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samedi 29 juillet 2017

CHILI, 1973 : LE SOUTIEN DE L’AMBASSADE ET DU MINISTRE AUX RÉFUGIÉS


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CHARLIE HEBDO - # 150 -
1ER OCTOBRE 1973
- COUVERTURE : CABU
À partir de sa lecture d’une note archivée de l’ambassadeur de France au Chili à la suite du coup d’État mené par Augusto Pinochet, Jean Mendelson, ancien ambassadeur et ancien directeur des Archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères, examine la réactivité politique dont ont fait preuve le ministre des Affaires étrangères et l’ambassadeur de France à Santiago de l’époque. Une réaction dont il faut à juste titre souligner la grandeur.
MICHEL JOBERT 
Ce n’est qu’une archive destinée à demeurer inaperçue ; une courte note de l’ambassade de France au Chili, un banal compte-rendu destiné à la direction des affaires financières du ministère des Affaires étrangères. Bref, un de ces millions de documents publics que la loi oblige l’administration à archiver, mais dont on n’attend pas qu’il permette une découverte ou qu’il recèle un quelconque secret.
Il serait pourtant injuste que cette note de 1974 demeure inconnue. Elle porte, en objet, un titre a priori peu alléchant : « Financement du séjour des asilés (sic) à l’ambassade » ; derrière cet hispanisme, l’ambassade explique au «Département» (c’est-à-dire au ministère) comment elle a trouvé les fonds indispensables pour nourrir, aider, vêtir, soigner les centaines de militants de gauche qui y avaient cherché et trouvé un asile provisoire, avant d’être accueillis en France. Ces personnes étaient les victimes de la chasse à l’homme (et à la femme) lancée par le régime d’Augusto Pinochet contre ceux qui avaient soutenu le gouvernement légal, et légitime, de Salvador Allende.

PIERRE DE MENTHON
Il va de soi que nul n’avait prévu une telle dépense dans le budget annuel de l’ambassade ; aucune ligne budgétaire n’avait été envisagée à cet effet. Dans les premiers jours, ce furent donc les diplomates français qui assurèrent de leur poche la nourriture de ces réfugiés, qui campaient dans les jardins, les bureaux, les salons et jusque dans le logement personnel de la résidence de l’ambassadeur, Pierre de Menthon ; ce dernier n’avait préservé que les quelques bureaux indispensables pour le fonctionnement du service, et le strict minimum pour le logement de sa famille. Au bout de quelques jours, le ministère put faire parvenir les fonds destinés aux besoins des réfugiés, grâce notamment au dynamisme du directeur des affaires consulaires, Gilbert de Chambrun, qui avait été un résistant de la première heure, dirigé l’insurrection de 1944 en Lozère, puis siégé à l’extrême gauche au Parlement entre 1945 et 1956, avant de reprendre une carrière diplomatique abandonnée en 1940. 

La note de l’ambassade expose en quelques lignes la manière dont ces réfugiés ont été reçus entre le 13 septembre 1973 et début juin 1974 : « Après une phase initiale où les membres de l’Ambassade ont eux-mêmes pourvu au ravitaillement des asilés, des moyens financiers ont été fournis par le Département (…) ; ces crédits ont atteint un montant total de 52.500 francs ». Elle ajoute ces quelques mots qui méritent d’être connus : l’ambassade avait reçu un soutien financier « d’abord spontanément (10.000 F mis à la disposition de l’Ambassade le 11 octobre par M. JOBERT sur ses crédits personnels) ». 

Michel Jobert était alors ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Pierre Messmer, pendant la présidence de Georges Pompidou dont il était un proche collaborateur depuis 1963. Dans sa jeunesse, il avait participé aux combats pour la libération de la France. Sous François Mitterrand, il sera ministre d’État, ministre du Commerce extérieur dans les deux premiers gouvernements de Pierre Mauroy. Ceux qui sont nés avant 1960 n’ont sans doute pas oublié ce personnage original, perçu comme un mélange de gaulliste pur jus et d’homme de progrès, à mi-chemin entre la haute fonction publique et la politique, secrétaire général de l’Élysée au début de la présidence de Georges Pompidou, puis ministre des Affaires étrangères ; sa manière gaullienne de s’adresser aux puissants – et en particulier à l’administration américaine sous Nixon et Kissinger – était réjouissante pour beaucoup, très au-delà des nostalgiques de l’époque encore récente du général de Gaulle.

Voici donc un ministre des Affaires étrangères d’un gouvernement de droite qui, en toute discrétion, s’engage personnellement pour aider à recevoir les militants de l’Unité populaire réfugiés dans notre ambassade à Santiago, et il le fait « sur ses crédits personnels ». Cette expression est ambiguë, puisqu’il est impossible de savoir s’il s’agissait d’un don privé ou d’une somme prélevée sur les fonds de cabinet laissés à cette époque à la libre disposition des ministres, et sans aucun contrôle ; mais, dans les faits, cela revient au même et importe peu.

Je n’ai pas l’impression que ce geste du ministre ait reçu à l’époque la moindre publicité ; telle n’était probablement pas sa volonté, et je trouve juste de le faire connaître aujourd’hui. Ajoutons, pour les jeunes lecteurs de l’ère de l’euro, que cette somme – un million de centimes, un million d’anciens francs – n’était pas négligeable pour l’époque ; on aurait alors parlé familièrement d’une « brique ».

Faut-il préciser que, pour un membre de premier plan du gouvernement français, ce geste n’allait pas de soi? Certes, rares étaient ceux qui imaginaient en septembre 1973 l’ampleur et la brutalité qui allaient caractériser la répression conduite par le général Pinochet, et la droite française, évidemment hostile au coup d’État, utilisait pour le « déplorer » des termes subtilement balancés : il s’agissait d’imposer aux événements chiliens une grille de lecture guidée par la situation politique française, face à une union de la gauche alors balbutiante. Georges Pompidou avait, dans sa conférence de presse du 27 septembre 1973, exprimé son émotion tout en réservant un long développement critique sur la politique du président socialiste Salvador Allende. Pour sa part, le Premier ministre, Pierre Messmer, ira jusqu’à mettre sur un même plan la politique de Salvador Allende et les putschistes sanglants du 11 septembre 1973 : « Le gouvernement, tout en déplorant le renversement par la force du gouvernement légal de Santiago, comme il déplore d’ailleurs les circonstances qui ont conduit à cet aboutissement, refuse de s’engager dans une croisade idéologique contre les autorités chiliennes », déclarera-t-il le 9 octobre 1973 à la tribune de l’Assemblée nationale. La dénonciation publique du coup d’État par le ministre centriste Bernard Stasi sera un des éléments qui lui coûteront son poste peu après. À la lecture des propos des deux principaux responsables français, le geste de Michel Jobert prend donc un relief particulier.

CHARLIE HEBDO - # 67
- 28 FÉVRIER 1972 -
COUVERTURE REISER
Coupée de toute communication avec Paris, et donc  sans instruction du ministère, l’ambassade de France avait pris l’initiative de recevoir les demandeurs d’asile, sous la direction du chargé d’affaires, Jean-Noël Bouillane de Lacoste (l’ambassadeur, surpris en Europe par le coup d’État, ne rejoindra son poste que par le premier vol autorisé, quelques jours plus tard). Nous n’étions heureusement pas les seuls, et plusieurs ambassades –  notamment européennes et latino-américaines – avaient fait spontanément le même choix. Mais pas toutes : quelques pelouses ont été soigneusement préservées du piétinement des réfugiés, notamment celle de l’ambassade du Royaume-Uni et, bien sûr, celles des États-Unis… et de la Chine de Mao. La représentation française et ses diplomates auront été parmi les plus dynamiques dans la protection des victimes du coup d’État. Leur action recevra rapidement le soutien de l’Élysée et du gouvernement, affirmé sans ambiguïté par Pierre Messmer devant l’Assemblée ; car, du côté des autorités officielles françaises, et au-delà du débat que ces événements ont suscité sous l’angle de la politique intérieure française, l’émotion a été bien réelle. La protection et l’accueil des réfugiés ne se démentiront pas, sous Georges Pompidou comme sous Valéry Giscard d’Estaing ou sous François Mitterrand.

Ces faits étaient alors connus ; mais le geste de Michel Jobert ne l’était pas. Au regard de la campagne présidentielle qui vient de se dérouler, souvent éprouvante sur le plan de la morale politique, la lecture de cette modeste archive peut apporter une bouffée d’oxygène ; elle rappellera qu’il fut un temps, pas si ancien, où un dirigeant politique se réclamant du gaullisme savait donner, sans bruit, aussi discrètement que d’autres semblent surtout habiles à recevoir.

Chili  Amérique du Sud  Démocratie  Histoire

À VALPARAISO, LE CHILI INCARNÉ


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CRISTIAN OCHOA, PRIX DU MEILLEUR PORTFOLIO EN 2016,
A RÉALISÉ UNE SÉRIE SUR L’IMMIGRATION DANS LA PROVINCE
D’ANTOFAGASTA, AU CHILI. SON TRAVAIL SERA EXPOSÉ CETTE ANNÉE.
PHOTO CRISTIAN OCHOA


Tout l’été, «Libé» décline le thème du continent à travers le regard de 30 photographes émergents. Ce week-end, zoom sur le festival qui réunit, autour d’ateliers, des photographes reconnus et de jeunes artistes chiliens.
CRISTIAN OCHOA
Valparaiso, ses collines colorées, son port où se battent quelques pélicans galeux et ses cafés con piernas (café avec des jambes), moyen poétique de qualifier les bars très courus où des serveuses en jupes courtes s’activent toute la journée.

RODRIGO GÓMEZ ROVIRA
Le lyrisme inépuisable de cette ville chilienne que l’on qualifie encore de «perle du Pacifique» a incité Rodrigo Gómez Rovira, photographe de l’agence VU, a y créer, en 2010, un festival international de photographie, le Festival Internacional de Fotografia en Valparaiso (le Fifv). 



CLAUDINE DOURY 
Chaque année, plusieurs photographes à la renommée internationale y sont invités ; non pas pour exposer leurs travaux mais pour y animer des ateliers avec de jeunes artistes chiliens. 

Le résultat de cette semaine de «création photographique» est ensuite affiché, édité, projeté, etc. «L’idée est de se situer dans le temps de la création, avec toutes les tensions, explique Rodrigo Gómez Rovira. Ces conditions donnent une relation très horizontale : le maître comme le jeune photographe ont le même mal de ventre au moment de rendre le résultat final.» 

«MON CÔTÉ FÉMININ», AUTOPORTRAIT, 2002. 
C’est donc une semaine de bouillonnement artistique qui anime le port, avec quelques temps forts comme l’affichage par les «brigades photographiques» d’images sur les murs de la ville, ou l’impression d’une revue à 3 000 exemplaires.



AUTOPORTRAIT ANTOINE D’AGATA
Cohabitent ainsi la vision viscérale d’Antoine d’Agata, plongée hallucinée dans des chambres d’hôtels décrépis hantés par des putes, les portraits d’adolescents en quête d’identité de Claudine Doury ou encore la nostalgie qui habite l’esthétique d’Alberto García-Alix. Pour cette édition, deux photographes allemands, Zoltan Jokay et Paul Hutchinson, seront présents.

vendredi 28 juillet 2017

50ÈME ANNIVERSAIRE DE LA RÉFORME AGRAIRE


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AFFICHE DE LA RÉFORME AGRAIRE
En 1967, le gouvernement démocrate-chrétien adoptait une réforme agraire et une législation syndicale destinées à moderniser et à consolider le mode de production capitaliste, tout en obtenant le ferme soutien politique de la paysannerie. 
LE PRÉSIDENT EDUARDO FREI MONTALVA, 
ET LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE 
HUGO TRIVELLI FRANZOLINI
SIGNATURE DU DE LA LOI 
DE RÉFORME  AGRAIRE 
Les objectifs de la réforme étaient l'augmentation de la production et de la productivité agricoles, la création de 100 000 nouveaux propriétaires paysans, l'insertion de la paysannerie dans les mécanismes de décision du pays, tant économiques que sociaux et politiques, et l'élévation de son niveau de vie. La stratégie de Frei en matière de politique agraire reposait sur quatre piliers : expropriation des grands domaines mal gérés ; octroi de stimulants aux exploitations rentables ; mise sur pied d'organisations paysannes soutenues par le gouvernement ; augmentation des salaires et sécurité de l'emploi dans l'agriculture.

Bien que la loi de 1967 autorisât l'expropriation de tous les grands domaines, elle ne toucha que le tiers des latifundia du Chili entre 1965 et 1970 et seules 21 000 familles sur les 100 000 prévues reçurent des terres(2). Par ailleurs, la loi ne prévoyait pas l'expropriation du cheptel tant vif que mort et la démocratie-chrétienne laissa en outre les propriétaires choisir une importante réserve, équivalant à 80 hectares de bonnes terres irriguées.

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CINQUANTIÈME ANNIVERSAIRE DE LA RÉFORME AGRAIRE
CÉRÉMONIE COMMÉMORATION AU PALAIS PRÉSIDENTIEL DE 
LA MONEDA EN PRÉSENCE DE LA PRÉSIDENTE  MICHELLE BACHELET. 
PHOTO SEBASTIÁN RODRÍGUEZ


La structure d'organisation mise en place après l'expropriation des latifundia fut l'asentamiento, sorte de coopérative rurale de tenures paysannes. L'asentamiento était conçu comme une organisation de transition où, à l'issue d'une période d'essai de trois à cinq ans, les paysans (appelés asentados) seraient libres de choisir entre rester coopérateurs, partager la terre en lopins individuels ou donner à l'entreprise une forme mixte. L'asentamiento contribua non seulement à maintenir, mais même à accentuer l'inégalité économique entre les agriculteurs. À la fin de l'administration démocrate-chrétienne, 6 % seulement des ouvriers agricoles avaient acquis le contrôle d'environ 20 % du total des terres irriguées, soit à peu près 10 hectares irrigués par asentado 3. Ils possédaient donc en moyenne dix fois plus de terres qu'un minifundiste, cependant que plus du tiers de la main-d'œuvre agricole était toujours démunie de terres.

L'asentamiento n'effaça pas non plus les différences entre les divers types d'agriculteurs de l'ex-latifundium, à savoir les inquilinos, les voluntarios et les afuerinos. Les inquilinos étaient des ouvriers agricoles permanents, rémunérés pour une part (environ 40 % de leur revenu total) en espèces, pour une part (env. 10 %) en nature (regalías de consumo) : maison, pain, lait et bois de chauffage, et pour une part encore (env. 50 %) en droits d'usage sur un lopin de terre irriguée dont la surface variait généralement entre les trois quarts d'un hectare et un hectare et demi (regalías de tierra), ainsi qu'en droits de pâture pour une moyenne de deux à quatre animaux (talajes). Les voluntarios étaient souvent les fils des inquilinos, ou leur étaient apparentés. Célibataires, ils vivaient dans la maison de l'inquilino. En règle générale, ils n'avaient aucun droit ni d'usage de la terre ni de pâture ; ils étaient payés en espèces et percevaient en plus un salaire minime en nature pour les seuls travaux qu'ils effectuaient sur le domaine du grand propriétaire. Bien que les voluntarios résidassent en permanence sur le latifundium, ils n'étaient employés que neuf mois par an par le propriétaire, alors que les inquilinos connaissaient tout au long de l'année

1. Eduardo Fbei, « Proyecto de ley de la Reforma Agraria propuesto por S.E. el Présidente do la Republics al H. Congreso Nacional » (Santiago), El Mercurio, 1965, 22 nov. 
2. CORA (Corporaciôn de la Reforma Agraria), « Expropiaciones desde 1965 al 31-XI-70 », Santiago, 1970, 16 p. multigr. 
3. ICIRA (Instituto de Capacitaciôn e Investigaciôn en Reforma Agraria), Dlagnóstlco de la Reforma Agraria Chilena. Noviemlre 1970-Junio 1972, Rap. de FICIRA pour le ministère de l'Agriculture, Santiago, 1972, tableau annexe n° 10.

jeudi 27 juillet 2017

UN JEUNE CHILIEN DEVIENT FRANÇAIS APRÈS L'ATTENTAT DU BATACLAN


UN JEUNE CHILIEN DEVIENT FRANÇAIS APRÈS L'ATTENTAT DU BATACLAN  



TÉMOIGNAGE. LE JOUR OÙ MA FAMILLE EST DEVENUE FRANÇAISE

DESSIN DE BEPPE GIACOBBE PARU DANS LE CORRIERE DELLA SERA, MILAN.


Marseillaise, bureaucratie et croissants : après des années passées en France, le journaliste britannique Simon Kuper raconte la cérémonie de naturalisation de ses proches.
C’était le cauchemar de Marine Le Pen : 221 personnes de toutes les couleurs, assises dans le Panthéon, à Paris, et attendant de devenir françaises. Ma femme et mes enfants américains se trouvaient parmi les nouveaux élus. Quand ma femme a fait sa demande de naturalisation il y a des années, je n’ai pas pris cette peine. Après tout, j’étais britannique donc déjà européen. Puis il y a eu le Brexit. Désormais, je passe mes heures libres à réunir la montagne de documents nécessaires pour devenir français.

J’ai grandi un peu partout et ne me suis installé à Paris qu’en 2002, parce que les appartements y étaient bon marché. Theresa May appelle les gens comme moi des “citoyens de nulle part”, mais au Panthéon, l’endroit où la France enterre ses grands hommes, j’ai constaté qu’elle avait tort.

Pas d’élite cosmopolite

La cérémonie était indéniablement française. À 8 h 30, nous sommes debout sous la pluie devant le Panthéon, tout le monde pousse pour entrer en premier pendant que les fonctionnaires essaient de nous contenir, bien décidés à nous rappeler qu’ils sont l’État et que nous ne sommes que de simples citoyens. Puis nous attendons au moins une heure pendant qu’un fonctionnaire teste la sono en égrenant sans cesse les jours de la semaine : “Lundi, mardi, mercredi…” Les 221 présents sont manifestement devenus parisiens car personne ne se parle. Je suppose qu’après une cérémonie de naturalisation américaine, on rentre chez soi en connaissant la vie de tout le monde.

Theresa May se moquait d’une élite cosmopolite sans racines, mais le public du Panthéon n’entre visiblement pas dans cette catégorie. Même s’ils ont mis leurs plus beaux atours, la plupart des gens semblent vieux et mal habillés. Nombre d’immigrés ne se font naturaliser que des dizaines d’années après leur arrivée, une fois que leurs enfants français sont grands, et qu’ils prennent conscience qu’ils mourront ici.


WILHELM APOLLINARIS DE KOSTROWITZKY 
DIT GUILLAUME APOLLINAIRE 
Un homme finit par nous souhaiter la bienvenue. Il nous explique que tout le monde, de Voltaire à Marie Curie, est enterré dans la crypte qui se trouve sous nos pieds. “Comme vous, certains d’entre eux n’étaient pas nés français”, ajoute-t-il d’un ton encourageant. Le poète Guillaume Apollinaire, par exemple, était d’origine polono-italienne et s’appelait Wilhelm Albert Wlodzimierz Apolinary Kostrowicki, mais a combattu pour la France pendant la Première Guerre mondiale.

On nous montre un petit film couvrant les principales questions françaises : manifestations, avions de chasse, musulmans en prière, personnes achetant des légumes au marché, soldats armés patrouillant dans les gares. Ensuite, une bureaucrate fait un discours bureaucratique et nous chantons La Marseillaise. Mes enfants parisiens la connaissent par cœur. Ils la chantent parfois aux fêtes d’anniversaire avec leurs amis, qui sont en majorité d’origine étrangère.


UN JEUNE CHILIEN DEVIENT FRANÇAIS APRÈS L'ATTENTAT DU BATACLAN  



David, un Chilien de 25 ans, a raconté avoir été pris en otage au Bataclan en novembre 2015. Un terroriste lui a demandé : “Qu’est-ce que tu penses de François Hollande ?” et il a répondu : “J’en pense rien, je ne suis pas français.” Le terroriste a alors appris qu’il était chilien. “J’ai eu l’impression que je ne l’intéressais plus, il y a quelque chose qui s’est déconnecté dans son regard”, a expliqué David. 

Bataclan

La bureaucrate cite le pays d’origine de tout le monde, de l’Argentine au Bangladesh, de la Russie au Sénégal. “Deux cent vingt et un nouveaux Français”, lance-t-elle, et la foule s’applaudit. En particulier les personnes qui viennent de pays pauvres et qui se retrouvent désormais en possession d’un morceau de papier qui va changer leur vie.

Dès la fin de la cérémonie, alors que nous commençons à savourer cette transformation, les fonctionnaires nous chassent. J’ai appris par la suite que notre groupe était le premier à devenir français au Panthéon, nous n’étions que l’échauffement. Le suivant a eu droit à des musiciens et un de ses membres, David, un Chilien de 25 ans, a raconté avoir été pris en otage au Bataclan en novembre 2015. Un terroriste lui a demandé : “Qu’est-ce que tu penses de François Hollande ?” et il a répondu : “J’en pense rien, je ne suis pas français.” Le terroriste a alors appris qu’il était chilien. “J’ai eu l’impression que je ne l’intéressais plus, il y a quelque chose qui s’est déconnecté dans son regard”, a expliqué David. C’est ce qui lui a sauvé la vie. Il a quand même décidé de devenir français.

“J’espérais que je serais plus mince…”

Pendant la seconde cérémonie, ma famille célébrait l’événement avec des croissants dans un café du coin. Ils avaient désormais la double nationalité franco-américaine. Je leur demande quelles sont leurs impressions. “Je ne me sens pas différente du tout, déclare ma fille. Je trouve juste que c’était une perte de temps, le type qui testait la sono.” Je lui dis que dans un siècle ses petits-enfants, à Rio ou à Sofia, fouilleront désespérément dans ses papiers pour trouver son certificat de naturalisation.

Ma femme ne se sent pas plus française non plus. “J’espérais que je serais plus mince”, soupire-t-elle. Mais elle est contente d’être devenue française pendant les soldes, car les chaussures qu’elle a achetées pour l’occasion étaient à moins 40 %. Un de mes fils déclare se sentir “normal” et est déçu que le président Macron ne soit pas venu. L’autre hausse les épaules : “J’étais déjà français. J’avais pas besoin de devenir plus français.”

Et voilà : ils étaient tous déjà français, mais aussi américains et britanniques. Les autres personnes présentes à la cérémonie ne cesseront pas de se sentir péruvienne ou tunisienne, mais leur visage resplendissait une fois qu’elles sont devenues françaises. Ces gens ne sont pas des citoyens de nulle part, ni ce que [le journaliste britannique] David Goodhart appelle “les gens de partout”. Ils sont attachés à plusieurs endroits particuliers.

Quand j’étais enfant, j’ai craint de n’être chez moi nulle part jusqu’à ce que je lise Quand Hitler s’empara du lapin rose, le livre pour enfant à moitié autobiographique de Judith Kerr. C’est l’histoire d’une famille de Juifs allemands qui fuit Berlin et se retrouve à Paris puis Londres. À un moment, une des filles demande à son père :

Tu crois qu’on sera vraiment chez nous quelque part un jour ?

— Pas comme les gens qui ont vécu à un endroit toute leur vie, répond-il. Mais nous serons un peu chez nous dans plein d’endroits et je crois que c’est peut-être aussi bien.”

Judith Kerr, 94 ans, est aujourd’hui un grand auteur britannique. Je suis content pour les gens qui sont chez eux à un endroit précis. Mais notre manière de faire n’est pas si mal non plus.

Simon Kuper
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INDIA SONG - MARIANA MONTALVO (CANTOS DE ALMA 2000).MP3


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       MARIANA MONTALVO CHANTE « INDIA SONG » 
      (TEXTE MARGUERITE DURAS / MUSIQUE CARLOS D'ALESSIO) 1975,
       PARU DANS L'ALBUM CD «CANTOS DE ALMA » 
      ENREGISTRÉ À PARIS FRANCE EN 2000, 
      CHEZ PUTUMAYO WORLD MUSIC PUTU 174-2.   
      LICENCE YOUTUBE STANDARD
       DURÉE : 00:03:35

      MARIANA MONTALVO 'NACER EN ALGUN LUGAR'


      MARIANA MONTALVO « NACER EN ALGUN LUGAR » 



      MARIANA MONTALVO


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      MARIANA MONTALVO
      Née au Chili, Mariana Montalvo chanteuse, compositeur et auteur étudie la guitare au Conservatoire National de Santiago du Chili et le folklore latino-américain auprès de chanteurs populaires.
      Lorsqu‘elle arrive en France, elle enregistre avec le compositeur Sergio Ortega. Elle rejoint ensuite le groupe Los Machucambos avec lequel elle enregistre de nombreux albums et se produit sur les scènes du monde entier. Parallèlement elle continue son travail de recherche sur la poésie féminine latino-américaine, qu’elle met en musique et qu’elle présente dans de nombreux festivals en France et à l’étranger.

      MARIANA MONTALVO « NACER EN ALGUN LUGAR » 





      Parallèlement elle continue son travail de recherche sur la poésie féminine latino-américaine, qu’elle met en musique et qu’elle présente dans de nombreux festivals en France et à l’étranger. Elle collabore avec le poète et cinéaste Alejandro JODOROWSKY dont elle met en musique onze de ses poèmes (album «Mariana MONTALVO canta a JODOROWSKY»).


       MARIANA MONTALVO CHANTE « INDIA SONG » 
      (TEXTE MARGUERITE DURAS / MUSIQUE CARLOS D'ALESSIO) 1975,
       PARU DANS L'ALBUM CD «CANTOS DE ALMA » 
      ENREGISTRÉ À PARIS FRANCE EN 2000, 
      CHEZ PUTUMAYO WORLD MUSIC PUTU 174-2.   
      LICENCE YOUTUBE STANDARD
       DURÉE : 00:02:57

      Après deux autres albums et une tournée de deux mois aux USA, elle crée, avec le compositeur Pierre Bluteau «La Passion de Sor Juana», Oratorio pour chœur et orchestre d’après les poèmes de Sor Juana Inés de la Cruz. 

      Elle parfait sa formation vocale avec Julia PELAEZ et suit la Formation des Formateurs dans les musiques actuelles au Studio des Variétés. Aujourd’hui elle intervient en tant que professeur de chant pour le Chantier des Francos, le Studio des Variétés, et l'Ecole du Jeu à Paris.



      SUR LE MÊME SUJET : 

      mercredi 26 juillet 2017

      MARCHE POUR L'AVORTEMENT AU CHILI


      «  MARCHE POUR L'AVORTEMENT AU CHILI » 



      MARCHE POUR L'AVORTEMENT AU CHILI

      Nous voulons un avortement qui permet d’avorter sans obligation de materner. Nous ne voulons pas seulement trois raisons pour avorter, nous voulons que soient reconnues une infinité de raisons parce que les femmes ont le droit de disposer de leur corps!“ nous explique Danitza.

      À la fin de la manifestation, les forces de l’ordre ont dispersé la foule à coup de canons à eau.

      Depuis deux ans et demi, la présidente socialiste Michelle Bachelet se bat pour dépénaliser l’avortement, elle espère y parvenir avant la fin de son deuxième mandat en 2018. L’opposition conservatrice chilienne a gagné la dernière bataille, mais peut-être pas la guerre.

      Le Chili estime à 160 000 le nombre d’avortement pratiqué illégalement dans le pays. Un délit passible entre 3 et 5 ans de prison depuis que Pinochet l’a totalement interdit.

      dimanche 23 juillet 2017

      GOLPE SUAVE


      « GOLPE SUAVE » (COUP D'ÉTAT PARLEMENTAIRE)



      VIOLETA PARRA - UNE CHILIENNE À PARIS (VALSE-MUSETTE )


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      « UNE CHILIENNE À PARIS » CHANSON DE VIOLETA PARRA.
        ELLE SORT EN FÉVRIER 1989 COMME FACE B DU SINGLE BELFAST CHILD
      LICENCE YOUTUBE STANDARD  
      DURÉE : 00:02:46

          VIOLETA PARRA




          GRANDS VOILIERS : MANIFESTATION DEVANT LE NAVIRE ESMERALDA

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          LE VOILIER ESMERALDA ATTIRE JEUNES ET MOINS JEUNES
          PHOTO JEAN-LOUIS BORDELEAU
          Une vingtaine de manifestants se sont rassemblés samedi midi devant L'Esmeralda pour révéler les histoires d'horreur qui y sont associées. Le navire chilien est visité par des milliers de curieux depuis le début du Rendez-vous 2017 (RDV) des grands voiliers.
          UNE VINGTAINE DE MANIFESTANTS ÉTAIENT 
          RÉUNIS DANS LE PORT DE QUÉBEC.
           PHOTO CARL MARCHAND
          Victor Montenegro est l’un des organisateurs de la manifestation. Il a fui le régime du général Augusto Pinochet


          M. Montenegro vit à Québec depuis 42 ans, mais n’a jamais oublié les récits d'histoires sinistres survenues à bord du navire. Il est natif de Valparaiso, là où les actions répressives du dictateur ont débuté après sa prise du pouvoir en septembre 1973.

          « Je viens de la ville où mouille le bateau. Donc, je le connais très bien. Ce navire fut un lieu de prison et de torture. »

          Condamner les responsables

          MIGUEL WOODWARD
          Le Québécois d’adoption et ses acolytes se font un devoir de révéler au grand jour le passé sombre de ce voilier. Des manifestations ont d’ailleurs lieu dans la plupart des ports du monde où L’Esmeralda accoste.

          « Il y a eu des violations des droits humains dans ce bateau-là, ce qui n’a jamais été reconnu par la marine chilienne au point où les gens qui visitent ce navire ici, à Québec, n’ont aucune connaissance de ce qui s’est passé. »

          C’est au nom des victimes qui n’ont jamais été revues en vie après un voyage en mer et au nom de ceux qui ont survécu à la torture à bord de L’Esmeralda que M. Montenegro manifestera samedi midi, dans le port de Québec.
          La justice chilienne n’a pas fait assez d’efforts pour condamner les responsables, mais il y a des témoins, des survivants, des témoignages, des livres écrits sur le sujet. Victor Montenegro, organisateur de la manifestation
          Un cas emblématique

          Le cas le plus célèbre, affirme M. Montenegro, est celui du prêtre catholique Michael Woodward, un Britannique d’origine, mais Chilien d’adoption. Arrêté cinq jours après la prise du pouvoir de Pinochet, il aurait été amené à bord de L’Esmeralda et torturé à mort.

          « Le crime sur ce prêtre est devenu un cas emblématique de la violation des droits humains au Chili », conclut-il.

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          vendredi 21 juillet 2017

          AU CHILI, UNE LOI DÉPÉNALISANT PARTIELLEMENT L’AVORTEMENT REPOUSSÉE PAR LES DÉPUTÉS


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          LA PRÉSIDENTE DU CHILI, MICHELLE BACHELET,
          À VERACRUZ (MEXIQUE), EN 2015.
          PHOTO REBECCA BLACKWELL 
          Le Sénat avait approuvé mercredi, en y apportant des amendements, un texte de loi autorisant l’IVG dans certains cas, mais les députés n’ont pas validé les modifications.

          CHARLIE HEBDO N°100

           : OCTOBRE 1972
          Les femmes chiliennes devront encore attendre avant de pouvoir avorter légalement et continueront à encourir des peines de trois à cinq ans de prison en cas d’interruption volontaire de grossesse (IVG) clandestine. Contre toute attente, l’adoption définitive d’un projet de loi visant à dépénaliser au Chili l’avortement thérapeutique et en cas de viol a été retardée, jeudi 20 juillet, au Parlement

          MANIFESTATION À SANTIAGO RÉCLAMANT
          LA DÉPÉNALISATION DE L'AVORTEMENT
          PHOTO BELGAIMAGE
          En mars 2016, la Chambre des députés avait voté en première lecture ce texte-phare de la présidente, Michelle Bachelet. Mais il avait dû passer par plusieurs commissions, puis par le Sénat, qui l’avait amendé, avant de revenir à la Chambre basse. « C’est douloureux pour nous tous, a déclaré le sénateur socialiste Alejandro Guillier, et je sens que nous avons failli auprès des femmes chiliennes. »

          Après un intense débat et de multiples tractations avec le gouvernement, les députés ont repoussé, à une voix près, les modifications du Sénat. Le projet de loi devra à présent passer devant une commission mixte paritaire chargée de trouver une version commune aux deux Chambres. Ce processus pourrait retarder l’adoption définitive de la loi de plusieurs semaines, jugent les observateurs.

          Si le texte venait à être voté, les parlementaires de droite, dans l’opposition, ont annoncé qu’ils saisiraient le Tribunal constitutionnel (TC), ce qui retardera l’accès des femmes à l’avortement légal. D’autant plus que le futur président du TC, Ivan Arostica, qui doit prendre ses fonctions le 30 août et dont le vote pourrait être essentiel, est un conservateur opposé à la légalisation de l’IVG.

          120 000 avortements clandestins pratiqués tous les ans

          Bien que ne s’appliquant qu’à trois cas exceptionnels et précis (danger pour la vie de la femme enceinte, viol et non viabilité du fœtus), cette loi constituerait, si elle était finalement votée, une avancée vers la protection des droits des femmes au Chili. En l’absence de chiffres officiels, on estime qu’au moins 120 000 avortements sont pratiqués tous les ans, dans la clandestinité.

          La dépénalisation de l’IVG est un des grands combats de la présidente socialiste, Michelle Bachelet (2006-2010, et depuis 2014) pédiatre de formation et ancienne ministre de la santé de 2000 à 2002. Elle tient à faire passer la loi avant la fin de son mandat, en mars 2018, et alors que la droite est donnée favorite dans les sondages en vue de la présidentielle du 19 novembre – élection à laquelle elle ne peut pas participer, la Constitution fixant la durée d’un mandat à quatre ans, sans possibilité de réélection immédiate.

          Le Chili reste donc pour le moment dans la liste des quelque vingt pays qui, selon l’Organisation mondiale de la santé, interdisent l’avortement dans toutes les circonstances : le Salvador, le Nicaragua, le Surinam, Haïti et la République dominicaine sur le continent américain ; les Philippines et les îles Palaos en Asie-Océanie ; le Sénégal, la Guinée-Bissau, le Gabon, le Congo, Madagascar, Djibouti et la Mauritanie en Afrique ; Malte, Andorre, le Vatican et Saint-Marin en Europe.


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          DESSIN


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