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mercredi 28 juin 2017

AU VENEZUELA, LA COUR SUPRÊME ET LE MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR ATTAQUÉS


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UN HÉLICOPTÈRE VOLÉ DE LA POLICE
CAPTURE D'ÉCRAN
L’opération menée par un hélicoptère volé de la police n’a pas fait de victime. Mais elle accentue la violente crise qui ébranle le pays depuis le mois d’avril. 
Le Monde.fr avec AFP, AP et Reuters

LE PILOTE  PUTSCHISTE OSCAR PEREZ
DANS UN VIDÉO SUR INSTAGRAM
Un hélicoptère de la police vénézuélienne a mitraillé mardi 27 juin le siège du tribunal suprême de justice et le ministère de l’intérieur. L’attaque, qui n’a pas fait de victime, témoigne de l’accentuation de la violente crise qui ébranle le pays depuis des mois. D’après des responsables gouvernementaux, l’appareil a tiré à quinze reprises contre le ministère, où plusieurs dizaines de personnes participaient à une cérémonie ; quatre grenades ont été lancées depuis les airs sur la Cour suprême.


    NICOLAS MADURO LORS D’UN MEETING EN VUE DES 
    ÉLECTIONS CONSTITUANTES, LE 27 JUIN À CARACAS. 
    PHOTO HANDOUT / REUTERS

    Le président Nicolas Maduro a dénoncé un acte «terroriste » et a mis en demeure les dirigeants de la Table de l’unité démocratique (MUD) – la coalition de l’opposition – de « condamner cette attaque éminemment destinée à provoquer un putsch ». « Ils auraient pu provoquer des dizaines de morts », a-t-il ajouté.

    Dans un communiqué, le gouvernement précise que l’hélicoptère a été dérobé par un pilote de la police identifié sous le nom d’Oscar Perez. Une vidéo mise en ligne sur son compte Instagram le montre devant plusieurs hommes en armes, affirmant qu’une opération est engagée pour restaurer la démocratie. M. Perez ajoute qu’il représente un collectif de militaires, de policiers et de fonctionnaires hostiles à l’exécutif « criminel » et appelle M. Maduro à démissionner.
    « Arrêtez la folie de la droite vénézuélienne! »
    (Belga) Le président du Venezuela Nicolas Maduro a demandé mardi à son homologue américain Donald Trump d'"arrêter la folie" de l'opposition qui multiplie les manifestations depuis début avril et qu'il soupçonne de s'être alliée avec Washington pour fomenter un coup d'Etat.
    "Ecoutez, président Donald Trump, c'est à vous de décider", a déclaré le chef de l'Etat au cours d'une cérémonie d'investiture des candidats à l'Assemblée constituante. "Si ces forces violentes, haineuses et mortifères arrivaient à détruire le Venezuela, la mer Méditerranée ne serait rien à côté de la mer des Caraïbes, avec des milliers et même des millions de (Vénézuéliens) qui iraient en direction des Etats-Unis. Rien ni personne ne pourrait les arrêter (...), vous auriez à construire 20 murs dans la mer !", a-t-il affirmé. "Arrêtez la folie de la droite vénézuélienne !", a ajouté le président socialiste, confronté depuis début avril à une vague de manifestations hostiles ayant fait 76 morts. Le week-end dernier, M. Maduro avait accusé les dirigeants de l'opposition d'encourager à la violence pour permettre une intervention américaine dans son pays. "Si le Venezuela se retrouvait plongé dans le chaos et la violence et si la révolution bolivarienne était détruite, nous irions au combat (...) et ce qui n'a pas été possible avec les votes, nous le ferions avec les armes", a mis en garde le président Maduro mardi. Il s'est toutefois dit disposé à avoir "des relations respectueuses" avec M. Trump, assurant être ouvert au dialogue. (Belga)

    Appel à Donald Trump

    Le Venezuela connaît depuis le début d’avril une nouvelle crise politique violente qui a fait au moins 75 morts. Des chefs de file de l’opposition exhortent de longue date les membres des forces de sécurité à la désobéissance. Mais pour certains, cette attaque par hélicoptère pourrait avoir été orchestrée par le pouvoir pour justifier la répression.

    Nicolas Maduro avait prévenu plus tôt dans la journée que ses partisans prendraient les armes si son gouvernement était renversé par la violence.
    « Je dis au monde, et j’espère que le monde l’entendra après quatre-vingt-dix jours de manifestation, de destruction et de mort : si le Venezuela était plongé dans le chaos et la violence et la révolution bolivarienne détruite, nous irions au combat. »
    Il avait ainsi lancé lors d’un rassemblement politique : « Nous n’abandonnerons jamais, et ce qui ne pourra être fait par les votes, nous le ferons avec des armes, nous libérerons notre patrie avec des armes.»

    Nicolas Maduro lors d’un meeting en vue des élections constituantes, le 27 juin à Caracas.

    Le successeur de Hugo Chavez s’exprimait lors d’un meeting en vue des élections constituantes qu’il entend organiser le 30 juillet. L’opposition, majoritaire à l’Assemblée nationale depuis décembre 2015, refuse ce projet et réclame la tenue d’une présidentielle anticipée. En l’état du calendrier électoral, le prochain scrutin présidentiel n’est pas prévu avant la fin fr 2018.

    M. Maduro, qui accuse Washington de soutenir ses opposants dans l’objectif de contrôler les richesses pétrolières du pays, a par ailleurs mis en garde : la « destruction » du Venezuela provoquerait une crise migratoire plus forte qu’en mer Méditerranée.

    « Ecoutez-moi, président Donald Trump, il vous faudrait construire 20 murs en mer, un mur du Mississippi jusqu’à la Floride, et de la Floride jusqu’à New York, ce serait de la folie. La responsabilité vous en incombe : stoppez la folie de la droite vénézuélienne violente. »

    samedi 24 juin 2017

    L'INSECTE // PABLO NERUDA




    ANIMATION À PARTIR D'UN POÈME DE PABLO NERUDA, LU PAR ALAIN LENGLET POUR FRANCE CULTURE. AUDREY LAINÉ // NALLEY. ÉCOLE ESTIENNE // MARS 2013

    ARAUCO TIENE UNA PENA / VERSIÓN D'INTI ILLIMANI ET SILVIO RODRÍGUEZ

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    « ARAUCO TIENE UNA PENA » / VERSION D'INTI ILLIMANI ET SILVIO RODRÍGUEZ
    DURÉE : 00:04:23

      EN SALLE. JULIA LÜBBERT, NOUVELLE ÉTOILE DU CINÉMA CHILIEN


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      CAPTURE D’ÉCRAN DU FILM « RARA »

      Actuellement à l’affiche en France, le film chilien Rara [ «Bizarre»], réalisé par Pepa San Martín, relate les difficultés d’une adolescente confrontée aux tabous de la société vis-à-vis de sa famille. Dans le rôle principal, la jeune Julia Lübbert a fortement impressionné les critiques. 
      « La protagoniste de Rara, le film de Pepa San Martín, est la jeune révélation du cinéma chilien, titrait le quotidien chilien El Mercurio lors de la sortie du film au Chili à l’automne 2016.

      Julia Lübbert a 15 ans aujourd’hui ; elle en avait 13 pendant le tournage de cette fiction, où son personnage est confronté aux préjugés de la société chilienne à l’égard de sa famille et du couple que forme désormais sa mère, divorcée, avec une femme. Dans le film, la jeune Sara de 13 ans, à l’aube de ses premiers émois amoureux, un peu rondelette, un peu gauche, un peu abrupte, rassemble un cocktail explosif de sentiments, de la colère à la sagesse, du rejet à la tendresse, de la crânerie à la faiblesse. “Julia est impressionnante de naturel”, confie à El Mercurio l’actrice Roxana Naranjo, qui a aidé les deux fillettes à préparer leur rôle – celui de Sara et de sa petite sœur, Catalina – pour le film.

      Julia Lübbert a grandi dans un univers de cinéma et de théâtre : son père, Orlando Lübbert, est réalisateur, et l’a fait tourner à l’âge de 8 ans dans l’un de ses films ; sa mère, Iria Retuerto, anthropologue, est également auteure de théâtre.

      Dans une interview au quotidien El Mostrador, elle s’avoue très surprise de “cette folie qu’a été le succès du film”, et des récompenses reçues dans plusieurs festivals, notamment à la Berlinale (à Berlin) en février 2016 où Rara a obtenu le prix du jury Generation Kplus, décerné par de jeunes jurés.

      “Tout l’intérêt de ce film est de montrer la situation du point de vue familial, dans les yeux de la jeune fille plutôt que vu de l’extérieur, confie Julia au journal. De ce fait, il n’y a pas de bons et de méchants dans cette histoire.”

      Malgré cette médiatisation, la lycéenne Julia Lübbert n’anticipe pas sur son avenir, même si elle reconnaît rêver de continuer à tourner. Avant d’ajouter que peut-être, finalement, elle pourrait embrasser une carrière “dans le social”. De ce point de vue, Julia Lübbert a bien 15 ans, et tout son temps.


      Sabine Grandadam

      SUR LE MÊME SUJET :


      CHILI : LA PRÉSIDENTE DEMANDE PARDON AUX MAPUCHES


      DURÉE: 00:00:49

      TEST

      DES ESPIONS NAZIS PLANIFIAIENT DES BOMBARDEMENTS AU CHILI (ARCHIVES)


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      PHOTO MIGUEL SÁNCHEZ
      La police chilienne a publié jeudi des documents d'archives concernant les enquêtes menées durant la seconde guerre mondiale qui ont révélé comment les partisans nazis du pays fournissaient des informations au Troisième Reich et prévoyaient de bombarder des mines au Chili.
      PHOTO MIGUEL SÁNCHEZ

      Les documents détaillent par ailleurs les formations paramilitaires de jeunes issus de familles allemandes ainsi que l’envoi régulier d’informations en Allemagne via les routes des navires marchands alliés.

      Ces publications interviennent au même moment que la découverte d’une cache d'artefacts nazis dissimulée derrière une bibliothèque à Buenos Aires en Argentine. Le Chili et l'Argentine ont bénéficié d'un soutien important lors de la seconde guerre mondiale. Après la cessation des hostilités en Europe, de nombreux responsables nazis ont fui le vieux continent pour se cacher en Amérique du Sud.

      PHOTO AFP
      Suite à l’enquête menée par la police chilienne, 40 personnes ont été arrêtées et plusieurs livres de code, radios, armes et plans pour bombarder des mines dans le nord du Chili ont été découverts.


      PHOTO REUTERS
      Les documents ont été officiellement remis au bureau d'archives national du pays jeudi et seront disponibles pour consultation publique. « Jusqu'à hier, c'était un secret d'état », a déclaré le préfet de centre gauche Gabriel Silber. « Peut-être, à partir d'aujourd'hui, nous reconnaîtrons une vérité inconfortable que, malheureusement, des personnalités politiques et commerciales au Chili ont soutenu les nazis », a-t-il conclu.

      vendredi 23 juin 2017

      CHILI: MME BACHELET DEMANDE PARDON AUX INDIENS MAPUCHES


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      PHOTO JOURNAL LA TERCERA


      (Belga) La présidente du Chili Michelle Bachelet a demandé vendredi pardon pour les « erreurs et horreurs » commises contre les Mapuches, plus grande ethnie indigène du pays, qui ont souffert de discrimination et réclament la restitution de terres. 

      PHOTO ALEX IBAÑEZ
      «Nous avons échoué comme pays, c'est pourquoi je veux demander pardon au peuple Mapuche pour les horreurs et erreurs commises ou tolérées dans notre relation avec eux et leurs communautés », a déclaré la dirigeante socialiste en présentant un plan de soutien à la région de l'Araucanie (sud), où sont concentrés les Mapuches.

      Premiers habitants du sud du Chili et d'une partie de l'Argentine, les Mapuches - « gens de la terre » dans leur langue - sont environ 700.000, sur une population chilienne de 17 millions d'habitants. 

      PHOTO JOURNAL LA TERCERA
      Ils réclament la restitution de terres « ancestrales » prises par l'État à la fin du 19ème siècle et leurs actions parfois violentes ont conduit leurs dirigeants en prison. "« Il est évident que depuis la formation de notre République, l'identité, la culture, le territoire et les moyens de vie du peuple Mapuche n'ont pas été préservés comme il le fallait », a estimé Mme Bachelet, ajoutant que « ce peuple a été rendu invisible et ses communautés dépréciées et discriminées ». Le plan gouvernemental inclut la création d'un ministère des Peuples indigènes, d'un Conseil des peuples indigènes, officialise l'usage du mapudungun, la langue Mapuche, dans l'Araucanie et crée le jour national des peuples indigènes, le 24 juin. 

      Un comité interministériel analysera par ailleurs le registre des terres et eaux indigènes pour aborder la question de la restitution de territoires Mapuches. Mme Bachelet a rappelé qu'au cours des 25 dernières années, près de 230.000 hectares de terres indigènes ont été achetés, subventionnés ou régularisés en faveur des Mapuches, qui possédaient une grande partie du territoire chilien jusqu'à l'arrivée des conquistadores espagnols. (Belga)

      Écouter cet article 17:00 • Lu par Arnaud Romain

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       LU PAR ARNAUD ROMAIN
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        ERIK SATIE: GYMNOPEDIE NO 3 BY KEVIN MACLEOD

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          ERIK SATIE: GYMNOPEDIE NO 2 BY KEVIN MACLEOD

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            ERIK SATIE: GYMNOPEDIE NO 1 BY KEVIN MACLEOD

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            ERIK SATIE: GYMNOPEDIE NO 1 PAR KEVIN MACLEOD
            DES INTERPRÉTATIONS TRADITIONNELLES ET INNOVANTES 
            DES CLASSIQUES DE SATIE DISPONIBLES À FREE MUSIC ARCHIVE 
            DURÉE : 00:03:07

              LE COMPOSITEUR DU SILENCE


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              PORTRAIT D'ERIK SATIE 1874 PAR
              ANTOINE DE LA ROCHEFOUCAULD 
              La postérité réduit souvent les artistes les plus inventifs à leurs œuvres les plus aimables. Tel est le sort du compositeur Erik Satie, un siècle et demi après sa naissance. Ses célèbres et soyeuses « Gymnopédies », qui meublèrent tant de génériques, reflètent mal la personnalité abrasive de ce communiste de la Belle Époque.
              par Agathe Mélinand
              COLLAGE REPRÉSENTANT
              ERIK SATIE, 2016
              PHILIPPE BERTIN
              Il est troublant de dresser le portrait d’Erik Satie (1866-1925) ; il est délicat de faire le tour de sa personnalité. Il résiste, fait des blagues, vous tourne le dos et rentre toujours à Arcueil s’enfermer dans son gourbi où personne n’est admis. L’évoquer est un exercice inquiétant d’équilibriste.



              ERIK SATIE: GYMNOPEDIE NO 1 PAR KEVIN MACLEOD
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              DURÉE : 00:03:07
                De qui parler ? Du jeune homme révolutionnaire en costume de velours ou du Satie définitif en costume de notaire ? Du Satie qui, à pied toujours, se rendait chez les Noailles au faubourg Saint-Germain ou de celui qui, à Arcueil, « se couchait dans le fossé et faisait l’ivrogne (1)  » ? Du pianiste du cabaret Le Chat noir ou de celui du patronage laïque d’Arcueil-Cachan ? Et puis, il y a ses dessins, il y a ses écrits, il y a les Vexations à répéter 840 fois de suite. Il dit : « Pour jouer ce motif, il sera bon de se préparer au préalable, et dans le plus grand silence, par des immobilités sérieuses. » Bien. Quinze heures de musique, que John Cage et neuf autres pianistes joueront pour la première fois en 1963.

                Alors ? Faut-il mettre en avant ses conférences loufoques, ses chroniques musicales, ses aphorismes, ses cris de rage, ses poèmes et ses réclamations ? Parler de la première section arcueillaise du Parti communiste, à laquelle il adhéra ? Se limiter aux célèbres Gnossiennes et aux Gymnopédies qui cachent un peu sa musique, tellement multiple ? Faut-il parler du Satie de Jean Cocteau, de Maurice Ravel, René Clair ou Picasso, de l’amant bref de Suzanne Valadon, peintre-trapéziste, ou de l’ami si cher de Claude Debussy, qui lui faisait des côtelettes ? Faut-il parler misère, faut-il parler mystique ? Célébrer le fondateur de l’« Église métropolitaine d’art de Jésus conducteur », dont il sera le seul officiant et le seul fidèle, grâce à Dieu…, ou rester avec lui, dans la chambre d’Arcueil sans eau courante et sans lumière où il va vivre vingt-huit ans, gêné surtout par les moustiques ?
                PORTRAIT D'ERIK SATIE 1892 PAR
                SUZANNE VALADON
                Bref. En ce 150ème anniversaire de la naissance d’Erik Satie, on donne des conférences, on vote des crédits, on le célèbre de Saint-Jean-de-Luz jusqu’au Japon… Il aurait adoré ça, celui dont la musique ne plaisait pas. Il dit : « Après une assez courte adolescence, je devins un jeune homme ordinairement potable. Pas plus. C’est à ce moment de ma vie que je commençai à penser et à écrire musicalement. Oui. Fâcheuse idée !… Très fâcheuse idée !… En effet, car je ne tardai pas à faire usage d’une originalité déplaisante, hors de propos, antifrançaise, contre nature, etc. (2).  »
                Voilà. Cela joint à un petit caractère très réactif, au refus viscéral de toute autorité, de tout ce qui « se fait », combiné à un sens aigu de la provocation, des brouilles, des exaspérations, avec, en point d’orgue, quelques coups de parapluie contre certain critique qui lui vaudront presque la prison. Et sa fureur quand il ne fut pas reçu à l’Académie, et sa joie quand il obtint les palmes académiques pour services rendus à la municipalité d’Arcueil… Erik Satie, tout et son contraire, tout le temps.
                Cependant, loin des exaspérations, de l’alcool et des cris de la jeunesse, pour parler de Satie, pour l’écouter, il faut poser du blanc, de ce blanc qu’il adorait, où résonnent sur le bord du vide, d’une manière presque organique, les volutes et les explosions de sa musique. Satie compose le silence, celui qui vient avant, celui qui est après.

                DURÉE : 00:02:25

                  PORTRAIT D'ERIK SATIE
                  PAUL SIGNAC VERS 1890
                  Erik-avec-un-K Satie est né le 17 mai 1866 à « Honfleur (Calvados), arrondissement de Pont-l’Évêque ». Il dit : « J’eus une enfance et une adolescence quelconques — sans traits dignes d’être relatés dans de sérieux écrits. Aussi n’en parlerai-je pas (3).  » Dans la rue Haute où il habite, le petit garçon, orphelin de mère et de grand-mère, regarde et écoute les vaisseaux, « la mer qui est large et pleine d’eau (4)  »… À 12 ans, il faut quitter les ambiances d’Eugène Boudin, les cours de M. Vinot, et partir pour Paris rejoindre son père, éditeur de musique, et sa belle-mère, compositrice amatrice, qui va lui apprendre la « vraie musique ».

                  « Enfant, je suis entré dans vos classes ; mon esprit était si doux que vous ne l’avez pu comprendre ; et ma démarche étonnait les fleurs… Et, malgré ma jeunesse extrême et mon agilité délicieuse, par votre inintelligence vous m’avez fait détester l’Art grossier que vous enseigniez (5).  »

                  Catastrophe au conservatoire. Ses professeurs le disent élève doué mais indolent, étudiant paresseux à l’exécution tiède. Satie renonce, son avenir musical est sombre, il quitte l’école plein de haine, il scande : « D’une seule voix, je crie : vive les amateurs ! » Que faire ? Tenter les fantaisies-valses ou les valses-ballets ou rester des heures, l’œil levé, fixant les cieux de Notre-Dame ? Quatre Ogives en ligne claire, écrites à 20 ans. Satie expérimente et trouve, sans barre de mesure, la ligne des notes en architecture…
                  Mais non. « La même année, il prend ses vêtements, les roule en boule, les traîne sur le plancher, les piétine, les asperge de toutes sortes de liquides jusqu’à les transformer en véritables loques. Il défonce son chapeau, crève ses chaussures, déchire sa cravate, ne soigne plus sa barbe et laisse pousser ses cheveux (6).  »

                  PORTRAIT D'ERIK SATIE 
                  FRANCIS-MARIE MARTINEZ DE PICABIA
                  Il a tout quitté, la Normandie, le conservatoire, son père. Il peut enfin être lui. Le futur petit monsieur bien mis commence sa vraie vie au bas de Montmartre, à 20 ans, dans la chambre qu’il partage avec l’ami poète J. P. Contamine de Latour. La vie est de bamboche, l’alcool ultrafort : « Nous réagissons contre toutes les conventions, les imbécillités et les partis pris. Nous sommes pour ceux qui ont le courage de montrer ce qu’ils voient, ceux qui sont de leur temps, ceux qui n’ont pour maître que la nature, la grande et belle nature (7)  ! »

                  Dix ans de piano au Chat noir. Les Incohérents exposent « des dessins exécutés par des gens qui ne savent pas dessiner : “Canards aux petits pois”, “Bas-relief à l’ail”, “Première Communion de jeunes filles chlorotiques par temps de neige” »… Alphonse Allais est la sommité absolue. L’humour et la poésie de Satie vont être marqués à vie par ces drôles de zigotos. Dans ce théâtre d’ombres, il y a Guy de Maupassant, Émile Zola, Alphonse Daudet, Paul Verlaine, Marcel Proust, Caran d’Ache, Charles Cros… On dit que c’est là que Satie rencontra Claude Debussy. On dit aussi qu’« Esotérik » Satie devint maître de chapelle de la secte de la Rose-Croix du Temple du Sâr Péladan, écrivain et occultiste, et qu’il composa avec Latour Uspud-Ballet chrétien, que le directeur de l’Opéra refusa malgré leurs menaces.
                  Mais Satie, dans tout ce vacarme, écrit… les six Gnossiennes et les Gymnopédies — « danses de l’enfant nu » — « lentes, douloureuses, tristes et graves ». On entend les pas des enfants grecs glissant sur les marbres.

                  À 26 ans, il vit avec Suzanne Valadon une courte liaison sauvage de six mois. Il en veut plus, elle en donne moins, ils rompent. Danses gothiques : Neuvaine pour le plus grand calme et la forte tranquillité de mon âme ; Par pitié pour les ivrognes, honteux, débauchés, imparfaits, désagréables et faussaires en tous genres ; Où il est question de pardon des injures reçues. Satie, qui n’aura jamais plus d’autre liaison, est malheureux. Il fait n’importe quoi, il a quitté les rose-croix, il n’a plus un rond, il pense à devenir gardien de musée ; Willy, critique expérimenté, écrit des horreurs sur lui : «Musicoloufoque, pou mystique, sagouin ésotérique !» Satie répond, se bat, lance des anathèmes contre le Tout-Paris… Il compose quand même une Messe des pauvres. Après quelques Pièces froides et Danses de travers, il est peut-être temps de partir.

                  À qui sont ces affaires, sur la charrette à bras qui s’en va, en ce mois de décembre 1898, de Montmartre à Arcueil, campagne ouvrière sur le bord de la Bièvre ? Elles sont à Erik Satie, dont toute la vie tient là et qui va s’installer dans la maison du 22, rue Cauchy. Quinze mètres carrés, pas d’eau, pas de lumière et la musique des moustiques « envoyés certainement par les francs-maçons »… Satie est chez lui, c’est la misère à faire peur : « Voilà deux jours que je ne mange pas. » Alors il retourne à Montmartre, toujours à pied, accompagner dans les caf’ conc’ Vincent Hyspa ou la « reine de la valse lente », Paulette Darty. Et puis, c’est le choc du Pelléas et Mélisande de Debussy. Satie dit : « Il me faut chercher autre chose ou je suis perdu. » Debussy lui conseille de travailler la forme ; Satie écrit Trois Morceaux en forme de poire.

                  Puisqu’il faut apprendre — « J’étais fatigué que l’on me reproche mon ignorance » —, il s’inscrit à la Schola Cantorum à 39 ans. Debussy dit : « À votre âge, on ne change pas de peau. » Si. Pour aller à l’école, il faut s’habiller : petit costume noir, faux col, chapeau, parapluie. « En habit de cheval » et pour toujours, Satie obtient un beau diplôme de contrepoint avec mention « très bien ». « Avant de composer une œuvre, j’en fais sept fois le tour accompagné de moi-même. “Nouvelles Pièces froides” : “Sur un mur” ; “Sur un arbre” ; “Sur un pont”. » 

                  Et puis Ravel et puis Cocteau vont s’occuper de Satie. On le joue, on le publie, il fréquente les salons, on le ramène en voiture — Véritables Préludes flasques pour un chien : Seul à la maison. Le ballet Parade, enfin, va faire sa révolution. « Vive Picasso, vive Cocteau, à bas Satie ! », s’exclame la critique. Il réplique, des batailles ont lieu — « Je suis cuit ». Alors, il se retire « dans sa tour d’ivoire ou d’un autre métal (métallique) » écrire pour la princesse de Polignac son chef-d’œuvre splendide et cubiste Socrate d’après Platon… Encore quelques Nocturnes, quelques ballets, la dèche en même temps que la célébrité, la Musique d’ameublement, qu’il invente avant qu’elle ne vienne hanter nos ascenseurs, un peu de cinéma dada avec Francis Picabia : Entr’acte de René Clair, où on est si heureux de le voir en vrai. Encore un petit portrait de groupe, celui des Six (8)… Mais « le satisme n’existe pas ». Debussy est mort, Satierik se brouille avec Ravel, avec Cocteau. Cela fait longtemps que « le vieux bolchevique », comme il dit, ne fréquente plus les enfants du patronage laïque d’Arcueil-Cachan. Plus de cours de danse, plus de goûters. Satie, malade, ne peut même plus rentrer chez lui. C’est l’hôpital, la cirrhose et la pleurésie. Satie meurt à 59 ans.

                  On dit que le jour de son enterrement il faisait très beau et que deux jeunes femmes ont suivi son cercueil en ouvrant, très grand, deux jolis parapluies.
                  Agathe Mélinand
                  Codirectrice du Théâtre national de Toulouse.
                  (1) Sauf mention contraire, toutes les citations proviennent de la biographie de Jean-Pierre Armengaud, Erik Satie, Fayard, Paris, 2009. 
                  (2) Erik Satie, Mémoires d’un amnésique, Ombres, coll. « Petite Bibliothèque », Toulouse, 2010. 
                  (3) Ibid. 
                  (4) Sports et Divertissements, vingt et une pièces brèves pour piano.
                  (5) Lettre adressée au conservatoire, novembre 1892. Cf. Erik Satie. Correspondance presque complète, réunie et présentée par Ornella Volta, Fayard, Paris, 2000. 
                  (6) J. P. Contamine de Latour, « Erik Satie intime : souvenirs de jeunesse », Comœdia, Paris, 6 août 1925. 
                  (7) Henri Rivière, dans la revue Le Chat noir, 15 avril 1888.(8) Les musiciens Georges Auric, Arthur Honegger, Francis Poulenc, Louis Durey, Germaine Tailleferre et Darius Milhaud formaient ce qu’on a appelé le « groupe des Six », dont Satie était en quelque sorte le parrain.
                   LU PAR ARNAUD ROMAIN
                  DURÉE : 00: 17:00

                    mercredi 21 juin 2017

                    « RARA » : TRANCHE DE VIE À SANTIAGO DU CHILI


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                    COCA GUAZZINI
                    Porté par la jeune actrice Julia Lübbert dans le rôle-titre, le film de Pepa San Martin trouve ses limites dans une approche trop sociologique.
                    AFFICHE DU FILM
                    Tranche de vie de Sara, 13 ans, entre le lycée, les copines, les premiers flirts, et ses parents divorcés. Alors que son père est remarié avec une femme plus jeune que lui, sa mère a refait sa vie avec une copine. Ce qui est aujourd’hui possible à Santiago du Chili ne va pas non plus de soi, et la jeune fille se voit quotidiennement confrontée, alors qu’elle arrive à cet âge où le monde s’ouvre à elle, où sa sexualité commence à s’affirmer, aux jugements moraux insidieux de ses contemporains. Saisissant l’opportunité d’un conflit avec sa mère, son père tente de l’arracher au foyer lesbien où elle vit, qu’il estime psychologiquement toxique et socialement stigmatisant.

                    Scénario impressionniste

                    Porté par la présence intense, dans le rôle-titre, de la jeune Julia Lübbert, illuminé, plus généralement, par un rapport très tendre aux comédiens, le film trouve ses limites dans une approche sociologique qui vise à dénoncer l’hypocrisie d’une société faussement moderne parce qu’encore profondément patriarcale, et dans la fragilité d’un scénario impressionniste qui cherche à toute force à masquer ce projet. Le questionnement sur la norme qu’il induit aurait pu produire plus de vertige.

                    Film chilien de Pepa San Martin. Avec Mariana Loyola, Agustina Muñoz, Julia Lübbert, Emilia Ossandon (1 h 28). Sur le Web : www.outplay.fr/rara.html