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mardi 30 août 2011

CHILI : L'ÉTUDIANTE QUI FAIT TREMBLER LE GOUVERNEMENT

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CAMILA VALLEJO LORS D'UNE MANIFESTATION À SANTIAGO DU CHILI. AOÛT 2011


Ce que Camila Vallejo appelle le « printemps du peuple chilien » débute il y a trois mois dans les universités de la capitale et d'ailleurs. Ici, pour s'inscrire à la fac, la plupart des étudiants doivent lourdement s'endetter. Un jour, ils disent "Basta !". Et de sécher cours et examens pour peindre leurs revendications sur les banderoles. Ils veulent une éducation gratuite et de qualité. A force de pavés battus, le mouvement se durcit, s'étend et, comme un détonateur, secoue d'autres catégories de la société chilienne, secteur public en tête. Ils réclament au très impopulaire président conservateur et milliardaire Sebastian Piñera des réformes à un ordre social et politique en partie hérité de la dictature d'Augusto Pinochet, de 1973 à 1990.

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 PORTRAIT DE CAMILA VALLEJO À SANTIAGO DU CHILI. AOÛT 20111
Point d'orgue de la grogne, deux jours de grève nationale la semaine dernière endeuillés par la mort d'un étudiant. C'est du jamais-vu depuis le retour à la démocratie en 1990. « Il est temps de changer de système politique, de système économique, afin de parvenir à une redistribution plus juste du pouvoir et des richesses », explique Camila Vallejo à Reuters.

"Nous sommes tous amoureux d'elle"

Dotée d'un charisme indéniable et bonne oratrice, la jeune communiste sait convaincre. Il y a quelques mois, cette étudiante en géographie est élue à la tête de la Fédération des étudiants chiliens. En 105 années d'existence du syndicat, elle est la deuxième femme à occuper ce poste. En juin, son organisation contribue à faire descendre des milliers de jeunes dans les rues de Santiago et d'autres villes chiliennes. Elle est de tous les cortèges, de tous les plateaux de télévision. A chacun, inlassablement, elle explique avec calme leur quotidien, leur colère. Son discours n'est pas le seul qui séduit. Son visage fin et ses yeux bleu-vert conduisent des milliers de personnes, étudiants ou pas, à se dire prêts à la suivre jusqu'au bout.

« Nous sommes tous amoureux d'elle », a dit à son sujet le vice-président... bolivien. Et Alvaro García Linera d'encourager les autres jeunes d'Amérique latine de suivre la voie tracée par Camila Vallejo. Les plus conquis vont jusqu'à lui dédier des odes sur You Tube. L'une de ces vidéos est une succession de clichés de la belle brune. Camila qui sourit, Camila l'air grave, Camila qui tient une banderole, Camila haranguant la foule. La jeune révolutionnaire agace aussi. Sur le Net, certains se jouent de sa plastique qu'elle ne met pourtant pas en valeur. Elle leur rabat tant bien que mal le caquet en reconnaissant que oui, certains viennent sans doute à ses discours pour sa plastique mais qu'elle a ensuite tout loisir de leur transmettre ses idées. D'autres la mettent en scène dans des montages grossiers avec le ministre de l'Education Felipe Bulnes.

« Si on tue la chienne... »

Mais cet agacement dépasse la moquerie facile derrière l'écran d'ordinateur. Récemment, elle et sa famille ont été placées sous protection policière suite des menaces physiques. L'une d'elles est venue d'une responsable du ministère de la Culture. Cette femme, Tatiana Acuña avait écrit sur son Twitter au sujet de Camila Vallejo : « Si on tue la chienne, on se débarrasse de la portée ». Une phrase de sinistre mémoire prononcée par le général Pinochet, le 11 septembre 1973, jour du coup d'Etat contre le président Salvador Allende. Tatiana Acuña a présenté ses excuses mais a quand même été virée.

Avec un tel parcours, nombreux sont ceux prédisant à Camila Vallejo un bel avenir politique. Pour le moment, elle botte en touche. Chaque chose en son temps, répond-elle en substance. Prochaines étapes de ce « printemps du peuple chilien » : une rencontre syndicats étudiants-président Pinera prévue mardi et une nouvelle manifestation le 11 septembre. Nul doute que la « Che Guevara » du XXIe siècle sera en tête du cortège.

Le point sur les revendications

La contestation étudiante pour une réforme de l'éducation a réveillé des pans de la société qui réclament à présent des réformes à un ordre social et politique en partie hérité de la dictature. Jamais, depuis le retour de la démocratie il y a 21 ans, des secteurs de la société, comme les étudiants, ouvriers, ménages des classes moyenne, n'avaient paru aussi unis dans une contestation comme celle qui a culminé en 48 heures de grève générale mercredi et jeudi.

Les revendications touchaient, pêle-mêle, au code du travail, au régime des impôts, à l'éducation, la santé, au changement de la Constitution de 1980, qui reste héritée du dictateur Augusto Pinochet, malgré d'importantes réformes depuis. « Il s'agit aujourd'hui de (demandes pour) changer jusqu'à la légalité même du système institutionnel hérité de la dictature, dans le modèle d'éducation, le modèle socio-économique, le modèle politique », analyse pour l'AFP Manuel Antonio Garreton, sociologue de l'Université catholique.


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 PORTRAIT DE CAMILA VALLEJO À SANTIAGO DU CHILI. AOÛT 2011


En cause aussi, le système électoral, favorisant à outrance deux blocs, et excluant les minorités, un système sanctionné par les jeunes : 75% des 18-29 ans n'étaient pas inscrits sur les listes aux élections générales de 2009. « La population est excédée de la façon dont le pouvoir se distribue et s'exerce, et davantage que de petites réformes, ce qui est demandé est un changement des règles du jeu », résume l'analyste politique Jorge Navarrete, dans une chronique du quotidien La Tercera. (Avec AFP)

VIOLENCES AU CHILI: SANCTIONS DANS LA POLICE APRÈS LA MORT D'UN JEUNE

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LE DIRECTEUR DES CARABINIERS, LE GÉNÉRAL EDUARDO GORDON A EXPLIQUÉ MARDI QUE «DES RESPONSABILITÉS SUPPLÉMENTAIRES AVAIENT ÉTÉ IDENTIFIÉES DANS LA CHAÎNE DE COMMANDEMENT» ET QU'UN COLONEL, UN CAPITAINE ET UN MAJOR ÉTAIENT DÉMIS DE LEURS FONCTIONS, «CONSÉQUENCES COLLATÉRALES» DE LA MORT DU JEUNE HOMME.
 PHOTO LUCIANO RIQUELME

Le gouvernement a demandé au directeur des Carabiniers (police), le général Eduardo Gordon, qu'"il sollicite la démission du général Sergio Gajardo", le responsable adjoint de la police à Santiago, a annoncé à la presse le ministre de l'Intérieur Rodrigo Hinzpeter.

Le général Gajardo avait exclu avec force vendredi dans des déclarations à la presse qu'une arme à feu eut été employée par des policiers la nuit précédente, alors que la famille de la victime, sur la base de témoignages, avait immédiatement accusé la police d'être à l'origine du tir mortel.

Le général avait même initialement exclu une enquête interne.

Manuel Gutierrez, 16 ans, avait été atteint à la poitrine par un tir dans le quartier de Macul, dans l'est de Santiago, l'un des plusieurs quartiers de capitale où des violences avaient opposé des jeunes et policiers dans la nuit de jeudi à vendredi, entre les deux jours d'une grève nationale.

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LE GÉNÉRAL SERGIO GAJARDO, ANCIEN LIEUTENANT DU GROUPE D’OPÉRATIONS « SPÉCIALES » DE LA POLICE CHILIENNE, DÉJÀ MIS EN CAUSE DANS PLUSIEURS DOSSIERS DE VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME SOUS LA DICTATURE, NOTAMMENT L’ÉLIMINATION D'OPPOSANTS DÉSARMÉS
Le chef de la police métropolitaine, le général Jose Luis Ortega, a annoncé lundi qu'après enquête, il avait été établi qu'un sous-officier chef de patrouille "avait fait usage de son arme", un pistolet-mitrailleur Uzi, à deux reprises cette nuit-là.

Le policier en question, qui a été mis à pied, "a signalé qu'il n'avait pas tiré vers un groupe de personnes, mais en l'air", a précisé le général Ortega, tout en indiquant que le sous-officier avait ensuite nettoyé son arme et remplacé les munitions manquantes sans rédiger de rapport.

Le général Ortega ne s'est pas prononcé sur l'éventuelle responsabilité du sous-officier dans la mort de l'adolescent.
"La responsabilité des faits sera établie scientifiquement par les expertises qui vont être conduites", a-t-il ajouté.

Le gouvernement n'a pas attendu ces conclusions pour de premières sanctions. Il a estimé que le général Gajardo "a agi de manière hâtive et prématurée, en écartant une enquête qui paraissait recommandable et nécessaire", a déclaré le ministre Hinzpeter lundi soir.

Quatre autres policiers, dont une femme, ont été mis à pied, selon le ministre, qui n'a pas exclu d'autres sanctions au sein de la police.

La mort de Manuel Gutierrez avait donné un tour tragique aux violences qui ont marqué la grève nationale de 48 heures décrétée par la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), premier syndicat chilien, pour réclamer un meilleur partage des fruits de la croissance.

La mobilisation s'inscrivait dans le sillage de la forte contestation étudiante depuis plus de trois mois pour une réforme de l'éducation.

Plus de 200 personnes ont été blessées et 1.400 arrêtées au cours des heurts de la semaine dernière.
L'une des principales organisations au coeur de la mobilisation étudiante, la Fédération des étudiants de l'Université du Chili (Fech) a demandé lundi la démission du ministre de l'Intérieur.

lundi 29 août 2011

CHILI: PIÑERA DEMANDE UN DIALOGUE CONSTRUCTIF AVEC LES ÉTUDIANTS


Les étudiants qui réclament une augmentation du budget et une meilleure qualité de l'enseignement public, ont accepté l'invitation de M. Piñera qui avait appelé vendredi à un dialogue "immédiat", après trois mois de manifestations et deux jours de grève nationale à l'initiative du plus grand syndicat du pays.

Maintenir la pression

"Le moment est venu de trouver des solutions, c'est pour cela que j'ai demandé un dialogue avec le gouvernement, le président, le Congrès, mais ce doit être un dialogue où il faudra mettre de la bonne volonté, constructif, qui vise des solutions", a déclaré dimanche M. Piñera qui avait jusqu'ici laissé le soin à ses ministres de dialoguer avec les représentants des protestataires.

Les organisations d'étudiants ont assuré qu'elles maintiendraient la pression et demandé au gouvernement de suspendre les projets de loi qu'il présente comme une solution du conflit, alors que les étudiants jugent ces mesures insuffisantes. Ils réclament un changement plus radical du système inégalitaire de l'éducation, hérité de la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990).


dimanche 28 août 2011

1 800 - UN NOMBRE SYMBOLE



FIN DE LA COURSE 1.800  HEURES POUR L'ÉDUCATION AU CHILI. 
PHOTOS CRISTIÁN CARVALLO
1 800, un nombre dont se sont emparés ceux qui ne se contentent pas de vagues promesses. C’est le nombre d’heures que se sont fixés les coureurs de Santiago, qui se relaient inlassablement depuis le 13 juin pour faire le tour de la Moneda, le palais présidentiel. La course s’achèvera le 27 août, avis aux amateurs…

Le 6 juillet, on pouvait voir se rassembler sur la place du tribunal de Concepción 80 couples "Enamorados y endeudados hasta las patas".(Amoureux et endettés jusqu’au cou.), engagés dans un baiser de 1 800 secondes (30 mn…) lors d’un "Besatón" qui fit des émules.

vendredi 26 août 2011

TRAVAILLEURS ET ÉTUDIANTS DANS LA RUE



"C'est une journée historique, celle de l'une des plus importantes manifestations depuis le retour de la démocratie au Chili", s'exclame le quotidien argentin La Nación au lendemain de la grève générale de deux jours convoquée par la Centrale Unitaire des Travailleurs (CUT), la principale centrale syndicale chilienne. 600 000 manifestants selon les organisateurs, 175 000 selon le gouvernement ont en effet marché dans les rues de Santiago et des principales villes chiliennes le jeudi 25 août pour réclamer notamment une nouvelle Constitution et soutenir le mouvement des étudiants et lycéens qui, mobilisés depuis bientôt trois mois, demandent la refonte du système éducatif.

La plupart des grands quotidiens chiliens, très conservateurs, titrent pour leur part, à l'image de la Tercera, sur le fait que "les manifestations n'ont pas réussi à paralyser le pays" et sur les incidents violents qui ont émaillé ces deux jours de contestations. "Ce sont les manifestations les plus violentes de ces quatre dernières années", affirme ainsi La Tercera, relevant les heurts entre manifestants, casseurs et policiers qui ont eu lieu dans le centre de Santiago à la fin de la manifestation.


"Il faut être juste. L'appel de la CUT n'aurait pas eu le même impact sans l'energie des étudiants qui grâce à leurs réclamations ont mis en relief toutes les plaintes des citoyens", souligne le quotidien argentin Página 12. Etudiants et lycéens, déployant des trésors de créativité, manifestent presque quotidiennement depuis début juin pour réclamer une éducation gratuite et de qualité pour tous. Le système éducatif chilien est parmi les plus onéreux et les plus inégalitaires du monde. L'Etat ne consacre que 4,4 % du PIB à l'éducation. Seuls les enfants des familles les plus riches peuvent bénéficier de l'enseignement de qualité dispensé dans des institutions privées. Les autres doivent se contenter d'établissements semi-publics, qui restent chers, ou publics, aux mains des municipalités (depuis le régime de Pinochet), connus pour leur manque de moyens et leur mauvais niveau. La plupart des Chiliens s'endettent pour pouvoir faire des études universitaires.


La principale leader de la contestation étudiante, Camila Vallejo, a réfuté les affirmations du gouvernement disant que les syndicats profitaient de la mobilisation étudiante. "Travailleurs et étudiants ont toujours été ensemble. La demande des étudiants est une demande sociale, une réforme de l'éducation qui est une réforme structurelle qui concerne le peuple chilien et nos familles", a-t-elle assuré. "L'image de Camila Vallejo assise à côté des principaux dirigeants syndicaux appelant à la grève marque un tournant dans la contestation étudiante qui ajoute maintenant à son agenda le changement de modèle économique et politique", suggère El Mostrador. Le webzine chilien souligne "les déclarations maladroites du gouvernement au cours de ces journées de grèves et notamment celle du gouverneur de la région de Biobío qui a assuré que la contestation était due à l'augmentation du nombre d'enfants nés ces derniers temps en dehors du mariage" ou celle du ministre de la santé qui a mis en doute la grève de la faim qui avait été entamé par une poignée de lycéens.


Le quotidien argentin Página 12 a souligné pour sa part la présence du président du Parti socialiste chilien dans les manifestations qui a "fait un mea culpa au nom de la Concertation", la coalition de centre- gauche qui a gouverné pendant vingt ans le Chili depuis la fin de la dictature jusqu'à l'élection du conservateur Sebastián Pinera élu en décembre dernier.  "Je participe avec beaucoup d'humilité parce qu'en 20 ans de Concertation, nous avons pris part aux abus et je crois qu'il est temps de prendre en charge les problèmes de fond. Et si la seule façon que ce gouvernement le comprenne c'est d'avoir les gens dans la rue il n'y a pas d'autre alternative", a affirmé Osvaldo Andrade. De nouvelles manifestations sont prévues le 11 septembre prochain, jour anniversaire du coup d'état de 1973.

jeudi 25 août 2011

APRÈS LE PRINTEMPS ARABE, L’ÉTÉ ISRAÉLIEN OU BRITANNIQUE, VOICI LE TEMPS DE L’HIVER CHILIEN

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Et si les protestataires ne cassent pas de vitres ou n’installent pas des tentes en centre ville, ils veulent que les restes d’un mauvais passé soient effacés à jamais, en refondant tout l’enseignement supérieur, toujours pensé, administré, selon les préceptes ultra libéraux des Pinochet boys au temps de la dictature des années 70/80. Les universités chiliennes fonctionnent sous un régime de droit privé, comme des entreprises, et les bourses sont réduites à presque rien depuis que les militaires avaient renversé Salvador Allende un certain 11 septembre 1973. La plupart des parents s’endettent pour de longues périodes, parfois jusqu’à 15 ans afin de financer les études de leurs enfants. « L’université de la rue » s’enthousiasme Pagina 12. Mais le quotidien de gauche argentin s’inquiète des dérives de la répression contre les manifestants. Des policiers infiltrés se seraient glissés dans les rangs des marcheurs et auraient orchestré les provocations – incendies de voitures, vandalisme de toute sorte -, afin de discréditer le mouvement.

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Ce qui est en jeu n’est rien de moins qu’une réforme constitutionnelle comme le remarque le mexicain La Jornada. Les jeunes veulent que la notion de service public pour l’enseignement supérieur soit désormais inscrite dans les textes fondateurs de la république chilienne.

Le texte date de 1980, et il est incompréhensible que même l’ancienne présidente sociale-démocrate Michelle Bachelet, pédiatre et mère, n’ait pas envisagé de le repenser.

On peut aussi noter avec deux Unes chiliennes côté à côte et du même jour à quel point le journalisme n'est pas une science exacte : "Une marche de 70 000 personnes marquée par des émeutes estudiantines" annonce la Tercera, tandis que El Mercurio en a compté "plus de 140 000" mais insiste aussi sur les actes de vandalisme. « Court camarade, le vieux monde est derrière toi. » scandaient les jeunes Parisiens qui lançaient des pavés en mai 1968.

CHILI : HEURTS AU 1ER JOUR D'UNE GRÈVE NATIONALE SUR FOND DE CONTESTATION SOCIALE

 « NE SOYEZ PAS  MAL ÉDUQUÉ ». PHOTO MAURICIO DÍAZ CHEZ FLICKR
Dix-neuf policiers et 17 civils figurent parmi les blessés, "tous avec des blessures légères", a déclaré à la presse mercredi soir le porte-parole du gouvernement, Andres Chadwick, qui a affirmé que la grève, "injustifiée" aux yeux du gouvernement, "n'a pas réussi à paralyser le pays".
Les principaux heurts ont eu lieu dans la capitale, Santiago, où en plusieurs secteurs la police a usé de lances à eau et de gaz lacrymogènes pour dégager des carrefours de barricades de pneus enflammés ou disperser des manifestations spontanées qui bloquaient la circulation.
Une des personnes arrêtées l'a été pour "tentative d'homicide sur un policier", selon le vice-ministre de l'Intérieur, Rodrigo Ubilla.
Les accrochages sont restés localisés, notamment autour d'universités de la métropole de 6 millions d'habitants. Ils étaient d'une ampleur bien inférieure aux incidents qui ont marqué les grandes manifestations étudiantes de juillet et août pour une réforme de l'éducation.
Le gouvernement a qualifié la grève d'"échec", notant que les transports ont fonctionné quasi-normalement à travers le pays, à l'image du métro de Santiago, au flux inférieur de 27% seulement à la normale.
A Santiago, des administrations sont restées fermées, de même que plusieurs commerces, et des bureaux du centre étaient désertés tôt dans l'après-midi, les entreprises permettant aux employés d'anticiper les problèmes de transport a constaté l'AFP. Mais la capitale n'évoquait pas une ville paralysée.
Les autorités ont estimé la participation à la grève à 14% dans la fonction publique. Un syndicat de fonctionnaires, ANEF, a évoqué 80% de participation.
"En plus de ne pas savoir gouverner, il ne savent pas compter", a lancé le président de l'ANEF, Raul de la Puente.
Pour le gouvernement de droite de Sebastian Piñera, qui affronte sa pire épreuve sociale en 17 mois au pouvoir, la grève était "opportuniste" et cherchait à capitaliser la contestation étudiante, populaire, qui a draîné des manifestations d'une ampleur sans précédent au Chili depuis 20 ans.
Pour maints analystes, le malaise chilien est partagé bien au-delà des étudiants: "c'est la crise d'un modèle qui, dans l'éducation, a généré de nombreuses inégalités, et dans le domaine social se traduit par une faible protection des travailleurs", analyse le sociologue Manuel Antonio Garreton.
"A travers ces mobilisations, la société chilienne cherche une façon de passer d'un modèle social pinochétiste (référence à Augusto Pinochet au pouvoir de 1973 à 1990) à un modèle réellement démocratique que nous n'avons pas encore", estime l'analyste de l'Université catholique.
L'éducation en est un point central. Elle constitue un poste d'endettement majeur de dizaines de milliers de foyers chiliens en quête d'un enseignement de qualité que ne peut garantir le secteur public, parent pauvre du système, dont l'Etat s'est en partie désengagé sous la dictature de Pinochet.

mercredi 24 août 2011

LES CHILIENS DE FRANCE MANIFESTENT JEUDI 25 AOÛT 2011 À PARIS

A l’appel de l’association des chiliens « Los chilen@s en París apoyando al movimiento estudiantil », l'Association Relmu-Paris, – Association la Bizikleta,  « Terre et liberté pour Arauco », la Fédération d'Associations chiliennes (Fedach-France) et le Collectif pour les Droits de l'homme au Chili, une nouvelle manifestation est programmée à Paris, jeudi 25 août, à partir de 18h30, face à l’ambassade chilienne. 
« Nous soutenons les revendications pour une éducation publique, gratuite et de qualité pour tous et toutes, sans exclusion! Courage étudiant-e-s chilien-nes .... l'Histoire est à nous ! ! ! ! »,

L'ÉQUILIBRE DE JACKSON


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 GIORGIO JACKSON. PHOTO NEWS MAGAZINE  QUÉ PASA

Dimanche 7 août, dans l’avion qui le ramenait d’Antofagasta, dans le nord du Chili, Giorgio Jackson, 24 ans, était loin de se douter de ce qui l’attendait. Dans tout le pays, le fracas des casseroles [en signe de solidarité, des milliers de Chiliens ont frappé sur des casseroles] a certes redonné du souffle au mouvement étudiant. Mais, derrière l’euphorie, il y a des étudiants en grève de la faim, des lycéens dont l’année scolaire est presque perdue et le déclenchement d’une spirale de violence entre jeunes et forces de l’ordre. Plus préoccupant encore : le dialogue avec le gouvernement est au point mort. Il ne se doutait pas non plus que le Campus Oriente, l’un des quatre centres d’études supérieures que compte l’Université catholique à Santiago, déciderait de se mettre en grève. Une décision peu habituelle pour cette université et symboliquement très importante pour le mouvement étudiant. Il ne se doutait pas que tout allait basculer le mardi 9 août.

Ce jour-là, il rejoint la manifestation étudiante, défilant très sérieusement aux côtés de Camila Vallejo et de Camilo Ballesteros, les deux autres leaders de la contestation étudiante. Mais le 9 août, 70 000 personnes allaient marcher à leurs côtés dans les rues de Santiago [et dans beaucoup d’autres villes du pays, du jamais-vu depuis la fin du régime de Pinochet, en 1990]. Et lui, l’étudiant en ingénierie de l’Université catholique, le fils de famille, le leader improbable de ce mouvement, se retrouvait au cœur de la contestation. Sa réaction ? Montrer que le mouvement étudiant était uni et qu’il ne reculerait pas : “Je suis plus que jamais convaincu du bien-fondé des changements que nous exigeons. Et nous les voulons maintenant. Pas l’année prochaine ou dans deux ans. C’est cette année que l’éducation doit changer au Chili.”


L’éducation gratuite

Mais tous vous le diront, Giorgio Jackson a gagné sa place à la tête du mouvement étudiant un certain dimanche 3 juillet au soir. Avant cette date, il n’était que le président de la Fédération étudiante de l’Université catholique de Santiago (Feuc). Un poste important, certes, mais qui provoquait surtout des sarcasmes au sein de la Confédération des étudiants du Chili [Confech] à cause de la réputation traditionnellement peu combative de cette université. Il avait beau affirmer son indépendance politique, assurer qu’il était de centre gauche et qu’il était prêt à suivre ce que déciderait la majorité, rien n’y ­faisait et ses déclarations d’intention n’avaient pas suffi à convaincre ses pairs à la Confech.

Ce dimanche 3 juillet, il fait froid à Santiago. La nuit est tombée. Dans les studios de [la chaîne de télévision privée] Chilevisión, Giorgio Jackson répète mot à mot, point par point, ce qu’il va dire dans quelques minutes sur le plateau de [l’émission de débat] Tolerancia Cero. Ce qui s’est passé ensuite est connu de tous : le charisme avec lequel Giorgio Jackson a exposé les revendications étudiantes – un accès plus large à l’université, plus d’argent pour l’éducation et surtout la gratuité des études – a fait merveille. Sa prestation a immédiatement enflammé les réseaux sociaux. Lui-même s’est rendu compte, en rallumant son BlackBerry après l’émission, que le pari était gagné : son compte Twitter débordait de commentaires. Le lendemain matin, le voyage en métro entre son domicile et l’université s’est transformé en meeting : les passagers l’ont félicité, certains l’ont interpellé. Personne n’est resté indifférent.



     
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 GIORGIO JACKSON. PHOTO NEWS MAGAZINE  QUÉ PASA


Et pourtant qui aurait imaginé que ce jeune homme d’origine italo-britannique, vivant à Las Condes, une banlieue huppée de la capitale, bachelier d’un lycée privé, étudiant de la très sélecte Université catholique de Santiago, deviendrait une figure de proue de la contestation ? Lui-même reconnaît devoir en permanence se battre contre cette image. Une image qui ne dit rien des efforts consentis par sa mère après l’accident qui a rendu son père invalide. Une image qui ne parle pas non plus des 10 millions de pesos [15 000 euros] qu’il a dû emprunter pour ses études. Une image qui ne mentionne pas plus son combat de toujours contre les inégalités. D’abord, dès son entrée à l’université, au sein de [l’association de défense des sans-abri] Un Techo para Chile [Un toit pour le Chili], puis en faisant de la politique en tant que syndicaliste étudiant.

L’art de la guerre

Son ascension a été fulgurante. Dès 2009, son dévouement, son profil technique et son indépendance politique lui ont rapidement fait gagner le respect de tous. Deux ans plus tard, il devenait président de la Fédération étudiante de l’Université catholique (Feuc) de Santiago. Entre-temps, il avait su ajouter à sa capacité de gestion un sens politique certain. Sa prestation télévisuelle à Tolerancia Cero est venue confirmer cette mue. Aujourd’hui, Giorgio Jackson et la Feuc sont devenus incontournables. “Tout le monde s’attendait à ce que les universités publiques [foyers traditionnels de contestation] Usach et Chile se mobilisent”, reconnaît le leader étudiant Camilo Ballesteros, “mais le fait que la Catho participe au mouvement nous a beaucoup aidés. C’est la preuve de son ampleur.” Ballesteros et Vallejo, tous deux militants communistes, ont cependant noué des liens d’amitié solides avec Jackson. Même au palais de la Moneda [siège de la présidence chilienne] on s’inquiète de son avenir : “S’il jette l’éponge, le mouvement étudiant sera entre les mains des plus radicaux.”

Ces jours-ci, dans la sacoche du jeune homme traîne un petit livre : L’Art de la guerre, de Sun Tzu. Une des phrases les plus célèbres de cet ouvrage antique explique qu’“une armée victorieuse gagne avant de penser à combattre”. Giorgio Jackson, peut-être sans s’en rendre compte, semble être dans cet état d’esprit. “Il y a des choses qui sont déjà acquises, comme l’amélioration de la qualité de l’enseignement ou la fin de l’inscription au fichier des mauvais payeurs de ceux qui ne parviennent pas à rembourser leurs prêts étudiants. Mais il reste encore beaucoup à obtenir. Il faut un changement de paradigme dans le système éducatif chilien, et pour cela un référendum me paraît être une bonne idée.”

La proposition semble improbable. Mais guère plus improbable que ce qu’a vécu Giorgio Jackson ces trois derniers mois. Comme être au milieu de dizaines de milliers de personnes et se sentir tout petit, débordé. Comme taper sur une casserole pour la première fois de sa vie en pleine nuit à Santiago. Pas plus improbable non plus que cette promenade aux côtés de Camila Vallejo et de Camilo Ballesteros dans les rues d’Antofagasta. Une balade au cours de laquelle les gens les ont arrêtés, applaudis, photographiés et ont trinqué en leur honneur. Eux qui expliquent à qui veut l’entendre qu’ils sont “des jeunes comme les autres” n’ont eu ce soir-là qu’un seul commentaire : “Dans quoi nous sommes-nous fourrés ?

MORT DE RAOUL RUIZ : LA DOULEUR DE CATHERINE DENEUVE ET CHIARA MASTROIANNI

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RAÚL RUIZ ESCORTÉ  PAR CATHERINE DENEUVE (GAUCHE) ET EMMANUELLE BÉART À CANNES, EN  1999. PHOTO ASSOCIATED PRESS
Exilé en France après le coup d'Etat de Pinochet au Chili en 1973, Raoul Ruiz a su imposer son style et séduire le public européen avec ses oeuvres poétiques. Révélateur du talent de Melvil Poupaud, il a fait tourner tant d'illustres noms tels que Catherine Deneuve et Michel Piccoli, qui avaient tourné ensemble dans Généalogies d'un crime, Arielle Dombasle, et Chiara Mastroianni. Ces comédiens sont présents pour faire leurs adieux au cinéaste, manque à l'appel Marcello Mastroianni, décédé en 1996, année de sortie de Trois vies et une seule mort.

Catherine Deneuve et sa fille Chiara Mastroainni ne peuvent masquer leur chagrin, assistant à ce douloureux hommage. Les yeux rougis, elles envoient leur au revoir au réalisateur, non loin de Melvil Poupaud, en pleurs. Arielle Dombasle, qui a surnommé Raoul Ruiz le "Méliès des Temps Modernes", a également assisté à cette cérémonie.

Le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand, qui a évoqué un univers "d'une profonde originalité, imprégnée de surréalisme", était présent, tenant la main de l'égérie de Pedro Almodovar, Marisa Paredes. L'actrice espagnole avait joué dans Trois Vies et une seule mort, et faisait partie de la distribution de son prochain film, dont le tournage était prévu en octobre et qui aborde la bataille napoléonienne de Buçaco. L'ambassadeur du Chili en France Jorge Edwards était également présent.

"Conteur des mille et une nuits" selon Gilles Jacob, président du festival de Cannes, dont Ruiz fut membre du jury en 2002, il a également reçu l'hommage du président Nicolas Sarkozy, qui a salué "la mémoire d'un digne héritier des Lumières", dont "l'engagement dans les combats de son siècle se nourrissait d'une immense érudition et d'une infinie curiosité". Raoul Ruiz, récompensé par le prix Louis-Delluc 2010 pour Mystères de Lisbonne, est une figure majeure du Septième Art qui s'en va en laissant un patrimoine immense.

vendredi 19 août 2011

Le cinéaste franco-chilien Raoul Ruiz est mort

Adriano Luz et Maria Joao Bastos, des comédiens du film Les mystères de Lisbonne,
un des derniers du cinéaste Raoul Ruiz, tourné au Portugal en 2010.
Raoul Ruiz, qui faisait partie d'une génération de réalisateurs chiliens politiquement engagés, comme Helvio Soto et Miguel Littin, s'est exilé en France à la suite du coup d'État du général Pinochet, le 11 septembre 1973 au Chili, et il y a pris la nationalité.

Au cours d'une longue carrière il a tourné plusieurs dizaines de films, et il avait reçu le prix Louis-Delluc, souvent présenté comme le « Goncourt » du cinéma, pour Mystères de Lisbonne, son film fleuve de 4 h 26, autour de la vie de l'aristocratie portugaise.
Raoul Ruiz était en train de finir le montage d'un film qu'il avait tourné sur son enfance au Chili et il préparait au Portugal un autre film sur une célèbre campagne napoléonienne.

Selon le commentaire de son producteur, François Margoulin, Ruiz « était une personne d'une autre époque, qui connaissait tout sur tout, d'une culture immense et à cheval entre deux pays, le Chili et la France. Il a fait des films dans différents pays du monde et il aimait le mélange de ces diverses cultures. C'était sans doute un des plus grands esprits de l'époque actuelle, même au-delà du cinéma. »

Le président Nicolas Sarkozy a salué en Raoul Ruiz un cinéaste d'une immense érudition et d'une infinie curiosité, « digne héritier des Lumières » qui avait choisi la France comme terre d'accueil. « C'est en France que ce conteur hors pair avait réalisé une grande partie d'une œuvre faisant appel à tous les genres cinématographiques, à la fois baroque et audacieuse, marquée aussi bien par les films de la Nouvelle Vague que par les romans de Stevenson », a rappelé le président de la République dans un communiqué.

samedi 13 août 2011

LE « VELATÓN »

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Inspirée des veillées funèbres, geste de recueillement et de réflexion qui rappelle les liturgies religieuses, cette manifestation a été employée an Amérique latine en hommage aux victimes des exactions d’état, lors des sales guerres des dictatures militaires d’ultra droite contre leurs opposants.

LA « PATRIÓTICO INTERESANTE», COMPAGNIE ENGAGÉE

Votre dernière création, La Victoria de Victor, est inspirée de la vie et de l'oeuvre de Victor Jara, chanteur, compositeur et homme de théâtre chilien, assassiné avec une brutalité inouïe, en 1973, au début de la dictature de Pinochet. Pourquoi ce choix ?

Épris de justice sociale, partisan d'une révolution pacifique, Victor Jara, immense artiste populaire, est un symbole, une figure, notre « Che Guevara » chilien. Sa vie est un exemple, radical, de cette détermination à vivre libre. Il est devenu l'un de nos meilleurs ambassadeurs culturels. En 2009, des milliers de Chiliens ont accompagné au cimetière de Santiago du Chili sa dépouille mortelle, tous reprenant ses plus célèbres chansons.

Décrivez-nous le spectacle, que Joan Jara, artiste britannique et veuve de Victor Jara, cautionne...

De la résistance à la barbarie, du désespoir à l'amour, une succession de scènes alliant la force du geste à des émotions visuelles. Parcourant les méandres de l'âme, des images poétiques et surréalistes mettant à l'épreuve notre humanité.

Recueilli par Frédérique GUIZIOU.

vendredi 12 août 2011

DANIEL VIGLIETTI CHANTE ET SALUE LES ÉTUDIANTS CHILIENS



L'un des plus importants artistes de la chanson populaire de l'Uruguay, et auteur de plusieurs titres devenus traditionnels du folklore latino-américain, repris par des nombreux interprètes de toutes les latitudes depuis quatre décennies, sera à l’ l’Aula Magna de l’USACH, ce jeudi 18 août, à 18:30 h.

PIÑERA ANNONCE DES MESURES SUR L'ÉDUCATION, MAIS « RIEN N'EST GRATUIT ».


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DES POLICIERS ARRETENT UN JEUNE MANIFESTANT AUX ABORDS DE L'UNIVERSITE DU CHILI, A SANTIAGO
Le chef de l'Etat, qui enregistre une impopularité record (26% d'approbation) depuis son arrivée au pouvoir il y a 17 mois, a annoncé la création d'une «Agence pour la qualité», dotée de 40 millions de dollars, chargée d'assurer des «standards minimum», dans un système éducatif très inégal en qualité.

Il a aussi annoncé deux projets de loi, pour le rééchelonnement de la dette de 110 000 endettés pour payer leurs études, et un autre pour baisser le taux des crédits étudiants, à ce jour plus chers que les crédits bancaires classiques.


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BRUTALE REPRESSION POLICIERE CONTRE LES JEUNES AU CHILI


Mais Piñera, en avalisant des mesures déjà proposées, a opposé une fin de non-recevoir aux étudiants qui lui demandent de revoir sa copie. Ils exigent en particulier une garantie constitutionnelle sur un noyau d'enseignement public gratuit de qualité.

«On aimerait tous que l'éducation, la santé et plein de choses soient gratuites pour tous (...) mais au bout du compte, rien n'est gratuit dans la vie et quelqu'un doit payer», a-t-il déclaré dans un discours a la présidence, tout en appelant les étudiants au dialogue.

Il a aussi affirmé que l'Etat planche sur un mécanisme qui verrait les municipalités -en charge des écoles publiques depuis les années 80- déchargées de cette responsabilité en cas de manquement à un niveau minimum. Une reprise en main par l'Etat est une des revendications des étudiants.



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DES POLICIERS ARRETENT UN JEUNE MANIFESTANT

Ceux-ci maintiennent néanmoins leur mobilisation, et prévoyaient une nouvelle journée de manifestations le 18 août.

Des heurts épars ont encore opposé mardi des forces de l'ordre à des groupes de jeunes aux abords de l'Université technologique de Santiago, tandis qu'un rassemblement pacifique d'étudiants se tenait Plaza Italia, au centre ville.



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LA POLICE CHILIENNE A ARRETE VIOLEMMENT DES CENTAINES DE JEUNES MANIFESTANTS PACIFIQUES
Depuis mai, la mobilisation étudiante a suscité des manifestations parmi les plus importantes à Santiago depuis le retour de la démocratie il y a 20 ans, avec jusqu'à 80 000 personnes.

Elles ont aussi donné lieu à des heurts et violences avec 1 914 interpellations et près de 300 blessés en deux mois, a rappelé M. Piñera jeudi.

jeudi 11 août 2011

AU CHILI, LES ÉTUDIANTS RÉCLAMENT L’ÉGALITÉ DEVANT L’ÉDUCATION

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«  À VENDRE L'ÉDUCATION PUBLIQUE  »
Un tintamarre de protestation mené par les étudiants et leurs soutiens, familles en tête, pour tenter de convaincre le gouvernement de lâcher prise dans l’interminable bras de fer engagé pour réformer le système éducatif.

«ELLE VA TOMBER L’ÉDUCATION DE PINOCHET»

La mobilisation des étudiants chiliens, d’une ampleur inédite, a la peau dure. Presque trois mois de « Marches pour l’éducation », à Santiago, Valparaiso ou Concepción, et des universités publiques pour la plupart paralysées.
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DES ÉTUDIANTS LATINO-AMÉRICAINS MANIFESTENT DEVANT L’AMBASSADE DU CHILI À MONTEVIDO, EN URUGUAY, EN SOUTIEN AUX ÉTUDIANTS CHILIENS, LE MERCREDI 10 AOÛT. PHOTO DANIEL CASELLI / AFP
Mardi 9 août, en dépit d’une pression policière musclée lors de la précédente manifestation, ils étaient plusieurs dizaines de milliers à défiler sur l’Alameda, artère centrale de Santiago, en scandant, « Elle va tomber, elle va tomber, l’éducation de Pinochet ! ».

La fronde, soutenue par 80 % des Chiliens, selon le quotidien espagnol El Pais, ne cible pas tant la politique éducative actuelle du gouvernement conservateur du président Piñera que les héritages du passé.


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DES MANIFESTATIONS D'ÉTUDIANTS DANS LA NUIT DE JEUDI À VENDREDI AU CHILI SE SONT TRANSFORMÉES EN AFFRONTEMENTS AVEC LES FORCES DE L'ORDRE. PRÈS DE 550 PERSONNES ONT ÉTÉ INTERPELLÉES DANS PLUSIEURS VILLES. IL S'AGIT DE L'ÉPISODE LE PLUS VIOLENT D'UNE CRISE QUI DURE DEPUIS PLUSIEURS MOIS.PHOTO REUTERS 1 AOÛT 2011 

LES GOUVERNEMENTS ACCUSÉS D’AVOIR FAVORISÉ L’ENSEIGNEMENT PRIVÉ

Un passé marqué par le poids du libéralisme pinochetiste que le retour à la démocratie n’a pas corrigé, et dont les jeunes générations sont usées de porter les stigmates. Les gouvernements successifs sont accusés d’avoir favorisé l’enseignement privé – lequel est de plus en plus cher.

Le Chili, qui consacre 3,4 % de son PIB à l’éducation (2008), est l’un des rares pays du monde où le secteur public regroupe moins de la moitié des élèves. Un déséquilibre plus aigu encore dans le supérieur : 61,8 % des étudiants s’instruisent, à grands frais, dans des universités privées non subventionnées par l’État.

À titre de comparaison, ils sont 20 % chez le voisin argentin, et 1 % en France. Obligés de souscrire à des prêts, les jeunes arrivent bien souvent sur le marché de l’emploi fragilisés par l’épée de Damoclès d’un endettement parfois étalé sur 15 ans.

« Depuis 35 ans, l’éducation privée s’est consolidée grâce aux subsides de l’État qui, dans le même temps, se désengageait en tant qu’institution », avance Bruno Córdova, en dernière année de publicité à l’université de Santiago.

Il déplore que « les pertes soient mutualisées et les profits privatisés » : « les gens sont indignés par ce modèle ».
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MANIFESTATION DE LA JEUNESSE À SANTIAGO DU CHILI CONTRE LA RÉFORME UNIVERSITAIRE. PHOTO REUTERS
UNE MOBILISATION POUR LES DROITS SOCIAUX

La mobilisation exprime un malaise structurel. Pour Matías Bianchi, politologue au think tank latino-américain Asuntos del Sur, « il ne s’agit pas tant d’une lutte idéologique contre le gouvernement Piñera, mais d’un mouvement plus complexe, organisé et mature, qui demande des droits sociaux en adéquation avec le développement économique florissant du pays » (+ 9,8 % de croissance au premier trimestre 2011).

Mais les négociations n’avancent pas. « Il y a une certaine intransigeance des deux côtés », note Ismaël Calabrán, étudiant en architecture à Santiago. « Le gouvernement refuse de considérer une modification de la Constitution – qui date de 1980 et de l’ère Pinochet – alors que les étudiants veulent absolument que le principe d’équité et de gratuité de l’enseignement soit inscrit dans le texte ».

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 LES ÉTUDIANTS CHILIENS MARCHENT DANS LES RUES
PHOTO LUIS HIDALGO
LES ORGANISATIONS ÉTUDIANTES SONT TENACES

Le bras de fer pourrait durer, alors que mardi dernier, des étudiants de très sélective Universidad Católica, privée, ont bloqué pour la première fois un de leurs campus.

« Certains étudiants veulent se remettre au travail, mais c’est surtout pour ne pas perdre une année scolaire que leurs parents payent très cher : exactement ce pour quoi les autres sont dans la rue ! », remarque ironiquement Ismaël.

Du côté de la Moneda, le président Piñera voit chuter sa popularité (26 %, le niveau le plus bas pour un président depuis le retour de la démocratie), plombée par le conflit étudiant et la grogne des mineurs du cuivre.

Tenaces, les organisations étudiantes ont annoncé une nouvelle marche : le 3 septembre, elles veulent réunir 500 000 personnes dans les rues de Santiago.

BENJAMIN LECLERCQ