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mercredi 12 juillet 2017

AU CHILI, L’ACTRICE TRANSSEXUELLE DANIELA VEGA EST DEVENUE « UNE FEMME FANTASTIQUE »

« UNE FEMME FANTASTIQUE » 
 DANIELA VEGA, FRANCISCO REYES

Dans le film de Sebastián Lelio, la Chilienne joue une femme transsexuelle confrontée à la mort de son compagnon et aux réactions haineuses de sa belle-famille. Un rôle qui a propulsé cette inconnue sur le devant de la scène.
AFFICHE DU FILM
C’est l’autre Wonder Woman à l’affiche. Rien à voir avec l’amazone hollywoodienne au lasso magique, si ce n’est la même pugnacité. Au Chili, l’actrice Daniela Vega, 28 ans et transgenre, est devenue une star du jour au lendemain après la sortie en avril d’Une femme fantastique, de Sebastián Lelio. Elle y incarne Marina, transsexuelle confrontée à la mort de son compagnon, puis à la haine féroce de sa redoutable belle-famille. « Depuis la sortie du film, les gens me demandent des autographes et me prennent dans leurs bras, raconte l’actrice. Le film coïncide avec une période de changement au Chili, où l’on interroge pour la première fois notre rapport au corps et au genre. ».

Avant ce film, Daniela Vega était une parfaite inconnue. Elle jonglait entre sa passion pour le chant lyrique, sa formation de cuisinière et un job de coiffeuse pour mariées, son gagne-pain de longue date. L’impact du film, prix du scénario à la Berlinale, a changé la donne. Pourtant, le réalisateur Sebastián Lelio (auteur de Gloria, 2013) n’avait pas prévu d’en faire sa vedette. Il l’avait d’abord embauchée comme consultante afin de rendre le scénario plus réaliste. C’est à la fin de l’écriture que l’évidence s’est imposée. Daniela a pris la place du personnage.

Cette lectrice de la théoricienne du genre Judith Butler regarde d’un bon œil la visibilité croissante de sa communauté au cinéma et à la télévision. Le corps trans n’y est plus présenté comme une monstruosité médicale, mais comme quelque chose de sexy. La comédienne nuance toutefois : « Ce n’est pas complètement nouveau. En Amérique latine, certaines cultures précolombiennes ont vénéré le corps trans avant l’évangélisation. »

« L’art m’a sauvé la vie »

Fille d’un imprimeur et d’une femme au foyer, Daniela Vega est née à Santiago à la fin de la dictature de Pinochet, « dans une famille de classe moyenne assez conventionnelle, où le débat politique était encouragé ». Si elle était harcelée à l’école, son identité de genre n’a pas posé problème à ses parents : « Quand je le leur ai annoncé, ils m’ont offert un coffret de maquillage. »

Daniela a fait sa transition entre 14 et 17 ans. « Une période joyeuse de découverte de soi », se souvient-elle, mais qui a fini « en dépression » quand elle a réalisé la difficulté de trouver sa place « dans le cadre social ». Un soir, son meilleur ami, aspirant comédien, l’a emmenée au théâtre. « C’est là que tout a changé. L’art m’a sauvé la vie. »

Elle affiche désormais un optimisme teinté de lucidité. « Ma situation s’est améliorée. Pourtant, la discrimination de la part de l’État demeure la même. » Et elle compte bien continuer à se battre. Même sans superpouvoirs.


« Une femme fantastique » (1 h 44), de Sebastián Lelio. En salle le 12 juillet 2017.