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mardi 31 janvier 2017

ROSA BARBOZA, UNE CHAMANE À L'HÔPITAL

L’efficacité de leurs pratiques traditionnelles a convaincu le gouvernement chilien de leur ouvrir les portes de l’hôpital public afin d’assurer une prise en charge interculturelle, et gratuite, des patients Mapuche de la région. Cinq Machis exercent à Puerto Saavedra, dont Rosa Barboza. Dans un entretien à Sciences et Avenir, elle confie son inquiétude pour l’avenir. Et explique comment l’agriculture intensive de l’eucalyptus et du pin - qui assèche les terres -, la contraint à chercher les plantes dans des régions de plus en plus reculées.

Sciences et Avenir : De quelle façon travaillez-vous à l’hôpital public ? 

Rosa Barboza : Je reçois dans un bureau, que je partage avec d’autres Machis : le patient me donne sa première urine du matin, avant même de me parler de ses problèmes. Il y a une table, des chaises, je m’assois dans la direction d’où naît le Soleil ; le patient est assis en face de moi. J’établis le diagnostic à la lecture de l’urine, puis lui délivre les plantes médicinales. Je continue de suivre son évolution par le contrôle de ses mictions. Lorsque nous sommes confrontés à des forces négatives, nous accomplissons un travail spirituel, dans la montagne. Je n’ôte jamais mon costume traditionnel de Machi. J’ai pour habitude de faire une prière avant d’entrer dans le bureau et de commencer ma journée de travail.

Avec les plantes médicinales, mes patients guérissent le plus souvent de la dépression

Quelle est la durée de la thérapie ?

Les soins durent de un à trois mois, selon le contrôle de l’urine et les patients viennent spontanément ou sur les recommandations des médecins. Certains Mapuches ne trouvent pas de solutions auprès des docteurs occidentaux, notamment pour des problèmes psychologiques : ils prennent des médicaments sans aucune amélioration. Avec les plantes médicinales, ils guérissent le plus souvent de la dépression. Je vais chercher ces plantes très loin dans la montagne, puis les prépare, pour délivrer le remède aux patients. Pour la sciatique, par exemple, nous enrobons le malade sur un lit d’herbes, afin de lui ôter la douleur. Puis avec le kultrun (l’instrument du Machi), je le libère de l’angoisse et des énergies négatives… Je reçois des personnes de tous âges, dont un grand nombre de Mapuches, mais aussi d’autres communautés.

De quelle façon la médecine Mapuche a-t-elle fait son apparition à l’hôpital public ?

Par nécessité : les Mapuche croient en la nature, préférant des traitements naturels traditionnels à la pharmacopée officielle. Aussi avons nous demandé au gouvernement d’inclure des Machis à l’hôpital, car un grand nombre de Mapuches viennent y consulter. Notre demande a été entendue, certains Mapuche, dont un maire, travaillant dans l’administration. Il y a cinq Machis à l’hôpital, un pour chaque jour de la semaine ; et les soins sont pris en charge par le gouvernement.

À partir de quel âge devient-on Machi ?

Dès la naissance ; on sait que vous êtes Machi dès l’âge d’un an. C’est inexplicable, mais nous sommes différents : depuis l’enfance, je connais les herbes, leur utilisation, leur localisation. Je ressens une relation intime avec la nature, et les gens ; selon leurs auras, et ce que j’éprouve en les voyant, je prépare leur traitement. Parfois une prière suffit.

Quelle est la réaction des Chiliens face à cette médecine ?

À présent, les Chiliens et les Mapuche, sont plus ouverts qu’avant. Mais tous les Machis ne sont pas disposés au dialogue. Chacun a son énergie, ses plantes, sa façon d’intervenir ; mais tous sont égaux. Il nous arrive d’avoir des discussions, mais un Machi reste possessif de son énergie, et n’a pas forcément envie de travailler avec d’autres. Personnellement, j’aime partager.

Comment vous sentez-vous à l’hôpital ?

Bonne question… (rire). Il est très difficile d’y travailler, car je ne suis pas dans mon rewe, l’autel où sont conduites les cérémonies de guérison. Je dois faire une prière en arrivant, en sortant, car on se sent très fatigué à la fin de la consultation… C’est plus dur que dans mon rewe.

En tant que Machi en visite à Paris, quel est votre message ?

À mes frères de Paris, je demande que nous nous tenions les mains pour la protection de la nature, qui est la force et l’énergie : la montagne, le fleuve, les insectes, les rivières… Il faut la protéger, car nous sommes tous unis par ce qu’elle nous donne. Afin d’éviter ce qui se passe au Chili où on plante immodérément l’eucalyptus et le pin. Nous, Machis, cela nous arrache le cœur, car sans la montagne, nous n’avons ni eau, ni air. La montage est sur-exploitée. Aux Mapuches, on rétorque, « vous n’avez qu’à planter vos herbes chez vous ». Comme s’il s’agissait de cultiver un jardin ! Mais Dieu a donné la nature, qui est l’énergie et la force, et non "un jardin"! Les Mapuches, en défendant la nature contre l’exploitation, représentent un problème : on nous dit que la nature ne nous appartient pas. Mais la nature appartient à tous !

Propos recueillis par Dominique Godrèche

Exposition photo : « Mapuche, voyage en terre Lafkenche  »
Du 18 janvier au 23 avril 2017, au Musée de l’Homme

lundi 30 janvier 2017

CHILI: UNE PARTIE DES FEUX DE FORÊTS MAÎTRISÉS


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PHOTO MARTIN BERNETTI 
Une partie des graves incendies de forêts qui ravagent le Chili depuis plus d'une semaine et ont coûté la vie à onze personnes étaient désormais maîtrisés lundi, une catastrophe qui a suscité une mobilisation internationale.
PHOTO ENTORNO INTELIGENTE
Dans la région de O'Higgins (centre), l'une des plus affectées, « la situation est calme et nous n'avons plus de feux de forêts particulièrement importants », a expliqué lors d'une conférence de presse Aaron Cavieres, directeur de la Corporation nationale des forêts (Conaf).

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PHOTO AGENCIA UNO
Cela marque « un grand changement, car depuis cette région jusqu'au nord (du pays) nous avons la situation sous contrôle avec quelques petits foyers », a-t-il ajouté.

Ces dernières heures, le plus gros foyer demeurait autour de la commune de Portezuelo, dans la région de Biobio (sud), où l'avancée des flammes a obligé à procéder des évacuations préventives.

Le Chili a reçu lundi l'aide supplémentaire d'un avion bombardier d'eau russe, qui s'est joint à la mobilisation internationale déjà sur place, avec deux appareils similaires fournis par les Etats-Unis et le Brésil, et plus de 500 pompiers et experts venus de France, d'Argentine, du Venezuela ou encore d'Espagne.

Selon la Conaf, plus de 1.000 habitations et près de 380.000 hectares ont été détruits par le feu, qui a coûté la vie à onze personnes.

Michelle Bachelet, qui a qualifié les incendies de «pire désastre forestier » de l'histoire du pays, avait annoncé dimanche l'arrestation de 43 personnes, soupçonnées d'être à l'origine des sinistres.

Plus de 11.000 personnes (pompiers, policiers, soldats...) sont à pied d'oeuvre pour combattre les feux qui frappent en particulier des localités rurales, où vivent pour l'essentiel des agriculteurs et des éleveurs.

CHILI : INCENDIES UNE POLÉMIQUE «INDIGNE» QUI «VISE À DÉSTABILISER LE GOUVERNEMENT »


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LE  MILLIARDAIRE CONSERVATEUR SEBASTIÁN PIÑERA,
ANCIEN PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DU CHILI.
PHOTO 
AGENCIA UNO

La brume qui recouvre Santiago depuis une dizaine de jours n'a, pour une fois, rien à voir avec la pollution. Les incendies qui ravagent le centre du Chili se font sentir jusque dans la capitale, d'où l'on distingue à peine aujourd'hui la cordillère des Andes, masquée par la fumée. 
AFFICHE DU FILM HOMONYME
«C'est le pire désastre forestier de l'histoire du Chili, mais nous avons la force d'y faire face », affirme Michelle Bachelet. La présidente socialiste s'est rendue la semaine dernière dans la région d'O'Higgins, l'une des plus affectées par les feux. Elle y a salué l'action des pompiers - tous bénévoles au Chili - et a remercié plusieurs pays étrangers pour leur aide.


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LES INCENDIES QUI RAVAGENT LE CENTRE DU CHILI SE FONT SENTIR JUSQUE DANS
LA CAPITALE, D’OÙ L’ON DISTINGUE À PEINE AUJOURD’HUI LA CORDILLÈRE DES ANDES -

PHOTO  AFP
L'Espagne, la France ou encore la Colombie ont procuré leurs conseils logistiques, leurs hommes et leurs avions pour permettre de venir à bout de ces feux qui ont déjà tué onze personnes et embrasé près de 500.000 hectares de forêt.

Selon le bilan de la Corporation nationale forestière dimanche, sur les quelque 130 foyers d'incendie, une quinzaine ont été éteints et une cinquantaine seraient actuellement sous contrôle. Mais « la situation reste extrêmement préoccupante et il faudra plusieurs semaines pour en venir à bout », explique Michel De L'Herbe, consultant des services d'urgence.

Pour beaucoup d'opposants à la présidente, ce désastre aurait pu être évité avec une meilleure prévention et une plus grande réactivité. C'est ce qu'insinue sans détour Sebastián Piñera. L'ancien président de centre-droit, pas encore candidat à la présidentielle de novembre mais déjà bien positionné dans les sondages, a critiqué le gouvernement sur Twitter pour ne pas avoir acheté davantage d'avions bombardiers d'eau. Puis pour ne pas avoir invité certains maires de droite aux réunions d'urgence, « tout ça parce qu'ils n'appartiennent pas à la NM » - la Nouvelle Majorité, coalition de Michelle Bachelet.

Les critiques de Sebastián Piñera ne sont pas passées inaperçues. « Nous avons besoin d'unité, [...] ce n'est pas le moment de faire de la récupération politique », a répliqué la porte-parole du gouvernement Paula Narváez. Ricardo Lagos, ancien président de gauche et candidat à l'élection de novembre, a rappelé que Sebastián Piñera n'avait pas non plus perfectionné les équipements et infrastructures du pays durant son mandat entre 2010 et 2014. Pour Michel De L'Herbe, « ce sont les deux gouvernements, l'actuel et le précédent, qui sont responsables. Les grands incendies ont été fréquents ces dernières années au Chili, cette situation était tout à fait prévisible ».

Envoyée spéciale à santiago

vendredi 27 janvier 2017

CHILI, DES INCENDIES DÉTRUISENT LE CENTRE DU PAYS


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LA VILLE DE SANTA OLGA, À 330 KM AU SUD DE LA CAPITALE CHILIENNE DE SANTIAGO,
A ÉTÉ ENTIÈREMENT DÉTRUITE PAR LES INCENDIES, LE 26 JANVIER 2017.
PHOTO MARTIN BERNETTI
Le centre du Chili est en proie aux flammes depuis plus d’une semaine, avec une centaine de foyers d’incendie recensées. Les destructions se multiplient, et le bilan humain et économique s’annonce lourd.
La Croix avec l'AFP

 VILLE DE SANTA OLGA

Le bilan s’alourdit jour après jour. Les flammes, implacables, continuent leur progression dans le centre et le sud du Chili. Vendredi 27 janvier, on dénombrait dix personnes tuées, des milliers évacuées et 290 000 hectares détruits par les violents incendies qui ravagent le pays. La présidente chilienne Michelle Bachelet a qualifié la catastrophe de « pire désastre forestier » de l’histoire du pays.

Dix personnes tuées dans les incendies au Chili

Cela fait plus d’une semaine que les incendies ont lieu dans sept régions du centre et du sud du pays, attisés par des températures élevées et des vents violents. Les régions du Maule et du Biobio, au sud de la capitale Santiago, sont les plus touchées. Des localités rurales ont été entièrement détruites par les flammes, et trois habitants ont été tués. Le gouvernement chilien a également annoncé la mort de cinq pompiers et de deux policiers.

Selon le dernier bilan de la corporation nationale forestière (Conaf), en charge de la gastion des forêts, 51 foyers sont maîtrisés et 14 ont été éteints. Mais il reste tout de même 77 incendies actifs dans le pays, et ils menacent les grandes agglomérations de la côte Pacifique. Plus de 4 000 personnes sont mobilisées pour tenter d’arrêter les feux.

La météo restait favorable aux flammes jeudi dans le centre-sud du Chili. Des vents violents continuent de souffler et les températures sont supérieures à 38 degrés depuis plus de dix jours, favorisant une sécheresse persistante. Santiago a enregistré mercredi 25 janvier un record historique avec 37,4 degrés.

Une enquête pour déterminer s’il s’agit d’incendies volontaires

Les pertes économiques occasionnées par cette catastrophe « sont considérables et incalculables », a déclaré le ministre de l’Agriculture, Carlos Furche, tout comme les conséquences pour la faune et la flore. Les incendies frappent en particulier les agriculteurs et des éleveurs de bétail, ainsi que les entreprises forestières, essentiellement de pins et d’eucalyptus.

Michelle Bachelet a annoncé qu’une enquête serait ouverte pour déterminer les causes de ces incendies. « La multiplicité des foyers ne nous permet pas d’écarter qu’il y a ici une dimension intentionnelle », a estimé la présidente chilienne.

La Croix (avec AFP)

LA FABRIQUE DE LA HAINE : XÉNOPHOBIE ET RACISME AU CHILI

XÉNOPHOBIE ET RACISME AU CHILI


La vague d'arrivants récents en provenance d'Haïti et du Venezuela a incité les candidats à l'élection présidentielle du Chili à tirer parti et à stimuler le sentiment anti-immigrant, ce qui en a fait une question clé dans la campagne pour les législatives et la présidentielle chiliennes prévues pour le 19 novembre de cette année.  
Patrick Saint-Pré

AGRESSION XÉNOPHOBE À UNE FAMILLE
HAÏTIENNE DANS LA VILLE DE
SAN FELIPE AU CHILI
Au Chili, la succession de la socialiste Michelle Bachelet, qui ne peut briguer un nouveau mandat le 19 novembre prochain, pourrait ramener au pouvoir la droite, qui remporta les municipales d'octobre 2016. L'ex-président de centre droit Sebastián Piñera est le favori des pré-sondages, talonné par le journaliste et sénateur indépendant Alejandro Guillier.  

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CAPTURE D'ÉCRAN TWITTER
Principal candidat de la coalition de droite, Sébastien Piñera annonce la couleur en blâmant les anciennes lois chiliennes sur l'immigration, écrites dans les années 70, responsables, selon lui, d’importer des problèmes comme la délinquance, le trafic de la drogue et le crime organisé. Avec surtout dans sa ligne de mire les arrivées massives de migrants haïtiens qui ont augmenté de 144% en 2015, alors que celles du Venezuela, en récession, ont grimpé de 192%. 


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LE MILLIARDAIRE CONSERVATEUR SEBASTIÁN PIÑERA, ANCIEN  PRÉSIDENT DU CHILI. INITIALEMENT EMPLOYÉ DE BANQUE, AU MOYEN DE MONTAGES JURIDIQUES ET FINANCIERS DOUTEUX,  EST DEVENU PROPRIÉTAIRE D'UN EMPIRE QUI S'ÉTEND DE L'AVIATION, LES MINES, LES MÉDIAS, L'IMMOBILIER ET À LA PHARMACEUTIQUE.
«Beaucoup de gangs criminels au Chili, comme ceux qui clonent des cartes de crédit, sont des étrangers, ce qui est particulièrement grave dans les régions où les immigrants représentent un pourcentage important de la population», a déclaré Piñera, un milliardaire de centre-droit. 

La politique latino-américaine a rarement présenté ce type de critique sur les immigrants à des fins électoralistes, à droite et à gauche, ce qui n’est pas sans rappeler parfois le langage qui a contribué à l’élection de Donald Trump aux États-Unis, au succès de Nigel Farage en Grande-Bretagne et à la remontée de Marine Le Pen dans les sondages en France. 

Alejandro Guillier, en pole position dans les sondages pour obtenir le soutien du bloc de gauche chilien, a déclaré que le Chili avait besoin d'une « politique migratoire plus sélective ». Guillier représente la région minière du nord d'Antofagasta, qui a connu des niveaux d'immigration parmi les plus élevés et qui a souffert économiquement du récent ralentissement des matières premières. 

Faire de l'immigration un des piliers de la campagne présidentielle de 2017 pourrait approfondir les clivages dans la société chilienne, disent les législateurs concernés, les responsables gouvernementaux et les leaders communautaires, inquiets que les arrivants récents puissent devenir des boucs émissaires pour les maux du pays. 

Les candidats «voient qu'ils peuvent profiter politiquement et commencer à utiliser la rhétorique nationaliste, rabattre beaucoup de problèmes de la nation sur les immigrants», a déclaré le sénateur indépendant Pedro Araya. Le bureau des migrations du gouvernement chilien a déclaré que les immigrants commettaient moins de crimes proportionnellement que les Chiliens. Le secrétaire général de l'Intérieur, Mahmud Aleuy, a qualifié les propos de Piñera d’«extrêmement irresponsables». 

Pourtant, la présidente de centre-gauche Michelle Bachelet, qui s'efforce de renforcer sa cote de popularité, s'est engagée à présenter prochainement un projet de loi visant à réviser les règles d'immigration. Elle n'a pas encore révélé de détails. 

Les données des sondages montrent qu'une position de ligne dure peut être bien vue par les électeurs. 

Quelque 75 pour cent des personnes interrogées lors d’une enquête en décembre ont déclaré que le Chili devrait adopter des politiques d'immigration plus strictes, et 45 pour cent ont déclaré que l'immigration était mauvaise pour la nation, comparativement à 41 pour cent qui disaient que c'était bon. 

Hausse de l'immigration 

Ces dernières années, la croissance économique et la stabilité du Chili en ont fait une destination attrayante pour les autres pays sud-américains, mais aussi pour les migrants de la République dominicaine et d'Haïti, pays le plus pauvre d'Amérique latine. 

L'immigration au Chili demeure faible proportionnellement comparée à la plupart des pays développés, mais elle a quintuplé au cours des 30 dernières années, selon les statistiques du service d'immigration du gouvernement. 

Les arrivées d'Haïti ont augmenté de 144% en 2015, alors que celles du Venezuela, en récession, ont grimpé de 192%. 

Les groupes d'immigrants se plaignent d'être traités comme des boucs émissaires par des politiciens qui cherchent à gagner du terrain. 

« Ce discours est utilisé pour nous diviser et créer un sentiment de nationalisme », a déclaré l'émigrant haïtien Emmanuel Ciméus, qui dirige une organisation pour les immigrants de son pays. Ciméus dit avoir vu des gens dans les rues hurler des épithètes raciales et crier « criminels, rentrez chez vous » à ses compatriotes. 

Les politiciens doivent être plus prudents avec leurs mots, a déclaré Laurence Blair, analyste du Chili pour The Economist Intelligence Unit. Mais il a dit qu'il était «prudemment optimiste» que le pragmatisme prévaudra quand il s'agit de mettre en œuvre réellement la politique. « Nous n'allons pas voir un mur construit à la frontière avec le Pérou ou la Bolivie », a-t-il dit. « Le Chili n’imitera pas Trump à 100%. » 

jeudi 26 janvier 2017

CHILI : UN PROJET DE DÉPÉNALISATION PARTIELLE DE L’AVORTEMENT EXAMINÉ AU SÉNAT


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LA PRÉSIDENTE DU CHILI MICHELLE BACHELET LORS
D’UN DISCOURS AU SÉNAT, EN AOÛT 2015, À MEXICO.
PHOTO ALFREDO ESTRELLA 


Un projet de loi dépénalisant l’IVG, jusqu’à présent prohibée quelles que soient les circonstances, a été validé par un premier vote, qui devra être confirmé.  
DES ACTIVISTES PRO-AVORTEMENT
MANIFESTENT DEVANT LE PALAIS
PRÉSIDENTIEL À SANTIAGO,
LE 11 NOVEMBRE 2014.
PHOTO MARTIN BERNETTI
Le 13 juillet 2010, Andrea Quiroga a appris qu’elle était enceinte. Son mari et elle se sont réjouis d’avoir un deuxième enfant. Mais à la onzième semaine de sa grossesse, les médecins lui ont annoncé que le fœtus souffrait de graves malformations et qu’il allait mourir. « Ne vous inquiétez pas, lui ont-ils dit, cela ne sera pas long, il mourra dans votre ventre avant le quatrième mois. »  
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UNE MANIFESTANTE AVEC UN BANDEAU SUR LA BOUCHE LORS DE LA MARCHE POUR LA LÉGALISATION DE L’AVORTEMENT À SANTIAGO, CAPITALE DU CHILI, LE 6 MARS 2015. 

PHOTO CAMILLE RUSSO

L’avortement thérapeutique n’était pas une option : au Chili, comme dans six autres Etats – Haïti, Malte, le Nicaragua, la République dominicaine, le Salvador et la cité du Vatican –, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est prohibée quelles que soient les circonstances. Les peines vont de trois à cinq ans de prison.

Mais le fœtus d’Andrea n’est pas mort, la grossesse a suivi son cours. Et à la vingt-sixième semaine, le 13 janvier 2011, la « guagua », comme on appelle les bébés au Chili, est née, sans vie. Elle pesait 520 grammes. « On m’a soumise à une torture permanente », se souvient, révoltée, Andrea, qui a aujourd’hui 41 ans.

Menace de la droite

Un projet de loi dépénalisant l’IVG dans trois cas – quand le fœtus n’a aucune chance de survie hors de l’utérus, quand la vie de la femme enceinte est en danger et en cas de viol – a été approuvé par les députés chiliens le 17 mars 2016, après un an de débats. Mercredi 25 janvier, il a été validé au Sénat par un premier vote à 15 voix contre 10, qui devra être confirmé par un second vote. L’Union démocrate indépendante (droite) a d’ores et déjà annoncé qu’elle présenterait un recours devant le Tribunal constitutionnel si la loi passait.

En l’absence de chiffres officiels, on estime que quelque 120 000 avortements sont pratiqués tous les ans au Chili, dans la clandestinité. Après avoir pris connaissance des nombreux cas de mineures, enceintes à la suite d’un viol – 75 % des abus sexuels commis au Chili concernent des mineures, selon la police – le plus souvent par des membres de leur famille, les Nations unies ont demandé au Chili de dépénaliser l’avortement en cas de viol et d’inceste.

Dans un pays très conservateur, le principal obstacle est l’Eglise catholique, qui jouit pourtant d’une image favorable pour son rôle en faveur des droits de l’homme pendant la dictature militaire. À ses côtés, les diverses associations qui condamnent l’IVG et le considèrent comme un crime sont très actives.

Claudia Dides, présidente de Miles, une ONG qui défend les droits sexuels et reproductifs, note que « les mentalités évoluent ». Un sondage récent indique que 71 % des Chiliens sont favorables à l’IVG dans les cas mentionnés par le projet de loi. Seulement 15 % sont favorables à une libéralisation complète de l’IVG sur simple demande de la femme enceinte.

C’est pour cette liberté que se battent des mouvements plus radicaux comme le Collectif féministe autonome, dont l’une des responsables, Soledad Acevedo, défend « le droit de choisir et l’avortement légal pour toutes les femmes ». Elle souligne que « les trois cas considérés par le projet de loi ne concernent que 3 % des femmes qui avortent ». « C’est insuffisant », dit-elle, critiquant, en outre, un projet qui n’autorise l’IVG « que jusqu’à douze semaines de grossesse pour les mineures ». « Le taux de grossesses chez les adolescentes est l’un des plus élevés d’Amérique latine, et 83 % de ces jeunes filles enceintes ont été victimes d’un viol », précise Mme Acevedo.

Elle dénonce « l’hypocrisie d’une société » où les femmes sont également victimes des inégalités sociales. Celles qui en ont les moyens partent avorter à l’étranger ou sont accueillies dans des cliniques privées chiliennes, où des IVG sont pratiquées, en toute sécurité, et présentées comme des appendicites. Cela coûte quelque 5 000 dollars (4 700 euros). Les plus pauvres doivent se débrouiller autrement, s’exposant à tous les dangers qu’implique la clandestinité d’une telle pratique, menant parfois à la mort de la femme.

Cheval de bataille de Michelle Bachelet

« La linea del aborto » (« le numéro de l’avortement») réunit les femmes bénévoles qui expliquent, par téléphone, le protocole à suivre pour avorter clandestinement avec des comprimés de misoprostol. Ce médicament est utilisé pour soigner les ulcères d’estomac, mais, à une dose spécifique, il provoque une fausse couche au cours des douze premières semaines. Sa vente est interdite au Chili depuis 2009. « Nous recevons entre 10 et 15 appels par jour », révèle, à Santiago, l’une de ces bénévoles qui souhaite garder l’anonymat. « Ce que nous faisons, revendique-t-elle, est à des années-lumière de ce que font les politiciens. Nous avons sauvé des vies tandis qu’eux en sont encore à décider si l’avortement va ou non faire l’objet d’un débat. »

Paradoxalement, l’avortement thérapeutique a existé au Chili, jusqu’en 1989, dans les cas de malformation grave du fœtus et de danger pour la vie de la femme enceinte. Il a été interdit à la fin de la dictature militaire (1973-1990) par le général Augusto Pinochet. La dépénalisation de l’IVG est désormais un des grands combats de la présidente socialiste Michelle Bachelet (2006-2010 et depuis 2014), pédiatre de formation et ancienne ministre de la santé (2000-2002).


LE CHILI RAVAGÉ PAR LES FEUX DE FORÊT

Le nombre des foyers actifs a doublé pour atteindre 64 en moins de vingt-quatre heures. Trente sinistres sont sous contrôle et cinq ont été éteints, selon le dernier bilan fourni par le Bureau national des urgences (Onemi).

Les incendies frappent en particulier des localités rurales où vivent pour l'essentiel des agriculteurs et des éleveurs de bétail.

D'importantes entreprises forestières ont également été touchées, principalement dans la région de Maule, où les flammes ont ravagé 160.000 hectares, constitués pour l'essentiel de pins et d'eucalyptus.

Cette région, tout comme celle de Biobio, à 550 km au sud de Santiago, et de O'Higgins (centre) ont été placées en "état d'urgence constitutionnelle" par décrets présidentiels.

Plus de quatre mille personnes, pompiers, enquêteurs, carabiniers, militaires et civils, sont mobilisées pour venir à bout des incendies.

L'aide internationale commence à se mobiliser. Des spécialistes français et des volontaires colombiens sont arrivés jeudi au Chili.

"Nous sommes entrés en contact avec d'autres pays: l'Uruguay, l'Argentine, le Pérou, les Etats-Unis, la Suède et le Canada nous ont proposé de collaborer", a indiqué le ministre chilien des Affaires étrangères, Heraldo Munoz, qui participait au sommet de la Communuaté des Etats latino-américains et caraïbes (Celac) à Saint-Domingue, où il remplaçait la présidente Bachelet, restée au Chili en raison des incendies.

- Record de chaleur -

Un bombardier d'eau d'une capacité de plus de 73.000 litres d'eau et affrété par une fondation privée américaine a commencé jeudi sa deuxième journée de rotations pour combattre les flammes dans les zones les plus touchées.

Les conditions météorologiques restaient extrêmes jeudi dans le centre-sud de ce pays tout en longueur, coincé entre les Andes et le Pacifique.

Des vents violents continuent de souffler et les températures sont élevées, supérieures à 38 degrés, depuis plus de dix jours, autant de facteurs qui favorisent l'avancée des flammes.

Santiago a enregistré mercredi un record historique avec 37,4 degrés.

L'atmosphère de la capitale chilienne, également affectée, s'est dégradée encore en raison du nuage de fumée provoqué par les incendies.

  AFP

PATRICIO PALOMO - LE PIGEON VOYAGEUR QUI NICHE DANS LE SUD DE LA FRANCE


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PATRICIO PALOMO À SANTIAGO DU CHILI

Ça fait plus de 17 ans que cet artiste libre fait partie du panorama culturel de la petite ville de Pernes-les-Fontaines avec l’association Candela. « À travers cette association intégrée par des artistes et autres personnes sensibles à la diffusion culturelle sous toutes ses formes, nous organisons des installations, des expositions, lectures, ateliers et même défilés de costumes en plastique ou livres », précise ce chilien marié à une provençale. 
PATRICIO PALOMO
«Pour moi c’est essentiel d’être actif, à ma manière, dans la commune dans laquelle je vis. Participer à la vie sociale et culturelle, qui est mon domaine, a toujours été ma priorité ici. Dans mon pays, j’ai toujours été actif, même lorsque les droits civiques n’étaient pas respectés ».

De l’exil à la migration

PATRICIO PALOMO EXPOSE À L'UDP

Patricio Palomo né il y a plus de soixante dix ans à Santiago du Chili, a tout d’abord travaillé en art thérapie à l’hôpital psychiatrique de la capitale chilienne. Ensuite, c’est dans le graphisme et le milieu de la presse qu’il s’est professionnellement développé. Puis il y eut un 11 septembre douloureux pour beaucoup de chiliens : le coup d’État du général Pinochet en 1973. Un premier exil : Buenos Aires, un deuxième : México, ensuite un retour au pays (1984) pour lutter contre la dictature. «  Là j’ai travaillé en tant que graphiste et dessinateur humoristique dans des revues qui militaient pour le retour à la  démocratie ». C’est dans la revue Cauce qu’il a d’abord publié sous le pseudonyme de Bartolo des caricatures soulignant les aberrations de la dictature.

UN TRAVAIL DE MÉMOIRE
ÉTUDIANT FACE AU PASSÉ
Et c’est justement ces dessins humoristiques, ainsi que d’autres imprimés dans Humor de Hoy el le journal La Epoca, que l’Université Diego Portales de Santiago du Chili a exposés au mois de novembre dernier. En invitant Patricio Palomo, la journaliste et professeure Alejandra Matus de l’UDP, voulaient que ses étudiants réfléchissent au rôle joué par des médias d’opposition lors de cette période sombre de leur histoire. « Il fallait jongler pour détourner la censure. Il y eut des moments difficiles, d’état de siège et couvre feu, où les revues devaient circuler de façon clandestine en photocopie. D’autres moments, où les photos étaient interdites », se souvient Patricio Palomo  qui a légué tout ce matériel de Bartolo au Musée de la Mémoire. « C’est important pour moi de laisser des traces de cette période afin qu’il n’y ait pas d’oubli », assure ce dessinateur qui continue à réagir à l’actualité nationale et internationale en publiant, via les réseaux sociaux, des dessins grinçants non plus sous le pseudonyme de Bartolo mais sous celui de patopalomo.

Patopalomo, entre la France et le Chili



UNE EXPO TOURNÉ AUSSI SUR LE FUTUR 
Devenu avec le temps artiste libre, patopalomo a aussi travaillé en France avec des  handicapés, des petits et des grands. Aujourd’hui, son univers très coloré, plein de poésie et d’humour ne passe pas inaperçu. C’est à  La Casa del Sol du quartier Bellavista, que les chiliens ont pu apprécier une infime partie de sa peinture dont vous pouvez avoir un aperçu sur patopalomo.odexpo.com.

Par ailleurs, le muraliste, Mono (Alejandro) Gonzalez, l’a aussi invité à participer aux expositions collectives de sa galerie ouverte dans le quartier populaire du Persa Bio Bio. Une manière pour lui d’avoir un pied ici et là-bas, dans son pays natal !



BIENVENUE DANS L’ÈRE DU CAÏDAT


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#CROISONSLES DE DONALD TRUMP ET NICOLAS SARKOZY
PAR GUILLAUMETC (GUILLAUMETC)


Une fois la clameur chassée par d’autres révélations, il est temps de revenir sur le florilège des petites phrases de Nicolas Sarkozy, rapportées par son ancien conseiller Patrick Buisson, dans un livre, « La Cause du peuple ». Non pas tant pour ce qu’elles nous apprennent sur l’ancien président, ou même sur la politique française, que sur la politique en général, à la veille de l’investiture de Donald Trump.
par Alain Garrigou

#CROISONSLES  NICOLAS SARKOZY
RENCONTRE VLADIMIR POUTINE
 
ces jugements n’auront choqué que les profanes qui ignorent ou préfèrent ignorer la brutalité des personnages. Laquelle est simplement portée à un plus haut degré par certains. Celle de Nicolas Sarkozy était un secret de polichinelle. On saura gré à cet égard à Patrick Buisson de l’avoir révélée avec tant de véracité — en l’occurrence grâce à des enregistrements volés — que nul n’a osé les contester comme cela se fait facilement d’habitude, dans cet univers où l’on ment en toute décontraction.

Chacun a eu son compte : Jacques Chirac, président en retraite et inoffensif — « Il aura été le plus détestable de tous les présidents de la Ve. Franchement, je n’ai jamais vu un type aussi corrompu (…) J’ai rarement rencontré quelqu’un d’aussi méchant et avide » — François Fillon, premier ministre méprisé et ressuscité — « Pauvre type, minable… Tant qu’il y est, il n’a qu’à venir mercredi au Conseil des ministres en babouches et avec un tapis de prière ! », — François Baroin, ex-futur premier ministre — « Je l’ai acheté à la baisse. Trop cher, je te le concède, pour un second rôle », — Xavier Bertrand — « C’est un méchant. Dix ans à essayer de placer des assurances en Picardie, dix ans à taper aux portes et à se prendre des râteaux, ça a de quoi vous rendre méchant pour le restant de vos jours. C’est d’ailleurs pour ça que je l’avais choisi », — ou encore Christian Estrosi — « Cet abruti (…) qui a une noisette dans la tête ». Ces amabilités visent les camarades de parti, les membres de sa « famille » comme ils disent. Et encore, est-on rassuré par le sycophante qui aurait pu rapporter pire : « J’ai purgé mes verbatims des propos diffamatoires, triviaux, auxquels peut parvenir Nicolas Sarkozy. Par respect pour la fonction présidentielle, je n’ai pas restitué la totalité des choses, qui est au-delà de tout ce qu’on peut imaginer » (Europe 1, 30 septembre 2016).

Faisons confiance aux commentateurs pour « psychologiser » la méchanceté après avoir souvent couvert d’un silence pudique les excès sémantiques. Quitte à manquer une nouvelle fois ce qui fait l’intérêt des propos off the record. « On le sait déjà », « pas si grave », « banal » : la méchanceté ou au mieux, la cruauté, ne serait que l’ordinaire des joutes politiques même si toutes ne sont pas également violentes. Pourtant, les « dérapages » de Nicolas Sarkozy sont bien plus révélateurs que les discours policés. Encore faut-il savoir les lire. Les flèches visent tout le monde mais plus particulièrement les alliés et amis politiques : Chirac « corrompu », Fillon « pauvre type », Xavier Bertrand « méchant », Christian Estrosi « abruti », Larcher « trop laid ». Ils s’adresseraient aux adversaires que l’on pourrait souligner l’intensité des inimitiés entre adversaires mais M. Sarkozy ne fut jamais plus dur qu’avec ses soutiens. On se demande comment ces derniers ont « encaissé ». Ils n’ont rien dit. Le pouvoir vaut bien qu’on avale quelques couleuvres, que l’on supporte le mépris. Après tout, la vérité n’est pas l’objectif. Ces confidences ont l’avantage de mettre les rieurs de son côté. En les inquiétant peut-être un peu sur le traitement qui leur est réservé en aparté. Un doute salutaire qui devrait convaincre de se tenir soi-même à carreau. Une époque révolue dont on pourrait se consoler, si le « caïdat » n’était un phénomène beaucoup plus large, mondial et assumé.

Aujourd’hui ailleurs

QUATRE JEUNES MEMBRES FEMEN ONT BRIÈVEMENT PERTURBÉ 
 LA VISITE OFFICIELLE DE VLADIMIR POUTINE À LA FOIRE
 DE HANOVRE EN ALLEMAGNELE MOIS D'AVRIL 2013


Le personnage du caïd a fait florès un peu partout (1). Au point de laisser interloqués des observateurs qui n’en pouvaient mais. Passe encore qu’une Russie toujours mal remise d’une longue histoire violente consacre un ancien membre des services de renseignements comme Vladimir Poutine. On ne compte plus ses déclarations viriles mettant en cause les féministes comme les Femen qui avaient osé s’exhiber devant lui — « Je n’avais pas eu le temps de prendre mon petit déjeuner. J’aurais préféré qu’elles me montrent du saucisson ou du lard au lieu de leurs attributs. Dieu merci, les homosexuels n’ont pas eu l’idée de faire pareil » (avril 2013) — ou sur les islamistes — « Si vous êtes prêt à devenir le plus radical des islamistes, et que vous êtes prêt à vous faire circoncire, je vous invite à Moscou. Je recommanderai qu’on fasse l’opération de telle manière que plus rien ne repousse » (novembre 2002). Imputerait-on aux mêmes raisons culturelles le sacre d’un autre caïd à la tête des États-Unis ?!

Encore faudrait-il qu’il y ait continuité des présidents. Or Donald Trump a émaillé la campagne électorale présidentielle américaine de tant d’énormités, de tant de vulgarités qu’il a réussi à fâcher une bonne partie de son propre camp et à persuader toute la presse que décidément, un homme aussi outrancier, mal appris et brutal, ne pouvait être élu. Quoique récentes, il faut rappeler quelques-un de ses propos, comme un exercice de salubrité publique face à l’amnésie :

• Sur l’immigration : « Quand le Mexique nous envoie ces gens, ils n’envoient pas les meilleurs d’entre eux. Ils apportent des drogues. Ils apportent le crime. Ce sont des violeurs. » 
• À une journaliste pugnace : « On pouvait voir du sang sortir de ses yeux, du sang sortir de son… où que ce soit ».
• Et à propos de son adversaire : « Comment peut-elle satisfaire son pays si elle ne satisfait pas son mari ? »

Donald Trump a mis en lumière un trait moins éclatant de la société américaine, mais peut-être plus fondamental, tant il semble par moment tout conditionner : le culte de l’argent, celui qu’on a et qui permet d’afficher une assurance confinant à la morgue — si l’on est riche c’est parce qu’on fait partie des vainqueurs, et qu’on a forcément raison. Ce n’est pas tout à fait nouveau, mais Silvio Berlusconi tempérait ses rodomontades d’humour. Rien de tel dans le compliment adressé à Donald Trump par Vladimir Poutine : « Le fait qu’il a réussi dans les affaires montre que c’est une personne intelligente ». Quant aux dirigeants russes, l’opacité est telle que, malgré les liens étroits avec les oligarques rapidement enrichis, il est convenable et prudent de ne pas trop s’interroger sur les flux d’argent et les propriétés achetées dans les endroits les plus huppés de la planète (où la politique prend des airs people). Les caïds forment alors la partie la plus visible de cette classe « rapace » dont parlait Thorstein Veblen.

Si l’on n’était pas d’emblée sensible à l’affinité des caïds, ceux-ci se chargent de la rappeler au travers des compliments réciproques qu’ils s’échangent, par exemple lorsque Donald Trump et Vladimir Poutine reconnaissent réciproquement leur intelligence, le compliment pouvant même aller jusqu’au paradoxe — « Je dirais que Poutine est un homme plus sympathique que moi » —, à charge de revanche. Les affinités électives des caïds dépassent donc les rites diplomatiques pour afficher des solidarités comme le fit Vladimir Poutine à l’égard de Silvio Berlusconi dans un temps où celui-ci était critiqué pour des mœurs légères qu’il ne cachait pas : « On juge Berlusconi parce qu’il vit avec des femmes. S’il était homosexuel, personne ne s’en prendrait à lui ». À l’inverse l’univers machiste ne saurait exclure les affrontements de caïds.

Quoiqu’elle ait été démentie, on croira volontiers la version d’une rencontre Poutine-Sarkozy ayant mal tournée, significative de cette diplomatie de sommet qui a tourné à la relation personnalisée, pour ne pas dire de copinage. M. Sarkozy fut manifestement dépassé par la réaction brutale de M. Poutine, qui lui demanda froidement s’il en avait fini, avant un silence, suivi du rappel que la Russie était un grand pays et la France un petit pays, geste à l’appui, qu’il avait donc les moyens de l’écraser. S’il était gentil, par contre, il pouvait faire de lui le roi de l’Europe. Un Nicolas Sarkozy si choqué que sa conférence de presse a donné à croire qu’il avait trop bu de vodka, alors qu’il n’était qu’un boxeur sonné. Ainsi vont les caïds,toujours menacés de trouver plus brutaux qu’eux. En l’occurrence, l’ancien des services secrets froid et brutal de la Fédération de Russie a l’ascendant sur le politicien d’une banlieue parisienne chic, où les normes de la vie politique empruntent encore à la sociabilité civilisée des salons.
La multiplication des leaders virils pour paraître forts trouve deux interprétations possibles : elle peut être jugée consubstantielle à la nature de la politique, ou bien considérée comme le symptôme d’une montée en violence dans un temps où s’accumulent les tensions internes et internationales.
« Quand quelqu’un vous attaque, ripostez, recommandait le candidat Sarkozy. Soyez brutal, soyez féroce ». Une leçon de vie. Tout n’est pas en effet question de discours mais d’actes. Il est rare que les caïds manient eux-mêmes la violence ou l’avouent. Il faut ce cas exceptionnel d’un homme comme le président philippin Rodrigo Duterte pour avouer avoir commis personnellement des exécutions sommaires, pour encourager publiquement des escadrons de la mort dans sa lutte contre le trafic de drogue, ou pour proférer des insultes à l’encontre de puissances étrangères ou de chefs d’État. Sans aucun respect pour la puissance dominante avec son président traité de « fils de p… » ou une puissance morale, le pape, elle aussi mal traitée, doigt d’honneur à l’appui. Quant à l’Union européenne, il lui a enjoint d’aller « se faire foutre » en accompagnant l’injonction du même geste. Et comme dans une surenchère provocatrice, de mêler éloge du crime et virilisme à propos d’un viol collectif : « Ils ont violé toutes les femmes (…) Il y avait cette missionnaire australienne (…) J’ai vu son visage et je me suis dit, putain, quel dommage. Ils l’ont violée, ils ont tous attendu leur tour. J’étais en colère qu’ils l’aient violée mais elle était si belle. Je me suis dit, le maire aurait dû passer en premier ». On se prend à douter de la santé mentale d’un homme politique dont le crédit, au moins dans l’arène internationale, diminue forcément, et à se poser des questions quant aux effets internes de tels excès, sinon souhaiter des réponses judiciaires.

La violence expressive des caïds n’en suggère pas moins des prolongements cohérents dans l’action politique, envers les opposants ou envers les autres États, mais aussi dans les manières cavalières de traiter les problèmes par des déclarations volontaristes et péremptoires, en niant la complexité des problèmes et de déclamer leur résolution par la détermination et l’accusation. La posture évite de se poser de coûteuses questions et de formuler d’inaccessibles réponses. Quand il faut évoquer des questions aussi sérieuses que les problèmes de santé, le virilisme consiste à exhiber la plus grossière ignorance — à quoi bon étudier, s’informer, réfléchir, quand il est plus facile de jeter à l’emporte-pièce selon les plus simples schémas paranoïaques que Donald Trump a exhibé dans sa campagne électorale ? « Le concept de réchauffement climatique a été créé par et pour les Chinois dans le but de rendre l’industrie américaine non-compétitive. » Ou encore : « On m’a apporté la preuve que j’ai raison sur les vaccinations massives : les médecins ont menti. Sauvez vos enfants et leur futur. »

Le régime du caïdat

Le régime du caïdat concerne trop d’États pour ne pas s’interroger sur la manière dont l’autorité opère en quelque sorte « à l’ancienne » : une forme d’intimidation ordinaire où le chef se fait respecter par des saillies assassines, des colères et des outrances. En politique, ce n’est pas la force physique mais une autre menace, celle qui fait croire qu’on est prêt à passer à l’acte. Il y faut la méchanceté, cette capacité à blesser par les mots en choisissant les points les plus sensibles : la beauté et l’intelligence par exemple. D’autant plus grande qu’elle s’adresse à ceux qui s’y attendent le moins : les proches. Les adversaires ? Moins accessibles en principe, ils peuvent faire l’objet de menaces, comme la promesse de la prison à la candidate Hillary Clinton, ou celle du chômage à des journalistes pas assez connivents. A moins qu’au contraire, le caïd n’étonne en leur trouvant des qualités. Manière de rabaisser les proches. On peut se demander si l’exemple des caïds n’en impose pas aux leaders moins portés à s’afficher sous cet angle, de peur de paraître faibles en comparaison. Ainsi un chef d’État aux antipodes, par la morale mais aussi par l’hexis corporelle, n’est-il pas plus enclin à des affirmations ou des actions martiales parce qu’il faut aussi montrer, voire se convaincre, qu’on est soi-même capable de fermeté ?

La multiplication des leaders virils pour paraître forts — auxquels on aurait pu ajouter MM. Benyamin Netanyahou en Israël, Recep Tayyip Erdoğan en Turquie, Viktor Orbán en Hongrie et d’autres encore —, trouve deux interprétations possibles : elle peut être jugée consubstantielle à la nature de la politique — lieu de violence plus ou moins limitée ou refoulée —, dont elle dévoilerait alors la vérité, ou bien considérée comme un symptôme d’une montée en violence dans un temps où s’accumulent les tensions internes et internationales. Dans tous les cas, on ne saurait oublier que ces leaders ne sont pas arrivés au pouvoir au terme de luttes violentes comme elles se réglaient en d’autres temps — le pouvoir du conquérant ou du plus fort ayant éliminé physiquement ses concurrents — mais au terme de luttes électorales. Et donc ce sont des électeurs qui se sont ralliés en plus grand nombre aux vainqueurs. En somme, beaucoup de gens se reconnaissent dans ce style de leaders, riches, vulgaires, rudes, sexistes, xénophobes, homophobes, dont ils approuvent les postures brutales et les déclarations stupides. À moins qu’ils préfèrent les ignorer parce qu’ils n’en sont pas suffisamment dérangés. Dérangeant.


(1) Lire Serge Halimi, « Des hommes à poigne », Le Monde diplomatique, février 2016.