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samedi 29 septembre 2012

CHILI : LE MOUVEMENT DES ÉTUDIANTS RASSEMBLE À NOUVEAU DES MILLIERS DE PERSONNES DANS LES RUES

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Cette 6e manifestation depuis le début de l'année a rassemblé 70 000 personnes selon les organisateurs, 5 000 selon la police. Les étudiants maintiennent leurs exigences malgré les réformes déjà en marche. Des affrontements ont eu lieu entre les étudiants et les policiers sur place. 

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CETTE SIXIÈME MANIFESTATION DEPUIS LE DÉBUT DE L'ANNÉE A RASSEMBLÉ 70 000 PERSONNES SELON LES ORGANISATEURS, 5 000 SELON LA POLICE. PHOTO UPI

Le mouvement a débuté en 2006, lorsque les étudiants ont réclamé l'abrogation de l'une des dernières lois de la dictature Pinochet qui a transféré le contrôle de l'école publique aux communes. Les rares écoles publiques qui subsistent sont aux frais des communes qui n’ont pas toujours les moyens de les financer.

CHILI : MORT DU PRÊTRE FRANÇAIS PIERRE DUBOIS, OPPOSANT À LA DICTATURE

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LE PRETRE PIERRE DUBOIS S'INTERPOSE ENTRE LES POLICIERS ANTI-ÉMEUTE ET DES MANIFESTANTS, POUR EMPÊCHER LES FORCES DE RÉPRESSION D’ENTRER DANS LE QUARTIER PAUVRE DE LA VICTORIA, QUI MANIFESTE SON OPPOSITION À LA DICTATURE D’AUGUSTO PINOCHET. CETTE IMAGE CAPTÉE LE 27 MARS 1984 AU CHILI A FAIT LE TOUR DU MONDE.
Les bras en croix devant un bus de la police militarisée. C’est ainsi que les Chiliens se souviennent du père Pierre Dubois. Cette image captée le 27 mars 1984 a fait le tour du monde. Le prêtre ouvrier tente alors d’empêcher les forces de répression d’entrer dans le quartier pauvre de la Victoria, qui manifeste son opposition à la dictature d’Augusto Pinochet.

Quelques mois plus tard, son vicaire, lui aussi Français, le prêtre André Jarlan, est tué d’une balle perdue dans le cou lors d’une nouvelle manifestation. Il lisait la Bible dans leur paroisse.

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LE PRÊTRE ANDRÉ JARLAN, EST TUÉ D’UNE BALLE PERDUE DANS LE COU LORS D’UNE NOUVELLE MANIFESTATION. IL LISAIT LA BIBLE DANS LEUR PAROISSE. PHOTO ÉGLISE CATHOLIQUE DU CHILI

En 1986, après l’attentat manqué contre Augusto Pinochet, le père Dubois est expulsé du pays. Il se réfugie en Suisse, jusqu’au retour de la démocratie en 1990. En 2001, le Congrès lui offre la nationalité chilienne, malgré l’opposition de la droite.

Il y a deux ans, le père Dubois est retourné vivre dans la paroisse de Notre-Dame de la Victoire. Atteint de la maladie de Parkinson, il continuait à aider les pauvres, en luttant contre la toxicomanie chez les jeunes.

TAGS: CHILI - FRANCE - RELIGION

vendredi 28 septembre 2012

CHILI : L'ARCHEVÊQUE SOLIDAIRE DES ÉTUDIANTS

MONSEIGNEUR RICARDO EZZATI  ARCHEVÊQUE DE SANTIAGO ET PRÉSIDENT DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CHILI, PHOTO MELTYCAMPUS
Dans un entretien au quotidien El Mercurio publié le 23 septembre, l’archevêque a indiqué « lorsque les jeunes se rebellent contre le profit ils ont raison », en condamnant toutefois les actes de violence. Mais l’homme d’église vas au delà des revendications des étudiants déclarant l’instruction omet d’enseigner que la spiritualité qui à elle aussi sa place dans les études afin de former le cœur en même temps que la tête. Monseigneur Ricardo Ezzati ajoute : « Ils ont le droit de protester parce que l’éducation est devenue pour beaucoup une lutte afin d’obtenir la meilleure note possible ». Dès lors c’est le système éducatif tout entier qu’il souhaiterait voir refonder, jusqu’à la politique si possible, qu’il veut voir pensée différemment. Quant à la façon d’y parvenir, l’archevêque appelle à un grand dialogue pour y réfléchir.

jeudi 27 septembre 2012

LA MÉMOIRE DE MON PÈRE



EL HUASO : LA MÉMOIRE DE MON PÈRE. DANS EL HUASO, CARLO GUILLERMO PROTO TRACE UN PORTRAIT À LA FOIS TENDRE ET SANS COMPLAISANCE DE SON PÈRE.

Bien que l’approche de Carlo Guillermo Proto, fils de Gustavo, soit intimiste, que chaque membre de la famille Proto se livre à la caméra en toute franchise, jamais El Huaso ne fraye avec le sensationnalisme ni le voyeurisme. De fait, même si les échanges dévoilent de lourds secrets de famille, portent sur des sujets que l’on considère encore comme tabous, telles les maladies mentales, on sent derrière l’entreprise du documentariste montréalais une volonté non pas de livrer son père en pâture, mais d’amener une réflexion sur le suicide et les valeurs familiales.

Certes, par moments, on aurait préféré que Proto éteigne sa caméra alors que les discussions deviennent par trop personnelles. De même, à force de vouloir creuser la question quant au sort du père, les conversations finissent par tourner en rond. Au coeur des préoccupations de sa famille, Gustavo apparaît comme un loup solitaire, entêté, pétri de contradictions. S’il peut devenir exaspérant, le regard complice et respectueux que lui porte son fils fait de lui un être bouleversant à qui on voudrait tendre la main.
En salle dès le 28 septembre à Montréal

lundi 24 septembre 2012

CHILI : COMMUNIQUÉ DES PRISONNIERS MAPUCHE D'ANGOL


Depuis la prison d'Angol, nous poursuivrons notre grève de la faim jusqu'à ce que nous soyons entendus et nous sommes prêts à aller jusqu'aux ultimes conséquences, toujours debout et comme les jeunes combattants que nous sommes et serons toujours.

Nos exigences sont:
- Que la Cour suprême de justice révise et annule l'injuste condamnation de Paulino Levipán Coyan et Daniel Levinao Montoya.
- Restitution Totale du territoire du Peuple Mapuche
- Plus jamais de témoins protégés et fin des montages politico-judiciaires
- Démilitarisation immédiate du Territoire Mapuche
- Liberté pour Tous les Prisonniers Politiques Mapuche
- Stop aux tortures sur des enfants, femmes, personnes âgées, lors des perquisitions dans les Communautés Mapuche. 

Par notre Lutte pour la Liberté et pour notre futur, nous continuons le combat.

Erick Montoya 
Rodrigo Montoya
Paulino Levipan
Daniel Levinao

Prisonniers Politiques Mapuche en Grève de la Faim.
Marrichiweu!!
Communiqué Public des Prisonniers Politiques Mapuche depuis la Prison d'Angol, au 25ème jour de leur Grève de la Faim.

(Traduction Dominique Grange)

dimanche 16 septembre 2012

AU CHILI, LES AFFRES DE LA DICTATURE SONT ENCORE PRÉSENTES


Pourquoi ce constat si pessimiste?

Parce que la répression des carabineros est extrêmement violente et que les lois sur le droit de manifester restent profondément anti-démocratiques. Une autorisation préalable doit être demandée, et l’accord n’est pas toujours donné. La liberté d’expression est bafouée sans culpabilisation par le gouvernement et son bras répressif.

Le deuxième problème concerne les jeunes: depuis un an maintenant, les universités enchaînent les grèves, les manifestations, et autres démonstrations de leur mécontentement. La raison principale reste bien sur le coût monétaire bien trop élevé des facultés, publiques comme privées.

Mais en réalité leurs revendications sont bien plus générales: il n’y a qu’à intégrer une manifestation quelconque pour voir fleurir des pancartes qui incriminent l’État et l’immobilisme des dirigeants politique, l’emprise de l’Église catholique, et surtout évoquent la mémoire non vengée des militants socialistes tués pendant la dictature. Les chants révolutionnaires que l’on entend ne rendent hommage qu’à un seul homme : Allende.

Aucun travail de mémoire n’a été mené à bien. Il n’y a qu’à se rendre dans une librairie pour le comprendre, aucun livre historique n’existe sur cette période sombre. Il n’y a que des biographies d’hommes endurcis par les épisodes de violence qu’ils ont vécu. Aujourd’hui la soixantaine passée, ils acceptent souvent de nous raconter leur résistance clandestine.

Tout le monde ici dit vouloir oublier, et pourtant les portraits des “desaparecidos” (les disparus du terrorisme d’État) hantent toutes les manifestations. Les jeunes ne les portent pas comme des boucliers mais comme des armes, pour provoquer les hommes d’État. Par ce lien qu’ils font entre leur cause et l’année 1973, les jeunes osent quelque chose de grandiose… mais de contradictoire.

Certains chiliens vous diront que aujourd’hui, comme il y a quarante ans , le gouvernement peut être renversé en un jour. Les jeunes connaissent probablement cette période du coup d’Etat par le témoignage des parents, certains sont même nés sous la dictature. Pourtant, lorsque vous parlez avec ces mêmes jeunes hors de la manifestation, quelques jours plus tard à l’université, ils ne voient cela que comme une occupation passagère. Cela donne l’impression qu’ils ne “portent pas réellement leur cause”, mais qu’ils ne font que véhiculer les causes d’autres revendicateurs lors des manifestations.

Des manifestations réprimées et sans aboutissement

Nous sommes dans une culture militaire où les carabineros frappent sans hésiter, que la personne à terre qui pleure sous les coups de matraques et qui suffoque sans avoir eu le temps de mettre son masque pour ce protéger du gaz lacrymogène soit un militant engagé ou quelqu’un d’autre, peu importe. Il s’agit de stopper l’hémorragie d’une prise de liberté jugée trop dangereuse. Il vaut mieux rouer de coups tout le monde, pour être sûr de ne rater personne. Les droits de l’Homme sont amplement bafoués, et les matraques sortent bien plus rapidement qu’en Europe, de façon arbitraire.

C’est également une culture où la délation est restée chose courante: dans le bus si le chauffeur roule au-dessus des limitations par exemple. Enfin, la parole ne se libère pas en un jour. Tout comme les peurs liées à l’époque de la dictature ne disparaîtront pas temps que la répression sera une solution aux revendications.

Ce paradoxe entre extrême provocation des slogans et immobilisme quand il s’agit d’aller au-delà de la simple dénonciation peut nous rappeler que la démocratie est une abstraction pas toujours exportable.

Anaïs Denet

samedi 15 septembre 2012

LE MUSÉE DE L’AMÉRIQUE DE MADRID PROLONGE L’EXPOSITION ITINÉRANTE «MAPUCHE: SEMILLAS DE CHILE »





L’EXPOSITION ITINÉRANTE « MAPUCHE: SEMENCES DU CHILI » FUT EXPOSÉE DANS DE GRANDES VILLES TELLES QUE PÉKIN ET BOGOTÁ AVANT D’ARRIVER À MADRID. 

L’exposition présente une sélection d’environ trois cent œuvres artistiques et ethnographiques ainsi que des photographies dépeignant la réalité passée et présente des peuples indigènes du centre-sud du Chili. Célèbres pour leur forte résistance à la colonisation espagnole de leur territoire puis aux tentatives ultérieures d’assimiler ce dernier à la République, les Mapuches sont maintenant une communauté agricole comptant à peu près six cent mille individus entretenant des liens étroits avec leur terre.

Cette exposition vise à présenter la vision qu’ont les Mapuches de leur propre histoire et culture avec un accent sur la magnifique poésie, musique et croyances axés sur le concept de Mapu, qui signifie «homme de la terre. » Les images capturant les lacs, volcans et forêts des paysages sud-américains sont exposées aux côtés de textes espagnols et mapuches discutant de la vision du monde et culture de cette ville ancienne.

Après son passage à Madrid, l’exposition « Mapuche: Semences du Chili »  se rendra à Cadix à l’occasion du bicentenaire de la Constitution de 1812.

POURQUOI LES DROITS D’INSCRIPTION UNIVERSITAIRES S’ENVOLENT PARTOUT


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VALÉRIE PÉCRESSE, NÉE VALÉRIE ROUX LE 14 JUILLET 1967 À NEUILLY-SUR-SEINE (HAUTS-DE-SEINE),  DÉPUTÉE UMP DES YVELINES DE 2002 À 2007, ELLE EST NOMMÉE MINISTRE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE EN 2007, APRÈS L'ÉLECTION DE NICOLAS SARKOZY À LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE. ELLE MODIFIE PROFONDÉMENT LE MODÈLE UNIVERSITAIRE FRANÇAIS  ET IMPOSE LA RÉFORME NÉOLIBÉRALE DES UNIVERSITÉS.
A peine arrivée au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, en 2007, Mme Valérie Pécresse se lançait un défi : parachever la réforme néolibérale de l’université. « D’ici à 2012, j’aurai réparé les dégâts de Mai 68 », proclamait-elle dans Les Echos, le 27 septembre 2010. A l’heure des bilans, elle peut se targuer d’une belle réussite. La loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), votée à l’été 2007, serait d’ailleurs celle dont le président sortant Nicolas Sarkozy est « le plus fier », d’après M. Claude Guéant.

Le passage aux responsabilités et compétences élargies (RCE), censées libérer les universités du carcan étatique, en a placé huit (sur quatre-vingts) en situation d’« autonomie surveillée » sous tutelle des recteurs, tandis que les autres connaissent désormais les joies de la quête de financements propres. Démarcher les entreprises, quémander des dons auprès des réseaux d’anciens étudiants, augmenter les droits d’inscription, bref se vendre : telle est, en substance, la compétence nouvelle gagnée par les universités.

Or qu’ont-elles à vendre ? Les savoirs émancipateurs considérés comme des biens communs ne faisant plus recette, il s’agit désormais de transformer la recherche scientifique en produits brevetables, et les enseignements en parcours individualisés et « professionnalisants » débouchant sur des diplômes rentables. Packagées, marketées, calibrées pour des publics solvables, certifiées par des normes ISO, classées dans des palmarès, les formations universitaires tendent à être conçues comme des marchandises, des « marques » pour les plus prestigieuses d’entre elles, déjà rodées à la collecte de fonds privés.

Les étudiants (et leurs familles) sont ainsi séduits par des brochures, des salons, des encarts publicitaires, des guides et des comparatifs, incités à décider de leur orientation comme on fait un choix d’investissement. Dans cette optique, financer ses études, c’est investir pour se constituer un capital négociable sur le marché du travail. D’où l’exhortation à la « transparence » et à la « mobilité » dans un espace européen – voire mondial – de l’enseignement supérieur où les étudiants clients, entrepreneurs d’eux-mêmes, sont invités à faire leur marché.

En France, les étudiants non boursiers qui s’inscrivent à l’université acquittent des droits de scolarité dont le montant est fixé chaque année par arrêté ministériel (177 euros en licence, 245 en master, 372 en doctorat en 2011-2012), et aux quels s’ajoute la cotisation à la Sécurité sociale (203 euros). Pour la grande majorité d’entre eux, les frais d’inscription atteignent donc entre 380 et 575 euros. Dans le secteur privé, en revanche, les établissements sont libres de fixer leurs prix, et ils ont, ces dernières années, largement profité de cette marge de manœuvre.

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LA GROSSE TINA - « THERE IS NO ALTERNATIVE », (TINA, « IL N'Y A PAS DE SOLUTION ALTERNATIVE »,  SLOGAN POLITIQUE COURAMMENT ATTRIBUÉ À MARGARET THATCHER, EST LE SLOGAN QUI SCELLA L’ALLIANCE DU NÉOLIBÉRALISME ET DU CONSERVATISME - N’A CESSÉ DE GROSSIR DEPUIS LE DÉBUT DES ANNÉES 1980 ET A NOTAMMENT FAVORISÉ LE RÈGNE DE L’ÉCONOMISME ET DU CLIENTÉLISME DANS LES ADMINISTRATIONS DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA CULTURE. 

Arguant d’un durcissement de la « compétition internationale », du « retour sur investissement » promis aux diplômés et de l’existence d’aides financières « mai son », les écoles de commerce (business schools) n’ont pas hésité à doubler leurs tarifs (cinq ont franchi la barre des 10000 euros par an), et ont entraîné les écoles d’ingénieurs dans leur sillage inflationniste.

Certaines universités publiques ne sont pas en reste. Incitées à faire preuve d’excellence et de compétitivité, tout en étant acculées à gérer la pénurie des moyens alloués par les pouvoirs publics, elles ont joué sur la possibilité qui leur est offerte de percevoir des droits complémentaires pour se distinguer par des tarifs plus élevés, marque d’une singularité présumée attractive sur le marché des connaissances.

La fréquence accrue de cette pratique a été dénoncée à plusieurs reprises, notamment par l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), qui recense à la rentrée 2012 trente universités concernées, dont six affichent des frais de scolarité illégaux s’échelonnant de 400 à 800 euros.

Cette surenchère, de moins en moins déguisée (quand elle n’est pas revendiquée), s’appuie sur deux registres de justification mêlés : la comparaison internationale et la crise financière. « Les Etats- Unis ne sont-ils pas notre modèle ? Eh bien, la qualité a un prix », affirment les uns : les fameuses universités de l’Ivy League [2] coûtent près de 40 000 dol – lars (environ 32 500 euros) par an, soit trois fois plus en moyenne que les institutions publiques, dont les droits ont pourtant doublé en trente ans (lire l’article cidessous).

« Sans traverser l’Atlantique, regardez ce qui se passe outre-Manche ! », lancent d’autres. Dans le cadre du pro gramme de réduction des déficits budgétaires, la coa – lition libérale-conservatrice britannique a en effet relevé le plafond des droits autorisés pour compenser la baisse des subventions publiques. De 3 .000 livres (environ 3.800 euros), il est passé à 6.000, voire 9.000 « dans des circonstances exceptionnelles », dont peuvent en fait se prévaloir de nombreux établissements [3]. En Espagne, en avril dernier, l’Etat a également autorisé les communautés autonomes à augmenter les frais d’inscription de sorte que la « contribution des étudiants au financement de leurs études » passe de 15 à 25%. Quant au Québec, où le « printemps érable » a grandement contribué à dénaturaliser la spécificité américaine de droits élevés, la hausse projetée par le gouvernement de M. Jean Charest atteindrait 75% en cinq ans, hissant la province au niveau des pays les plus onéreux du monde [4].

Si important soit-il, le renchérissement de l’accès à l’enseignement supérieur que l’on observe actuellement ne saurait toutefois s’expliquer par de simples facteurs conjoncturels ou mimétiques. S’il touche un nombre croissant de pays, c’est parce qu’un travail de fond a été entrepris par de puissants acteurs au cours des trois dernières décennies. La plupart des « prestataires de services (éducatifs) » ne sont, aujourd’hui encore, pas libres de fixer leurs prix, ce qui, aux yeux des promoteurs d’un « marché des connaissances », constitue une aberration. Aussi tentent-ils de lever cet obstacle majeur à la bonne information des consommateurs, ainsi qu’aux stratégies de positionnement et de différen ciation concurrentielle des établissements. Depuis le tournant néolibéral des années 1980, et de façon intensive avec la crise financière actuelle, censée justifier la paupérisation des services publics et la diversification des sources de financement – c’est-à-dire leur privatisation –, l’idée d’une dérégulation des tarifs universitaires a fait son chemin. De nombreux rapports récents, émanant aussi bien de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) [5] que de la Commission européenne [6], de la Conférence des présidents d’université (CPU) [7] ou encore de comités nationaux et de think tanks, ont contribué à soulever la question des droits d’inscription et à rendre possible leur augmentation, en France comme ailleurs.

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Des débats houleux

N’en déplaise à ceux qui voient dans les résistances encore vives à cette évolution un conservatisme très franco-français, les mobilisations que l’on observe du Chili au Québec, en passant par la Finlande ou l’Autriche [8], montrent que les débats sur le coût de l’enseignement supérieur et son partage sont houleux dans la majorité des pays membres de l’OCDE. La plupart ont récemment augmenté les droits de scolarité ; d’autres, comme plusieurs Länder allemands, les ont instaurés à rebours d’une tradition de gratuité ; certains, tels le Danemark ou l’Irlande, ont fait une entorse à ce principe en demandant aux étudiants étrangers de payer. Dans son « Panorama 2011 » des statistiques sur l’éducation, l’OCDE note que seuls huit pays [9] ont maintenu un accès libre aux établissements publics pour leurs ressortissants, tandis que, dans plus d’un tiers, les frais annuels ont franchi le seuil des 1500 dollars.

La France figure dans la catégorie intermédiaire : les droits d’inscription y demeurent certes peu élevés, mais le système de bourses et d’aides financières n’est guère développé. De ce fait, l’option consistant à faire payer les étudiants est longtemps restée dans les tiroirs. C’est ce « tabou » qu’une fondation « progressiste » comme Terra Nova [10], proche du Parti socialiste, se propose de briser : « La quasi-gratuité des études supérieures classes préparatoires incluses – est source d’inégalités fortes et prive les universités de ressources utiles à une meilleure formation des étudiants [11]. » Si les études doivent être payantes, c’est dans un double souci d’efficience économique et de justice sociale : tel est l’argument massue asséné par les partisans d’une augmentation des frais d’inscription, que viendrait compenser l’octroi de bourses et de prêts aménagés.

La CPU propose à cet égard un régime de prêts à remboursement contingent au revenu (PARC) consistant à faire rembourser aux étudiants modestes le coût de leur formation universitaire sous la forme d’une imposition spécifique ultérieure [12].

D’autres, comme M. Michel Destot – député-maire socialiste dont la directrice de cabinet était Mme Geneviève Fioraso, devenue ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche du premier gouvernement Ayrault –, sug gèrent dans le même esprit de créer « un système de prêts à taux faible, accordés par un organisme public et remboursés à la fin des études à partir de l’obtention du premier emploi et en fonction du salaire [13] ». Cette individualisation du coût des études et des aides allouées dénie à l’éducation sa dimension collective.

Attitude utilitariste

Outre qu’ils instrumentalisent les inégalités sociales, les plaidoyers en faveur d’une hausse des droits d’inscription reposent sur une idée-force : la valorisation des études qu’elle est censée entraîner. Payer ses études responsabiliserait l’étudiant, qui, conscient de leur valeur monétaire, serait plus impliqué et moins enclin à l’absentéisme. C’est pourquoi, toujours d’après M. Destot, il « devient indispensable de réajuster l’allocation d’études, qui doit toujours reposer sur des critères de ressources familiales, mais être plus importante et plus incitative pour motiver les étudiants bénéficiaires et les rendre plus responsables de leur propre réussite ». D’où la recommandation de transformer l’allocation d’études en « droit liquidable », susceptible d’être retiré.

Un cercle vertueux serait ainsi enclenché, les universités étant poussées par des « clients » plus sérieux et plus exigeants à améliorer sans relâche la qualité des services dispensés. Il s’avère cependant que ce n’est pas tant la qualité que l’image qui motive de nombreuses dépenses de marketing, de publicité, de lobbying et de prestige, telles que le « recrutement de “stars” sur le marché international des enseignants-chercheurs et des présidents d’université ». D’après l’économiste Annie Vinokur (14), dans les dépenses des établissements publics aux Etats-Unis, « corrigée de l’inflation, la dépense d’instruction par élève a augmenté de 17 % entre 1960 et 2001, celle d’administration de 54% ». La bureaucratie progresse au détriment de l’enseignement et de la recherche.

Ce rapport marchand des étudiants à l’institution universitaire risque enfin de généraliser une attitude utilitariste envers les savoirs enseignés. Dès lors que le paiement de leurs études par endettement sera assimilé à un investissement, soumis à un impératif de rentabilité, le conformisme l’emportera sur le loisir d’apprendre.

Obligés d’être stratèges et matérialistes pour pouvoir rembourser leurs prêts, les étudiants seront très attentifs à la conversion rapide de leur mise de fonds. Cette tendance s’observe déjà au Royaume-Uni, où les enseignants de la fameuse London School of Economics (LSE) désespèrent de pouvoir insuffler un esprit critique à une génération obsédée par le pouvoir et l’argent [14].

Quand on sait que seule la moitié d’une génération accède à l’enseignement supérieur, on pourrait être tenté de réduire la portée du problème de la hausse des droits de scolarité à la « jeunesse dorée » : après tout, n’est-il pas juste de « faire payer les riches » ? Ce serait soustraire au débat démocratique un enjeu de société aussi fondamental que celui, par exemple, des retraites. Avec l’alternative entre une « éducation par capitalisation » et une « éducation par répartition » [15] se prolonge le combat pour une solidarité intergénérationnelle garantissant le partage de cette richesse collective que représente le savoir.



Notes
[1] [[ France Inter, 19 janvier 2012.

[2] Lire Rick Fantasia, « Délits d’initiés sur le marché universitaire américain », Le Monde diplomatique, novembre 2004.

[3] Lire David Nowell-Smith, « Amers lendemains électoraux pour l’université britannique », Le Monde diplomatique, mars 2011.

[4] Lire Pascale Dufour, « Ténacité des étudiants québécois », Le Monde diplomatique, juin 2012.

[5] Cf. « Regards sur l’éducation 2011. Panorama », OCDE, Paris, 2011.

[6] Cf. « Soutenir la croissance et les emplois. Un projet pour la modernisation des systèmes d’enseignement supérieur en Europe », Bruxelles, septembre 2011.

[7] Cf. la synthèse des réflexions de son groupe de travail « Economie du Sup », intitulée « Le financement de l’enseignement supérieur français. Pour une refonte du modèle économique : effets “redistributifs”, équité et efficience », Paris, septembre 2011.

[8] Depuis 2009, la plate-forme International Student Movement centralise images et informations sur les mobilisations étudiantes à travers le monde (www.emancipating-education-f...).

[9] Danemark, Finlande, Irlande, Islande, Mexique, Norvège, République tchèque, Suède (chiffres 2008-2009).

[10] Lire Alexander Zevin, « Terra Nova, la “boîte à idées” qui se prend pour un think tank », Le Monde diplomatique, février 2010.

[11] Terra Nova, « Faire réussir nos étudiants, faire progresser la France. Pour un sursaut vers la société de la connaissance », contribution n° 12, Paris, août 2011.

[12] Cf. Claire Bornais, « Augmentation des droits d’inscription en fac », L’Ecole émancipée, n° 34, Caen, mars-avril 2012.

[13] Cf. Michel Destot, « 2012-2017 : quel avenir pour l’enseignement supérieur et la recherche ? », Fondation Jean Jaurès, Paris, avril 2012. « Un autre partage des coûts pour sauver le service public de l’enseignement supérieur ? », université Paris-X, avril 2009.

[14] Financial Times, Londres, 3 décembre 2009.

[15] D’après le titre de l’article de David Flacher et Hugo Harari-Kermadec publié dans Le Monde du 6 septembre 2011 en réaction aux propositions de Terra Nova.

mercredi 12 septembre 2012

LA JUSTICE CHILIENNE REFERME LE DOSSIER ALLENDE AU 39E ANNIVERSAIRE DE SA MORT

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DES MILITAIRES ET DES  SAPEURS POMPIERS EVACUENT LE CADAVRE D' ALLENDE DU PALAIS DE LA MONEDA L'APRES MIDI DU 11-09-1973
Dans une décision unanime, la Cour d’appel de Santiago a décrété la fin de l’enquête sur la mort de l’ancien président Allende, a annoncé mardi à l’AFP une source proche du tribunal, 39 ans jour pour jour après les faits. La dépouille d’Allende avait été exhumée en mai 2011 dans le cadre d’une procédure ouverte en janvier de la même année pour déterminer s’il avait été assassiné ou s’il s'était suicidé au moment du coup d’Etat du général Augusto Pinochet.

En juillet 2011, des experts médicaux chiliens ont conclu que le président Allende s'était suicidé le jour du coup d’Etat, confirmant la thèse officielle soutenue par les proches de l’ex-président, qui avait juré de mourir les armes à la main. Dans sa décision, la Cour d’appel a validé le rapport du juge Mario Carroza accréditant le suicide de Salvador Allende [avec un fusil automatique AK-47 qui lui avait été offert par Fidel Castro, NR :  Source non identifiable et non vérifiable], au moment où le palais présidentiel de la Moneda était en train d'être bombardé par l’armée.

Des dirigeants et journalistes étrangers avaient auparavant estimé qu’Allende avait pu être assassiné par un putschiste et d’autres évoquaient un possible «suicide assisté» au cours duquel le président aurait raté sa tentative et un garde du corps lui aurait tiré le coup de grâce.

Le Chili commémorait mardi le 39e anniversaire de la mort Salvador Allende, premier marxiste élu à la présidence du Chili en 1970. Le président Sebastian Piñera devait notamment déposer une gerbe sur la tombe de l’ex-président, mort à l'âge de 65 ans, tandis que des incidents éclataient à la périphérie de la capitale.

Dans deux stades de Santiago, qui avaient été utilisés comme centres de détention et de torture au cours de la dictature de Pinochet (1973-1990), des bougies ont été allumées en souvenir des quelque 3 000 victimes du régime.

Dans d’autres quartiers de la capitale, des pannes d'électricité se sont produites à la suite d’un attentat contre le réseau électrique.

(AFP)

mardi 11 septembre 2012

L'HOMME DE SANTIAGO


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DANIEL CESPEDES  « L'HOMME DE SANTIAGO ».   
PHOTO DAVID BURNETT
Un de ces clichés en noir et blanc qui font la mémoire d'un peuple. Un jeune homme encadré par deux soldats chiliens, un jour de septembre 1973, dans le stade de Santiago transformé en camp de détention, après le coup d'État d'Augusto Pinochet.
par Christine Legrand
Son regard terrorisé a été saisi à l'insu des militaires par le photographe américain David Burnett. La photo a fait le tour de la planète, devenant l'un des symboles de la répression. Le Monde l'a diffusée à la « une » de son édition du 12 septembre 2003. Au Chili, elle a illustré la couverture de plusieurs livres ; on l'a aperçue dans des films consacrés au putsch ou sur des pancartes anti-Pinochet.

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DANIEL CESPEDES. « L'HOMME DE SANTIAGO ». LE 11 SEPTEMBRE, IL A ÉTÉ PROFONDÉMENT ÉMU EN REGARDANT, À LA TÉLÉVISION, LES CÉRÉMONIES COMMÉMORANT LE COUP D'ÉTAT DE SEPTEMBRE 1973. UN ANNIVERSAIRE MARQUÉ PAR UN IMPORTANT DÉPLOIEMENT MÉDIATIQUE, AVEC DES CENTAINES DE TÉMOIGNAGES ET DES DOCUMENTS D'ÉPOQUE. « JE ME SUIS SOUDAIN RAPPELÉ DES DÉTAILS OUBLIÉS, ASSURE M. CESPEDES, J'AI DÉCOUVERT DE NOUVELLES INFORMATIONS. JE ME SUIS SENTI MOINS SEUL. »  PHOTO DAVID BURNETT

L'homme aux yeux noirs est resté anonyme pendant trente ans. Nul ne connaissait son nom. Impossible de savoir s'il avait survécu à cette épreuve. Impossible de trouver trace de lui auprès des organisations de défense des droits de l'homme, au sein de l'Association des familles de détenus-disparus ou dans les archives du vicariat de la solidarité de l'Eglise catholique, très actif auprès des victimes de la dictature. « J'ai toujours craint de savoir ce qu'il était devenu, de peur d'apprendre le pire », confie David Burnett. Le « pire » n'est pas arrivé : l'inconnu de Santiago est vivant. Le Monde l'a rencontré.

Daniel Cespedes, c'est son nom, a aujourd'hui 53 ans. Il vit dans une población (bidonville) de Rancagua, à 100 km au sud de la capitale, avec sa compagne, Erika, et le fils de celle-ci, Erik, âgé de 13 ans. Bien sûr, le visage est plus rond, les cheveux, les sourcils ont blanchi, mais les yeux sont toujours aussi noirs. Comme si la vie avait continué à être marquée par la peur pour le survivant du stade où Pinochet fit torturer et tuer des milliers de personnes.

« On me surnomme 'Freddy' », précise-t-il en ouvrant la porte de sa petite maison. De taille moyenne, il frotte ses mains l'une contre l'autre, rugueuses, maltraitées par la besogne. Derrière lui, Erika a un regard méfiant. « Les voisins vont croire que nous sommes communistes », dit-elle pour s'excuser de la froideur de l'accueil. Dans la rue, personne ne connaît le passé de cet homme. Raconter son passé de détenu politique ne lui a apporté que des soucis dans un pays où l'oubli a été imposé par dix-sept ans de dictature et treize ans d'une transition démocratique hantée par le fantôme de Pinochet.

Daniel Cespedes a longtemps vécu à Santiago, mais il a toujours eu du mal à y trouver du travail. La compagnie privée Telefónica l'a licencié quand les directeurs ont découvert son passé. La société Olivetti a refusé de l'engager pour les mêmes raisons. Il est désormais électricien, spécialisé dans les installations minières. Il voyage beaucoup, jusqu'au Pérou, quand il parvient à décrocher un contrat temporaire.

Rancagua, où il habite depuis 1992, est une cité industrielle de 180 000 habitants, dynamique et prospère grâce à la seconde mine de cuivre du pays, El Teniente. A quelques kilomètres du centre, la población Esperanza est un quartier modeste mais coquet. Les petits pavillons sont en bois ou en ciment, égayés par des jardins.

Le salon du couple est accueillant, avec des rideaux blancs, des bibelots partout et des fleurs en plastique. Daniel préfère la cuisine, où l'on peut s'asseoir autour d'une table. Erika le couve du regard. Erik est plein d'admiration pour cet homme qui l'a adopté après la mort de son père, et qu'une photo, LA photo, a rendu célèbre. En fond sonore, Charles Aznavour chante en français. Le maître de maison adore Aznavour ; il a tout son répertoire, en version originale et en espagnol. Mais, aujourd'hui, il l'écoute à peine, absorbé qu'il est par son récit et par cette photo, toujours elle, posée sur la toile cirée.

« Quand je l'ai vue pour la première fois, se souvient-il, c'était en 1979, dans un article de journal consacré à l'anniversaire du coup d'État du 11 septembre. Un journaliste a voulu m'interviewer, mais j'ai refusé. J'avais peur que l'enfer recommence. J'avais peur de perdre mon travail. » Il va vainement tenter d'oublier ces journées de 1973. Il avait 23 ans, était syndicaliste et militant des Jeunesses communistes.

Le 12 septembre 1973, au lendemain du coup d'État fatal au socialiste Salvador Allende, Daniel Cespedes se présente à son travail, dans un laboratoire pharmaceutique. A l'heure du couvre-feu, il décide de rejoindre quelques amis devant la faculté de chimie et de pharmacie, près de la place d'Italie.

Des jeunes soldats l'arrêtent. « Ils m'ont jeté dans un camion, raconte-t-il, j'étais écrasé sous les corps des autres personnes arrêtées pendant toute la nuit. Je me rappelle la douleur provoquée par les fils de fer qui serraient mes poignets. »

Il est conduit à l'Ecole militaire. Un officier confisque ses papiers ainsi que l'argent destiné à l'achat d'une cuisinière pour sa mère. Pendant les quarante-cinq jours que va durer sa détention, personne ne l'appellera plus par son nom. Daniel Cespedes, né le 14 janvier 1950 et fils unique d'une mère célibataire, perd son identité. « On aurait dit une armée d'occupation, se souvient-il. Je ne comprenais pas pourquoi ils nous maltraitaient. J'avais toujours eu du respect pour l'armée chilienne. Enfant, j'adorais assister aux parades militaires. »

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DANIEL CESPEDES, C'EST SON NOM, A AUJOURD'HUI 53 ANS. IL VIT DANS UNE POBLACIÓN (BIDONVILLE) DE RANCAGUA, À 100 KM AU SUD DE LA CAPITALE, AVEC SA COMPAGNE, ERIKA, ET LE FILS DE CELLE-CI, ERIK, ÂGÉ DE 13 ANS. 

L'Ecole militaire, les prisons de Santiago sont trop exigus pour les milliers de prisonniers. Daniel est donc transféré au Stade national. Les prisonniers, que leurs geôliers traitent de  «  communistes », s'entassent dans les vestiaires. Le jeune homme ne connaît personne. « Tous les deux ou trois jours, des soldats venaient nous chercher. A chaque fois, ils nous disaient qu'ils allaient nous fusiller. J'avais la peur au ventre, une peur terrible de mourir. » Il n'a pas oublié les moments où il a pleuré, où il a pissé dans son pantalon. Les yeux bandés, il est battu. A la tête, au ventre, dans les parties génitales. Certains de ses compagnons meurent sous les coups. Onze ans plus tard, à l'âge de 34 ans, Daniel souffrira d'un épanchement cérébral que les médecins attribueront aux sévices subis alors.

Les tortionnaires l'interrogent sans relâche sur une mystérieuse « clé » dont il n'a jamais entendu parler. Elle lui vaut plusieurs sessions de picana électrique. A aucun moment, ils ne lui demandent son nom. Parmi ses compagnons de détention, des médecins ou des psychologues tentent de panser les blessures. « Le plus dur était la souffrance psychologique », raconte Daniel. Les cris d'hommes, de femmes, torturées le jour, la nuit. Les humiliations, la dégradation humaine, la conviction qu'il va mourir. Daniel, pris d'un rire nerveux, se souvient soudain d'un prisonnier, cuisinier à l'Hôtel Carrera : « Il nous faisait une liste de menus imaginaires. Cela peut paraître cynique, mais cela soulageait la faim d'imaginer un petit déjeuner avec du jus d'orange et des œufs au lard. » Le menu réel se limitait à un quart de pain et deux tasses de thé par jour.

Scrutant de nouveau la photo, Daniel estime qu'elle a été prise au moins deux semaines après son arrivée au stade, à cause d'une barbe naissante. Un groupe de journalistes visitaient les lieux sous escorte militaire. « Quand le photographe a pris le cliché, les soldats venaient me chercher pour me torturer », assure-t-il. Daniel n'a jamais su pourquoi il avait ensuite été libéré. Il se rappelle juste la voix du jeune soldat qui a prononcé son nom pour la première fois : « Daniel Cespedes. »

A la sortie du stade, des dizaines de familles accrochées aux grilles se jettent sur lui, le pressent de questions sur les autres prisonniers. Il ne sait quoi répondre. Il n'a plus de papiers ni le moindre sou en poche. Un couple le raccompagne chez sa mère. Celle-ci le reconnaît à peine, tant il a maigri. Il dégage une odeur nauséabonde. Voilà un mois et demi qu'il n'a pas pris de douche. Sa mère préfère jeter les vêtements sales. Même la veste saharienne où il a noté, sur les revers des poches, les numéros de téléphone des familles de détenus qu'il devait contacter afin de donner des nouvelles. « Ma mère avait préparé de la viande et une salade, poursuit-il. Mais, à la première bouchée, j'ai vomi, mon estomac refusait toute nourriture. »

Pendant des semaines, il n'ose pas sortir du petit appartement de la rue Vivaceta, proche de la place d'Espagne. Habitué à dormir sur le sol pendant plus d'un mois au stade, il continue, incapable de se réhabituer à son lit. Il fait des cauchemars, il se sent coupable en pensant aux détenus restés « là-bas ». Le moindre bruit le réveille, le fait sursauter. Au laboratoire où il travaillait avant sa détention, on lui fait comprendre qu'il est plus convenable de démissionner. Il mettra plus d'un an à trouver un employeur qui ne lui demandera pas ses antécédents.

Renonçant à la politique, Daniel se marie. « Une façon, avoue-t-il, de rompre avec le passé. Ma femme avait 16 ans, c'était une gamine. J'étais mal dans ma peau. » Cette union sera un échec. Les deux jeunes gens se séparent peu après la naissance de leur deuxième enfant. L'aîné, Claudio, aujourd'hui âgé de 27 ans, n'a pas pu s'enrôler dans la marine en raison du passé de son père et de la séparation de ses parents (le divorce est interdit au Chili). Il vit en Espagne avec sa mère. Sa sœur, Daniela, 26 ans, habite à Santiago ; elle a un fils de 6 ans.

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DEUXIÈME PRISE DE VUE D'UN MÊME SUJET, DEPUIS LE MÊME EMPLACEMENT.  PHOTO DAVID BURNETT

« Quand j'ai connu Daniel, je ne savais pratiquement rien de sa vie antérieure », interrompt Erika, qui vit avec lui depuis douze ans. A l'époque, il ne parlait pas. Maintenant, il parle vite, comme si le fait de s'exprimer le soulageait. Ses yeux se remplissent souvent de larmes, mais il est impatient d'exorciser le passé et de reconstruire le puzzle de sa vie. « Pinochet est un nazi », lance-t-il, ajoutant qu'il aimait « beaucoup, beaucoup Allende ». « Il avait de bonnes idées, mais il était mal entouré », estime Daniel, qui n'a jamais cherché à reprendre contact avec le Parti communiste. « A la sortie du stade, des membres du PC m'ont demandé de participer à des actes de sabotage contre la dictature, mais j'ai refusé. Je ne voulais plus rien savoir de la politique. J'étais plein de méfiance et de rage. »

Malgré le retour de la démocratie en 1990, beaucoup de chefs d'entreprise refusent d'embaucher des anciens détenus ou des ex-syndicalistes. « Des listes noires circulent encore », affirme Daniel. Quand il n'a pas de travail, il lui faut chercher un loyer moins cher. « Il ne s'est jamais occupé de réclamer les indemnités accordées aux anciens détenus de la dictature », avance Erika. Jamais, non plus, il n'a perçu le moindre centime sur les droits de la photo. Son rêve est aujourd'hui de pouvoir acheter une maison et d'avoir de quoi payer les études d'Erik, qui souhaite devenir historien.

Le 11 septembre, il a été profondément ému en regardant, à la télévision, les cérémonies commémorant le coup d'État de septembre 1973. Un anniversaire marqué par un important déploiement médiatique, avec des centaines de témoignages et des documents d'époque. « Je me suis soudain rappelé des détails oubliés, assure M. Cespedes, j'ai découvert de nouvelles informations. Je me suis senti moins seul. »

A cette occasion, le stade Chile de Santiago a été rebaptisé du nom de Victor Jara, le compositeur qui y fut détenu et torturé. Son cadavre, criblé de balles et portant de multiples fractures aux poignets, fut ensuite retrouvé sur un terrain vague.

Daniel, lui, n'est pas sorti de l'ombre. Il est resté l'homme de Santiago, l'homme de la photo.



CHILI : LA SOCIÉTÉ TOUJOURS DIVISÉE SUR LE 11 SEPTEMBRE 1973

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LA DERNIÈRE PHOTO DU PRÉSIDENT CHILIEN SALVADOR ALLENDE. COIFFÉ D’UN CASQUE LOURD ET DE QUELQES FIDÈLES QUI L’ENTOURENT. LE DERNIER CLICHÉ DU PRÉSIDENT CHILIEN DANS LE PALAIS PRÉSIDENTIEL DE « LA MONEDA » SALVADOR ALLENDE AU PALAIS DE LA MONEDA LE 11 09 1973. PHOTO ORLANDO LAGOS
Il y a l’histoire de la dictature avec sa répression impitoyable qui a fait plus de 3 200 morts et disparus et près de 38 000 victimes de torture, avec son exode forcé pour plusieurs centaines de milliers de Chiliens. Et il y a celle du régime militaire, vu comme une libération nationale contre la menace marxiste, avec son ouverture au libre marché qui permet aujourd’hui au Chili d’être le pays au PIB le plus élevé d’Amérique latine.

Quant aux violations des droits de l’homme, elles sont regrettables, mais elles se justifient, selon l’adage : « Il n’y a pas d’omelette sans casser des œufs ». Si tous les Chiliens qui ont connu la dictature ont une opinion sur le sujet, ils n’en parlent pas. Il faut dire que la cohabitation entre ces deux mémoires est constante.

Pour les adolescents, nés après la dictature, tous n’ont pas une idée très précise de qui furent Salvador Allende ou Augusto Pinochet. Pour eux, c’est déjà de l’histoire ancienne.

lundi 10 septembre 2012

JE ME SOUVIENS DE L’AUTRE 11- SEPTEMBRE


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DESSIN DE PLANTU DANS LE JOURNAL LE MONDE 
Ces jours-ci, on parlera de l’écrasement des tours du World Trade Center à New York, dont le bilan en pertes humaines s’élève à plus de 3000 morts.
DESSIN DE PLANTU PUBLIÉ DANS
 LE MONDE DU 11 SEPTEMBRE 2003
Mais les médias nous rappelleront-ils le 11 septembre 1973, journée du coup d’État du général Pinochet au Chili, au bilan humain tragique : plus de 3000 morts, des milliers de personnes disparues, mortes sous la torture, des centaines de milliers d’arrestations, un million d’exilés.

La fin d’une expérience de libération économique et politique d’un peuple, la voie pacifique vers le socialisme, sous la présidence du docteur socialiste Salvador Allende.

Le premier d’une série de coups d’État orchestrés à Washington par la CIA et ses protégés, les compagnies transnationales, pour mater les peuples d’Amérique latine.

Cultivons notre mémoire.

samedi 8 septembre 2012

MOSCOU PRÉPARE UNE TABLETTE ANTI-GOOGLE.

SYSTÈME DE NAVIGATION SPATIALE GLONASS. PHOTO  MAXIM BOGODVID

Version civile ou militaire

Il a indiqué que deux versions de la tablette seraient produites, une pour les consommateurs civils et une autre pour les besoins de la Défense russe.

Le géant américain est critiqué pour collecter trop d’informations sur ses consommateurs et les stocker ensuite pendant des années.

Le ministère de la Défense russe craint, en utilisant les tablettes actuelles, que de telles informations tombent ensuite dans les mains du gouvernement américain.


VISITEURS TESTENT DES TABLETTES NUMÉRIQUES AU SALON IFA DE BERLIN, LE 30 AOÛT 2012. PHOTO , ODD ANDERSEN
Nom de code: ROMOS

Selon M. Starikovski, la production des tablettes russes devrait être lancée d’ici la fin de l’année, et elles devraient coûter 15'000 roubles (440 francs).

La version militaire, « résistante aux chocs et étanche», sera reliée au système de navigation russe Glonass, conçu pour rivaliser le GPS.

La tablette sera composée essentiellement de pièces fabriquées à l’étranger, qui seront assemblées dans une usine du ministère de la Défense. Son système d’exploitation est baptisé RoMOS.

CHILI: GOOGLE INVESTIT DANS UN CENTRE DE TRAITEMENT DE DONNÉES


Ce centre, construit près de la capitale dans la commune de Quilicura, sera opérationnel mi-2013 et emploiera 40 personnes, a précisé devant la presse Adriana Noreña, directrice de Google Amérique latine.

Google, installé depuis 2011 au Chili, a également des bureaux en Argentine, au Brésil, au Pérou et au Mexique.

mercredi 5 septembre 2012

« TOUS LES FEUX, LE FEU » ET « DIRECTIVE POUR JOHN HOWELL» DE JULIO CORTAZAR

JULIO CORTAZAR, PAR DANIEL MORDZINSKI 







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AMÉRIQUE DU SUD : NOUVELLES D'AMÉRIQUE LATINE « TOUS LES FEUX, LE FEU » ET « DIRECTIVE POUR JOHN HOWELL» DE JULIO CORTAZAR (2/5) 57 MINUTES. CHEZ FRANCE CULTURE DU 21.08.2012 - 17:00
Nouvelles d’Amérique latine Extraites de la série « Bonnes nouvelles, grands comédiens » Rediffusion des archives de l’ INA de 1982 et 1972 Pour évoquer l’Amérique du Sud,  des morceaux choisis dans l’œuvre  du poète et essayiste mexicain Octavio Paz suivis d’un choix de nouvelles d’écrivains latino-américains. Tous les feux, le feu lu par André Dussollier et Directives pour John Howell lu par Lolé Bello de Julio Cortázar.