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jeudi 29 décembre 2016

mercredi 28 décembre 2016

CE QUI ATTEND L’AMÉRIQUE LATINE

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LU PAR ISABELLE ROUGERIE
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CE QUI ATTEND L’AMÉRIQUE LATINE


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PHOTO JONATHAN ERNST
Le décès du dirigeant historique de la révolution cubaine Fidel Castro a plongé dans l’affliction une grande partie des progressistes latino-américains. De l’Argentine au Venezuela, une droite atlantiste et libérale accumule depuis quelque temps les victoires. Doit-elle également se réjouir de l’arrivée au pouvoir du nouveau président américain Donald Trump ?
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«Trump ! » Lorsqu’on l’a interrogé sur son candidat préféré à la présidentielle américaine, la réponse du chef d’État équatorien Rafael Correa a surpris. Le milliardaire américain n’avait-il pas attaqué les migrants, promis de construire un mur à la frontière avec le Mexique pour empêcher l’arrivée « de violeurs et de trafiquants de drogue », proclamé l’urgence d’en finir avec l’« oppression » au Venezuela ou encore annoncé son intention de revenir sur la politique d’ouverture de son prédécesseur concernant Cuba ? « Le gouvernement des États-Unis mène une politique qui évolue très peu et dont les effets sont quasiment les mêmes depuis toujours », observait M. Correa. Aucun changement à attendre avec M. Donald Trump, donc ? Au contraire : « Il est tellement grossier qu’il va provoquer une réaction en Amérique latine, ce qui pourrait renforcer la position des gouvernements progressistes de la région ! » (TeleSur, 29 juillet 2016).

La boussole stratégique dont hérite le nouveau président américain compte trois aiguilles. Elles portent les noms de « prospérité », « sécurité » et « démocratie et gouvernance ». Toutes trois pointent vers le même horizon.

Passage de témoin

Dans le sabir du département d’État, « travailler à la prospérité » latino-américaine implique d’y signer autant d’accords de libre-échange (ALE) que possible. Le président George W. Bush avait négocié des ALE avec le Panamá et la Colombie ? Son successeur a repris le flambeau en déployant toute son énergie pour en garantir l’approbation par le Congrès. Et ce en dépit d’une forte opposition démocrate, en partie motivée par les assassinats de syndicalistes en Colombie.

La quête de prospérité s’entend également comme un synonyme de « réformes néolibérales » : austérité, dérégulation, réduction des droits de douane, etc. Depuis une quinzaine d’années, ce programme s’est avéré plus délicat à imposer : les pays de la région se sont peu à peu émancipés de l’« aide » du Fonds monétaire international (FMI), dont les programmes d’ajustement structurel avaient entraîné un fléchissement de la croissance et une augmentation de la pauvreté au cours des années 1980 et 1990. L’administration de M. Barack Obama a néanmoins conditionné son aide aux pays les plus pauvres à la mise en œuvre de réformes profitant aux investisseurs étrangers. Comme avec l’Alliance pour la prospérité — une mise à jour du plan Puebla-Panamá promu par M. Bush —, lancée fin 2014 avec les pays du « triangle nord » de l’Amérique centrale (Salvador, Guatemala et Honduras).

Dans le domaine de la sécurité, la stratégie actuelle de Washington découle des programmes militaires de contre-insurrection et de lutte contre la drogue des administrations précédentes. Lors des mandats de M. William Clinton (1993-2001) et de M. Bush (2001-2009), des milliards de dollars ont été consacrés au plan Colombie, une vaste offensive militaire contre le trafic de cocaïne (1). Résultat : des milliers de morts, des millions de déplacés, et… peu d’impact sur la production de drogue.

Or non seulement le plan a été maintenu, mais il a servi de modèle à d’autres « partenariats », avec le Mexique (initiative de Mérida) et avec l’Amérique centrale (Central America Regional Security Initiative). Mêmes causes, mêmes résultats : des vagues de violence sans précédent, qui ont fait d’innombrables morts chez les criminels présumés mais également dans la population, notamment au sein des mouvements sociaux.

Présenté comme apolitique, le programme « de démocratie et de gouvernance » dont M. Obama passera les rênes à M. Trump vise officiellement à la consolidation des institutions et au renforcement de l’État de droit. Les câbles diplomatiques du département d’État révélés par WikiLeaks en 2010 et 2011 peignent un tableau différent : les diplomates américains recourent à des méthodes bien rodées pour affaiblir, récupérer ou éliminer des mouvements politiques gênants — entendre « de gauche » (2). Particulièrement ceux considérés comme idéologiquement proches de feu le président vénézuélien Hugo Chávez.

Mais toutes les opérations destinées à déstabiliser la gauche latino-américaine ne se caractérisent pas par leur discrétion. Le 28 juin 2009, le président du Honduras Manuel Zelaya, proche du Venezuela, était renversé par l’armée. La secrétaire d’État Hillary Clinton refusait de reconnaître le coup d’État, ce qui aurait conduit à suspendre la plupart des aides américaines. Les manœuvres de Washington contribuant à la réussite du putsch ont scandalisé la région (3), sans que cela empêche les États-Unis de soutenir les gouvernements conservateurs qui se sont succédé depuis à Tegucigalpa.

Depuis 2010, le contexte économique défavorable a affaibli l’Amérique latine, permettant à la Maison Blanche d’enregistrer d’importantes avancées. L’ennemi juré, le Venezuela, s’enfonce dans une crise économique et politique qui le prive de sa capacité à agir sur la scène internationale. Après la mort de Chávez, en 2013, les États-Unis ont fait feu de tout bois : d’un côté, le dialogue ; de l’autre, la déstabilisation, par le biais de certains secteurs de l’opposition (4). La politique d’ouverture vis-à-vis de Cuba s’accompagnait ainsi d’une attitude opposée à l’égard du Venezuela, avec un nouveau régime de sanctions à la fin de l’année 2014.

Dans le même temps, Argentine et Brésil ont basculé à droite après douze années de gouvernements progressistes. Chaque fois, l’administration Obama a apporté son concours à ces évolutions : opposition aux prêts des institutions multilatérales accordés à Buenos Aires (rapidement levée après l’arrivée au pouvoir du conservateur Mauricio Macri en 2015) et soutien diplomatique au gouvernement par intérim au Brésil alors qu’une procédure de destitution (controversée) contre la présidente Dilma Rousseff était encore en cours (5).

Ne pas déranger les entreprises

Le paysage politique a donc bien changé depuis l’arrivée de M. Obama à la Maison Blanche. Il y a huit ans, la gauche dirigeait la plupart des pays de la région ; elle proclamait son indépendance avec assurance. En remettant les clés du bureau Ovale à M. Trump, M. Obama pourra se prévaloir de nombreuses « réussites » latino-américaines auprès de ceux qui lui reprocheront ses échecs au Proche-Orient et en Europe de l’Est. Honduras, Paraguay, Argentine, Brésil : les gouvernements de gauche sont tombés les uns après les autres, et les États-Unis ont retrouvé une part de leur influence passée dans la région.

Nul ne sait quelle sera réellement l’action du nouveau président américain. Depuis le début de la campagne, il s’est montré démagogue et capricieux. Mais la composition de son cabinet éclaire néanmoins la politique probable de son administration. Deux tendances se font jour : la militarisation accrue de la politique étrangère ; l’obsession de la « menace » iranienne et de l’« islam radical » (lire l’article ci-dessous). Deux tendances qui pourraient avoir d’importantes conséquences pour l’Amérique latine.

Même s’il a critiqué l’interventionnisme américain lors de la campagne et qu’il a fustigé les « gradés » qui « ne font pas leur boulot » (CBS, 13 novembre 2016), M. Trump a nommé davantage d’anciens militaires aux plus hautes responsabilités en matière de sécurité que tout autre président depuis la seconde guerre mondiale. Les généraux à la retraite James « Mad Dog » (« chien fou ») Mattis et Michael Flynn, respectivement secrétaire à la défense et conseiller à la sécurité nationale, avaient (dit-on) tous deux été écartés par M. Obama en raison de leurs positions extrémistes et bellicistes concernant l’Iran et l’« islam radical ». Interrogé sur les menaces les plus graves pour les États-Unis, M. Mattis a répondu : « L’Iran, l’Iran, l’Iran » (6), allant jusqu’à suggérer que Téhéran se cachait derrière l’Organisation de l’État islamique (OEI). Une hypothèse audacieuse…

Général à la retraite et ancien chef du théâtre des opérations pour le continent américain, M. John Kelly pilotera le département de la sécurité intérieure. Il avait alerté le comité des forces armées du Sénat au sujet de l’Iran et de « groupes islamiques radicaux » qui, profitant de la « confusion financière qui règne entre réseaux criminels et terroristes dans la région », animeraient des cellules dans la région (12 mars 2015). Cette thèse compte d’autres partisans, dont Mme Yleem Poblete, ancienne cheffe d’état-major de Mme Ileana Ros-Lehtinen, la représentante d’origine cubaine à l’origine de la loi Countering Iran in the Western Hemisphere Act (« contenir l’Iran dans l’hémisphère occidental ») en 2012.

Avec M. Obama à la Maison Blanche, de telles idées restaient cantonnées aux marges du débat. Elles pourraient dorénavant guider la politique américaine dans la région. La lutte contre les gouvernements de gauche pourrait ainsi se justifier par les relations qu’ils entretiendraient avec l’Iran, et les programmes dits de « sécurité » bénéficier de moyens supplémentaires pour lutter contre l’« infiltration terroriste » du crime organisé. On imagine donc mal que la prochaine administration se départisse des objectifs de « sécurité » et de « promotion de la démocratie » de ses prédécesseurs. Le modèle du plan Colombie pourrait au contraire être étendu à de nouvelles régions telles que la zone de la « triple frontière », entre l’Argentine, le Brésil et le Paraguay.
Car, même si — cas peu probable — le nouveau secrétaire d’État s’opposait à la militarisation rampante de la politique régionale, il rencontrerait une double résistance : celle de la bureaucratie du département d’État, elle-même de plus en plus militarisée (particulièrement le Bureau international des stupéfiants et de l’application de la loi, aux finances confortables) ; et celle du complexe militaro-industriel, qui bénéficiera de représentants au plus haut niveau dans la prochaine administration.

Quid de Cuba ? Toute remise en question de la politique d’ouverture susciterait l’opposition d’une grande partie du monde des affaires, soucieux de profiter d’un nouveau marché. Or, s’il est un point sur lequel M. Trump a été clair, c’est qu’il ne souhaite pas compliquer la vie des chefs d’entreprise. À la décision de poursuivre sur la voie balisée par M. Obama pourrait toutefois s’en ajouter une autre : adopter une stratégie plus agressive de « promotion de la démocratie » — entendre : déstabiliser le pouvoir castriste en utilisant des méthodes d’intervention discrètes. Mais encore faudrait-il que le style « grossier » décrit par le président équatorien ne renforce pas la détermination des capitales latino-américaines à poursuivre leur émancipation par-delà leurs divergences idéologiques.

D’autres facteurs pourraient contribuer encore davatange à l’éloignement entre les États-Unis et le sous-continent. Si M. Trump devait tenir sa promesse de renégocier les accords commerciaux liant son pays et d’imposer des droits de douane sur divers produits en concurrence avec la production latino-américaine, il ferait alors plus que les présidents Chávez, Correa ou Evo Morales (le président de la Bolivie) pour lutter contre le libre-échange et la mainmise des entreprises du Nord sur la région.

Dans ce domaine, il devrait toutefois affronter l’opposition — vive — de l’élite économique de son pays. Une élite dont il a déjà nommé divers représentants au sein de son cabinet, y compris au département d’État, et qui, par ailleurs, ne manque pas de porte-voix au Congrès.

Intrusion chinoise

Au milieu de toutes ces interrogations, une certitude : la principale menace pour l’hégémonie américaine dans la région proviendra de Chine. L’accroissement des investissements et des prêts de l’empire du Milieu aux pays latino-américains a contribué à éroder le poids financier et économique de Washington. Les échanges commerciaux ont bondi d’environ 13 milliards de dollars en 2000 à... 262 milliards de dollars en 2013, propulsant la Chine au deuxième rang des destinataires des exportations régionales. Si les investissements chinois soulèvent les mêmes problèmes sociaux et environnementaux que ceux des États-Unis, ils ne comportent en général pas de clause de contrepartie politique locale — une différence de taille. L’expansion économique de la Chine dans la région a donc représenté une aubaine pour les gouvernements progressistes, puisqu’elle leur a permis de mettre en œuvre des politiques sociales audacieuses. Entre 2002 et 2014, la pauvreté en Amérique latine a baissé de 44 à 28 %, après avoir augmenté au cours des vingt-deux années précédentes.

Si le ralentissement de la croissance chinoise a eu un impact négatif sur la région, Pékin semble déterminé à prendre de plus en plus de place dans les domaines économique et politique. La décision de M. Trump de dénoncer le partenariat transpacifique (TPP) offre de nouvelles perspectives pour le commerce et les investissements chinois, comme le président Xi Jinping n’a pas manqué de le souligner fin novembre lors d’un voyage au Chili, en Équateur et au Pérou. Face à une administration américaine imprévisible et potentiellement hostile, qui a déclaré son intention de résister à l’influence chinoise en Asie de l’Est, l’appel de M. Xi à une « nouvelle ère de relations avec l’Amérique latine (7) » dénote son ambition stratégique de développer ses relations commerciales et diplomatiques dans l’« arrière-cour » américaine.

Alexander Main
Analyste politique au Center for Economic and Policy Research (CEPR), Washington, DC.
(3) Cf. « “A new chapter of engagement” : Obama and the Honduran coup » (PDF), Nacla Reporting on the Americas, North American Congress on Latin America, New York, janvier 2010.
(4) Lire « Au Venezuela, la tentation du coup de force », Le Monde diplomatique, avril 2014.
(5) Lire Laurent Delcourt, « Printemps trompeur au Brésil », Le Monde diplomatique, mai 2016.
(6) Mark Perry, « James Mattis’ 33-year grudge against Iran », Politico Magazine, New York, 4 décembre 2016.
(7) Matt Ferchen, « What’s new about Xi’s “new era” of China-Latin America Relations ? », The Diplomat, 26 novembre 2016.

jeudi 22 décembre 2016

AU CHILI, LES MOMIES LES PLUS VIEILLES DU MONDE PASSENT UN SCANNER



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MOMIE DU PEUPLE CHINCHORROPHOTO LA SEGUNDA 
C'est une radiographie un peu particulière que vient de réaliser une clinique de Santiago du Chili : celle de quinze momies du peuple Chinchorro, considérées comme les plus anciennes au monde, afin de reconstituer leur physionomie.
MOMIE DU PEUPLE CHINCHORRO 
Population de pêcheurs et chasseurs ayant vécu sur la côte du désert d'Atacama des années 10.000 à 3.400 avant notre ère, les Chinchorro ont été parmi les premiers à momifier leurs morts. Leurs momies ont 7.400 ans d'ancienneté, au moins 2.000 de plus que leurs homologues égyptiennes.


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LES MOMIES LES PLUS VIEILLES DU MONDE
© ANELLA RETA, PABLO LOPEZ AFP

La semaine dernière, quinze d'entre elles - des enfants et des fœtus principalement - ont passé un scanner dans la clinique Los Condes, à Santiago.

L'opération a permis de les radiographier avec précision et de rassembler ainsi "des milliers d'images de moins d'un millimètre", explique à l'AFP le chef de radiologie Marcelo Galvez.

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POPULATION DE PÊCHEURS ET CHASSEURS AYANT VÉCU SUR LA CÔTE DU DÉSERT D'ATACAMA DES ANNÉES 10.000 À 3.400 AVANT NOTRE ÈRE, LES CHINCHORRO ONT ÉTÉ PARMI LES PREMIERS À MOMIFIER LEURS MORTS. 
PHOTO MARTIN BERNETTI
"L'étape suivante, c'est de faire la dissection de ces corps de manière virtuelle, sans les toucher, afin de nous assurer de pouvoir les conserver encore 500.000 ans", ajoute-t-il.

Pour cela, plusieurs ordinateurs ont déjà commencé à "reconstruire" en images l'aspect de ce peuple, en ajoutant aux momies des muscles, un nez, un menton... afin peu à peu de "voir à quoi ils ressemblaient physiquement, de voir en direct quelqu'un qui est mort il y a des milliers d'années", s'enthousiasme le docteur Galvez.

Les scientifiques cherchent aussi à mieux comprendre le processus complexe de momification qu'utilisaient les Chinchorro.

Fins connaisseurs de l'anatomie humaine, ils retiraient la peau et les muscles des cadavres, pour n'avoir plus qu'un squelette.

Ensuite, ils reconstituaient la forme du corps avec du bois et de la fibre végétale, le tout recouvert d'une couche d'argile, avant d'y remettre la peau et d'y ajouter des yeux et une bouche.


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LEURS MOMIES ONT 7.400 ANS D'ANCIENNETÉ, AU MOINS 
2.000 DE PLUS QUE LEURS HOMOLOGUES ÉGYPTIENNES. 
PHOTO  MARTIN BERNETTI
- "Mieux comprendre" les Chinchorro -

MOMIE DU PEUPLE CHINCHORRO 
Pour finir, la tête était décorée d'un masque sur le visage, d'une perruque de cheveux naturels ou mélangeant des fourrures d'animaux, explique Veronica Silva, responsable du département d'anthropologie du Musée national d'histoire naturelle de Santiago.

Le scanner a d'ores et déjà offert une grande surprise aux chercheurs : la momie la plus petite ne contenait pas de corps humain.

"Elle n'a pas de structure osseuse et il s'agit donc d'une figurine qui pourrait être une représentation d'un individu que l'on n'a pas pu momifier", avance Veronica Silva.

Aucun mobilier funéraire n'a été retrouvé à côté des près de 180 momies découvertes depuis 1903, simplement disposées près de la plage Chinchorro - qui donne son nom au peuple en question -, ce qui laisse penser que les Chinchorro n'avaient pas de croyances liées à la vie après la mort.

Mettre un visage sur cette civilisation, en décodant leur ADN et en identifiant quels traits génétiques sont encore présents chez la population actuelle, telle est l'ambition des chercheurs.

L'objectif est "de mieux comprendre leur mode de vie, de leur régime alimentaire jusqu'aux gènes qui seraient encore présents chez nous les Chiliens", souligne l'anthropologue.
Santiago du Chili (AFP) -  © 2016 AFP

mercredi 21 décembre 2016

EXPOSITION: « MAPUCHE - VOYAGE EN TERRE LAFKENCHE » DE RITUAL INHABITUAL


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PHOTO RITUAL INHABITUAL
Communiqué Musée de l’Homme - Entre photographie, ethnographie et ethnobotanique, l’exposition mêle de manière originale art et sciences et nous emmène à la découverte du peuple Mapuche, qui vit actuellement dans le sud du Chili et dans l’environnement urbain de Santiago.
PHOTO RITUAL INHABITUAL
Née d’une collaboration inédite entre le collectif d’artistes « Ritual Inhabitual » et les chercheurs du Département « Hommes, Natures, Sociétés » du Muséum national d’Histoire naturelle, l’exposition met à l’honneur la culture Mapuche et notamment la cosmogonie, les pratiques rituelles et la connaissance des plantes qui se maintiennent, se transmettent et se transforment à travers la relation entre l’ancienne et la nouvelle génération.


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PHOTO RITUAL INHABITUAL
Le travail photographique sur les communautés amérindiennes « traditionnelles » mais aussi catholiques, évangéliques et les jeunes rappeurs de la banlieue de Santiago, a donné naissance à une magnifique galerie de portraits des acteurs des principaux rituels de ce peuple ; tandis qu’en parallèle, une étude sur les plantes endémiques a permis la création d’un herbier, qui illustre non seulement la diversité des formes végétales existantes dans la région, mais aussi la diversité d’usages associés à ces plantes.


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PHOTO RITUAL INHABITUAL
Toutes les images ont été réalisées avec une technique photographique atypique « le collodion humide », l’un des premiers procédés photographiques sur plaque de verre datant de 1851.


Expositions  du 18/1/2017 au 23/4/2017
Musée de l'Homme Palais de Chaillot
17, Place du Trocadéro, 75 016, Paris, France
tel. 01 44 05 72 72

mardi 20 décembre 2016

CHILI BAVURE POLICIÈRE : UN JEUNE MAPUCHE DE 17 ANS GRIÈVEMENT BLESSÉ PAR UN TIR DE FUSIL DE CHASSE


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BRANDON HERNÁNDEZ HUENTECOL
Un jeune mapuche fut grièvement blessé par un tir de fusil de chasse, le dimanche 18 décembre 2016 lors d'un contrôle d’identité dans la Région de l'Araucanie.
BRANDON HERNÁNDEZ HUENTECOL EST CONDUIT À L'HÔPITAL
Le jeune chilien Brandon Hernández Huentecol, de 17 ans a souffert, dimanche d’une agression brutale de la part de la police militarisée, qui ont tiré sur lui avec un fusil de chasse. Il a été admis dans un état critique à la Clinique Allemande de Temuco.

LE SERGENT CRISTIAN RIVERA
CAPTURE D'ÉCRAN 
La bavure policière, a eu lieu dans la localité de Curaco située dans la commune de Collipulli, dans le sud du Chili. Elle s'est déclenchée quand un groupe de personnes a protesté contre la façon dont des policiers contrôlaient un mineur de 13 ans, frère de Brandon Hernández Huentecol, qui est venu à son secours. Il fut alors arrêté à son tour, puis plaqué violemment au sol, moment où l’un des Carabiniers a fait feu avec un fusil de chasse et il lui a causé de graves blessures.


SUR LE MÊME SUJET :

samedi 17 décembre 2016

«À ALEP, SORTONS ENFIN DES VUES MANICHÉENNES»


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CAROLINE GALACTÉROS 
FIGAROVOX/ENTRETIEN - La ville d'Alep a été le lieu d'une bataille sanglante depuis 2012. Pour la géopolitologue Caroline Galactéros, une politique d'équilibre des intérêts entre Washington et Moscou serait la seule manière de sauver la Cité antique et le reste du pays.



FIGAROVOX. - L'armée syrienne a repris aux rebelles la ville d'Alep, ancienne capitale économique du pays. Comment percevez-vous le traitement médiatique de cette bataille décisive dans le conflit syrien? 

PHOTO GEORGE OURFALIAN
Caroline GALACTEROS.-

Si vous me pardonnez cette franchise, je le trouve globalement déplorable et surtout dangereux. Par ignorance, goût du sensationnalisme et de la polarisation manichéenne des situations, confiance excessive dans les réseaux sociaux, ou par inclination à relayer la doxa véhiculée par le pouvoir et ses alliés, la plupart des médias se sont engouffrés depuis des mois dans la brèche de la facilité et ont relayé bien des informations parcellaires voire fausses (cf. l'affaire des «Casques Blancs» ou «l'opération OSDH» - source unique elle aussi anglaise, clairement contestable et pourtant devenue la référence depuis cinq ans ). 

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LA BATAILLE D’ALEP ET SES ACTEURS
SITUATION AU 30 NOVEMBRE 2016

Comment voyez-vous les événements?


La partie Est de la ville d'Alep a été, dans la douleur et au prix d'une tragédie humaine indéniable, libérée de djihadistes qui s'en étaient emparés dès 2012.

La partie Est de la ville d'Alep a été, dans la douleur et au prix d'une tragédie humaine indéniable, libérée de djihadistes qui s'en étaient emparés dès 2012. La méthode russe de bombardement intensif est évidemment difficilement acceptable au plan humain, au plan des individus. Les forces occidentales notamment françaises, c'est tout à leur honneur, cherchent davantage à éviter des pertes civiles massives. Elles en font malgré tout nécessairement car la précision de ces frappes n'a de «chirurgicale» que le nom. On les appelle alors pudiquement des «bavures» ou des «dommages collatéraux», on les passe sous silence ou on les relaie très peu médiatiquement. Pourquoi? Parce que depuis le début de ce conflit (comme dans bien d'autres d'ailleurs) et notamment depuis l'intervention militaire russe d'octobre 2015, il s'agit de délégitimer voire de criminaliser l'action de Moscou, comme si elle était de nature fondamentalement différente de la nôtre. Or, la différence n'est pas là. Ce sont nos objectifs politiques et militaires qui, malheureusement, sont très différents et c'est d'ailleurs cet écart béant qui, - pour une grande part-, fait durer le conflit et qui fait beaucoup de morts... La polarisation politique délibérée autour d'un «bon» et d'un «mauvais» camp bat son plein. Ce manichéisme est pour moi extrêmement dangereux et renvoie à l'agenda véritable de la Coalition en Syrie aujourd'hui clairement mis en échec par l'intervention de Moscou mais qui est surtout depuis le début, diamétralement opposé à celui de la Russie. En effet, il ne s'agissait pas pour les États-Unis, les puissances européennes et les monarchies du Golfe ou la Turquie, de réduire le cancer islamiste sous toutes ses formes - pas seulement celle de Daech, bouc-émissaire spectaculaire -, mais de déstabiliser l'État syrien et faire tomber le régime d'Assad coûte que coûte. Il en a coûté effectivement bien des vies innocentes. On a donc crédibilisé dès 2011 les groupes islamistes radicaux issus d'Al-Qaïda pour délégitimer radicalement la résistance du régime syrien (certes brutale et qui au début a volontairement joué sur les islamistes en embuscade pour balayer l'embryon d'opposition démocratique presque immédiatement débordé puis disparu).

Quid de la responsabilité des rebelles dans la situation humanitaire?


Notre focus systématique sur l'individu escamote la dimension politique et stratégique.

Elle est première. On a passé sous silence les pratiques horrifiantes de ces groupes islamistes (exécutions, tortures, racket, enrôlement des enfants…) pour tenir en otages les populations syriennes - toutes communautés confondues - sous leur coupe afin de se protéger des frappes. Au-delà, le problème de la médiatisation relève de la quadrature du cercle. Il est évident que l'on ne peut que s'indigner en tant qu'humain de ce que subissent les civils dans les guerres car notre focus systématique sur l'individu escamote la dimension politique et stratégique. Et là, on a un problème. Car pour en finir avec les djihadistes d'Alep, il faut pouvoir les séparer de leurs populations-boucliers. Soit par la persuasion, soit par la force. C'est ce qui a fini par arriver lorsqu'enfin ont pu être mis en place (pas grâce aux États-Unis) des corridors d'exfiltration des civils et de reddition des derniers djihadistes souhaitant eux-mêmes éviter la mort.

Parleriez-vous de guerre civile?

Il n'y a pas de guerre civile à proprement parler en Syrie. Il y a une guerre contre tous les Syriens (toutes confessions et communautés confondues) qui est menée de l'extérieur contre ces populations. Les rebelles les retiennent sous leur coupe nous l'avons dit, les rançonnent, menacent les familles de ceux qui voudraient fuir, utilisent écoles et hôpitaux pour s'y retrancher, y disposer leurs snipers et provoquer l'opprobre occidental contre ceux qui n'hésitent pas à les en déloger.

Bachar al-Assad s'érige depuis longtemps en rempart contre le «terrorisme». Dans quelle mesure s'agit-il là d'un moyen tactique pour écarter l'opposition modérée?
Depuis quatre ans, il n'y a plus un «rebelle modéré» en Syrie.
Bien sûr, cela a été un moyen du régime au tout début de la Guerre, lorsqu'existait un embryon d'opposition modérée. Mais depuis quatre ans, il n'y a plus un «rebelle modéré» en Syrie. C'est une pure utopie voire un mensonge éhonté et délibéré. C'est d'ailleurs tout le problème de la représentativité des interlocuteurs patronnés par les uns ou les autres dans la perspective de négociations. Il faut d'abord vider l'abcès djihadiste et pas seulement reprendre Raqqa à Daech. Puis chercher à favoriser un dialogue inter-Syriens entre personnalités ayant du poids dans la population syrienne et souhaitant une Syrie unitaire, laïque, pluraliste et stable. Et pour tout cela, il faut que Washington et Moscou s'entendent et ne se tirent plus dans les jambes.



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LE RAPPROCHEMENT AVEC MOSCOU PERMETTRAIT DE COMBATTRE L'ISLAMISME,
LE VÉRITABLE ENNEMI DE L'OCCIDENT, SELON CAROLINE GALACTÉROS.
PHOTO JIM WATSON 


L'arrivée de Donald Trump serait-elle donc une bonne nouvelle pour un tel apaisement?
Précisément l'attitude occidentale en Syrie est tout sauf « morale ».
Oui, en théorie! La pratique est plus triste. Le nouveau Président met en péril les véritables objectifs - notamment énergétiques - de l'Administration sortante, dont l'engouement pour le regime change et les «printemps arabes» devaient servir la mise en œuvre... Trump a dit qu'il souhaitait s'entendre avec Moscou pour combattre un péril commun. C'est une véritable révolution, extraordinairement positive, que nous devrions prendre en compte au lieu de nous en indigner! Il a choisi un secrétaire d'État de grande qualité qui connaît et aime la Russie. De quoi se plaint-on? Nos critiques, nos doutes pusillanimes sont des enfantillages. A croire que l'on préfère la bonne vieille et stérile Guerre froide qui fait le jeu des pires démons et à coup sûr de nos ennemis qui fouillent les plaies béantes de notre Occident écartelé. Alors, plutôt que d'ouvrir les yeux, au plus haut niveau - celui du président Obama et de Hillary Clinton, vaincue mais décidée à nuire -, on fait tout ce raffut à Washington sur l'ingérence russe supposée dans la présidentielle. Et il faut craindre que tout sera tenté pour faire avorter ce projet de rapprochement pragmatique avec la Russie, si salutaire pour le monde pourtant.

La morale est-il tout ce qui reste à l'Occident qui, en Syrie, a perdu la main politiquement?
Il faut en finir avec le Bien (Nous) et le Mal (ce qui n'est pas nous, ceux qui ne nous obéissent pas).
Précisément l'attitude occidentale en Syrie est tout sauf «morale». La morale en relations internationales n'existe pas. Il n'y a qu'un entrechoquement plus ou moins violent de forces, d'ambitions, d'intérêts, de capacités de nuisance et d'influence. Mais évidemment, en cette époque où il faut faire croire à chacun qu'il est égal à tous les autres, qu'il compte et décide, qu'il juge et choisit, on cherche à trouver des motivations supposées élevées à nos volontés d'ingérence. De facto l'exigence morale s'est progressivement abîmée en moralisation cynique. Il faut en finir avec le Bien (Nous) et le Mal (ce qui n'est pas nous, ceux qui ne nous obéissent pas). C'est affligeant d'ignorance, d'indigence de pensée par rapport au réel et surtout cela ne porte aucun progrès humain. La morale est contingente. Elle porte sur des idéalités extérieures aux hommes et ne les contraint in fine en rien. Elle s'abîme invariablement en prêchi-prêcha stérile ou dangereux. Elle ne sert que l'opposition, le conflit, la rapacité, la surenchère. En quoi nous sert-elle à mieux comprendre un conflit, à mettre en œuvre des solutions viables. Les exemples de cette impasse sont innombrables.


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QUELQUE 25 000 PERSONNES AVAIENT ÉTÉ ÉVACUÉES D’ALEP-EST, MARDI 20 DÉCEMBRE 2016. CERTAINES ÉTAIENT DIRIGÉES VERS LA TURQUIE, D’AUTRES VERS LA PARTIE OCCIDENTALE DE LA VILLE, TENUE PAR LE RÉGIME, D’AUTRES ENFIN ONT ÉTÉ TRANSFÉRÉES VERS LA RÉGION D’IDLIB, À UNE SOIXANTAINE DE KILOMÈTRES D’ALEP, UNE ZONE ENCORE AUX MAINS DES REBELLES.


Le réalisme en politique internationale peut-il être éthique?
La realpolitik est infiniment plus humaine et protectrice des individus - qui sont toujours les otages et les victimes des affrontements politiques -, que le dogmatisme moralisateur.
À part au plan étymologique, éthique et morale à mes yeux sont bien différentes. Quand la morale est essentiellement contingente, dépendant du lieu, du temps et des intérêts particuliers d'un pouvoir ou d'une caste, l'éthique elle, est une immanence. Chacun la porte en soi comme une force plus ou moins enfouie mais toujours mobilisable, qui le rapproche de chaque autre homme. C'est un effort pour rester soi-même, pour retrouver et exprimer son humanité (commune à tous les hommes) dans des situations les pires, celles qui vous éprouvent (et la guerre en est évidemment une) et vous donnent aussi l'occasion de donner libre court à votre part de sauvagerie sans grande conséquence. Je maintiens que la realpolitik est infiniment plus humaine et protectrice des individus - qui sont toujours les otages et les victimes des affrontements politiques -, que le dogmatisme moralisateur qui prétend étendre la démocratie et le marché à la planète et dans les faits, laisse advenir les pires régressions humaines. Il faut en conséquence comprendre l'utilité de protéger les États, de réhabiliter les souverainetés, de restaurer des frontières au lieu de répandre des utopies uniformisantes et libertariennes qui fragilisent les individus et les nations, dissolvent leurs ferments de cohésion et jettent les unes contre les autres des communautés politiques et/ou confessionnelles livrées à l'instrumentalisation politique violente. C'est un grand paradoxe, mais un paradoxe agissant.


Caroline GALACTEROS.- Docteur en Science politique et colonel au sein de la réserve opérationnelle des Armées, Caroline Galactéros dirige le cabinet d'intelligence stratégique Planeting. Auteur du blog Bouger Les Lignes, elle a publié Manières du monde. Manières de guerre (éd.Nuvis, 2013) et Guerre, Technologie et société (éd. Nuvis, 2014).