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samedi 28 février 2015

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L’ARIDITÉ PERTURBE LA PRODUCTION DE CUIVRE AU CHILI

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CARTE SATELITAL DE LA MINE «LA ESCONDIDA»
Là où la situation se complique encore pour les miniers, c’est qu’une grande partie de leurs mines se trouvent dans le désert d’Atacama, un des plus arides de la planète. A plus long terme, d’autres difficultés s’annoncent : la Commission chilienne du cuivre prévoit que l’industrie minière du pays, qui poursuit son développement, va quasiment doubler son consommation d’énergie d’ici à 2025. 

Le minerai s’appauvrit

En raison du manque d’eau, Anglo American estime que sa mine de Los Bronces au centre du pays, produira probablement jusqu’à 30.000 tonnes de moins que prévu cette année, soit 4 % de la production annuelle. BHP Billiton sortira, lui, 150.000 tonnes de moins de sa mine d’Escondida, la plus grosse mine de cuivre au monde. L’idée est loin de faire consensus, mais des analystes jugent que le marché ne tient pas assez compte de la situation du côté de l’offre. Les investisseurs focalisent sur les conséquences du ralentissement économique de la Chine sur la demande et refusent de voir que l’offre minière se restreint. En janvier, le prix du cuivre a plongé au plus bas depuis 2009.

DAVID WILSON
David Wilson, spécialiste des métaux industriels chez Citigroup fait pourtant remarquer que « les géants miniers n’ont pas arrêté de revoir en baisse leur prévision de production pour 2015 ». L’analyste évoque en outre l’appauvrissement du minerai, les difficultés techniques et les coûts liés aux fermetures momentanées. Une diversité de problèmes qui pourraient faire nettement remonter les prix au second semestre. 

CHILI : REJET DE LA DEMANDE D'EUTHANASIE D'UNE ADOLESCENTE DE 14 ANS

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VALENTINA MAUREIRA,CAPTURE D'ÉCRAN 
« Je demande à parler d'urgence à la présidente, parce que je suis fatiguée de vivre avec cette maladie», dit-elle dans une vidéo postée sur Facebook et partagée des milliers de fois sur les réseaux sociaux. 

« Elle peut autoriser une piqûre pour que je m'endorme pour toujours », dit l'adolescente dans la vidéo. 

La demande a été rejetée jeudi par le gouvernement chilien. 

« La loi ne permet pas au gouvernement chilien d'accéder à une demande de cette nature », a déclaré à la presse le porte-parole du gouvernement, Alvaro Elizalde. 

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PHOTO FACEBOOK
La présidente du Chili Michelle Bachelet, a visité l'adolescente Valentina Maureira à l'hôpital ce matin [samedi 28 Fevrier 2015]. Elle été accompagnée de la Ministre de la Santé, Carmen Castillo. 
Le porte-parole a ajouté que le gouvernement s'engageait à fournir à la jeune fille et sa famille une aide psychologique. 

Valentina est actuellement hospitalisée à l'hôpital de l'Université catholique de Santiago et se trouve dans « un état stable », selon les médecins. 

La maladie génétique héréditaire dont elle souffre affecte les poumons, le foie et le pancréas, et a déjà causé la mort d'un de ses frères à l'âge de six ans. 

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« Je dois respecter sa décision, elle est fatiguée, elle a 14 ans et connaît sa maladie mieux que quiconque. Elle est très forte, je redoute ce moment mais je dois respecter la décision de ma fille », a déclaré pour sa part aux médias le père de la jeune fille, Fredy Maureira. 

La législation chilienne interdit l'euthanasie, le suicide assisté et l'avortement, quelles que soient les circonstances. 

Par AFP

vendredi 27 février 2015

« ARRÊTONS DE PRENDRE LES GRECS POUR LES NOUVEAUX COLONISÉS DE L’EUROPE »

PHOTO NON DATÉE DES TROUPES BRITANNIQUES,
LES  HIGHLANDERS,  JOUANT DE LA CORNEMUSE
DEVANT LA CITADELLE DU CAIRE EN EGYPTE.  AFP
Dans le deuxième cas, cette injonction fut énoncée lors d’une intervention de la flotte allemande qui menaçait le Venezuela endetté et peu porté à rembourser ses dettes. Le président Theodore Roosevelt rappela alors que « cette intervention ne devait pas menacer l’indépendance des Républiques américaines », mais « que les peuples incapables d’exploiter leurs richesses naturelles pour le bien de l’Humanité devaient subir la domination des forts qui leur parleraient doucement, une grosse canne à la main».

L’armada mise à part, parle-t-on aujourd’hui comme cela à la Grèce ? La « troïka » veut instaurer un contrôle sans concessions des dérives que les membres de l’Union européenne (UE) peuvent commettre. Il s’agit d’un contrôle auquel participent également les institutions des Etats sous surveillance, c’est-à-dire quasiment d’un auto-contrôle. Mais on pourrait aussi bien parler d’une auto-colonisation, un terme qui n’est pas aussi inadapté qu’il n’y paraît à première vue pour définir un tel dispositif, même s’il n’y a plus de colons.

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Regard stéréotypé sur les sociétés

D’abord parce qu’une société hors-sol joue aujourd’hui le rôle des colons hier. Elle ne cultive pas la terre mais le patrimoine des holdings et des nations. Ses membres sont toujours entre deux vols : de New York à Davos ou de Londres à Hongkong : membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou de la Commission européenne, de l’Assemblée de Strasbourg ou du Fonds monétaire international (FMI). Ils sont relayés par les soixante mille agents de la Goldman Sachs et autres banques internationales. Ces hors-sol ne parlent que par milliards et centaines de milliards, leur unité de compte.

Ensuite, parce que ce monde de la finance porte un regard stéréotypé sur les sociétés ou les Etats avec lesquels il a à traiter. Il en allait de même du colonisateur vis-à-vis des indigènes. À la veille de la seconde guerre mondiale, J. Siberg, gouverneur de l’Indonésie, avait même écrit un ouvrage théorique sur la paresse de l’indigène de Java. Ce texte aurait pu être écrit aussi bien par un Anglais aux Indes, un Français au Maghreb, un Russe en Yakoutie ou un Espagnol aux Philippines.

Aujourd’hui, ce que la « troïka » reproche aux Grecs, comme aux Espagnols, aux Italiens ou aux Français, c’est d’être dépensiers. Chaque semaine, chaque jour, chaque mois claque le fouet qui nous annonce, milliards en main, le montant de tel déficit ou celui de la dette. Et de honte nous courbons la tête. Mais un dernier coup de milliards nous empêche de la relever. Les Agences de notation, comme par hasard, annoncent que notre pays a perdu un demi-point… Mais, qui sont-elles celles-là ? Et qui a vu sa note monter ces derniers temps, sauf l’Indonésie…

Discrimination négative

Alors, le citoyen ordinaire finit pas être convaincu qu’il doit accepter de nouveaux sacrifices et le pays rétablir ses comptes surtout s’il les a faussés, tels les Grecs. Mais ces grandes banques de tous nos pays n’ont-elles pas aussi faussé leurs comptes ? Or là, nos Etats sont impuissants, comme pour dénicher les paradis fiscaux.

Par contre, ces mêmes Etats justifient les raisons de baisser le taux de la cagnotte – celle du Français je veux dire –, ce Livret A qui a rapporté cette année 1 %, non 1,25 %. Va-t-il descendre au-dessous de zéro?

Cette année 2015, nos concitoyens ont appris que les contribuables de la plus basse tranche ne paieront plus d’impôt sur le revenu. Exonérés. La raison de cette « bonne nouvelle » ? Ils sont trop pauvres. Six millions de Français doivent être heureux d’apprendre qu’ils sont trop pauvres.

Cette discrimination négative n’est pas nouvelle. La Révolution française l’avait instaurée. Les Français avaient été divisés en deux corps : les citoyens qui disposent d’un certain revenu, qui payent l’impôt et qui sont définis comme « citoyens actifs ». Puis, les citoyens trop pauvres qui ne le payent pas et qui sont définis comme « citoyens passifs ».

Le corps des laissés-pour-compte

Deux cents ans après, nous y sommes. On y est revenu. Or, il n’y a pas que les citoyens ordinaires qui « bénéficient » de ce passage dans le corps des laissés-pour-compte. Il y a aussi des corps de métier qui sont également des victimes. Le cas de la SNCF n’est qu’un exemple. Actives, des stations de chemin de fer, telle Lure, ne le sont plus depuis que les TGV ne s’y arrêtent plus. Actives, d’autres lignes ont été supprimées, car elles étaient « secondaires ». Ces correspondances ont aussi été sabotées, elles n’étaient pas rentables. Ces gares, autant en faire des grandes surfaces, telle la salle d’attente d’un hôpital. Ou supprimer ces classes-là d’une école qui comptaient peu d’élèves qu’on pouvait vraiment suivre.

COUVERTURE DU LIVRE
« PARIS ET LE DÉSERT FRANÇAIS EN 1972 » 
Or, aux choix économiques dénoncés dès les années 1960 par Jean-François Gravier, dans Paris et le désert français, s’ajoutent aujourd’hui ces amputations qui visent tout ce qui ne bénéficie pas aux dispositifs qui nous surplombent hors-sol et que nos dirigeants ont du mal à maîtriser.

Or, comme l’ont expliqué l’économiste Anton Brender et Dominique Strauss-Kahn, la compétitivité d’un pays ne se résume pas à la somme de ses productions, comme le croient ceux que tétanise toute hypothèse de dépense publique. Compte autant que cette somme, le terreau qui permet ce développement : une population en bonne santé, un enseignement performant dès le primaire, des communications aisées et pas réservées aux métropoles, des instances judiciaires et de sécurité bien présentes, une administration bien formée.

Il n’est pas sain de laisser se créer des citoyens passifs, de déclarer coûteuses des activités apparemment non productrices. Ne devenons pas nous-mêmes de nouveaux colonisés ou auto-colonisés puisque nos instances participent à ces mutations.

« Une domination invisible »

KWAME NKRUMAH
À l’heure de l’indépendance des pays colonisés des années 1960, Kwame Nkrumah, président du Ghana, écrivait : « L’essence du néocolonialisme tient à ce qu’un Etat qui est indépendant et doté en théorie de tous les attributs de la souveraineté a, en réalité, sa politique dirigée de l’extérieur, les puissances ex-impérialistes n’ayant plus intérêt à partir d’un certain stade à gouverner le pays du dedans mais à substituer à une domination visible, une domination invisible, celle des grands groupes-banques, Fonds monétaire international, etc. Que le mécontentement suscite un changement de gouvernement, voire de régime, et la situation, quant au fond, ne se modifie pas. »

Cependant, durant ces décennies, avec l’accélération de la mondialisation, c’est la financiarisation de l’économie qui s’accélère, et la souveraineté de plusieurs Etats-nations qui se dissout quelque peu, même celle des plus grands. Et avec l’émergence de nouvelles puissances économiques – comme la Chine et l’Inde –, les crises succèdent aux crises (1974-2008) et le carcan du pouvoir financier se resserre. L’UE y trouve une certaine sauvegarde, mais à condition de se surveiller elle-même, la Grèce étant la plus vulnérable avec ses comptes truqués mais pas plus que ceux de bien des banques, Athènes s’efforce d’échapper à cette auto-colonisation que veut lui imposer la « troïka ».

Se retrouver nouveaux colonisés, tel est le stade qui se profile quand les pays « qui en possédaient d’autres sont menacés d’être possédés à leur tour ». Est-ce au Pirée que tout a commencé quand les Chinois sont venus s’y installer en 2010 ?

À un stade de l’Histoire où un gramme de matière grise vaut plus qu’une liasse de dollars ou un baril de pétrole, ne nous colonisons pas nous-mêmes en nous pénalisant au point de détruire nos capitaux culturel et social hérités de la République. Une nouvelle fois, c’est la Grèce qui a levé le drapeau.



jeudi 26 février 2015

LE «PENTA-GATE» SECOUE LE CHILI

PHOTO RADIO UNIVERSIDAD DE CHILE

Concrètement, le fisc chilien a ouvert une enquête l'an dernier, après s'être rendu compte qu'un fonctionnaire du centre des impôts de Santiago était payé par l'entreprise Penta pour modifier les sommes déclarées, pour que l'entreprise finalement paie moins d'impôts. Le directeur de ce centre d'impôts se trouve aujourd'hui en détention provisoire.

Après la première partie de l'enquête purement financière, vient ensuite la partie politique. La justice accuse le groupe financier Penta d'avoir versé cet argent non pas au fisc mais à des politiques, en émettant au moins une soixantaine de fausses factures. Des courriels ont filtré de l'enquête. Dans un échange entre un sénateur du parti de droite UDI, Ivan Moreira, et le groupe Penta, on peut y voir le politique demander de l'argent au comptable de Penta en ces termes : « Est-ce qu'il te reste un peu d'essence pour les derniers 1 000 mètres de la course ? » Suite à quoi, le groupe Penta verse de l'argent sur le compte du sénateur via deux fausses factures, l'une émise par le chauffeur du sénateur, et l'autre par la secrétaire du parti, pour un montant total de 20 000 dollars.

Inculpation pour fausses factures

Les conseillers en communication des politiques émettaient à leur nom des factures au groupe Penta. Mais pour l'instant, l'enquête est en cours et tous ces politiques se défendent de toute accusation de corruption, puisqu'au Chili, il est légal de recevoir de l'argent pour une campagne électorale sans en indiquer l'origine : c'est ce qu'on appelle les « fonds réservés ». Les dons d'entreprise sont également légaux au Chili.

Le fisc continue de rechercher dans son système les irrégularités. Pas plus tard que ce mardi, onze personnes ont été inculpées pour l'émission de huit fausses factures qui auraient servi à financer les campagnes de trois hommes politiques, un de centre-droit et les deux autres de l'UDI.

La semaine dernière, un nouveau juge a été nommé dans cette affaire, ce qui crée, là encore, polémique puisque ce magistrat n'est autre que le fils d'un sénateur de gauche du Parti socialiste. La droite chilienne se trouve aujourd'hui dans l'opposition. Le « Penta-gate » pourrait aussi s'étendre à l'émission d'éventuelles fausses factures par, cette fois-ci, des politiques de gauche, des factures ici destinées à un grand groupe minier chilien Soquimich. Là encore, les politiques, comme le sénateur socialiste Fulvio Rossi, rejettent en bloc tout financement illégal de leur campagne électorale.

mercredi 18 février 2015

CHILOÉ, L’ÂME DE LA PATAGONIE


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PHOTO PECHEURS AUTOUR DUMONDE
Depuis peu, l'isolement de cette région a été rompu par le redémarrage du projet de construction du plus long pont d'Amérique Latine (2 635 mètres). Décidé en 2006 puis annulé pour des raisons budgétaires, cet ouvrage d'art est de nouveau d'actualité suite à un nouvel appel d'offres international.

Avec cette infrastructure souhaitée par le gouvernement chilien, l'île ne serait plus qu'à trois petites minutes de route du continent au lieu de la demi-heure actuelle de traversée par ferry. Il y a deux ans, une mini révolution avait déjà vu le jour avec l'ouverture d'un aéroport et la mise en place de quatre vols par semaine depuis Santiago. Une chance pour le développement de l'île, qui va briser son enclavement et permettre aux iliens d'être un peu moins insulaires !

Un peuple fier de sa terre

Un tel projet de développement n'a pas manqué de provoquer un grand débat sur l'Île. Là où beaucoup y voient des opportunités économiques et l'aubaine de favoriser le tourisme vert, quelques habitants ont fait part de leur inquiétude et milité pour que ce développement se fasse en accord avec le cadre idyllique de Chiloé.

Pour les défenseurs du désenclavement de l'ile, ce serait la possibilité d'avoir accès plus rapidement aux hôpitaux du continent, celui de l'île ne permettant pas toujours de traiter les cas les plus urgents. Surtout, grâce aux emplois attendus de la manne touristique, le flux de départ des plus jeunes vers les grandes villes avoisinantes pourrait diminuer.

Quelle que soit l'issue du projet, les touristes qui se rendent dans cette partie du Chili auront dans tous les cas l'assurance de découvrir une société fière de son patrimoine et soucieuse de conserver sa différence. Finalement, c'est peut-être ce côté « village d'irréductibles » qui rapprocherait le plus Chiloé de la Bretagne ?

lundi 16 février 2015

PRÈS DE 39 % DE LA SUPERFICIE DU CHILI ET À PEINE UN HABITANT AU KILOMÈTRE CARRÉ

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PHOTO GERHARD HÜDEPOHL
Coincée entre la cordillère des Andes et le Pacifique, cette terre de démesure se tord en son extrémité, puis se casse, laissant le détroit de Magellan, ce bras de mer sinueux, séparer le continent de la Terre de Feu. Sa côte n’est qu’un dédale d’îles, de lagunes, de fjords. Plus au nord, sur le versant occidental, les glaciers dégoulinent de la montagne et déversent leurs icebergs dans les grands lacs. On s’en approche à bord de petites embarcations, en naviguant parmi ces sculptures flottantes finement ciselées de cristaux bleu indigo ou vert émeraude. Spectacle magique et silence imposant, régulièrement brisé par le bruit assourdissant de pans entiers de la muraille de glace qui s’effondrent et s’engouffrent dans les eaux froides.
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Tout est extrême sur cette terre australe battue par des vents d’une incroyable violence, ce vent qui parle du grand large, comme dans les livres de Francisco Coloane. Envoûtantes comme devaient l’être les terres vierges au lendemain du Big Bang, la Patagonie ne peut que séduire les amateurs d’espaces et de paysages grandioses. Grand froid, grande solitude et grand vent : sur ces terres les plus proches de l’Antarctique, le climat alterne entre bourrasques et accalmies, ondées et éclaircies, mais le mercure ne monte jamais bien haut. Les températures moyennes annuelles plafonnent à 5,9° C et il fait entre 12 et 14 °C en été. Les Chiliens ont coutume de dire qu’en Patagonie, on peut voir défiler les quatre saisons en une journée. Bref, tout y est possible, changeant, tout le temps. Et c’est assurément ce qui fait le charme de cette destination qui inspire des sentiments inoubliables.

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Un voyage en Patagonie commence à Punta Arenas, la ville la plus australe du monde sur le 53e parallèle sud. Située à 3.000 km de Santiago, cette cité fondée en 1848 est emblématique de la région, et il faut être d’une solide constitution pour y vivre toute l’année. Le tiers de ses 130.000 habitants sont d’origine slave. Ils descendent d’ancêtres croates, qu’une éphémère ruée vers l’or a fait affluer dans ce bout du monde à la fin du XIXe siècle.


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PHOTO GERHARD HÜDEPOHL
Plus au nord, la route qui mène à Puerto Natales traverse une immense steppe bordée de pics enneigés et peuplée de moutons. Jusqu’à la découverte du pétrole, dans les années 50, l’élevage ovin constituait d’ailleurs la principale richesse régionale. Située sur le golfe d’Ultima Esperanza (l’ultime espérance), Puerto Natales, qui ne peut que stimuler l’imagination, est un passage obligé pour se rendre au parc national Torres del Paine. Un sanctuaire qui offre aux visiteurs parmi les plus fantastiques randonnées du monde. Classé réserve de la biosphère par l’Unesco en 1978, ce théâtre de nature se découvre pas à pas. Le W, un sentier ainsi nommé à cause de sa forme, se parcourt en quatre jours, mais en y ajoutant des itinéraires périphériques, il est tout à fait possible d’y randonner 8 à 9 jours, d’autant que les infrastructures sont particulièrement développées. On dort dans des lits, les douches sont chaudes. Les repas aussi. Et, cerise sur le gâteau, on y trouve même quelques pépites du vignoble chilien, un des autres attraits de ce pays aussi magnifique qu’attachant.

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Un sanctuaire qui offre aux visiteurs parmi les plus fantastiques randonnées du monde

Jean-Marc TOUSSAINT




dimanche 15 février 2015

BERLINALE 2015 : « EL CLUB » DE PABLO LARRAIN DÉCROCHE L'OURS D'ARGENT

PABLO LARRAÍN, LE 14 FÉVRIER 2015, GALA DE CLÔTURE, OURS D'ARGENT DU GRAND PRIX DU JURY 
Le 65e Festival du Film de Berlin, présidé par le cinéaste américain Darren Aronofsky, et dans le jury duquel figurait notamment Audrey Tautou, a livré son verdict ce samedi. Le long métrage iranien Taxi de Jafar Panahi remporte l'Ours d'or du Meilleur film. 



L'Ours d'argent - Grand Prix du Jury revient quant à
PHOTO GERHARD KASSNER
lui au long métrage chilien El Club de Pablo Larrain. El Club, vision singulière - et trash - du clergé argentin, tandis que le Prix Alfred Bauer, celui de l'oeuvre la plus innovante, revenait à un premier film guatémaltèque, très maîtrisé, Ixcanul, récit d'apprentissage d'une jeune indienne vivant sur les contreforts d'un volcan. L'Amérique du Sud était également à l'honneur avec le Prix du scénario pour Le Bouton de nacre, du documentariste chilien Patricio Guzman.

CAMILO TORRES PAR VICTOR JARA




[ Pour écouter, cliquer sur la flèche ] 


       
«CRUZ DE LUZ OU CAMILO TORRES», 
 AUTEUR-COMPOSITEUR DANIEL VIGLIETTI 1967; 
INTERPRÉTÉ PAR PAR VICTOR JARA, 
PARU DANS LE  VINYLE LP – JJL -03, 
FACE B , « PONGO EN TUS MANOS ABIERTAS »,
 CHEZ JOTA – JOTA, SANTIAGO DU CHILI 1969.

mardi 10 février 2015

CRASH: UN AVION RETROUVÉ 54 ANS APRÈS AU CHILI

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DES ANDINISTES ONT RETROUVÉ DANS LA CORDILLÈRE DES ANDES LA CARCASSE DU DOUGLAS DC-3, DISPARU EN 1961 AVEC 24 PASSAGERS, DONT UNE PARTIE DE L'ÉQUIPE DE FOOTBALL LOCALE - APTN
Des images de la carcasse de l'avion, qui avait disparu le 3 avril 1961, ont été diffusées à la télévision chilienne dimanche, transmises par les grimpeurs qui expliquent avoir retrouvé l'avion à Maule, à environ 300 km au sud de Santiago. Ils ont refusé de donner la localisation exacte de l'avion, par respect pour les disparus et leurs familles.

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UN AVION CHILIEN AVEC À SON BORD DES FOOTBALLEURS RETROUVÉ 50 ANS APRÈS LE CRASH

« L'avion est à plus de 3.200 mètres d'altitude. Une partie du fuselage est encore là, de nombreuses choses sont dispersées tout autour, dont des ossements humains », a expliqué Leonardo Albornoz, l'un des montagnards.

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AVION DE TYPE DOUGLAS DC-3 DE LA COMPAGNIE BRITISH AIRLINES


L'avion disparu comptait parmi ses passagers huit joueurs de l'équipe de football de Green Cross, l'entraîneur Arnaldo Vasquez et des proches de ce club de première division, qui rentraient à Santiago après avoir disputé une rencontre au sud du pays à Osorno. 

lundi 9 février 2015

« VAINCUS MAIS VIVANTS », LE CHILI D'ALLENDE À PINOCHET

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Quand Pinochet fait tomber par un coup d'état militaire le gouvernement républicain de Salvador Allende, s'ouvre en ce 11 septembre 1973 une ère de violence et de dictature sauvage. Les proches d'Allende, les sympathisants politiques vont être pourchassés, arrêtés, torturés, éliminés. 

Dans Vaincus mais vivants, Carmen Castillo est le fil rouge du récit de Maximilien Le Roy illustré par Loïc Locatelli Kournwsky. Quarante ans de combat, de vie brisée pour non seulement Carmen Castillo exilée en France mais pour tout un peuple qui saura pourtant revenir à la démocratie. Pinochet malgré ses actes s'en sortira.
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Une image, une photo reste dans tous les esprits quand on parle de la chute d'Allende : celle où à la porte du palais de la Moneda il apparaît casqué et mitraillette à la main. C'est par les évènements du 11 septembre 1973 que commence l'album. On découvre ensuite la rencontre de Carmen Castillo et de la fille d'Allende, Beatriz. L'Amérique latine est désormais bouillonnante sur le plan politique, marxiste, révolutionnaire, proche de Cuba, de Guevara et de Castro. En 1970, Allende est démocratiquement élu. Ce qui va immédiatement être considéré par les Etats-Unis entre autres comme un risque majeur de contamination communiste à l'ensemble de l'Amérique du Sud. Carmen Castillo, très impliquée, tombe amoureuse de Miguel Enriquez président du MIR, mouvement de la gauche révolutionnaire. Après le putsch, ils vivent cachés mais la police encercle leur maison. Enriquez est tué, Carmen enceinte torturée. Extradée à cause d'un grand mouvement de solidarité mené entre autres par Régis Debray, Carmen perd son bébé et s'installe en France. Par ses livres et ses films elle aura toujours son Chili au coin de son cœur et témoignera sans cesse.
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Un très beau travail de Maximilien Leroy, précis, bien articulé autour de la biographie de Carmen Castillo avec des retours en arrière qui permettent de se souvenir ou de découvrir pour ceux qui n'ont pas connu cette épopée. 17 ans de dictature suivront après la mort d'Allende qui n'avait pas accepté de quitter le pouvoir par la force. Il se suicidera avant d'être capturé.

dimanche 8 février 2015

« LES 33, LA FUREUR DE SURVIVRE »

Ou un best-seller instantané quand il griffa Jaguar , sur la délinquance dans les quartiers pauvres de Los Angeles. Jusqu’à 33, la fureur de survivre, le Californien d’origine guatémaltèque écrivait des chroniques sociales. Cette fois, l’enquêteur au costard fatigué d’inspecteur Columbo ne verse plus dans le roman noir mais dans la tragédie grecque. Le 5 août 2010, 33 hommes descendent comme chaque matin à la mine de cuivre de San José, dans le désert d’Atacama au Chili. Puis le drame.

Ensevelis sous «des millions de tonnes de caillasses», ces ouvriers âgés de 19 à 64 ans, en sortiront 69 jours plus tard, au terme d’une course contre la montre émotionnelle suivie par la planète entière.

Leur renaissance s’opère en deux temps. Après 17 jours d’isolement total, un contact s’établit. Si la faim et la soif qui tenaillent trouvent un début de solution, d’autres problèmes logistiques apparaissent. «De la jalousie, de la cupidité, des trahisons: oui. Des meurtres et de la violence: non. De la solidarité, de la foi, de la fraternité: oui.» A doses variables. Surtout, les hommes, quand ils imaginent leur retour à la lumière, rêvent d’un Eldorado médiatique: ils ont décidé de monnayer leurs confidences et de faire bloc. «Ils s’étaient engagés les uns avec les autres, de manière informelle durant leur captivité forcée, raconte Héctor Tobar. Plus tard, les avocats de la maison Carey à Santiago, ont établi un vrai contrat.»

S’il ne révèle pas les sommes engagées, son récit montre l’étendue des désillusions. «Beaucoup d’hommes pensaient ne plus jamais, jamais, avoir à travailler. Ce fut leur première déception: ils ont très vite compris qu’il leur faudrait retourner à la mine. Une cruelle réalité. Car si les hommes de loi ont négocié les droits d’auteur avec une agence américaine, qui elle, a supervisé la vente aux éditeurs puis aux studios de cinéma, il y a eu des dérapages.»

Ainsi d’Edison, promu «ambassadeur du Chili, de la mine», qui anesthésie ses angoisses en s’obligeant à courir des marathons avec la même endurance qu’il démontrait dans la mine. Cela ne suffit pas. Instable de caractère, enivré par le cirque médiatique qui le voit se prendre pour Elvis Presley lors du fameux show américain de David Letterman, il sombre dans la dépression et l’alcoolisme. Pedro, comme beaucoup d’autres, souffre désormais de claustrophobie exacerbée. En quelques semaines, Victor a dégringolé: «Quel contraste, note Héctor Tobar en le retrouvant, entre cet individu débraillé, hagard, et le mineur plein d’assurance qui remerciait ses sauveurs dans la première vidéo des survivants!» Le président du Chili a beau les décorer, histoire de redorer le blason de la nation: «Ce qui leur est arrivé de pire, estimera une épouse des «33», c’est qu’on les a considérés comme des héros.»

Dans le film tout juste achevé (sortie en avril), Antonio Banderas, Juliette Binoche et autres pointures interprètent les protagonistes de ce fait-divers «titanesque». Le monde entier en connaît l’issue heureuse, d’où la complexité d’y ranimer le suspense. «Bien sûr, sourit Héctor Tobar. Mais beaucoup de détails étaient restés hors de portée du grand public. Spécialement sur leur dégradation physique, les dissensions sur la nourriture qui sont apparues entre eux. D’ailleurs, c’est là que j’ai mesuré la tension qui régnait dans la mine. Le reste, c’est ma petite cuisine: j’ai passé des heures à les entendre me raconter leur vie, pas seulement l’accident, mais leur vie de tous les jours. Plus qu’au déroulé du drame, je me suis attaché à la psychologie des hommes.»

Là encore, difficulté. Dans le monde de la mine, un adage prévaut: «Personne ne marche seul». Face aux «33», Héctor Tobar ne pouvait se fier qu’à son flair pour détecter les petits arrangements avec les faits. «Mon atout, c’est de savoir écouter. J’étais à leur écoute, même s’ils mentaient. C’était parfois si transparent… ou alors, ils tentaient de se dépeindre sous un jour avantageux. Néanmoins, imaginez les circonstances: c’est dur, sinon impossible, de garder des secrets quand vous êtes piégés sous terre avec 32 témoins. Et puis, de manière générale, j’ai cet espèce de «filtre» pour détecter les exagérations. Notez qu’ici, la situation était déjà si extrême que personne n’avait besoin d’en rajouter!»

N’empêche. Des entorses ordinaires émergent. Ainsi de cette «brute» qui cherchait à se venger du passé d’un rival, profitant de l’occasion. «J’ai censuré une accusation qui semblait infondée. Comme d’ailleurs ici et là, des anecdotes qui apparaissaient déplacées.» Ou encore les péripéties sentimentales de ce mineur qui a vu son épouse et sa maîtresse se croiser au bord du trou alors que ses deux compagnes ignoraient tout de leur infortune. «En fait, cette anecdote a été fabriquée par les médias: ces femmes se connaissaient depuis des années», soupire Héctor Tobar, confirmant que pour meubler la longue attente, les journalistes ont pu céder à des effets romanesques.

«A l’évidence, l’idée que ces 33 hommes sont restés unis durant leur séjour sous terre, relève du mythe! Déjà parce qu’il y avait «les actifs» («The Does»), qui se bougeaient pour améliorer leur sort, et «les passifs» («The Waiters»), qui préféraient ne pas dépenser leur énergie. Ce dilemme a pu causer un ressentiment qui cinq ans après, demeure. Mais beaucoup a été pardonné. Dans le même ordre d’idée, le chef des 33 est souvent apparu comme un meneur solide - il ne l’était pas.» S’écartant du sensationnalisme, le confident a défini son intégrité sur cette base: «Ne pas détruire ceux qui avaient vécu cette épopée».

A ce titre, le reporter souligne d’ailleurs que l’atmosphère de tragédie grecque du livre a sans doute été tissée par les Pénélope qui, 700 mètres plus haut, espéraient. «Quand je les ai interviewés, j’ai toujours essayé de le faire à domicile. Là, j’ai pu parler avec leur épouse ou fiancée, recueillir «les histoires de la surface». Ces éléments ont vite pris une importance essentielle.» Car Héctor Tobar s’en enorgueillit, au-delà de leurs misères ou faiblesses, les 33 lui ont révélé une certitude intime en partage: «Quand nous affrontons la mort et que nous nous préparons à quitter ce monde, nous nous concentrons sur la meilleure part de notre être: les gens que nous aimons et qui nous aiment. Car au fond, vivre, c’est ça.» (24 heures)

samedi 7 février 2015

LES MÉDIAS DISPARUS: CYBERSYN, RÉSEAU SOCIAL


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LE NUMÉRO 21 (AVRIL-MAI 1973) DU JOURNAL BRITANNIQUE « SCIENCE FOR PEOPLE », QUI REPRÉSENTE LE PROJET CYBERSYN SOUS UN JOUR TRÈS DÉFAVORABLE : UN HOMME AVEC UN CIGARE ET UN VERRE À LA MAIN APPUIE SUR LES TOUCHES D’UNE CONSOLE INFORMATIQUE, CE QUI ENTRAÎNE UN ENGRENAGE AU BOUT DUQUEL UN MINEUR DONNE DES COUPS DE PIOCHE : LA MACHINE EST VUE COMME UN OUTIL D’OPPRESSION 

Dans le Chili d’Allende, le projet visait à centraliser les informations interentreprises.
Le 11 septembre 1973, au Chili, le gouvernement de Salvador Allende était brutalement renversé lors d’un coup d’Etat sanglant mené par le général Pinochet. Les putschistes découvrent alors avec stupéfaction un système de communication révolutionnaire reliant l’intégralité de ce pays long de 4300 km. Ne parvenant pas à percer son secret, les militaires finiront par le démanteler.


Le projet Cybersyn (contraction de Cybernetics et de Synergy) ou Synco en espagnol, initié en 1971, reliait toutes les entreprises nationalisées à un ordinateur central à Santiago, la capitale, permettant au gouvernement de connaître en un coup d’œil l’état de la production afin de répondre aux crises économiques en temps réel. Pour construire cet outil de gestion sans précédent, le gouvernement socialiste, friand d’innovation, avait fait appel au cybernéticien britannique Stafford Beer.



De cette utopie high-tech inaboutie, il ne reste aujourd’hui qu’une image futuriste de la salle des opérations («Opsroom»), l’un des quatre éléments constituant Cybersyn: «Même si l’Opsroom ne fut jamais opérationnel, écrit Eden Medina, professeur en informatique à l’université d’Indiana, il a rapidement capturé l’imagination de ceux qui l’ont vu, devenant le cœur symbolique du projet.» Avec ses allures de station orbitale, ambiance Star Trek, l’Opsroom était censée être le point de convergence physique des informations. Ce prototype futuriste fut construit à Santiago en 1972: la salle hexagonale comportait sept fauteuils pivotants arrangés en cercle, flanqués d’une série d’écrans affichant les données envoyées par les entreprises.

Salvador Allende, premier leader socialiste élu démocratiquement, avait fait de la nationalisation sa priorité, premier pas d’une transition pacifique du capitalisme vers le socialisme. Mais la croissance rapide du secteur public créa un monstre difficile à manier. L’économie était complètement désorganisée, certaines usines occupées par leurs employés, d’autres toujours sous le contrôle des anciens directeurs. Appelé à la rescousse, Beer, souvent décrit comme le «père du management cybernétique» , accepte immédiatement de diriger cette expérimentation technologique sans pareille, tentant selon ses propres mots «d’implanter un système nerveux» électronique dans la société chilienne. Son but ? Faire en sorte que «la science de l’organisation efficace, que nous appelons cybernétique, marche main dans la main avec la re­cherche de la liberté élective, que nous appelons politique» . Stafford Beer, «gauchiste démodé» à la longue barbe, toujours un verre à la main et un cigare au bec (il en fumait trente par jour), croisement d’ «Orson Welles et de Socrate» , comme le décrit un journaliste, avait appliqué les prin­cipes de la cybernétique à l’industrie de l’acier en Grande-Bretagne. Directeur de la recherche cybernétique à United Steel, il avait ensuite pris la tête d’une société de consultants.

Le projet comportait quatre éléments interdépendants. Cybernet, un réseau de téléscripteurs préexistant qui raccordait l’intégralité du territoire. Ce réseau primitif préfigure Internet, avec l’idée de créer une toile d’échanges d’informations à grande vitesse.

La deuxième composante, Cyberstride, était une suite logicielle destinée à traiter les données et à détecter les tendances et irrégularités de la production. Checo, troisième élément, était un outil de modélisation de l’économie chilienne, permettant de simuler ses futures performances. Enfin, l’Opsroom susmentionnée. Le système, même inachevé, prouva son efficacité lors de la crise d’octobre 1972, lorsque les camionneurs en grève bloquèrent le pays: le gouvernement put coordonner le ravitaillement des usines avec la poignée de non grévistes via le réseau de télex, seul élément opérationnel sous Allende.

Dans l’esprit de Beer, comme du président Allende, qui avait accueilli le projet avec enthousiasme, «Cybersyn ne servait pas au gouvernement à espionner ou à contrôler les gens, ils espéraient au contraire que le système permettrait aux ouvriers de gérer, ou du moins de participer à la gestion de leur lieu de travail et que les échanges d’informations entre Santiago et les usines stimuleraient la coopération et la confiance mutuelle» . Le système devrait se comporter «de manière décentralisée, antibureaucratique en associant les travailleurs» .

Stafford Beer ne voulait pas limiter le système à l’usine mais l’étendre à la politique, comme en témoigne le projet Cyberfolk, mené dans deux villes. L’idée était de permettre aux Chiliens d’avoir une connexion en temps réel entre leur foyer et le gouvernement, sorte de démocratie directe via un système de mesureurs (d’accord-pas d’accord). Une manière pour le gouvernement de prendre le pouls de l’opinion instantanément.

Malgré les efforts de Stafford Beer pour promouvoir les principes du socialisme high-tech (il engagea même des chanteurs folk et des peintres pour populariser ses idées), Cybersyn fut accusé par la presse étrangère, puis nationale, de créer un système d’administration à la Big Brother. Un mois avant son annonce officielle, l’existence du projet était éventée. Le journal de droite Qué Pasa titre «Plan secret Cyberstride: l’UP [le parti d’Allende, ndlr] nous contrôle par ordinateur» , et prétend que le projet permettra au gouvernement d’intervenir dans la vie privée des citoyens. L’article paraît cinq jours avant le coup d’Etat militaire qui vit la mort de Allende et mit fin à la voie chilienne vers le socialisme.

«Pour Beer, le succès de Cybersyn dépendait de son acceptation comme système, un réseau de gens autant qu’un réseau de machines, une révolution dans les comportements autant qu’une capacité instrumentale, écrit Medina. Malheureusement dans les faits, il n’a servi qu’à main­tenir les relations de pouvoir existantes au lieu de les transformer.» Et Cybersyn, première tentative d’Internet socialiste, disparut des mémoires avec Pinochet.

Pour en savoir plus

Secret Plan Cybersyn , Eden Medina, dans Conspire, transmediale parcours1 (Revolver Books)




www.cybersyn.cl

ALLENDE, L’INFORMATIQUE ET LA RÉVOLUTION

« NUESTRO AMIGO EL COMPUTADOR » (NOTRE AMI L’ORDINATEUR), BROCHURE PUBLIÉE PAR L’ÉTAT CHILIEN EN 1973. 

Cybernétique : le mot fait irrésistiblement jaillir à l’esprit l’image d’un pouvoir central contrôlant l’humain à travers mille canaux de communication. Une image fausse, comme le montre l’expérience menée en 1972 par le gouvernement chilien.
Dès 1948, l’hypothèse d’un gouvernement des machines hante les esprits avancés qui élaborent alors aussi bien l’informatique que… les électrochocs. Cette année-là, tandis que George Orwell écrit 1984,Norbert Wiener définit la cybernétique comme « le contrôle et la communication chez l’animal et la machine (1) ». De son côté, John von Neumann vient d’inventer la théorie des jeux, transférant à des algorithmes la décision de lancer la bombe nucléaire. Dans Le Monde, le Révérend Père Dubarle expose les « perspectives fascinantes de la conduite rationnelle des processus humains, de ceux en particulier qui intéressent les collectivités et semblent présenter quelque régularité statistique », et peut « rêver à un temps où une machine à gouverner viendrait suppléer pour le bien — ou pour le mal, qui sait ? — l’insuffisance aujourd’hui patente des têtes et des appareils coutumiers de la politique (2) ».

Wiener, pour sa part, estime que « transférer sa responsabilité à une machine, qu’elle soit ou non capable d’apprendre, c’est lancer sa responsabilité au vent pour la voir revenir portée par la tempête (3) ».Alors que pleuvent les financements militaires sur la recherche en informatique et en intelligence artificielle, il refuse de collaborer à ces programmes, critique le maccarthysme (4) et voit ainsi se fermer beaucoup de portes, condamnant sa discipline à une certaine marginalité (5).

Spécialiste de l’histoire sociale des sciences, Andrew Pickering vient de consacrer un livre à l’école britannique de cybernétique (6). Regroupant aussi bien des chercheurs académiques que des praticiens, psychologues ou médecins, celle-ci a commencé par inventer un petit robot ressemblant à une tortue et capable d’apprendre à se diriger vers la lumière en évitant les obstacles (Grey Walter, 1950). Puis l’homéostat, un circuit électronique cherchant à maintenir un équilibre interne donné, tout en interagissant avec son environnement (Ross Ashby, 1948). Elle a étudié les effets des lumières stroboscopiques sur le cerveau, donnant lieu à des avancées sur l’épilepsie, mais aussi à des échanges créatifs avec les poètes de la beat generation ou des musiciens comme John Cage, Brian Eno ou Alvin Lucier, dont l’œuvre Music for Solo Performer (1965) est pilotée par électroencéphalogramme.

La première expérience réelle de pouvoir machinique naîtra de la rencontre de l’un de ces cybernéticiens britanniques avec le socialisme démocratique chilien. Nous sommes le 12 novembre 1971. Le chercheur anglais Stafford Beer travaille, depuis déjà deux décennies, à un « modèle de système viable » (viable system model) à cinq niveaux de contrôle, qu’il applique aussi bien à la cellule biologique et au cerveau qu’aux organisations sociales ou politiques. Ce jour-là, il se rend au palais présidentiel de la Moneda, à Santiago du Chili. Il expose à Salvador Allende le projet Synco (en anglais, CyberSyn), qu’il vient de démarrer à l’invitation d’un ingénieur de 28 ans, M. Fernando Flores (7), directeur technique de Corfo, la société chapeautant les entreprises nationalisées par le gouvernement de l’Unité populaire. Il s’agit pour ce dernier de « mettre en œuvre à l’échelle d’un pays — à laquelle la pensée cybernétique devient une nécessité — des approches scientifiques de la gestion et de l’organisation (8) » ; concrètement, de relier ces entreprises sous forme d’un réseau d’information, avec pour objectif d’affronter en temps réel les inévitables crises de l’économie.

Scientifique de formation, Allende se passionne pour le sujet, consacrant plusieurs heures à échanger avec Beer, qui rapportera plus tard comment le président insistait à tout moment pour en renforcer les aspects « décentralisateurs, antibureaucratiques et permettant la participation des travailleurs (9) ». Quand Beer montre à Allende la place centrale du dispositif, celle qui dans son esprit revient au président, celui-ci s’exclame : « Enfin : le peuple ! »
Composée de scientifiques de diverses disciplines, l’équipe de Synco a récupéré des télex inutilisés et les envoie dans les entreprises nationalisées, dans tout le pays. Elle commence à concevoir le prototype d’une salle de contrôle manière Star Trek — elle ne verra pas le jour. Très vite, cependant, les informations économiques (production quotidienne, utilisation d’énergie et travail) circulent par télex pour être traitées quotidiennement sur l’un des rares calculateurs qui existent alors dans tout le Chili, un IBM 360-50. Au nombre des variables prises en compte figure l’absentéisme, indicateur du « malaise social ».

Dès que l’un des chiffres sort de sa fourchette statistique, un avertissement — dans le vocabulaire de Beer, un « signal algédonique » ou encore « cri de douleur » — est émis, offrant au responsable local un certain temps pour remédier au problème, avant de remonter vers le niveau supérieur si le signal se répète. Beer en était persuadé : cela« offrait aux entreprises chiliennes un contrôle presque total de leurs opérations, tout en permettant une intervention extérieure en cas de problème sérieux. (...) Cet équilibre entre les contrôles décentralisé et centralisé pouvait être optimisé en choisissant la bonne durée de résilience donnée à chaque entreprise avant que l’alerte soit donnée à l’échelon hiérarchique supérieur (10) ».

Comme le souligne la chercheuse en histoire informatique Eden Medina, le projet Synco, « bien qu’ambitieux sur le plan technologique, ne saurait être défini comme une simple tentative technique de régulation de l’économie. Du point de vue de ses participants, il allait appuyer la révolution socialiste d’Allende — de l’“informatique révolutionnaire” au sens propre ».

Le 21 mars 1972, le logiciel produit son premier rapport. Au mois d’octobre, confrontée aux grèves organisées par les gremios (syndicats corporatistes) et l’opposition, l’équipe de Synco ouvre une cellule de crise pour analyser les deux mille télex quotidiens en provenance de tout le pays. Armé de ces données, le gouvernement affecte ses ressources de manière à limiter les dégâts provoqués par les grèves. Il organise deux cents camionneurs restés loyaux (contre quarante mille grévistes) pour assurer les transports vitaux… et survit à la crise ! Dès lors, l’équipe de Synco gagne le respect ; M. Flores est nommé ministre de l’économie et, à Londres, The British Observer peut titrer : « Le Chili gouverné par des ordinateurs » (7 janvier 1973). Le 8 septembre 1973, le président ordonne le transfert de la salle des opérations vers le palais présidentiel. Mais, le 11, les avions de chasse de l’armée tirent leurs roquettes sur la Moneda, et Salvador Allende se donne la mort…

L’histoire illustre la thèse de Pickering, pour qui la cybernétique est une discipline mal aimée parce que mal comprise. Tantôt désignée comme« science militariste », tantôt « associée à l’automatisation après guerre de la production », elle serait au contraire une « science nomade, en perpétuelle errance », s’opposant aux « sciences royales ».

Sur un plan théorique, analyse Pickering, la cybernétique s’oppose à la pensée moderne. Dans la mesure, du moins, où la modernité consiste à disséquer chaque système pour tâcher d’en comprendre le fonctionnement, et à créer des représentations. Car l’analyse cybernétique s’intéresse à « l’action performative pour elle-même, et non en tant que pâle reflet de la représentation ». L’individu, le cerveau, l’ordinateur, l’animal ou l’entreprise ne sont pas des machines à se figurer le monde, mais des êtres apprenant à agir sur leur environnement via des boucles de rétroaction (le fameux feed-back).

« Les cybernéticiens, et surtout Stafford Beer, ont lutté contre la condamnation morale et politique de leur science », insiste Pickering ; le sens du mot « contrôle » est multiple, et si « le contrôle comme domination, la réduction des individus à des automates » provoquent le rejet, « la notion cybernétique de contrôle n’est pas celle-là. Tout comme la psychiatrie de [Ronald] Laing a pu parfois être décrite comme l’antipsychiatrie, les cybernéticiens britanniques auraient été bien avisés, sur un plan rhétorique, de se définir comme spécialistes de l’anticontrôle ». Une critique du pouvoir qui ne se contente pas d’être critique, mais élabore aussi des technologies d’antipouvoir. Notons à ce propos que, au sein des régimes communistes où elle fut importée à partir des années 1950, la cybernétique fit l’objet de controverses, totalement déconnectées de son histoire occidentale et latino-américaine, par exemple sur la question de savoir si « la RDA aurait pu être “sauvée” grâce à la cybernétique (11) ».

A-t-on encore besoin de la cybernétique ? Quand l’action renforce l’information qui l’a déclenchée, le retour est dit positif, et le système a tendance à diverger — ce qu’on appelle trivialement « bulle » ou « cercle vicieux » selon la direction qu’il emprunte. Qu’il soit négatif, et le système, au contraire, s’adapte et se stabilise, résiste aux coups de boutoir et cherche des solutions pour se préserver dans un environnement changeant. La crise économique qui secoue aujourd’hui l’Europe en est une splendide illustration : lorsque les agences de notation financière dégradent un pays, celui-ci coupe dans ses dépenses publiques, entraînant mécaniquement une baisse de l’activité économique, qui conduira les agences à le dégrader de nouveau… A l’inverse, des politiques dites contre-cycliques, qui engagent la puissance publique à investir quand l’activité baisse, illustrent un feed-back négatif aux vertus stabilisatrices.



(1) Norbert Wiener, Cybernetics Or Control and Communication in the Animal and the Machine, The MIT Press, Boston, 1948.
(2) R. P. Dubarle, « Vers la machine à gouverner… », Le Monde, 28 décembre 1948.
(3) Norbert Wiener, Cybernétique et société, Deux Rives, Paris, 1952.
(4) Du nom du sénateur américain Joseph McCarthy qui, entre 1950 et 1954, lança une « chasse aux rouges » contre les communistes et leurs sympathisants aux Etats-Unis.
(5) Guy Lacroix, « “Cybernétique et société” : Norbert Wiener ou les déboires d’une pensée subversive », Terminal, n° 61, Paris, automne 1993.
(6) Andrew Pickering, The Cybernetic Brain, University of Chicago Press, 2010.
(7) Après le coup d’Etat, M. Flores passera trois ans dans les camps de concentration du général Pinochet, puis s’exilera avec sa famille aux Etats-Unis, où il fera carrière dans l’informatique. Il reviendra au Chili, sera élu sénateur, et est aujourd’hui conseiller du président Sebastián Piñera.
(8) Lettre de M. Flores sollicitant la participation de Beer. L’Anglais la reçoit le 13 juillet 1971 et annule sur-le-champ ses engagements pour se rendre au Chili.
(9) Eden Medina, « Designing freedom, regulating a nation : Socialist cybernetics in Allende’s Chile », Journal of Latin American Studies, n° 38, Cambridge (Royaume-Uni), 2006 (PDF).
(10) Eden Medina, op. cit.
(11) Sur la cybernétique dans les pays de l’Est, cf. Jérôme Segal, « L’introduction de la cybernétique en RDA. Rencontres avec l’idéologie marxiste », Science, Technology and Political Change, Brepols (Turnhout, Belgique), 1999.