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dimanche 31 mars 2019

LE MUSÉE NORVÉGIEN KON-TIKI VA RENDRE DES PIÈCES ARCHÉOLOGIQUES À L'ÎLE DE PÂQUES


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PHOTO MUSÉE KON-TIKI
PACIFIQUE - Des représentants du musée norvégien Kon-Tiki d'Oslo et du ministère chilien de la Culture ont signé un accord qui entérine la restitution de milliers de pièces archéologiques de l'Île de Pâques emportées à la moitié du XXe siècle par le célèbre explorateur Thor Heyerdahl.
 PHOTO  SEBASTIÁN RODRÍGUEZ
La signature a eu lieu jeudi lors d'une cérémonie à Santiago fermée à la presse et en présence du couple royal norvégien, Harald V et Sonja Haraldsen, présent au Chili pour une visite officielle.  

"En tant que ministre, nous avons la mission de répondre à la demande juste du peuple Rapa Nui (nom polynésien de l'Île de Pâques, comme de ses habitants et de leur langue) de récupérer son patrimoine culturel", a déclaré la ministre chilienne de la Culture et du Patrimoine, Consuelo Valdés, dans un communiqué. 

"Nous avons franchi aujourd'hui un pas supplémentaire avec cet accord historique avec la Norvège, qui permettra le retour de pièces d'une valeur symbolique et culturelle très importante pour l'île", a-t-elle ajouté. 

De son côté, Martin Biehl, le directeur du musée Kon-Tiki, a affirmé que "notre intérêt commun est que tous les objets soient rendus et puissent surtout aller à un musée bien équipé". Il a également souligné que le processus de restitution "prendra du temps". 

TIMBRES COMMÉMORATIFS
Le fils de l'explorateur Thor Heyerdahl Jr., qui avait accompagné son père à l'âge de 17 ans lors d'une de ses expéditions en 1955 sur l'île de Pâques, était également présent à Santiago.  

"La restitution revient à tenir la promesse de mon père aux autorités de Rapa Nui qui était que les objets soient rendus après avoir été analysés et exposés", a déclaré Heyerdahl Jr.  

Thor Heyerdahl (1914-2002) s'était rendu célèbre en 1947 lors de l'expédition Kon-Tiki, traversée en radeau entre le Pérou et des îles polynésiennes destinée à expliquer le peuplement de l'Océanie. 

LA TOUR EIFFEL FÊTE SES 130 ANS ET GARDE UNE SANTÉ DE FER

 «LA TOUR EIFFEL FÊTE SES 130 ANS ET GARDE UNE SANTÉ DE FER»
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EURONEWS

    samedi 30 mars 2019

    DIALOGUE SUR L’EUROPE AVEC RÉGIS DEBRAY


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    COUVERTURE DU N°1 DE 
    « L’EUROPE FANTÔME »
     «DIALOGUE SUR L’EUROPE AVEC RÉGIS DEBRAY»
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      Mediapart : Edwy Plenel dialogue avec Régis Debray, auteur de «L’Europe fantôme» (Gallimard, 2019), dans le cadre de notre festival des 11 ans au 104.

      vendredi 29 mars 2019

      LE NOUVEL ADMINISTRATEUR DE SANTIAGO VISITE DES PRÊTRES ABUSÉS PAR FERNANDO KARADIMA


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      MGR CELESTINO AÓS BRACO À EL BOSQUE, AVEC 
      DES PRÊTRES ABUSÉS PAR FERNANDO KARADIMA
      PHOTO IGLESIADESANTIAGO.CL

      Mgr Celestino Aós Braco, nouvel administrateur apostolique de l’archidiocèse de Santiago du Chili, est à nouveau sur la sellette. Le capucin  de 73 ans est questionné par la presse chilienne pour avoir renvoyé le Père Antonio Vargas à Valence, son diocèse d’origine, pour la durée de son procès pour “attitudes inadéquates” envers des femmes et des mineurs.
      PHOTO IGLESIADESANTIAGO.CL
      Nommé le 23 mars 2019 administrateur apostolique de Santiago,  Mgr Celestino Aós Braco a remplacé le cardinal Ricardo Ezzati, accusé d’avoir couvert des prêtres pédophiles.

      Après avoir rencontré le 28 mars 2019 à la paroisse d’El Bosque des prêtres abusés par l’ancien prêtre Fernando Karadima, Mgr Celestino Aós Braco a déclaré que sa décision était due au fait que Vargas était malade et non à une manœuvre de dissimulation.

      Un prêtre accusé d’abus renvoyé en Espagne

      L’ancien évêque de Copiapó a pris en considération le fait que le prêtre incriminé avait des problèmes de santé et qu’au Chili on ne pouvait pas prendre soin de lui. “C’est pourquoi il a été envoyé en Espagne pour y être soigné. La première chose, c’est la santé !”, a déclaré à la presse l’administrateur apostolique de Santiago.

      En juin 2018, Mgr Celestino Aós, alors qu’il était évêque de Copiapó, avait reçu un groupe de fidèles ayant dénoncé le comportement incorrect du Père Vargas. Il avait alors rencontré le prêtre et a décidé de le renvoyer à Valence.

      Reconstruire la confiance

      En conséquence, le nouvel évêque de Copiapó a demandé le 28 mars que tous les antécédents envoyés au Saint-Siège sur cette affaire lui soient remis. Ce dossier est toujours entre les mains de l’ancien évêque aujourd’hui promu à Santiago.

      Afin de les écouter, de reconstruire la confiance et de guérir les blessures, Mgr Celestino Aós a rencontré jeudi après-midi 28 mars 2019, à la paroisse du Sacré-Cœur de Jésus de la Providence, à El Bosque, les prêtres Eugenio de la Fuente, Alejandro Vial et Sergio Cobo. L’an dernier, ces prêtres qui avaient dénoncé les abus de Karadima, étaient venus à Rome rencontrer le pape François. Mgr Celestino Aós s’est à plusieurs reprises excusé et admis ses “négligences”, mais il a “absolument” réfuté le fait d’avoir dissimulé des abus sexuels. (cath.ch/iglesiadesantiago/be)

      jeudi 28 mars 2019

      CONFESSION D’UN TORTIONNAIRE


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      ANDRES ANTONIO VALENZUELA MORALES
      Andrés Valenzuela Morales, agent du service de renseignement de l’armée de l’air du Chili, a publié, dans El Diario de Caracas, en décembre 1984, une longue confession sur ses activités de tortionnaire et sur sa participation à maints enlèvements de militants de gauche, « disparus » depuis. Dans l’extrait ci-dessous, il rappelle la responsabilité de M. Roberto Fuentes Morrison et ses relations avec le groupe pro-nazi Patria y Libertad.
      Le Monde diplomatique, Août 1986, page 6 

      (...)

      "Avez-vous torturé ?

      • Oui.

      — En quoi consistaient les tortures ?

      — Des chocs électriques, des coups...

      — Avez-vous du ressentiment contre l’armée de l’air ?

      • Contre elle, bien sûr que non. Contre ceux qui m’ont changé, oui. Contre les chefs qui m’ont fait faire ce que j’ai fait. Contre l’armée de l’air, non, ni non plus contre les forces armées.

      • Qui étaient ces chefs ?

      — Roberto Fuentes Morrison.

      • Quand l’avez-vous connu ?

      — En 1974, à l’Académie de guerre. Il ne faisait pas partie de l’armée de l’air. Je crois qu’en 1975 il a été nommé sous-lieutenant de réserve. Il a toujours laissé entendre qu’avant il était infiltré dans Patria y Libertad. En 1980 il a été blessé par balle, ils lui ont mis deux rafales et il est passé commandant. A l’heure actuelle il est commandant d’escadrille, de réserve bien entendu, Il aime beaucoup « astiquer l’uniforme »

      • Quel genre d’homme est-ce, Roberto Fuentes?

      • Il était de toutes les opérations. C’est lui qui allait avec les chefs des carabiniers, de la marine et de l’armée de terre qui travaillaient avec nous. C’est lui qui décidait qui il fallait tuer. C’est pourquoi je ne suis pas sûr que les grands chefs de l’armée de l’air sachent ce qui s’est vraiment passé.

      — Etes-vous sûr qu’à l’heure actuelle Fuentes n’est plus à l’action dans l’armée de l’air ?

      — Il ne fait plus rien, sauf quelquefois quand il travaille avec la CNI. Mais c’est lui qui propose ses services, il établit des contacts, il fait des faveurs personnelles. C’est comme ça que j’ai su qu’à la CNI il y avait plusieurs unités ou sections. Il y en a une qui s’appelle section bleue, qui s’occupe des partis politiques. La même chose pour chaque secteur à surveiller : les journalistes d’opposition, les syndicats. Il faut des années pour devenir spécialiste, Il y a un secteur MIR (1), un secteur Parti socialiste, un secteur parti radical. Il y a même des querelles entre eux parce que ceux qui ont le plus de travail, c’est ceux qui s’occupent du MIR.

      — Fuentes avait-il beaucoup d’amis ?

      — Il avait des amis de différents côtés. Par exemple, un de ceux qui ont été arrêtés pour la mort d’un ouvrier du POJH (2) à Pudahuel, et qui s’appelle Joaquin Justo Pina Glamesti, était un de ses amis de l’époque de Patria y Libertad. Un jour, nous sommes allés ensemble à la mairie de Pudahuel pour faire un travail. Nous recherchions une personne. Nous avions son adresse mais nous n’arrivions pas à la localiser, et c’est pourquoi nous sommes allés à la mairie. A la sortie, Fuentes a fait monter un fonctionnaire de la mairie dans la voiture en disant qu’ils devaient aller voir Pina. Fuentes a déclaré : « Moi, je n’abandonne pas mes gens, c’est pour ça que je vais les voir en prison. » Et il a cité les noms de ceux qui avaient été arrêtés avec Pina. Celui qui voyageait avec nous dans l’auto lui a répondu en lui disant qu’il se rappelait avoir travaillé ensemble pendant des années : « Avec toi, nous avons beaucoup appris. » Je me suis rendu compte qu’ils avaient travaillé ensemble et appartenu aussi à Patria y Libertad. Ils ont continué à bavarder, en rappelant en particulier que Fuentes avait été l’auteur du sabotage à l’explosif d’un oléoduc à l’époque d’Allende."
      Andrés Valenzuela Morales
      Notes:
      (1) Mouvement de la gauche révolutionnaire.
      (2) Programme d’occupation des chefs de famille, destiné aux chômeurs.

      mercredi 27 mars 2019

      AU CHILI, LA JUSTICE CONDAMNE L’ÉGLISE À INDEMNISER DES VICTIMES D’AGRESSIONS SEXUELLES



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      DESSIN CHAPPATTE
      Juan Carlos Cruz, José Andrés Murillo et James Hamilton, trois victimes d’un même prêtre, recevront chacun 100 millions de pesos chiliens, soit quelque 130 000 euros.
      6Temps de Lecture 10 min.
      JOSE ANDRES MURILLO ET JUAN CARLOS CRUZ
      DEUX VICTIMES DU PRÊTRE PÉDOPHILE 
      FERNANDO KARADIMA, LE 2 JANVIER 
      LORS D’UNE CONFÉRENCE 
      DE PRESSE À SANTIAGO.
      PHOTO CLAUDIO REYES 
      Cent millions de pesos chiliens, soit environ 130 000 euros, pour chacun des trois plaignants. La justice chilienne a condamné, mercredi 27 mars, l’Église chilienne à indemniser trois des victimes du prêtre Fernando Karadima, accusé d’agressions sexuelles multiples sur des mineurs.

      L’octogénaire, un ancien formateur charismatique de prêtres, avait été reconnu coupable en 2011 par un tribunal du Vatican d’avoir commis des actes pédophiles dans les années 1980 et 1990. Il avait aussi été contraint de se retirer pour une vie de pénitence. Mais les trois victimes, Juan Carlos Cruz, José Andrés Murillo et James Hamilton, avaient décidé en outre de porter plainte contre l’Église chilienne, pour avoir couvert les agissements du vieux prêtre.


      Démission de l’archevêque de Santiago du Chili


      L'ARCHEVÊQUE DE SANTIAGO RICARDO EZZATI CÉLÉBRANT 

      UNE MESSE DANS LA CATHÉDRALE MÉTROPOLITAINE 
      DE SANTIAGO, LE 18 MAI 2018 
      Le Chili est agité depuis plusieurs mois par une série de scandales de pédophilie au sein de son Église, dans la foulée de la visite très controversée du pape François en janvier 2018. Ce dernier avait été accusé de ne pas avoir pris la mesure de ces affaires.

      Signe d’un changement d’attitude de la part du souverain pontife, ce dernier a accepté samedi la démission de l’archevêque de Santiago du Chili, le cardinal Ricardo Ezzati, 77 ans, accusé d’avoir couvert des prêtres pédophiles. Mgr Ezzati avait présenté sa démission en mai 2018, comme l’ensemble des 34 évêques chiliens à la suite d’une série de scandales d’abus sexuels. Jusqu’à présent, le pape n’avait accepté que sept de ces démissions.

      ILLUSTRATION 
      MOREAU-DUSAULT

      mardi 26 mars 2019

      24 MARS EN ARGENTINE : JOURNÉE DE LA MÉMOIRE, DE LA VÉRITÉ ET DE LA JUSTICE


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      QUECA ET OTILIA, MÈRES, EXEMPLE DE LUTTE INDÉFECTIBLE
      LE VENDREDI 31 MARS 2017, À LA PLAZA DE MAYO DE
      SANTA FE DE LA VERA CRUZ, VILLE D'ARGENTINE  ET 

      LA CAPITALE DE LA PROVINCE DE SANTA FE
      PHOTO GABRIELA CARVALHO 
      Que commémore-t-on le 24 mars ?
      par Lola Rodrigues
      PHOTO MAURICIO CENTURION
      en Argentine, nous célébrons la « Journée de la Mémoire, de la Vérité et de la Justice  ». L’hommage rendu aux victimes de la dictature argentine, effective de 1976 à 1983 mobilise chaque année dans tout le pays. C’est le 24 Mars 1976 qu’Isabel Peron, alors présidente de l’Argentine, est chassée du pouvoir par les militaires du général Jorge Rafael Videla. Durant six ans, l’Argentine va être plongée dans une dictature militaire qui sera marquée par la disparition de 30 000 personnes.


      GRAFFITI «  FORD FALCON »
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      samedi 23 mars 2019

      ISABELLE GARO : «  LE COMMUNISME, CETTE RÉAPPROPRIATION DE SES PROPRES FORCES SOCIALES  »


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      ISABELLE GARO
      PHOTO JULIEN JAULIN/HANSLUCAS
      Présidente de la Grande Édition de Marx et d’Engels en français (Geme), la philosophe invite dans Communisme et stratégie à une redéfinition « dialectique » de l’alternative à partir des théories critiques du capitalisme, d’une relecture de Marx et des luttes actuelles afin de s’inscrire dans une perspective révolutionnaire.
      Dans Communisme et stratégie (1), vous entrez rapidement dans le vif du sujet en parlant du « retour de la question communiste » et d’une « réactivation du communisme ». Cela s’inscrit cependant dans un paradoxe, selon vous. Lequel ?

      COUVERTURE © SYLVAIN LAMY
      «
      COMMUNISME ET STRATÉGIE»
      ISBN 9782354801878,      19 €,
      336 PAGES, 
      PARU LE 15 FÉVRIER 2019
      Isabelle Garo 
      Le paradoxe est celui-ci : d’un côté, on peut constater un retour, relatif mais réel, de la thématique communiste, sous la plume d’auteurs dont l’écho est important, bien au-delà des cercles militants. Cette question se trouve aujourd’hui retravaillée par des philosophes comme Alain Badiou, Antonio Negri, Jacques Rancière ou Jean-Luc Nancy. De l’autre côté, sa portée politique ne bénéficie pas du même regain d’intérêt. J’ai laissé de côté les théoriciens qui se situent sur le terrain du marxisme et qui n’ont jamais déserté cette question : il faudrait consacrer un livre entier aux réflexions stratégiques développées notamment par Lucien Sève, André Tosel ou Daniel Bensaïd. Mon projet était ici d’analyser le sens complexe de cette reviviscence partielle, qui a migré sur le terrain théorique mais qui témoigne bien d’une recherche croissante d’alternatives, face aux dégâts colossaux du capitalisme contemporain. Elle manifeste aussi notre difficulté collective à combiner la réflexion à la construction effective d’une telle alternative, à partir des conditions existantes. Je tente de proposer quelques pistes en relisant ensemble ces auteurs et Marx à partir des enjeux actuels de la transformation sociale.

      Dans cette situation paradoxale, vous pointez les difficultés des mouvements politiques et sociaux et des critiques marxistes du capitalisme. De quel ordre ces difficultés sont-elles ?

      Isabelle Garo 
      Je dirais d’abord que ces dimensions sont distinctes. La critique marxiste du capitalisme est plus que jamais féconde. Et si on élargit la focale au-delà de la France, les travaux sur ce terrain sont nombreux, du côté de la philosophie mais aussi des sciences sociales. Les mouvements sociaux sont vigoureux et épars : luttes féministes, écologistes, antiracistes, solidarité avec les réfugiés, mobilisations contre les politiques néolibérales dans de multiples secteurs et, bien sûr, irruption des gilets jaunes qui bouscule tous les cadres. Sur le plan politique, en revanche, la gauche n’a jamais été aussi faible et divisée, peinant à porter un projet alternatif clair et cohérent en dépit de ses efforts. Dans le même temps, les mouvements néofascistes ont le vent en poupe, leurs idées se diffusent d’autant plus largement qu’elles sont instrumentalisées, y compris par des politiques étatiques et européennes. C’est peu dire que, dans ces conditions, la démocratie dépérit sous nos yeux alors que c’est son sens fort et élargi qu’il s’agit de construire.

      Pour vous, en plein « moment néolibéral », « la crise du mouvement ouvrier » est même à son comble. Pourquoi ?

      Isabelle Garo 
      Les politiques néolibérales se sont acharnées à démanteler les collectifs de travail, à casser les solidarités et les services publics et à généraliser la concurrence comme modèle social. Mais les forces de gauche subissent aussi le contrecoup prolongé de l’échec du « socialisme réel » à l’Est, de la diabolisation médiatique et idéologique de toute volonté transformatrice depuis les années 1970 et du bilan calamiteux de la « gauche » au pouvoir. S’y ajoute le poids des logiques électorales étroites, qui ont contribué à tarir la réflexion stratégique. Celle-ci vise à articuler un projet radical, le dépassement du capitalisme, à la définition des moyens concrets de sa réalisation, en échappant aux cuisines électorales autant qu’aux déclamations creuses.

      Et c’est là qu’émerge un intérêt nouveau pour le communisme qui permet « une contre-offensive », « une réinvention d’un monde post-capitaliste ». Comment cela se traduit-il ?

      Isabelle Garo 
      Cet intérêt nouveau se redéploie en grande partie hors des partis, voire contre eux. C’est le cas dans les mobilisations actuelles, de par le monde, qui ne se relient pas spontanément les unes aux autres. Mais il se manifeste à travers des recherches théoriques, qui explorent et nourrissent la demande d’alternative, sans aider à sa concrétisation. L’écart reste considérable entre ces deux tendances qui relèvent pourtant d’une même dynamique.

      Concernant cette appétence pour une critique radicale du capitalisme, notamment dans le champ théorique, vous y voyez un signe à la fois négatif et à la fois une bonne nouvelle ?

      Isabelle Garo 
      C’est surtout une bonne nouvelle, la preuve que le climat idéologique change, que les jeunes générations sont de plus en plus conscientes de l’ampleur des enjeux et de la nocivité d’un capitalisme irréformable. Ses limites tiennent à la tendance à l’isolement splendide d’œuvres hautement élaborées, dessinant des voies incompatibles. Comment faire pour que ce regain théorique stimule le débat et l’intervention collective, offensive, sur les questions cardinales de l’État, de la propriété, du parti, de l’exploitation, des dominations, etc., depuis toujours au cœur du communisme et du socialisme ? J’essaie de le montrer : revisiter Marx sous cet angle est une des conditions de la relance politique.

      La « question communiste » doit pouvoir poser celle de « l’alternative » et d’une « perspective révolutionnaire ». C’est ici que vous pointez une faiblesse ?

      Isabelle Garo 
      Il ne s’agit pas de porter des jugements sur ce qui existe, mais d’en partir : les forces politiques, syndicales, associatives sont précieuses. Néanmoins, l’affaiblissement continu de la gauche radicale et son éclatement sont bien réels. Cette crise ne peut persister plus longtemps sans menacer dangereusement un héritage vivant de pratiques, de luttes, de cultures politiques inestimables. Face à un capitalisme destructeur, dont le pilotage néolibéral connaît un tournant autoritaire inédit, nous avons à reconstituer un rapport de forces. Cela implique d’aborder dans sa globalité contradictoire le monde présent et de ne pas avoir peur des mots qui permettent de le penser : « classe », « capitalisme », « exploitation », « domination », etc. Pourquoi laisser à Macron et aux publicitaires celui de « révolution » ? Il nomme l’effort collectif considérable que nous avons à accomplir pour œuvrer dès à présent à la reconstitution d’une alternative politique organisée et démocratique, fédératrice et radicale, attentive aux aspirations individuelles et collectives et à tous les combats émancipateurs tels qu’ils existent, en y incluant les luttes féministes, antiracistes, écologistes, les mobilisations des quartiers populaires contre les violences policières, etc., hauts lieux aujourd’hui d’une politique en mutation.

      Vous choisissez de discuter trois grandes théories post-marxistes. Vous usez d’ « une approche antichronologique ». Quel est l’intérêt de faire d’abord l’analyse dialectique de théories critiques actuelles pour revenir ensuite à Marx ?

      Isabelle Garo 
      J’ai choisi, plutôt que de survoler ce panorama, de discuter de façon précise trois auteurs, à la fois en raison de leur notoriété, de leur puissance théorique et parce qu’ils revisitent les questions classiques du communisme et du socialisme tout en les isolant. Alain Badiou aborde en particulier la question de l’État et du parti, Antonio Negri et les théoriciens des communs celle de la propriété et du travail, Ernesto Laclau celle de la stratégie et de l’hégémonie. Tous trois traitent des questions clés de l’alternative comme les membres épars d’une perspective globale effondrée, qui tente de reprendre vie. Ma thèse est que leurs approches, en leur éclatement même, contribuent à rendre à la question stratégique son actualité. Se confrontant toutes à Marx, de façon partielle et partiale, elles invitent à le relire sous cet angle stratégique. Si Marx est le théoricien incontournable du capitalisme et de ses contradictions essentielles, cette relecture permet de mesurer à quel point son œuvre est habitée, innervée, par le souci constant d’intervention théorique et politique en situation. Les analyses historiques et les textes militants de Marx, autant que le Capital, sont constamment traversés par cette préoccupation. Sa situation n’est certes plus la nôtre. Loin d’y chercher des réponses définitives, il s’agit de suivre les méandres de sa propre conception du communisme comme « mouvement réel », pour en évaluer la fécondité persistante.

      Vous reprochez, entre autres, aux critiques actuelles de laisser le débat théorique « à côté de l’action politique ». Pour penser « une réelle sortie du capitalisme », il faut, au contraire « les ressouder ». Selon vous, cela passe pa r « la redéfinition dialectique » d’une stratégie. Qu’est-ce qui vous conduit à cette thèse ?

      Isabelle Garo 
      C’est Marx, relu comme théoricien stratège et militant critique ! Mais aussi l’histoire longue des mobilisations et du mouvement ouvrier à travers le monde. Et, bien sûr, l’ampleur des luttes actuelles et leur éclatement. L’intervention politique ne peut exister qu’au sein des contradictions existantes et de leurs formes conscientes, impliquant une analyse complexe mais aussi des choix. C’est cette approche originale que le terme de « dialectique » désigne. C’est donc un tout autre régime de la théorie que notre présent appelle, impliquant la culture politique populaire existante et son élargissement (dont Gramsci fut le grand penseur), la construction et la diffusion de l’analyse du capitalisme néolibéral, la construction collective, en projet et en acte, d’une alternative aussi globale que ce dernier, qui passe par le renouveau des organisations. L’urgence croît de cette redéfinition militante et stratégique d’une analyse non découplée des luttes, ne s’y dissolvant pas sans les surplomber.

      Vous y donnez un contour assez précis, en la qualifiant de « stratégie des médiations ». De quoi s’agit-il ?

      Isabelle Garo 
      Le terme de « médiation » peut sembler bien vague, mais il fait partie de ces notions que Marx réélabore. Il désigne les intermédiaires de cette réappropriation par l’humanité de ses propres forces sociales qu’est à ses yeux le communisme. L’État, les organisations, l’argent, le savoir aussi sont des médiations qui participent au fonctionnement social mais qui, dans le capitalisme, se scindent de leurs producteurs pour se retourner contre les classes dominées, en instruments de leur domination. Comment les reconquérir sans les abolir, l’absence de médiation étant leurre antipolitique des périodes de défaite, friandes d’identités sclérosées autant que d’universalité vide ? Cette vaste dialectique historique est le creuset des luttes et de la contestation radicale d’un mode de production fondé sur l’exploitation de classe et son cortège de dominations. C’est en son sein qu’il s’agit d’intervenir, en articulant tous les combats, sans prétendre les unifier par en haut mais en les reliant de l’intérieur à un projet anticapitaliste résolu. Bref, organiser et penser du même élan la contestation sociale et un avenir non capitaliste, aussi incertain qu’indispensable, c’est cela, le communisme.

      (1) Communisme et stratégie, d’Isabelle Garo, Éditions Amsterdam, 336 pages, 19 euros.
      Entretien réalisé par Pierre Chaillan
      L’ÉTUDE VIVANTE DE MARX ET DES MARXISMESAuteure d’une thèse sur le concept de représentation chez Marx puis de plusieurs livres et de nombreux articles consacrés à Marx, à l’analyse marxiste du monde contemporain et à des interventions critiques sur le terrain des idées, Isabelle Garo enseigne la philosophie en classe préparatoires littéraires au lycée Chaptal, à Paris. Elle préside la Grande Édition de Marx et d’Engels en français (Geme). Codirectrice de la revue Contretemps, elle coanime le séminaire « Marxismes au XXIe siècle » et est membre du comité de rédaction de la revue Europe.

      vendredi 22 mars 2019

      LA PÉRGOLA DE LAS FLORES

       « LA PÉRGOLA DE LAS FLORES »
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        HAUSSE ALARMANTE DES ACTES LGBTPHOBES AU CHILI


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        HAUSSE ALARMANTE DES ACTES LGBTPHOBES AU CHILI 
        Les cas de discriminations homophobes et transphobes au Chili ont augmenté de 44% en un an, la plus forte hausse en 17 ans dans ce pays réputé conservateur. 
        CONTRE LES LGBT-PHOBIES 
        C’est une hausse pour le moins alarmante. Les actes LGBTphobes ont augmenté de 44% en 2018 au Chili, selon le dernier rapport du Mouvement pour l’intégration et la libération homosexuelle (Movih). «968 plaintes (…) fondées sur l’orientation sexuelle ou sur l’identité de genre » ont été relevées par l’organisation, soit le nombre le plus élevé jamais enregistré dans ce pays depuis le lancement du rapport en 2002. 

        Pour produire ce document, l’ONG a travaillé en collaboration avec les forces de l’ordre. Parmi les plaintes, déposées auprès de la police par les victimes ou leurs proches, on dénombre notamment trois homicides, 58 agressions physiques ou verbales ainsi que 28 faits de discrimination sur le lieu de travail.  

        « Inertie » des organismes d’Etat

        Cette augmentation s’explique par « l’inertie » des organismes d’Etat à mettre en place des politiques publiques contre la discrimination, telles que des campagnes de prévention ou de santé visant à « éduquer la population » sur la thématique de l’homophobie, dénote Oscar Rementeria, porte-parole du Movilh.

        À cela s’ajoute l’arrivée de « leaders d’opinion ultra-conservateurs », affiliés à des partis d’extrême droite ou à des groupes religieux qui, selon le Movilh, ont alimenté la haine à l’encontre les communautés LGBTI, affirme Rementeria.

        Selon le rapport, c’est dans les institutions publiques que les plaintes de ce type ont le plus augmenté et plus particulièrement au sein de la police : on y observe une augmentation de 1500% des dénonciations de « coups, de tortures et de vols » entre 2017 et 2018. Un chiffre à peine croyable.

        Manifestation pacifique organisée samedi

        La première loi sur la discrimination, appelée ‘loi Zamudio’ date de 2012, elle a été votée lors du premier mandat du président de droite, Sebastian Piñera. Elle a été adoptée en mémoire de Daniel Zamudio, jeune homosexuel assassiné par un groupe néo-nazi.  

        Le Movilh a annoncé qu’une manifestation pacifique aurait lieu samedi 23 mars afin de protester contre la visite du président d’extrême droite brésilien Jair Bolsonaro, réputé pour ses propos homophobes, qui doit rencontrer son homologue chilien, Sebastian Piñera.
        (Avec l'AFP)
        Crédit photo : Movilh Chile / Facebook.



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        LE DÉCRET RETIRÉ PAR LE GOUVERNEMENT POUR
        RÉDUIRE LE PARC PATAGONIA ET LIVRER DES TERRES
        À L'EXPLOITATION MINIÈRE
        ILLUSTRATION RED DIGITAL
        Au cours de son mandat, Michelle Bachelet avait décidé de créer un réseau de parcs nationaux en Patagonie. Mais un projet minier controversé a rogné la superficie de l’un de ces parcs. Le site chilien Interferencia a retracé le lobbying qui a conduit à cette discrète amputation par les dirigeants actuels du pays. 
        UN PARC NATIONAL ROGNÉ 
        AU PROFIT D’UNE MINE
        Le 12 février 2018, un mois avant la fin de son mandat, le gouvernement de Michelle Bachelet soumettait au Contrôleur général de la République [la Cour des comptes chilienne] un décret visant à créer le parc national Patagonia, dans la région d’Aysén, à l’extrême sud du Chili. Ce projet, s’inscrivant dans le cadre du réseau des parcs de Patagonie, prévoyait d’en créer trois et d’étendre les zones protégées existantes s’étirant entre la région des Lacs et celle de Magallanes.

        Cet engagement portait sur 309 445,40 hectares, répartis entre l’actuelle réserve forestière du lac Cochrane, la réserve nationale du lac Jeinimeni, des domaines publics adjacents et des terres données à l’État chilien par la fondation Tompkins Conservations, créée par l’homme d’affaires américain Douglas Tompkins [cofondateur des marques North Face et Patagonia, mort en 2015].

        Mais un nouveau projet d’extraction minière a singulièrement compliqué cette ambition. Le 11 décembre dernier, le Journal officiel chilien publiait la loi portant création du parc national Patagonia, dont la superficie totale se trouvait soudain ramenée à environ 304 527 hectares – soit près de 5 000 hectares de moins que prévu dans le décret initial.

        Le lobby de la mine

        Début 2017, l’existence du projet minier de Los Domos a été révélée au grand jour lorsque le tribunal d’instance de Chile Chico a délivré les premières autorisations de concessions minières.

        Situé à 15 kilomètres au sud-ouest de Chile Chico [une commune de Patagonie, dans le sud du pays] et à 400 mètres à peine de la réserve nationale du lac Jeinimeni, le champ d’extraction comporte 19 plateformes de forage exploitées par 12 concessions minières. Il couvre au total 4 100 hectares, selon les informations publiées par Equus Mining, la compagnie australienne qui a lancé ce projet par l’intermédiaire de sa filiale sud-américaine Southern Gold, titulaire des droits d’exploitation minière.

        La société Equus est cotée en Bourse en Australie, et ses principales activités dans la région d’Aysén portent sur la prospection de métaux de base et de métaux précieux. En 2018, elle a même bénéficié du soutien du ministère chilien de l’Économie, par le biais du Bureau de gestion des projets durables.

        Les terrains sur lesquels ont été réalisées les premières explorations minières devaient à l’origine faire partie du parc national Patagonia, mais à la suite d’une modification demandée par le gouvernement actuel, en la personne du ministre du Patrimoine national Felipe Ward, ils ont été exclus de la zone protégée.

        Les autorités régionales d’Aysén voient derrière cette décision la main d’un puissant groupe de pression et dénoncent en outre plusieurs infractions à la législation sur l’environnement.

        Un décret modifié au profit d’une entreprise

        L’historique des réunions a été dûment consigné, comme l’exige la loi sur les lobbys : la première s’est tenue le 23 octobre 2017 en présence du sous-secrétaire d’État aux Mines [du gouvernement Bachelet] Erich Schnake ; de Damien Koerber, responsable des projets d’exploration en Amérique du Sud pour la compagnie minière australienne ; du directoire d’Equus Mining, composé de Mak Lochtenberg, Robert Yates et Edward Leschke ; et du représentant des intérêts de Southern Gold, Sergio Romero, fils et homonyme de l’ancien sénateur RN [Renovación Nacional, droite libérale] de la région de Valparaiso.

        Organisée six mois à peine après l’accord sur la création du réseau des parcs, cette première entrevue portait sur l’“exploration en cours sur les terres publiques (Chile Chico, région d’Aysén) susceptibles d’être intégrées à l’actuelle réserve Jeinimeni et au futur parc national Patagonia”.

        En 2018, après l’accession au pouvoir du président Sebastián Piñera, trois autres rencontres ont été déclarées. Lors de la première, le 3 mai, le ministre Felipe Ward recevait les représentants de la compagnie minière, Damien Koerber et Sergio Romero, pour discuter exactement de la même question que lors de la précédente réunion. Une deuxième s’est tenue le 11 juillet, puis une troisième le 8 août, au cours de laquelle les discussions ont porté sur le projet minier de Los Domos.

        Pour Patricio Segura, président de la Corporation privée pour le développement d’Aysén (Codesa) [une association qui œuvre pour un développement durable dans la région], la question des limites du parc s’est posée d’emblée pour les paysans qui utilisaient ces terres pour l’estivage de leur bétail.

        “Nous avons commencé à comprendre que les limites ont été redessinées pour l’exploitation minière et le gouvernement a dû le reconnaître, explique-t-il. À aucun moment, la question du respect des usages traditionnels des paysans n’a été abordée. Ici, on nous a toujours dit qu’il fallait mettre en place certains mécanismes, mais cela ne vaut pas pour l’industrie minière”, s’indigne Segura.

        Le responsable de la Codesa accuse :
        « Vous ne pouvez pas, à partir des pressions d’une entreprise donnée, modifier un décret de politique publique qui était mis en œuvre. Or ici, on a modifié une politique publique pour le bénéfice d’un projet privé, et c’est là tout le problème.  »
        Par la suite, Equus Mining a établi une deuxième zone de prospection baptisée Cerro Diablo située à 40 kilomètres du projet de Los Domos et à 10 kilomètres de la ville de Puerto Ibáñez. La compagnie a été sollicitée pour lancer l’exploration en juillet 2017, et la décision a été publiée au bulletin officiel de l’exploitation minière entre août et septembre de la même année. La compagnie Equus Mining a déclaré avoir réalisé le projet d’exploration superficielle sur 4 554 hectares et a également indiqué préparer des forages d’exploration depuis juillet 2018.

        L’affaire n’est pas passée inaperçue : en 2018, le quotidien La Tercera et la revue en ligne El Mostrador ont publié plusieurs articles sur les pressions exercées par la compagnie minière australienne – sans pour autant préciser que ce lobbying avait bel et bien porté ses fruits.

        Une infraction à un accord de protection

        Le 11 décembre 2018, un document paru dans le Journal officiel promulguait la création du parc national Patagonia, en référence au décret signé par le Chili en 1967 pour appliquer la Convention de Washington de 1940, un accord international sur la protection de la flore et de la faune indigènes.

        Parmi les zones protégées par cet accord figurent en premier lieu les réserves naturelles, où les activités d’exploitation minière sont autorisées, mais sous surveillance et dans le respect des richesses naturelles que l’on cherche à protéger ; en second lieu, les parcs nationaux, dont la vocation consiste à préserver les paysages, la flore et la faune, sous le contrôle officiel des autorités.

        L’article 3 de la Convention de Washington précise en outre qu’il est impossible de modifier les limites de ces zones à partir du moment où leur existence et leur périmètre ont été fixés par la loi. Ce texte ratifié il y a plus de cinquante ans par le Chili spécifie par ailleurs que les ressources naturelles du territoire ne peuvent en aucun cas être exploitées à des fins commerciales.

        En octobre 2018, alors que les négociations sur la modification des limites du parc battaient leur plein, la sénatrice d’Aysén, Ximena Órdenes (indépendante proche du PPD, Parti pour la démocratie, centre gauche) tirait la sonnette d’alarme, rappelant que toute activité minière constituerait une infraction à la Convention de Washington. Devant la presse, la sénatrice s’insurgeait :
        « On essaie d’altérer par un acte administratif l’esprit original d’un décret qui visait à la protection du patrimoine naturel de la région. Nous sommes persuadés que le secteur minier fait pression pour réaliser le projet de Los Domos et extraire de l’or et de l’argent à 20 kilomètres à peine du bassin du lac General Carrera, l’une des principales réserves d’eau du pays.  »
        Notre journal a cherché à contacter à plusieurs reprises la sénatrice, mais n’a obtenu aucune réponse.

        Un manque d’évaluation des impacts de la mine

        Néanmoins, pour David Sandoval, sénateur UDI [Union démocrate indépendante, droite conservatrice au pouvoir] d’Aysén, dans la mesure où la zone d’exploitation minière ne fait pas partie du parc, elle n’altère aucun accord. “Cette zone n’empiète aucunement sur les territoires et les limites fixés à ce jour pour le parc Patagonia, nous a-t-il affirmé. J’ai l’impression qu’en fin de compte, le fait d’avoir corrigé ce décret du parc Patagonia va permettre à la communauté de Chile Chico de maintenir ses activités économiques.”

        En mai 2017, la Southern Gold a adressé au Service d’évaluation de l’environnement (SEA) une demande d’audit pour vérifier les caractéristiques de son projet afin de savoir si elle était tenue de réaliser une étude d’impact, conformément au système d’évaluation de l’impact environnemental (SEIA). Mais un mois plus tard elle retirait sa demande. Si bien qu’aujourd’hui la compagnie opère sans aucune évaluation des mesures de mitigation des risques environnementaux.

        En juillet de la même année, le service d’inspection du ministère du Patrimoine national s’est rendu sur le secteur pour évaluer les sondages. Les travaux étaient alors à l’arrêt, mais les contrôleurs ont tout de même constaté différents types d’impacts sur le terrain, notamment en ce qui concerne les cours d’eau. Leur rapport conclut : “Au vu de ces observations et étant donné la proximité du site de prospection minière avec la réserve nationale du lac Jeinimeni, nous recommandons d’organiser une réunion entre le Seremi [secrétariat régional ministériel] et le Seremi des Mines afin de procéder à la fermeture du sondage d’exploration, puisque ce terrain public sera intégré au parc.”

        Une “Patagonie sans mines” !

        En mai 2018, le ministre Felipe Ward avait lui-même exposé à la commission sénatoriale sur l’environnement les conflits entre la création du parc national et les activités de prospection d’Equus Mining. Le ministre déclarait notamment :
        « Le ministère a découvert que la compagnie minière Equus Mining réalisait des activités minières illicites sur des terrains appartenant à l’État dans le périmètre de la réserve nationale du lac Jeinimeni.  »
        Il a également annoncé à cette occasion que ses services engageraient conjointement avec le Conseil de défense de l’État les poursuites judiciaires qui s’imposeraient.

        Face à cela, en décembre 2018, des représentants de trois organisations régionales (la Codesa, la coalition citoyenne Aysén Réserve de Vie [ARV] et la Corporation pour le développement durable du lac General Carrera), ont porté plainte contre le projet auprès de la direction de l’Environnement, pour infraction au règlement sur l’environnement.

        Les plaignants ont expliqué qu’“il ne fait aucun doute que le projet en question devait faire l’objet d’une étude d’impact environnemental, dans la mesure où il s’agit d’un projet dont les travaux ou activités se déroulent à l’intérieur d’un site prioritaire de préservation de la biodiversité, et à l’intérieur d’une zone d’intérêt touristique ; et de surcroît, bien que cela soit controversé, à 160 mètres des limites de la réserve nationale du lac Jeinimeni.”

        Un élément nouveau est par ailleurs apparu concernant le nombre de plateformes de forage déclaré par la compagnie. Alors que dans ses documents officiels d’information elle parle de dix-neuf plateformes, une plaquette à usage privé en anglais affirme qu’en septembre 2018 le projet comptait quarante et un forages. Or tous les projets prévoyant quarante forages ou plus doivent faire l’objet d’une étude d’impact environnemental.

        Cet élément sera pris en compte dans l’enquête en cours de la direction de l’Environnement.

        Aujourd’hui, les habitants d’Aysén livrent bataille contre l’activité minière qui, à l’instar du projet de Los Domos, débarque dans la région sans que la population en soit informée, et au grand dam du secteur touristique.

        Reprenant le mot d’ordre qu’ils scandaient en avril 2011 [“Patagonie sans barrages !”] pour protester contre la menace d’HidroAysén [un projet de construction de cinq mégacentrales hydroélectriques en Patagonie], les opposants de la région sont descendus dans la rue en masse en octobre 2018. Un groupe de manifestants brandissait une pancarte proclamant : “L’eau vaut plus que l’or. Patagonie sans mines !”
        Isabel ReyesB. Vicente Valdivia