tonnes de sardines et de crevettes. Au début de l’année, ce sont 40 000 tonnes de saumons qui sont morts par asphyxie. Une première catastrophe écologique quand plus de 330 baleines avaient été retrouvées mortes dans un fjord isolé de Patagonie, en 2015, avait surpris la communauté scientifique internationale.

    Les multinationales de l’industrie du saumon accusées

    Certains experts relient ces événements au phénomène climatique El Niño, qui touche notamment l’Amérique latine, provoquant un réchauffement des eaux du Pacifique, propice à la prolifération d’algues qui consomment l’oxygène des poissons ou entraînent une forte concentration de toxines comme dans le cas de la marée rouge. Une explication que rejettent les pêcheurs de Chiloé, qui pointent les multinationales de l’industrie du saumon. Ils soutiennent que si la « marée rouge » est si virulente, c’est à cause des tonnes de saumons contaminés qui ont été déversés en mer début 2016.

    L’industrie du saumon est très puissante au Chili, qui en est le deuxième producteur mondial, après la Norvège. Le ministre de l’économie, Luis Felipe Cespedes, chargé des négociations avec les pêcheurs, a annoncé, le samedi 7 mai, qu’il demanderait « à un groupe de scientifiques indépendants qu’ils réalisent les études nécessaires afin d’évaluer ces différentes hypothèses ».

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    À CHILOÉ, LE 9 MAI 2016.
    «Notre mer n’est pas un dépotoir »: les pêcheurs accusent l’industrie du saumon de déverser des tonnes de saumons contaminés et d’être à l’origine de la « marée rouge ». 

    À Chiloé, qui concentre les deux tiers des sites de production qui ne peuvent plus exporter de saumons, les pertes sont évaluées à 9 millions de dollars (7,9 millions d’euros) par jour pour l’industrie locale. L’industrie du saumon produit 800 000 tonnes par an et génère 3,5 milliards de dollars de recette. « Nous comprenons le problème des pêcheurs artisanaux, mais il faut trouver une solution, sinon les dégâts vont s’amplifier», a prévenu Felipe Sandoval, président de SalmonChile, organisme regroupant les entreprises du secteur.

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