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mercredi 31 octobre 2018

JUAN ALLENDE-BLIN, MEIN BLAUES KLAVIER (1969-1970)

PARU DANS « WERGO STUDIO REIHE NEUER MUSIK, CHARLES IVES / ERIK SATIE / JUAN ALLENDE-BLIN - GERD ZACHER ‎– ZWISCHEN ORGEL UND LEIERKASTENCHARLES IVES / ERIK SATIE / JUAN ALLENDE-BLIN - GERD ZACHER ‎– ZWISCHEN ORGEL UND LEIERKASTEN  »
POCHETTE DU DISQUE
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« 
MEIN BLAUES KLAVIER »(MON PIANO BLEU) 
 COMPOSITEUR JUAN ALLENDE-BLIN, 1970
INTERPRÉTÉ PAR GERD ZACHER, ORGUE
ENREGISTRÉ EN NOVEMBRE 1970 CHEZ  WERGO ‎– WER 60 058

    LE JUGE QUI A FAIT ENFERMER LULA GRATIFIÉ PAR BOLSONARO


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    SERGIO MORO, ADULÉ PAR LE CAMP DES PRO-BOLSONARO,
    EST DÉCRIT PAR SES PAIRS COMME UN « JULIEN SOREL »,
    UN AMBITIEUX PRESSÉ DE QUITTER SA PROVINCE

    PHOTO ANIELE NASCIMENTO
    Sergio Moro, qui a arbitrairement condamné l’ancien président brésilien, pourrait occuper de hautes fonctions.
    LE JUGE FÉDÉRAL A FÉLICITÉ
    BOLSONARO POUR SA VICTOIRE

    PHOTO FÁBIO RODRIGUES POZZEBOM 
    L’heure des récompenses a sonné au Brésil. Le futur président a confirmé, lundi, que le juge Sergio Moro pourrait occuper les fonctions de ministre de la Justice dans son futur gouvernement, voire un poste au Tribunal suprême fédéral, la plus haute instance juridique. « C’est une personne exceptionnelle, il a un soutien très grand de la population », a affirmé Jair Bolsonaro à plusieurs médias.

    Le très controversé homme de loi, qui a été l’un des premiers à féliciter le nouveau chef d’État, s’est fait connaître du grand public dans le cadre de l’enquête de corruption connue sous le nom de « Lava Jato ».

    Une condamnation prononcée au titre d’une conviction

    Pour ce faire, il n’a pas hésité à briser la séparation des pouvoirs en apparaissant dans des rencontres publiques de la droite dont la finalité était de décrier le Parti des travailleurs (PT, gauche). C’est lui qui a fait condamner le président Lula à douze ans de prison pour blanchiment d’argent. Dans la sentence prononcée contre le fondateur du PT, il a pourtant reconnu qu’il ne possédait aucune preuve de la culpabilité de l’ancien syndicaliste mais qu’il le condamnait par « conviction », au mépris de la présomption d’innocence. Ce verdict, vivement critiqué par nombre de juristes et pénalistes brésiliens et internationaux, a conduit Lula derrière les barreaux de la prison de Curitiba (Sud).

    Depuis l’élection de Jair Bolsonaro, de nombreux analystes cherchent à comprendre l’ascension du personnage. Pêle-mêle, et sans ordre d’importance, on cite la récession économique, la campagne anti-PT, la violence, les médias, les Églises évangéliques, ainsi que la justice qui ont participé activement à la diabolisation de la gauche. Comment toutefois oublier la condamnation, l’emprisonnement, puis l’interdiction faite à Lula de se présenter à la présidentielle ? Le leader de la gauche était en tête de tous les sondages qui lui octroyaient une victoire au second tour. Pour barrer la route du pouvoir au PT, après l’en avoir privé avec le coup d’État parlementaire contre Dilma Rousseff en 2016, Lula devait, dans ce schéma, être privé de ses droits. «Notre cher juge a perdu sa liberté dans le combat contre la corruption, estime Jair Bolsonaro. C’est une personne qui mérite d’être reconnue pour son travail. » Un juste renvoi d’ascenseur, en somme. 
    C. D. S.
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    AU BRÉSIL LES TRIBUNAUX
     TRAITENT DES SUSPECTS TROP
    DUREMENT ET LES PRISONNIERS

     AVEC TROP D'INDULGENCE

    lundi 29 octobre 2018

    PORTRAITS DE FAMILLE - CLAUDIO ARRAU (1/2)

    CLAUDIO ARRAU
    PHOTO ULLSTEIN BILD
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    PORTRAITS DE FAMILLE PAR PHILIPPE CASSARD
     -RADIO FRANCE CULTURE-
    « (1929-1945) : LES PREMIERS ENREGISTREMENTS D'UN JEUNE VIRTUOSE. »,
    DIFFUSÉ LE SAMEDI 13 OCTOBRE 2018
      Générique :
      Brahms / Intermezzo N°3 Op. 119
      Philippe Cassard, Piano
      Accord 4761894

      Richard Strauss
      Burlesque en ré mineur
      Claudio Arrau, piano
      Century Symphony Orchestra
      Désiré Defauw, dir.
      Camden 191

      CD Camden
      CD Camden
      Frédéric Chopin
      Etude op.10 n°4
      Etude op.25 n°1
      Etude op.25 n°2
      Prélude op.28 n°23
      Valse op.34 n°3
      Claudio Arrau, piano
      WARNER

      Franz Liszt
      Jeux d'eau à la Villa D'Este Claudio Arrau, piano
      WARNER

      Claude Debussy
      Pagodes (Estampes, L 100)
      Claudio Arrau, piano
      DECCA

      Claude Debussy
      Soirée dans Grenade (Estampes, L 100)
      Claudio Arrau, piano
      COLUMBIA 4786

      Claude Debussy
      Jardins sous la pluie (Estampes, L 100)
      Claudio Arrau, piano
      HPC 079

      Isaac Albeniz
      Iberia
      Claudio Arrau, piano
      COLUMBIA 4194

      Maurice Ravel
      Ondine
      W.A Mozart
      Sonate n°18 en ré Maj. K576 "La chasse"
      Claudio Arrau, piano
      SONY 88843071652

      CD Sony
      CD Sony
      W.A Mozart
      Sonate n°18 en ré Maj. K576 "La chasse"
      Claudio Arrau,, piano
      DECCA

      Carl Maria von Weber
      Sonate n°1 en do Maj. (final)
      Claudio Arrau, piano
      SONY 88843071652

      L'équipe de l'émission :
      Philippe CassardProduction
      Pierre WillerRéalisation
      Jean-René BonnissentCollaboration

      vendredi 26 octobre 2018

      ARRIBA EN LA CORDILLERA - PATRICIO MANNS

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      « ARRIBA EN LA CORDILLERA »
      PAROLES ET MUSIQUE PATRICIO MANNS
      INTERPRÈTES PATRICIO MANNS

      ARAUCARIA SOUTIENT TRÈS HAUT LA CANDIDATURE DE PATRICIO MANNS AU PRIX NATIONAL D'ARTS MUSICAUX 2018


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      ARAUCARIA SOUTIENT TRÈS HAUT LA CANDIDATURE DE
      PATRICIO MANNS AU PRIX NATIONAL D'ARTS MUSICAUX 2018
      PHOTO 
       ALEJANDRO BALART 
      Patricio Manns a les qualités requises pour obtenir le prix. La musique est la langue des émotions disait Kant, et tout est musique chez Manns. Un artiste aux multiples facettes, aussi doué pour la musique que pour la poésie et la prose, il demeure l'une des figures majeures de la chanson chilienne.
      manns a séduit tout le monde en chantant l’amour, la nostalgie et les luttes sociales. L’auteur-compositeur-interprète âgé de 81 ans, lègue plus de 500 chansons, dont nombre d'incontournables. La discographie de cette figure emblématique de la chanson chilienne est d’une abondance inégalée, avec une trentaine d’albums publiés, sans compter les dizaines de chansons qu’il a écrites pour d’autres artistes tels que  Silvia Urbina, Mercedes Sosa, Isabel et Angel Parra, ou encore Valentina Sepúlveda. Autant des chansons chantées par d’autres interprètes comme les groupes musicaux Voces Andinas, Los Trovadores del Norte, Los Cuatro Cuartos, Quilapayún ou Inti illimani.

      Il y a dix ans en 2008, l'Université de Playa Ancha du Chili a présenté la candidature de de Patricio Manns au Prix National d'Arts Musicaux . En même temps les universités argentines de San Juan et Nationale de Patagonie San Juan Bosco, rejointes par un groupe de poètes reconnus des deux pays, ont présenté sa candidature au Prix National de Littérature. Ces candidatures ne furent pas retenues. 

      Pour lui rendre justice, nous soutenons les porteurs de sa candidature au prix national d’arts musicaux pour que le Chili reconnaisse enfin son œuvre et son travail de son vivant et que cette « reconnaissance officielle » n’arrive pas trop tard comme dans le cas Gabriela Mistral qui reçut le prix national de littérature six ans après le prix Nobel. 

      jeudi 25 octobre 2018

      SERMENTS DE STRASBOURG

      Au soir de la bataille de Fontenoy (juin 841), Lothaire, qui hérite légitimement de son père Louis le Pieux le vaste empire de Charlemagne, est en déroute. Il a été vaincu par son frère Louis le Germanique et par son demi-frère Charles le Chauve, alliés militairement. Pour l'Église, pour les clercs qui entourent les deux jeunes princes, cette victoire est un « jugement de Dieu ». 

      Par la défaite de l'héritier légitime et unique, la volonté divine a voulu marquer qu'un seul homme ne doit plus régner sur un si grand territoire. L'idée d'empire, très personnelle du temps de Charlemagne (au point que celui-ci souhaitait que fussent partagées, à sa mort, les terres qu'il avait conquises), s'était maintenue de par la mort des fils de Charlemagne, sauf un, Louis le Pieux ; elle s'était renforcée avec Lothaire, qui entendait bien régner seul sur l'Empire. 

      La bataille de Fontenoy a montré qu'il convient de revenir à l'idée de partage. Mais pour cela il faut que Charles et Louis, que lient seulement les armes, passent un véritable accord politique, traité d'alliance entre deux rois dès lors égaux (ce sont les Serments prononcés à Strasbourg, le 14 février 842) ; il importe ensuite que, se partageant l'Empire (et en laissant une part à Lothaire), ils se reconnaissent des territoires (traité de Verdun, 843). 

      Devant les difficultés à partager des terres dissemblables, on finit par choisir le critère linguistique : Charles obtient la partie francophone, Louis le domaine germanophone de l'Empire. C'est donc la langue qui signifie le partage : elle est le nouveau signe du politique. 

      Les Serments sont prêtés en langues vulgaires, ancêtres respectifs du français et de l'allemand. Et comme il s'agit de se reconnaître des territoires, Louis jure dans la langue du royaume attribué à Charles (donc, en français), et Charles dans la langue du royaume attribué à Louis (donc, en allemand). Puis les troupes de chacun prêtent serment dans leur propre langue. 

      Ces quatre Serments (deux en roman : Louis et les officiers de Charles ; deux en germanique : Charles et les officiers de Louis) adaptent en langue vulgaire les formules qu'utilise le latin juridique des chancelleries : « Pro Deo amur et pro christian poblo et nostro commun salvament, d'ist di en avant, in quant Deus savir et podir me dunat, si salvarai eo cist meon fradre Karlo [...]. » Ils n'ont toutefois pas été conservés par quelque document diplomatique, minute de ce qui fut prononcé, mais par une œuvre littéraire. 

      En effet, au premier rang des intellectuels qui guidèrent cette opération politique figure Nithard. Petit-fils de Charlemagne, et donc cousin des princes, c'est à la fois un lettré et un guerrier ; proche conseiller de Charles, il rédige en latin, à sa demande et dans le feu de l'action, une Histoire des fils de Louis le Pieux, qui explique et justifie les événements comme les décisions. 

      Afin de signifier dans son texte, et par son texte même, cette nouvelle alliance, Nithard utilise l'échange linguistique et reproduit les Serments dans les deux langues vulgaires. L'écriture était jusque-là entièrement latine. Par le geste de Nithard (miraculeusement conservés, les Serments ne se lisent que dans un manuscrit de son Histoire), le français accède à l'écrit, et c'est la première langue romane à le faire.
      Bernard CERQUIGLINI

      mercredi 24 octobre 2018

      LAMIA OUALALOU « LES ÉVANGÉLIQUES ONT POUSSÉ LES IDÉOLOGIES VERS LA DROITE »


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      FIDÈLES PRIENT ET CHANTENT PENDANT UNE MESSE DE 
      L’ÉGLISE INTERNATIONALE DE LA GRÂCE DE DIEU, (MOUVEMENT
      RELIGIEUX ISSU DE LA MOUVANCE NÉO-CHARISMATIQUE)
      À BRASILIA, LE BRÉSIL LE 26 SEPTEMBRE 2018.
      PHOTO UESLEI MARCELINO 
      Brésil. Lamia Oualalou, auteure de Jésus t’aime ! La déferlante évangélique, revient sur l’essor de ce courant au Brésil, sa force de pénétration dans la société et les sphères du pouvoir. Son influence n’est pas étrangère à l’ascension de l’extrême droite.
      Les Églises évangéliques sont en pleine expansion au Brésil. Pour quelles raisons ?

      LAMIA OUALALOU
      Lamia Oualalou 
      Le phénomène a débuté il y a près de quarante ans, en raison d’une transformation sociale et sociologique. Le Brésil, qui était un pays rural, va devenir radicalement citadin. L’exode massif vient grossir des villes dépourvues de structures sociales. L’emploi fait défaut avec la crise économique des années 1970. Parallèlement, l’Église catholique se désengage des zones pauvres. C’est le résultat d’une décision politique du pape Jean-Paul II afin de lutter contre la théologie de la libération selon laquelle l’Église doit libérer les pauvres. Jean-Paul II y voit là un danger communiste et écarte ces militants. Ils avaient pourtant une capillarité qu’aucun parti n’a jamais eue car ils touchaient 800 000 Brésiliens.

      Ce « nettoyage » politique explique-t-il le recul du catholicisme ?

      Lamia Oualalou À la différence de l’Église catholique, les évangéliques n’ont aucun mal à s’installer en périphérie, dans les favelas, où les temples se montent dans d’anciens bars ou garages. Ils touchent une population essentiellement féminine qui n’a accès à aucun espace adapté. Ces églises réunissent leurs amis ; elles constituent un réseau d’entraide. Elles se substituent à l’État. En revanche, ce réseau est payant : les fidèles versent 10 % de leur revenu. La théologie de la prospérité repose sur l’idée que vous avez le droit à une vie morale et matérielle décente. Ce courant s’est répandu car il n’a été combattu par aucune autre idéologie. Durant les mandats du président Lula, la vie des pauvres s’est considérablement améliorée. Mais le discours du Parti des travailleurs (PT) a épousé la théorie consumériste.

      Peut-on faire une corrélation entre l’ascension de l’extrême droite et l’influence des Églises évangéliques ?

      Lamia Oualalou C’est l’une des raisons de la présence de Jair Bolsonaro au second tour. Une semaine avant le premier tour, il y a eu des grandes manifestations contre Jair Bolsonaro dans soixante villes. Tout le monde était convaincu du succès. Mais les médias évangéliques ont détourné les images de ces défilés, en montrant des femmes nues avec des enfants dans des positions sexualisées. Cela n’a jamais eu lieu. Mais le lendemain de ces manifestations, la majorité des pasteurs s’est prononcée en faveur de Jair Bolsonaro et il a connu un boom de 6 % dans les sondages.

      Comment s’opère l’argumentaire ?

      Lamia Oualalou Les évangéliques votent en fonction des dires du pasteur. Les croyants vont plusieurs fois par semaine au culte. C’est bien souvent leur seul lieu de socialisation. Par ailleurs, et c’est là un point très important, les évangéliques maîtrisent l’appareil médiatique. L’Église universelle du royaume de Dieu d’Edir Macedo possède la deuxième chaîne télévisée du pays et beaucoup d’autres. R7 est le premier portail sur Internet. Il a une infinité de radios. Sa force de pénétration est incroyable. Des fidèles n’écoutent que des médias évangéliques. Ce milieu fermé a empiré avec l’existence des réseaux sociaux, notamment WhatsApp.

      Ce réseau social est d’ailleurs l’un des canaux de la propagande de Jair Bolsonaro ?

      Lamia Oualalou Il est utilisé par une majorité de Brésiliens. Ces derniers ne sont pas tous des fascistes, mais ils sont terrorisés au quotidien par la violence. Le pays est en récession depuis quatre ans. L’appareil judiciaire est totalement retourné contre la gauche, qui est incapable d’avoir un discours audible. Bolsonaro représente l’ordre et le PT, le diable. C’est d’autant plus injuste que le PT n’a jamais eu de positions extrêmes. Sur le plan économique, il a accepté toutes les règles du capitalisme.

      Au Congrès, peut-on parler de lobby évangélique ?

      Lamia Oualalou Les évangéliques et les catholiques se retrouvent sur des lignes partisanes communes contre l’avortement, le mariage des personnes homosexuelles et sur des questions corporatistes, à savoir se protéger pour ne pas payer d’impôts. Les évangéliques ont réussi à pousser toutes les idéologies vers la droite. Tout le monde lâche du lest face au poids des évangéliques. Tous les mercredis, les députés se réunissent et chantent ensemble alors qu’ils sont issus du Parti des travailleurs ou de la droite. En 2010, la présidente Dilma Rousseff a écrit une lettre aux évangéliques de crainte de perdre leur vote. Alors qu’elle s’était clairement prononcée en faveur de la liberté de choix pour les femmes, elle s’est engagée à ne pas légiférer sur l’IVG.

      COUVERTURE DE «JÉSUS T’AIME ! » 
      Ils ont une stratégie de pénétration des sphères du pouvoir et de la société grâce à un marketing ciblé. Il existe par exemple des Églises évangéliques homosexuelles. La force des évangéliques est telle que quiconque s’y oppose subira de fortes pressions. Si Bolsonaro est élu, la répression viendra de l’État comme d’individus. Les monstres sont déjà sortis.
      Lamia Oualalou Journaliste
      Lamia Oualalou, Jésus t’aime ! La déferlante évangélique. Éditions du Cerf, 286 pages, 20 euros.

      SUR LE MÊME SUJET :

      L'EAU, VICTIME DE LA GUERRE DU LITHIUM AU CHILI


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      PHOTO IVAN ALVARADO

      En plein milieu du désert d'Atacama au Chili, le long de la cordillère des Andes, ces piscines colorées ont de quoi surprendre. L'endroit est le plus aride du monde, souffrant d'un taux d'humidité qui ne dépasse jamais les 3 %. La baignade est cependant interdite : il s'agit en réalité de saumures d'une "mine" de lithium, le métal devenu incontournable pour fabriquer toutes les batteries des voiture électrique, des smartphones et autres appareils high-tech contemporains.

      Ingrédient des batteries modernes, le métal de plus en plus précieux suscite une féroce concurrence qui pèse sur les ressources en eau.

      La production de lithium, métal devenu stratégique en raison de son utilisation dans les batteries modernes, explose au Chili. Le premier gisement du monde repose dans les sous-sols du désert d'Atacama, sous forme d'une saumure ensuite évaporée pour en extraire le sel de lithium. Mais cette activité industrielle suscite des critiques de plus en plus vives de la part des écologistes. Et s'y ajoutent désormais des inquiétudes économiques et géopolitiques, après l'investissement conséquent d'un groupe chinois dans ce secteur.

      PHOTO IVAN ALVARADO

      Pour affiner la connaissance des ressources aquatiques et lever le doute sur leur état actuel, de nouveaux systèmes de mesure ont été installés dans le désert d'Atacama. Ils serviront à surveiller les conséquences de l'activités des mines. Y compris celles de cuivre, voisines également accusées. Un autre métal dont le Chili est le premier producteur - et la Chine le premier acheteur.


      PHOTO IVAN ALVARADO

      Le précieux ingrédient est récupéré par lente évaporation, sur le même principe que les célèbres marais salants de l'île de Ré ou de Guérande. A quelques exceptions près... Cette saumure remplissant les étendues est une eau riche en chlorure de lithium, un autre sel que celui utilisé en cuisine. Elle ne provient pas ici de la mer, mais d'un lac souterrain, ou salar : de l'eau cachée dans ce sol a dissous de tels sels, il suffit de la pomper vers la surface !


      PHOTO IVAN ALVARADO
      Or dès 2013, un tiers de ces arbres a dépéri et, depuis, cette proportion ne cesse d'augmenter, rapporte l'agence de presse Reuters, tandis que certains canaux d'irrigation se sont asséchés. Des symptômes de l'intensification de l'extraction, poussée par les deux concurrents régnant sur le lithium d'Atacama : l'Américain Albemarle Corp et le Chilien SQM. Depuis des années, ils se rejettent la faute, alors que leurs bassins ne sont séparés que de cinq kilomètres.

      PHOTO IVAN ALVARADO
      Mais cette consommation intensive d'eau à des fins industrielles, aux confins d'un désert proche d'habitations, suscite depuis longtemps une inquiétude environnementale. Un solide arbre natif de cette région, l'Algarrobo, puise ses racines dans ces réserves d'eau profondes. Comme un canari dans les mines, son état de santé sert d'alerte pour le gouvernement face aux activités industrielles. (Photo d'illustration d'un park ranger d'Atacama.)
      PHOTO MARIO RUIZ
      La défense de l'environnement peine toutefois à peser face à l'énorme enjeu économique : le Chili, deuxième producteur de cette ressource devenue stratégique (derrière l'Australie), possède dans ce désert le plus gros gisement mondial. Le rachat, début octobre, de 24 % des parts de SQM par le groupe chinois Tianqi, déjà partenaire d'Albermale, n'a pas rassuré ceux qui réclament une nationalisation



      PHOTO IVAN ALVARADO

      Cette guerre économique se joue dans un contexte de tensions de plus en plus fortes autour de l'eau au Chili, raréfiée par des sécheresses récentes ou encore par la culture intensive de l'avocat, très gourmand en liquide aquifère. La situation est d'autant plus préoccupante que légalement, l'eau chilienne est privatisée depuis 1981 et la dictature d'Augusto Pinochet.

      PHOTO IVAN ALVARADO

      D'ici là, l'extraction du lithium, une ressource déjà comparée au pétrole du futur, n'est pas prête de s'arrêter au Chili en raison de l'essor de l'usage des batteries modernes, en particulier dans les voitures électriques. Sa production mondiale gonfle d'environ 12 % par an et accélère encore. Et la Chine, directement par ses mines ou indirectement par ses investissements, contrôle déjà près de la moitié de cette ressource... à l'échelle de la planète.



      PHOTO IVAN ALVARADO

      Présidente jusqu'en mars 2018, Michelle Bachelet a tenté une réforme pour protéger les sources et donner la priorité à l'usage pour la population, mais le texte de loi n'a pas encore obtenu le feu vert du Sénat.

      VOIR AUSSI
      Le désert ultra-aride d'Atacama recouvert de fleurs

      lundi 22 octobre 2018

      ANNIVERSAIRE DE LA MORT D’HERNÁN RAMÍREZ

      LE PROFESSEUR HERNÁN RAMÍREZ ET
      SON ÉPOUSE, CIRCA 1970 AU CHILI

       1979 - 21 octobre - 2018
      Hernán Ramírez s'est éteint le 21 octobre 1979 en exil en France

      Hernán Ramírez Necochea est né à Valparaiso le 27 mars 1917 et il est décédé à Paris le 21 octobre 1979. Il a été professeur, historien et universitaire. Il est considéré l’un des grands intellectuels chiliens et un des plus importants historiens de l'historiographie nationale. Après s’être diplômé en Histoire et Philosophie par l’université du Chili en 1939, il a obtenu un Master of Arts en Éducation par l’université de Columbia, à New York.

      HOMMAGE DU PARTI COMMUNISTE CHILIEN

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      samedi 20 octobre 2018

      PORTRAITS DE FAMILLE - CLAUDIO ARRAU (2/2)

      CLAUDIO ARRAU
      PHOTO ERICH AUERBA
      CH
      [ Pour écouter, cliquer sur la flèche ]
      PORTRAITS DE FAMILLE PAR PHILIPPE CASSARD
       -RADIO FRANCE MUSIQUE-
      « (1952-1991) : LES ANNÉES DECCA ET PHILIP »,
      DIFFUSÉ LE SAMEDI 20 OCTOBRE 2018
        Générique :
        Brahms,Intermezzo N°3 Op. 119
        Philippe Cassard, Piano  
        Accord 4761894

        Beethoven
        Sonate n°23 en fa mineur op.57 "Appassionata"
        Claudio Arrau, piano
        DECCA CD74 (enr. 1954)

        Début de l'Appassionata
        Claudio Arrau, piano
        Version récital (1983)

        Chopin
        Nocturne en do mineur op.48
        Nocturne en mi bémol Maj. op.55 n°2
        Claudio Arrau, piano
        DECCA CD47 (enr. 1978)

        Réécoute des intervalles des Nocturnes précédents

        Chopin
        Florilège de 4 valses
        Claudio Arrau, piano
        DECCA CD43 (enr. 1979)

        Liszt
        Les années de Pèlerinage (extr.) : Vallée d'Obermann S 160 n°6
        Claudio Arrau, piano
        DECCA CD 62 (enr.1969)

        Brahms
        Concerto n°1 en ré mineur op.15 (Adagio)
        Claudio Arrau, piano
        Concertgebouw Orchestra
        Bernard Haitink, dir.
        DECCA CD 65 (enr. 1969)

        Grieg
        Concerto en la min. op.16 (1er mvt)
        Claudio Arrau, piano
        Concertgebouw Orchestra
        Christoph von Dohnanyi, direction
        Decca  CD 67 (Enr. 1963)
        COFFRET CLAUDIO ARRAU COMPLETE
        PHILIPS RECORDINGS, © DECCA
















        L'équipe de l'émission :
        Philippe CassardProduction
        Pierre WillerRéalisation
        Jean-René Bonnissent Collaboration

        mercredi 17 octobre 2018

        MORT ET RÉSURRECTION DU 17 OCTOBRE 1961

        Longtemps effacé de la mémoire collective, le massacre du 17 octobre 1961 y a repris toute sa place, grâce à un combat obstiné dans lequel films et livres jouèrent un rôle majeur.
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        CETTE PHOTOGRAPHIE DE JEAN TEXIER EST DEVENUE EMBLÉMATIQUE
        DE LA MÉMOIRE DES MASSACRES DU 17 OCTOBRE 1961.


        Le 17 octobre 2001, le maire de Paris, M. Bertrand Delanoë, pose une plaque sur le pont Saint-Michel à la mémoire des Algériens tués le 17 octobre 1961. Des dizaines de morts, des centaines de blessés, des milliers d’expulsés, et 11 500 manifestants arrêtés, parqués au Palais des sports de la porte de Versailles à Paris et dans d’autres lieux. Des policiers parisiens qui jettent dans la Seine des manifestants algériens : longtemps, pourtant, le souvenir de cette soirée du 17 octobre 1961, terrible répression de manifestants dans la capitale française, restera effacé. Quarante ans après, diverses manifestations ont eu lieu, marquant une étape importante vers la reconnaissance officielle de ce qui s’est passé dans cette nuit tragique d’octobre 1961 (1). En quarante longues années, que de chemin parcouru, d’obstacles franchis pour parvenir à une telle reconnaissance !
        RAFLE AU MÉTRO CONCORDE.
        PHOTO ÉLIE KAGAN 
        Dès l’indépendance de l’Algérie, en 1962, le fait
         tragique « 17 octobre 1961 » s’enfonce dans les eaux boueuses de la mémoire française. Rien qu’une tache noire, lointaine, qui semble disparaître dans l’indifférence, comme avalée dans les tourbillons de l’après-guerre d’Algérie. Enigme que cette plongée rapide d’un souvenir cruel ? Le 17 octobre 1961 a été recouvert par l’autre nuit de Maurice Papon, celle du métro « Charonne », le 8 février 1962. Ce soir-là, la police charge violemment des manifestants anti-OAS. On relèvera neuf morts, tous militants communistes. Leurs obsèques rassembleront une foule immense, émue, silencieuse. Charonne entre dans le Panthéon de la gauche. A quatre mois de l’indépendance algérienne, cette dernière reconstruit une histoire de son opposition à la guerre, en « oubliant » le vote des pouvoirs spéciaux de mars 1956 (la gauche, majoritaire à l’Assemblée, a pourtant envoyé le contingent en Algérie).

        Ce premier recouvrement sera consolidé par les amnisties (quatre après 1962) des crimes liés à la guerre d’Algérie. La chaîne des amnisties successives a fabriqué l’amnésie de cette période. Il y a, enfin, la volonté d’oubli, légitime, des acteurs de cette nuit d’effroi (2). La censure aussi jouera son rôle : le livre que Paulette Péju consacre à cet événement tragique, Ratonnades à Paris publié en 1962, sera le dernier livre saisi et censuré de la guerre d’Algérie. Et le film documentaire de Jacques Panijel, Octobre à Paris tourné avec l’aide de la Fédération de France du FLN dans le bidonville de Nanterre en janvier 1962, restera lui aussi longtemps interdit d’écran. Un documentaire tourné par une équipe de télévision de la télévision belge ne verra jamais le jour : les rushes ont été « cisaillés » pendant le montage…

        En Algérie, la tragédie du 17 octobre 1961 sera commémorée comme la « journée de l’immigration ». Longtemps, ce pays se légitimera par des chiffres de « martyrs » innombrables. Les récits officiels présentent le peuple comme un « héros unique ». Côté français, la date restera soigneusement dissimulée. Quelques tentatives d’arrachement de vérités, bloquées dans la vase de l’histoire, ont pourtant lieu : dossiers dans des magazines de l’immigration des années 1970 comme Sans frontière plusieurs pages dans Les Porteurs de valises d’Hervé Hamon et Patrick Rotman, édité en 1979, quelques allusions dans des articles consacrés à la guerre d’Algérie (mais rien dans La Guerre d’Algérie d’Yves Courrière ou la série publiée en 1972-1974 par Historia Magazine). Dans l’après-1968, l’immigré figure en prolétaire exemplaire des combats ouvriers à livrer. Mais, curieusement, dans la littérature politique ou les images de cinéma des années 1970, rien n’est venu rappeler la sombre nuit du 17-Octobre.

        Le 17 octobre 1981, le journal Libération publie une longue enquête signée Jean-Louis Peninou relatant en détail la tragédie du 17-Octobre 1961. Vingt ans après l’événement, la séquence tragique longtemps refoulée dans les plis de la mauvaise conscience française sort enfin de l’ombre. L’arrivée de la gauche au pouvoir, le 10 mai 1981, permet-elle d’affronter le passé trouble algérien ? Pas vraiment. Ce travail journalistique sera en fait relayé et porté non par des militants de la gauche classique, mais par un nouveau groupe porteur de la mémoire des années algériennes, ceux que l’on appelle à l’époque « les beurs », ces enfants de l’immigration algérienne en France. Ainsi, une des premières émissions de Radio Beur est consacrée, le 17 octobre 1981, à la tragédie d’octobre 1961. « Nous avons été submergés d’appels de familles, de jeunes d’origine algérienne » se souvient Samia Messaoudi, qui animait cette émission.

        UN CORPS PARMI TANT D’AUTRES
        PHOTO ÉLIE KAGAN
        Le 3 décembre 1983, 60 000 personnes défilent à Paris au terme de la marche « pour l’égalité, contre le racisme », commencée le 15 octobre à Lyon et Marseille par des fils d’immigrés algériens et de harkis. A cette occasion, des responsables de la marche évoquent la Possibilité de se recueillir au pont de Bezons, là où furent violemment réprimés des travailleurs algériens dans la nuit du 17 octobre (certains y furent précipités dans la Seine). La seconde « Marche des beurs pour l’égalité des droits » tentera, sans succès, de concrétiser cette initiative l’année suivante, en 1984 (la marche arrivera à Paris le 2 décembre 1984). L’initiative de commémoration du 17-Octobre sera ensuite reprise (certains diront récupérée) par SOS-Racisme après sa fondation, en 1985.

        C’est aussi par les livres, romans et essais que revient cette mémoire meurtrie. En mars 1984, paraît à Paris un roman policier de Didier Daeninckx, Meurtres pour mémoire. L’auteur fait débuter son roman policier par la manifestation du 17-Octobre. Il imagine qu’un jeune professeur d’histoire, après avoir croisé sur le boulevard Bonne-Nouvelle l’un des cortèges algériens, devient la seule victime française de la répression. Vingt ans plus tard, son fils est abattu dans des conditions mystérieuses. Ce roman sera porté à l’écran par la première chaîne de télévision française en 1986. Un autre roman sera publié l’année suivante, en avril 1985, de Nacer Kettane, Le Sourire de Brahim racontant 1 histoire d’un enfant de 8 ans pris dans l’engrenage de cette nuit terrible, où il a vu mourir l’un de ses frères. L’auteur écrit : « Les berges de la Seine étaient jalonnées de cadavres et sous le pont Mirabeau avait coulé le sang. Hommes noyés, torturés, à jamais témoins de la barbarie, vous êtes comme un souffle de vie suspendu qui rafraîchira la mémoire des générations en pèlerinage d’identité. » Peu à peu, à travers les manifestations et les premiers romans, émerge une conscience de filiation des enfants de l’immigration algérienne avec cet événement. Le 17-Octobre arrive comme une date fondatrice d’un combat pour l’égalité citoyenne et la dignité.

        L’année suivante, en avril 1986, sort le premier ouvrage de synthèse de l’événement, Les Ratonnades d’octobre, un meurtre collectif à Paris de Michel Lévine. Vingt-cinq ans après Paulette Péju, l’auteur ne rajoute pas de spectaculaire à la restitution des faits, ne se départit pas de la distance et de la neutralité de l’observateur, et livre juste un diagnostic, effrayant. Le travail s’appuie essentiellement sur des témoignages : Mohamed Badache, que deux policiers ont étranglé avec un lacet, puis jeté dans un fossé. Mohamed Trachi, assommé et précipité dans la Seine au pont de Suresnes. Slimane Alla, dont le frère, arrêté, n’est jamais réapparu depuis. Ahcène Boulanouar, battu, violé et jeté dans la Seine face au jardin Notre-Dame. Bachir Aidouni, rescapé d’une tentative de noyade. Ramdane Berkani, assommé à coups de crosse. Medjouli Lalou, violemment matraqué sur tout le corps, puis abandonné au coin d’une rue, incapable de bouger. Akli Ben-haji et son ami Arezki, tabassés à coups de barre de fer et laissés dans le bois de Meudon. Ahmed Bouzidi, dont le neveu est retrouvé noyé. Mais le livre arrive peut-être trop tôt, et ne rencontre pas son public. Cette année-là, Ali Haroun publie La 7e Wilaya histoire de la Fédération de France du FLN, où le 17-Octobre est restitué en pleine lumière. Et l’hebdomadaire de l’Amicale des Algériens, Actualité de l’émigration publie en octobre 1986 un numéro spécial d’« Hommages et témoignages », sous la direction d’Abdelkader Djheghloul. Cet activisme de l’année 1986 ne parvient pas pourtant à rompre le blocus de l’amnésie.

        En fait, le passage des douleurs privées à la mémoire collective est un processus difficile, semé d’embûches. Comment reconnaître le fait « 17 octobre 61 », alors que la guerre d’Algérie n’existe toujours pas, officiellement, en France ? Comment évoquer des crimes dans une « guerre sans nom » ?

        Pourtant, tout au long de ces années 1980, cet événement réapparaît comme symptôme du malaise qui touche les générations issues de l’immigration maghrébine, confrontées à la persistance d’un racisme de type colonial. En scrutant la nuit du 17-Octobre, certains d’entre eux en tirent la radiographie sans appel d’un monde malade et blême.

        Le combat livré par les enfants de l’immigration algérienne (les « beurs ») fera craquer le « silence du fleuve », pour reprendre le titre du beau livre d’Anne Tristan et Mehdi Lalaoui publié en 1991 (3). En 1991, à la veille du trentième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, s’ouvre en effet un nouveau cycle, crucial pour la reconnaissance de l’événement, par trois faits : le documentaire français Les Années algériennes de Philippe Alfonsi, Bernard Favre et Benjamin Stora, qui consacre une demi-heure au 17-Octobre (avec les témoignages du photographe Elie Kagan et du journaliste Farid Aïchoune, âgé de 8 ans au moment des faits) ; la parution du livre de Jean-Luc Einaudi, La Bataille de Paris qui rencontre un grand écho dans les médias français (l’auteur participe ainsi à une grande émission littéraire de télévision animée par Bernard Rapp, en novembre) ; et, surtout, la manifestation organisée par l’association Au nom de la mémoire, dirigée par Mehdi Lalaoui, David Assouline, Samia Messaoudi, le 17 octobre 1991. Cinq mille jeunes défilent ce soir-là sur les Grands Boulevards, place de l’Opéra, sur les lieux mêmes où trente ans auparavant certains de leurs pères avaient été réprimés.

        En plus de la manifestation du trentenaire sur les Grands Boulevards, l’association multiplie les initiatives pour faire resurgir ce passé tragique : plaque posée au Pont de Bezons en octobre 1991 (plaque arrachée peu de temps après) ou exposition photographique inaugurée la même année par un ministre de l’éducation nationale qui s’appelait Lionel Jospin. Cette association est de ces acteurs efficaces qui œuvrent dans l’ombre Pour que la reconnaissance intervienne. Elle est rejointe par d’autres : le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), principal artisan des rassemblements annuels au pont Saint-Michel, ou la Ligue des droits de l’homme. En 1992, est diffusé à la télévision française le documentaire anglais Une journée portée disparue de Philip Brooks et Alan Hayling.

        Les responsables d’au nom de la mémoire, qui demandent réparation des torts subis par leurs pères, font à nouveau parler d’eux en organisant une manifestation devant le palais de justice de Bordeaux, en 1998. Car c’est aussi par le procès de la déportation des juifs de Bordeaux que la guerre d’Algérie fait son retour. Près de quarante ans après, le souvenir d’Octobre 1961 revient à la surface à l’occasion du procès contre Maurice Papon en octobre 1998. Son rôle dans la guerre d’Algérie est mis en relief par Jean-Luc Einaudi. L’ancien préfet de police de Paris intente alors un procès en diffamation à l’encontre de ce dernier. Aux audiences du procès pour diffamation, en février 1999, il livre sa version sur l’Octobre sanglant de Paris. Il plonge dans l’ambiance de la guerre d’Algérie, vu du côté de l’ordre, le temps de dire que « ses effectifs étaient insuffisants ». De dire aussi que les 11 000 interpellés furent, « grâce à leur bonne volonté, bien contents de se voir mis à l’abri et débarrassés de la corvée de manifester ». Maurice Papon perd son procès contre Jean-Luc Einaudi. Et, pour la première fois, l’Etat français, le 12 février 1999, par le substitut Vincent Lesclous, reconnaît solennellement la réalité du « massacre » commis ce jour-là par des membres des forces de l’ordre « reniant les valeurs, se refusant à la discipline, jouets de la haine qui les a aveuglés ». Jusque-là, seul le rapport commandé en 1997 par M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’intérieur, au conseiller d’Etat Dieudonné Mandelkern, évoquant la « répression très dure », avait officiellement admis que le nombre de morts parmi les manifestants algériens pouvait se monter à trente-deux.

        En 1999, sort sur les écrans français le beau film de Boualem Gerdjou, Vivre au Paradis avec pour interprète principal Rochdi Zem. Le film raconte la vie quotidienne d’ouvriers immigrés algériens dans le bidonville de Nanterre en 1961. La séquence 17-Octobre apparaît sous la forme d’une longue procession nocturne, silencieuse. Silence rompu par le bruit sourd des matraques et des cris étouffés.

        Le 10 août 1999, le journal Libération révèle le rapport rédigé par M. Jean Géronimi, avocat général à la Cour de cassation. Ce rapport, commandé en octobre 1998 par la garde des sceaux Elisabeth Guigou, brise les mensonges de la vérité officielle établie depuis octobre 1961. M. Géronimi estime que « l’on peut évaluer à quarante-huit » le nombre de personnes tuées dans la nuit du 17 au 18 octobre 1961. Pour la première fois, une enquête officielle aboutit à un chiffre précis, loin du bilan officiel de l’époque. Les recherches de Jean Géronimi établissent que les responsables gouvernementaux de l’époque étaient informés de ces faits. La vérité a réussi à se frayer un chemin. Mais les deux archivistes qui ont accompli le travail de recherche, et contribué à divulguer le nombre de morts d’octobre 1961, sont sanctionnés et relevés de leurs postes…

        Au moment du quarantième anniversaire du 17-Octobre, Au nom de la mémoire édite les travaux d’un colloque organisé à la Sorbonne en octobre 1998 (4). L’ouvrage publie pour la première fois l’intégralité du rapport du conseiller d’Etat Mandelkern. On y apprend que certaines archives auraient disparu, telles celles du Service de coordination des affaires algériennes (SCAA), celles de la brigade fluviale, les fichiers d’identification des manifestants retenus à Vincennes et au Palais des sports, ou, de manière plus étonnante encore, le rapport envoyé au lendemain de la manifestation par le préfet de police au ministre de l’intérieur, dont, pourtant, le président de la République et le premier ministre de l’époque étaient également destinataires. Il donne, en annexe de ces archives conservées ou déclarées disparues, une liste extrêmement précieuse pour demander leur consultation ou interroger les plus hautes autorités de l’Etat sur leur sort. Mais le rapport reprend à son compte sans les contester les assertions policières sur les « coups de feu échangés » et les « violents affrontements » sans s’interroger sur la fiabilité des rapports de police qui en font état, alors que le croisement avec les témoignages des manifestants rescapés comme ceux des Parisiens étrangers à la démonstration conduisent pourtant à les contester sérieusement.

        Le travail universitaire prend, à ce moment, une tournure importante. Linda Amiri, étudiante en histoire de l’université Paris-VIII (Saint-Denis), publie son mémoire de maîtrise fondé sur l’étude des archives de la Préfecture de police, de la Cimade et surtout celles, en grande partie inédites, de la Fédération de France du FLN, qu’elle s’est vu confier par l’un de ses responsables d’alors, Ali Haroun (5). Elle confirme notamment les méthodes de l’organisation pour contraindre les Algériens « craintifs » à manifester : listes de noms et adresses des récalcitrants, qui sont l’objet de « très graves sanctions ».

        Le travail de Linda Amiri se poursuit en ce moment par la préparation d’une thèse. Elle a eu accès, notamment, aux archives du cabinet du préfet Maurice Papon. Dix ans après La Bataille de Paris Jean-Luc Einaudi, outre l’hommage qu’il rend au travail du photographe Elie Kagan (6), donne, après avoir enfin reçu l’autorisation de consulter les archives de l’Assistance publique, de la gendarmerie, du Fonds d’action sociale, du cimetière de Thiais, du parquet de Paris et de la Préfecture de police (dont celles de l’Institut médico-légal), le résultat de ses investigations dans un nouveau livre (7). L’ensemble des faits est regroupé dans une chronologie qui commence au début du mois de septembre 1961, quand Maurice Papon donne pour instruction écrite : « Les membres des groupes de choc [du FLN] pris en flagrant délit de crime doivent être abattus sur place par les forces de l’ordre. » C’était la transposition à Paris des « habitudes » d’Algérie : l’exécution de prisonniers pris les armes à la main, qui s’ajoutait à cette autre contagion qu’était le transfert de pouvoirs de police à des militaires. La force de police auxiliaire commandée par le capitaine Raymond Montaner était, en effet, chargée depuis plusieurs mois de faire à Paris la guerre au FLN avec les méthodes bien connues, y compris la torture et l’assassinat, de la « bataille d’Alger ». Sans compter que le « permis de tuer » donné par le préfet pouvait être interprété de manière extensive : des syndicalistes policiers ont témoigné qu’il avait fait savoir que le nécessaire serait fait pour que, s’il le fallait, des armes soient déclarées trouvées sur tout Algérien tué par des policiers.

        L’universitaire Jean-Paul Brunet, dans son ouvrage Police contre FLN avait critiqué, sévèrement, les chiffres avancés par Jean Luc Einaudi (400 morts pour la nuit du 17 octobre 1961). A partir de l’ensemble des sources qu’il a pu consulter, Jean-Luc Einaudi dénombre cette fois, entre septembre et octobre 1961, 325 victimes « dont la mort peut très vraisemblablement être imputée à l’action de la police ». Dans 159 cas, elle est intervenue le 17 octobre ou les jours suivants. S’y ajoutent 68 disparus, l’auteur laissant entendre que la question d’une dissimulation délibérée d’une partie des cadavres reste posée. Suivent huit pages entièrement remplies de la longue litanie des noms de ces victimes.

        En 2004, l’exposition « Photographier la guerre d’Algérie », à l’hôtel de Sully, à Paris, dévoile des photographies inédites du 17 octobre 1961, prises par le photographe de France Soir photos jamais publiées. Elles montrent des Algériens en longue file indienne sur la place de l’Opéra, les bras sur la tête, d’autres sauvagement matraqués, et des cadavres allongés dans les rues de Paris. Ces images disent qu’il reste encore des choses à découvrir sur cette nuit tragique…
        Benjamin Stora

        Historien, auteur de nombreux livres sur la guerre d’Algérie. Dernier en date : Le Livre, mémoire de l’histoire, Le Préau des collines, Paris, 2005



        1. (1) Au moment du quarantième anniversaire de cet événement, une dizaine d’ouvrages paraissent. Deux d’entre eux sont publiés par l’association Au nom de la mémoire, dont l’un a servi de catalogue à l’exposition « 17 octobre 1961. Dix-sept illustrateurs » qui s’est tenue à la Conciergerie, à Paris, du 15 au 30 octobre 2001. Les références de cet ouvrage et de tous ceux cités dans cet article se trouvent dans la bibliographie résumée en p. 86.
        2. (2) Sur cet aspect général de l’oubli, je renvoie à mon ouvrage La Gangrène et l’Oubli : la mémoire de la guerre d’Algérie.
        3. (3) Le Silence du fleuve a ensuite été adapté sous forme de documentaire par Agnès Denis, et diffusé à la télévision en 1992.
        4. (4) A propos d’Octobre 1961, sous la direction de David Assouline et Mehdi Lallaoui. Au même moment, Olivier Le Cour Grandmaison publie un ouvrage collectif, Le 17 octobre 1961, un crime d’Etat à Paris.
        5. (5) Les Fantômes du 17-Octobre.
        6. (6) 17 octobre 1961, Jean-Luc Einaudi et Elie Kagan, postface de Thérèse Blondet-Bisch.
        7. (7) Octobre 1961. Un massacre à Paris.