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mercredi 30 décembre 2015

CHILI : UNE BALEINE ÉCHOUÉE SUR UNE PLAGE SECOURUE PAR DES PÊCHEURS ET DES BAIGNEURS

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 BALEINE ÉCHOUÉE SUR UNE PLAGE SECOURUE.
PHOTO ATON
Trois heures d'effort pour qu'elle retrouve la liberté

Sous les yeux de la foule, massée sur la plage, plusieurs pêcheurs chiliens ont déployé un filet sous l'animal, avec l'aide de membres de l'armée chilienne, précise le quotidien Publimetro (en espagnol). Grâce à ce filet, les pêcheurs ont pu tracter le mamifère vers le large. Après plus de trois heures d'effort, la baleine bleue a finalement été relâchée en eaux profondes. Elle a eu plus de chance que certaines de ses congénères. Début décembre, toujours au Chili, 337 cadavres de baleines échouées ont été trouvés dans un fjord isolé au sud du pays. 





lundi 28 décembre 2015

LES MACCABIADES DÉMARRENT AUJOURD’HUI AU CHILI

La treizième édition de l’événement multi-sport international a débuté à Santiago aujourd’hui et continuera jusqu’au 4 janvier 2016.

ARRIVÉ DE LA DÉLÉGATION CUBAINEAUX MACCABIADES AU CHILI 
Les participants viennent d’Amérique du Sud, d’Amérique centrale et d’Amérique du Nord.

Des athlètes d’Israël et de pays tels que l’Australie et l’Afrique du Sud ont également été invités.

Organisées tous les quatre ans, les maccabiades panaméricaines sont organisées pour « perpétuer et préserver les communautés juives dans les Amériques en encourageant la fierté juive, le renforcement des liens juifs, et en créant une prise de conscience au sujet d’Israël et de l’identité juive».

Les délégations latino-américaines pour l’année 2015 viennent d’Argentine, de la Bolivie, du Brésil, du Chili, du Guatemala, du Costa Rica, de la Colombie, de Cuba, de l’Equateur, du Mexique, du Panama, du Paraguay, du Pérou, du Venezuela et de l’Uruguay.

La dernière édition des maccabiades panaméricaines a eu lieu à Sao Paulo, au Brésil en 2011.

samedi 26 décembre 2015

PRÉHISTOIRE ET PREMIERS PAS DE LA PSYCHANALYSE AU CHILI

Résumé

Les auteurs exposent une étude concernant l’histoire de la psychanalyse au Chili, avant son institutionnalisation. Ils reprennent des références relatives à ce qui fut l’application du traitement moral au Chili au milieu du xixème siècle, ainsi que d’autres conceptualisations inédites issues de la clinique chilienne de cette époque. Par ailleurs, ils présentent l’expérience de Fernando Allende-Navarro, premier psychanalyste chilien, et du premier travail psychanalytique exposé en Amérique latine par Germán Greve, en 1910. A travers cet article, ils commencent par situer de façon chronologique des approches qui n’ont pas toujours été considérées par l’histoire de la Psychanalyse, mais qui trouvent ici une juste place, dans une référence à une préhistoire de la discipline.

par Léonardo Arrieta
Psychologue clinicien au CMPE de Saint Cyr l’École, Psychanalyste,Membre fondateur de la Libre Association Freudienne 37 bd St Michel 75005 Paris

et Léon Gomberoff
Psychologue clinicien ATER de l’UFR-SHC à l’Université Paris 7 58 rue Letellier75015 Paris

PORTRAIT DE SIGMUND FREUD
Étant partis de l’idée d’exposer les moments inauguraux de la psychanalyse au Chili, nous avons remonté le temps jusqu’à trouver des traces de pratiques «psychiques» en psychopathologie au XIXe siècle. En suivant ce que Gladys Swain commence à développer en 1975 lorsqu’elle resitue l’existence du traitement moral comme étant une «cure psychique» [1][1] Gladys Swain, Le sujet de la folie. Naissance de la..., nous avons souhaité reprendre des données issues d’une telle approche pour montrer quelques points spécifiques en rapport aux conceptions et pratiques touchant à la folie dans ce pays.

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Dans la mesure du possible, nous avons cherché à exposer ces données en rapport aux discours auxquels elles se trouvent confrontées. Une analyse croisée des discours, à partir de laquelle nous retrouvons les points conflictuels présents dans l’histoire de la psychanalyse au Chili, nous permettra d’avancer une lecture des idées qui pouvaient se cristalliser avant même qu’une institutionnalisation de la discipline ne prenne corps.

Une maison pour la folie

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Avec la fondation, en 1852, de la « Casa de Orates de Nuestra Señora de los Angeles » (Maison des fous) de Santiago du Chili, commence la période moderne dans le traitement de la folie dans ce pays. Cette forme de réclusion asilaire s’organise à partir d’un mélange entre des motivations philanthropiques d’assistance et bienveillance, et une nécessité de réclusion vis-à-vis d’individus qui perturbent l’ordre social. Sous l’initiative de Francisco Angel Ramirez se forme alors une institution dirigée par une Assemblée Administrative constituée de notables des classes aisées, qui s’engagent dans des tâches de charité publique. Autour d’une telle institution se déploient des débats sur les principaux développements théoriques européens de l’époque ayant trait à la discipline. C’est une période où, par-delà un débat permanent avec les groupes ecclésiastiques et philosophiques et des conflits avec l’administration des asiles, la médecine des aliénistes européens contemple deux grands courants qui s’opposent. Globalement, on distingue ceux qui suivent les approches médicales, qui prônent la méthode anatomopathologique, s’efforçant de développer une image associative et unifiée de la psychiatrie, et ceux qui adhérent aux éléments médico-philosophiques moraux, spécifiques au traitement de la folie, souvent traités de « psychistes » et d’être associés aux pratiques religieuses par leurs adversaires.


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 « CASA DE ORATES DE NUESTRA SEÑORA DE LOS ANGELES » 
 PLAN DE LA MAISON DES FOUS DE SANTIAGO DU CHILI

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Les premiers responsables de la Casa de Orates, les Dr Ramon Elguero, Augusto Orrego Luco, Williams Benham et Carlos Sazié, font directement référence au traitement moral dans les prises en charge qu’ils mettent en place au niveau asilaire. Chacun d’entre eux se positionne au sujet de la folie, nous permettant de nous faire une idée des éléments que le traitement moral recouvre à cette période, de la transmission dont jouissent les vues morales (de nos jours reconnues comme étant d’ordre psychique) et de comment elles s’associent, au Chili, à des vues spécifiques concernant ces pathologies et leur traitement.

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Au début des prises en charges institutionnalisées, on sait que la Casa de Orates de Santiago est administrée par une Assemblée où siègent des aristocrates chiliens. Après un court temps d’exercice, les gestes de charité s’avèrent n’être pas suffisants pour combler le manque de moyens et de personnel qualifié. Dans les actes de l’Assemblée Administrative de la Casa de Orates, Diego Antonio Barros, président de l’Assemblée, dénonce l’état misérable auquel se trouve réduite l’institution [2][2] Actas de la Junta Directiva de la Casa de Orates, Valparaiso,.... Quelques années plus tard, le prêtre Ugarte, après un court passage par la direction de la maison, dénonce, en 1854, comment les malades se trouvent «entassés tels que d’immondes porcs dans un recoin de la République, et dans des conditions encore plus déplorables que les plus infâmes criminels» [3][3] Rapporté par Enrique Laval, El Manicomio Nacional,.... C’est à partir d’une telle réalité que le Congrès National adopte un Projet de loi pour débloquer des fonds pour un hôpital d’aliénés, et qu’il est établi qu’un médecin doit participer au travail de cette Maison. Ainsi, cette même année 1854, le docteur français Laurent (Lorenzo) Sazié assume ses fonctions dans la Casa de Orates de Santiago du Chili. Ce Docteur partage le temps qu’il consacre à la Casa de Orates avec des tâches académiques. Il est professeur d’anatomie et Doyen de la Faculté de Médecine de l’Université du Chili. Toutefois, au-delà de ces illustres références, nous n’avons point d’information qui puisse attester d’une formation comme médecin aliéniste.

LES DÉMONS ET LA MÉDICALISATION DE LA PSYCHOPATHOLOGIE

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ILLUSTRATION 
À cette même période, une controverse très intéressante a lieu [4][4] Le psychanalyste chilien Mario Gomberoff a situé cette.... Il s’agit d’un débat autour d’une patiente : Carmen Marín surnommée «la démoniaque de Santiago» [5][5] Les détails de ce débat, réunissant l’ensemble des.... Cette malade souffre d’attaques avec convulsions, fait des tentatives de suicide, s’adonne impulsivement à des danses érotiques, etc. Les récits de l’époque affirment que les crises arrivent au terme seulement lorsqu’un prêtre lui lit le verset : « Et le Verbe fut chair / Et il a habité parmi nous » de l’évangile de Saint-Jean. La patiente se dit possédée par le diable, idée confirmée par le clergé, mais aussi par quelques médecins. Ce cas est motif d’un certain nombre d’écrits, dont celui du Docteur Manuel Antonio Carmona (en septembre 1857). Dans son travail, le Dr Carmona oppose les vues médicales aux vues religieuses, avançant des hypothèses cliniques. Dans son rapport sur Carmen Marin, il écrit : «il s’agit d’une altération primitive chronique, sui generis, des ovaires, avec le nom d’hystérie confirmée. Convulsive et en troisième degré. Carmen Marin n’est pas possédée ni dépossédée du démon» [6][6] Manuel Antono Carmona (1857) in Armando Roa, Demonio.... Ce médecin chilien établit dans son rapport un lien entre les aspects cliniques qu’il observe et la biographie de la patiente. Il lie le fait de la guérison par le moyen de l’évangile de Saint-Jean avec la relation amoureuse de la patiente avec un nommé Jean : «Telle coïncidence serait sans doute répugnante à la morale, écrit-il, cependant elle est jugée utile à la raison médicale. Le nom Jean peut être pour Carmen Marin une excitante illusion au milieu d’un délire libidinal» [7][7] Ibid., p. 245.. L’argumentation du Dr Carmona est rapportée à des auteurs qui reprennent le concept d’hystérie d’Hippocrate et Aretaeus de Cappadocia : où l’hystérie serait attribuable à l’influence de l’utérus sur le cerveau : «Ceux qui voient en Carmen Marin une diabolique, doivent savoir que l’utérus est l’unique vrai démon dans ce cas» [8][8] Ibid., p. 281..

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L’analyse du Dr Carmona a trouvé des opposants dans les lignes des médecins et des personnalités religieuses de l’époque. Il raconte comment ses observations et analyses sont mésestimées par Laurent Sazié. A son égard, il écrit : «il m’a répondu qu’il n’y avait là aucune preuve, que, quant à lui, il l’amènerait à l’hôpital des fous, lui mettrai des chaînes et la rendrait guérie en quinze jours». Carmona finit par dire : «Si mes suppositions puissent blesser quelqu’un, il faut blâmer celui qui les a provoquées. Il était indispensable de revendiquer, par tous les moyens, la science médicale, sérieusement injuriée au Chili» [9][9] Ibid.

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En effet, les vues de Carmona sont bien trop subversives pour cette époque. Elles contrastent avec des méthodes coercitives et des vues superstitieuses existantes à cette date.

LE TRAITEMENT MORAL AU CHILI

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JOSÉ RAMON ELGUERO 
Au niveau institutionnel, on doit attendre l’année 1860 pour entendre parler de conceptions et pratiques « morales » au sein de l’asile. La venue du Dr Ramon Elguero à la Casa de Orates à cette date signe l’arrivée des idées médico-philosophiques à l’asile de Santiago. Professeur de latin et futur titulaire du cours de Maladies Mentales, Elguero est un grand connaisseur de la médecine aliéniste européenne. En reprenant les controverses existantes de l’autre côté de l’Atlantique, il écrit : «certains aliénistes prétendent qu’il faut seulement considérer les symptômes de la folie, tandis que d’autres donnent une plus grande valeur aux causes proches ou récentes de la folie». Pour ajouter plus loin, «devant choisir entre elles pour donner cours à mon travail, j’accepte la classification qui a pour soubassement les caractères symptomatiques, malgré les multiples difficultés qu’elle offre dans son application» [10][10] Rapporté par Enrique Escobar, José Ramon Elguero del.... Au sujet du traitement, il dit ne pas adhérer à une idée préétablie ni exclure une façon ou une autre de traiter les malades. Il assemble ainsi des méthodes physiques à ce qu’il appelle des «médications rationnelles», en soutenant que c’est dans l’association de ces pratiques que l’on trouve les meilleurs résultats. Nonobstant, on sait que celui-ci soutient que, de tous les traitements employés, «le premier et principal est le traitement moral, étant donné que, dans certains cas, c’est le seul qui conduit à des résultats efficaces et impossibles d’accès avec une méthode purement pharmaceutique» [11][11] Ramon Elguero, Informe del médico de las Casas de Orates.... En effet, Elguero cherche, avant tout, à inculquer de nouvelles habitudes qui permettent au malade d’arriver à s’intégrer à la société, concevant ses patients comme des grands enfants qui doivent apprendre à mieux se conduire dans la vie sociale, remplaçant les habitudes qui les ont menés vers la folie. Ainsi, il parle de comment doit agir «l’ascendant moral du médecin et des personnes chargées de la surveillance des aliénés» [12][12] Ibid. p. 185.. Pour lui, le traitement moral inclut la persuasion, la discipline, la séparation de la famille, la contention, les bains, le régime alimentaire, etc., qu’il associe directement aux travaux que les aliénés peuvent réaliser. En dehors du traitement moral, cet auteur parle du travail comme le « moyen le plus efficace dans le traitement de la folie ». Ce qui est pour lui vrai, chaque fois qu’on arrive à respecter les conditions suivantes : « que jamais le patient ne soit soumis à un exercice qui surenchère ses forces, que celui-ci soit en rapport à sa constitution et ses habitudes, qu’il ne soit pas obtenu par la peur, mais, plutôt, qu’on laisse à l’individu le désirer. Pratiqué ainsi, il donne d’heureux résultats » [13][13] Ibid., p. 186..

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Elguero, tout en soulignant l’importance première du traitement moral associé au travail, fait part d’une pratique où prennent aussi leur place la saignée, les purgatifs, les bains et des médicaments tels que la belladone, l’opium et le haschich, entre autres. Représentant de la médecine chilienne, professeur du cours des Maladies Mentales à l’Université, il ne peut pas délaisser les vues médicales en vogue. Ainsi, cet homme de science, lecteur des œuvres antiques en latin, défend souvent des vues médico-philosophiques sans prendre une position catégorique.

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AUGUSTO ORREGO LUCO
Les successeurs du Dr Elguero, Augusto Orrego Luco et Carlos Sazié, vont se prononcer à leur tour sur le traitement moral des aliénés. Seulement, déjà dans le dernier quart du siècle, cette approche psychique de la folie est fortement dénaturée, estimée comme secondaire par rapport à la méthode anatomo-clinique. Tel qu’il arrive en Europe, le traitement moral est réduit à une sorte de rééducation, où le malade est confronté à des méthodes disciplinaires associées au travail et à des espaces de divertissement. Orrego Luco, élève de Charcot à Paris, qui assume la direction de l’asile pendant une très courte période, entre 1874 et 1875, restitue quelques éléments de ce traitement. Tout en étant le principal représentant de la méthode anatomo-clinique de la psychiatrie chilienne, professeur des maladies nerveuses et mentales, consacré fondamentalement à la Neurologie, il explique que l’isolement «n’est pas une séquestration, ce n’est pas l’enfermement dans un cachot. La science ne l’a jamais compris ainsi. C’est la séparation de la famille, l’éloignement des témoins de leurs premiers désordres. C’est, permettez-moi l’expression, un changement d’atmosphère morale, un changement dans l’élévation des idées, au niveau du cercle qui entoure le malade» [14][14] Augusto Orrego Luco, Los asilos de los enajenados in....

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CARLOS SAZIÉ HEREDIA
Pour sa part, Carlos Sazié insiste avant tout sur le travail convenablement organisé et la distraction des malades. Et tout en défendant l’idée d’une création d’ateliers divers et de travaux adaptés, il cite des auteurs français qui s’opposent directement aux approches morales existantes à cette époque en Europe. A ce sujet, nous retenons un passage de Ferrus rapporté par Sazié, où l’on peut lire : «ce ne sont pas les discours, les sermons, les preuves morales contre la réalité de leurs maux, de leurs tourments, de leurs peurs, de leurs superstitions, qui est nécessaire aux aliénés ; tout ça, ordinairement, est inutile ou pernicieux. Physiquement, il est nécessaire d’activer l’action du reste des organes en procurant du repos au cerveau» [15][15] Carlos Sazié, Influencia del trabajo i de las distractiones....

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C’est le médecin anglais Williams Benham qui reprend les vues morales dans le traitement de l’aliénation, lorsqu’il prend la responsabilité de la Casa de Orates en 1875. Spécialiste en maladies mentales, Benham souligne l’importance du traitement moral et du travail dans la réhabilitation des aliénés. Pour établir un diagnostic et entamer rapidement une cure visant la récupération du malade, il établit un registre pour chaque patient, dans lequel figure l’histoire de l’éclosion de la maladie, son extension temporelle, les antécédents héréditaires, les possibles causes du mal et les symptômes qu’il présente [16][16] Williams Benham, Informe pasado al Ministerio del Interior....

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Il nous semble d’intérêt de pouvoir constater comment ces travaux peuvent être situés en rapport aux enjeux qui dominent la scène européenne. C’est à partir d’une telle controverse que des médecins chiliens commencent à fournir des observations concernant leurs malades, isolant les causes qui les ont fait sombrer dans la folie, se prononçant parfois sur les moyens de guérison qu’ils emploient. Ces éléments concrets, que nous retrouvons au sein des recueils historiques, peuvent être conçus, sur plusieurs points, comme précurseurs à la théorisation et la pratique de la psychanalyse. Ils peuvent être situés comme étant des approches psychiques, rompant avec la représentation d’une organicité de la folie,

LES DÉBUTS DE LA PSYCHANALYSE AU CHILI


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CONGRÈS INTERAMÉRICAIN DE MÉDECINE ET HYGIÈNE DE BUENOS AIRES
DANS LA PHOTOGRAPHIE, ASSIS, LE DEUXIÈME DE (GAUCHE À DROITE) EST GERMÁN GREVE SCHLEGEL.
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Concernant maintenant les premières incursions de la psychanalyse au Chili, il nous faut remonter à l’année 1910 pour retrouver le premier exposé d’un chilien relatif à la psychanalyse. En mai de cette année, Germán Greve présente, dans la section neurologique du Congrès Interaméricain de Médecine et Hygiène de Buenos Aires, le premier travail psychanalytique latino-américain. Cet exposé s’intitule «Sur la psychologie et la psychothérapie de certains états anxieux», et apparaît souvent cité dans les traités historiques concernant la psychanalyse latino-américaine. L’article a le mérite d’avoir été synthétisé par Freud lui-même dans la Zentralblatt fur Psychoanalyse, de 1911 [17][17] Sigmund Freud (1911), Compte rendu de la communication.... Un tel travail a du être très significatif pour l’inventeur de la psychanalyse, lequel lui consacre aussi quelques lignes dans sa «Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique» où il en parle dans les termes suivants : «Un médecin du Chili (vraisemblablement allemand) intervint au Congrès international de Buenos Aires de 1910 en faveur de l’existence de la sexualité infantile et fit l’éloge des succès de la thérapie psychanalytique dans les symptômes de contrainte» [18][18] Sigmund Freud (1914), Contribution à l’histoire du....

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GERMÁN GREVE SCHLEGE À BERLIN
À vrai dire, Germán Greve n’était pas allemand, mais chilien. Il est né à Valparaiso en 1869, fait ses études de Médecine et Pharmacie au Chili, et voyage en Allemagne en 1893, où il se spécialise en maladies mentales et nerveuses. De retour au pays, il remplit les fonctions de criminologue et travaille comme psychiatre et neurologue. En rapport à son travail, Freud parle plus spécialement du cas d’une cure spécifique ; il écrit : «il a réussi en deux entretiens confidentiels qui, ensemble, ne faisaient même pas une heure, à éliminer des idées de contrainte qui avaient obstinément résisté à tout autre traitements» [19][19] Sigmund Freud (1911), Compte rendu de la communication.... Un autre point relevé par Freud est la valeur donnée par Greve au rétablissement de la relation du sujet à la vie quotidienne et au travail, par-dessus la suppression des symptômes : «L’application d’un traitement analytique, fût-il incomplet, suffit dans un grand nombre de cas à obtenir une notable amélioration de l’état général psychique, si bien que les malades retrouvent leur capacité d’agir, même si les symptômes doivent encore persister avec une intensité réduite» [20][20] Ibid., p. 91..

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En dehors de l’intérêt démontré par Freud dans l’œuvre de Greve, le travail de ce dernier ne semble pas avoir été très bien reçu dans le milieu scientifique latino-américain. Déjà, dans sa présentation en Argentine, il reçoit de grandes critiques. L’auditoire auquel il se confronte est visiblement gêné par les idées freudiennes concernant la sexualité infantile et l’inconscient. On ne retrouve pas d’articles de l’époque qui reprennent cet exposé. D’autre part, les travaux scientifiques postérieurs de ce même auteur, dont un livre qui traite de la volonté [21][21] German Greve, Debilidad de voluntad. Santiago : Ed..., ne font pas référence directe à la psychanalyse. La position de Greve ne fut jamais celle d’un psychanalyste militant. Il s’aperçoit de la valeur thérapeutique de la psychanalyse, décrit des cas de guérison à partir d’une telle approche, mais il a, par ailleurs, un parcours psychiatrique assez classique.

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En dehors du cas de German Greve, un grand nombre d’auteurs s’étant référés à l’histoire de la psychanalyse au Chili, cite Fernando Allende-Navarro comme le premier psychanalyste chilien. Il est effectivement le premier à recevoir une formation psychanalytique reconnue, et à appartenir à l’Association Psychanalytique Internationale (IPA). Allende-Navarro naît dans la ville chilienne de Concepción en 1891. Il réalise l’essentiel de sa formation de médecin en Belgique, et obtient son titre de docteur à l’Université de Lausanne en Suisse. Il effectue d’abord des recherches en hygiène et parasitologie et s’intéresse ultérieurement à la neurologie et la psychiatrie. Déjà en Suisse, il travaille avec Constantino von Monacov, Hermann Rorschach et Otto Veragout. Il est l’assistant de von Monacov dans l’Institut d’anatomie cérébrale, chargé, par ailleurs, de la Division de psychothérapie de l’institut de physiothérapie de l’Université de Zurich, travaillant comme neurologue dans cette même institution. À cette même période, il se forme comme psychanalyste dans la société suisse de psychanalyse, s’analysant et suivant des contrôles avec Emil Obernholzer. Il devient ainsi membre de la Société Suisse de psychanalyse, puis de la Société de Psychanalyse de Paris.

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À son retour au Chili, Allende-Navarro valide son diplôme de Médecin avec sa thèse publiée en 1926, « La valeur de la psychanalyse en polyclinique. Une contribution à la psychologie clinique. » [22][22] Fernando Allende Navarro, El valor de la Psicoanálisis.... Il fournit une exposition de la théorie freudienne illustrée par des cas observés et traités au Chili par lui-même. Il publie au Pérou et en Uruguay [23][23] Dans les revues Psiquiatría y disciplinas conexas et..., où il donne des conférences sur la clinique freudienne. Sa manière de comprendre la psychanalyse était loin d’être dogma-tique, critiquant certaines positions d’analystes européens qui ne permettaient pas le surgissement de nouvelles hypothèses rattachées à la clinique : « Il n’est pas possible de nier qu’au sein de certaines sociétés psychanalytiques – Vienne et Berlin, par exemple – un esprit dogmatique, doctrinaire et intransigeant est prépondérant. Cet esprit a fourni à la psychanalyse des affrontements sans issue. Ces sociétés répondent avec un air vraiment sarcastique et de supériorité aux hypothèses risquées qui surgissent dans ces séances. Toutefois, la rigidité spirituelle de quelques disciples de Freud est amplement compensée par la liberté de travail d’autres » [24][24] Rapporté par Carlos Nuñez, Fernando, Allende Navarro....


LE DOCTEUR FERNANDO ALLENDE NAVARRO AVEC LE PORTRAIT DE FREUD

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Au sein d’une société très conservatrice, la principale difficulté que retrouve cet auteur est d’exposer l’œuvre freudienne sans tomber dans une vulgarisation qui dénaturerait l’essentiel des vues psychanalytiques. Médecin réputé, Allende-Navarro est facilement accepté en tant que neurologue, mais fortement résisté et personnellement attaqué en tant que psychanalyste. Pour les neurologues chiliens de l’époque, la psychanalyse est considérée comme anti-scientifique, souvent présentée comme un roman fantastique [25][25] cf. Oscar Fontecilla, Lección inaugural del curso de.... Cette controverse qui l’oppose à ses collègues et aux mœurs du pays est présentée par lui dans une lettre à Freud, lequel lui répond de la façon suivante :

21
26.3.1933 [26][26] Sigmund Freud (1933), photocopie de la lettre à Fernando...

Wein, IX, Berggasse 19 Très cher Monsieur le Docteur, Avec grand intérêt, j’ai eu connaissance, dans votre lettre, de vos études, de vos luttes vis-à-vis des résistances et de l’appui singulier reçu des jésuites. J’ai trouvé dans votre livre une juste introduction à la théorie de l’objet ; j’ai compris la façon à travers laquelle vous avez affronté les difficultés très particulières du traitement ambulatoire et j’ai donné un coup d’œil à vos intéressantes observations. L’attitude avec laquelle vous défendez l’Analyse contre ses ennemis m’a fourni une grande joie. J’ai toujours observé que rien n’est obtenu avec la lâcheté et les concessions. Il faut accepter la lutte et la supporter. Tous les pionniers de l’analyse ont vécu cette expérience.

LE DOCTEUR FERNANDO ALLENDE NAVARRO
AVEC LA LETTRE ENVOYÉE PAR FREUD EN 1933
Avec l’espoir d’avoir davantage de nouvelles de votre part. Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter beaucoup de persévérance jusqu’au succès final.

J’ai demandé à l’Éditorial psychanalytique international, qu’on vous envoie mes Nouvelles Conférences et ma photo autographiée.

Avec mes affectueuses salutations, Votre Freud



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Cette lettre, présentée pour la première fois en langue française, peut nous donner une idée de la politique internationale du maître viennois. Il y a là non seulement un encouragement manifeste à poursuivre « une lutte », mais à ne pas faire de concessions par rapport aux idées de la population à laquelle on peut être confronté. Si Freud fait allusion aux prêtres jésuites, c’est parce qu’Allende-Navarro lui parle de comment il a en analyse quelques ecclésiastiques de cette congrégation. En effet, il arrive à pénétrer dans certains milieux de la société chilienne, plus par le biais des psychanalyses qu’il pratique que par la présentation des idées dans lesquelles se fonde ce procédé.

23
Après des années de querelles, qui finissent par devenir très violentes, Fernando Allende-Navarro se consacre à la pratique privée et à la direction de quelques cliniques psychiatriques. Certains prêtres et médecins, analysés par lui, contribuent à la diffusion et à une première institutionnalisation de la psychanalyse au Chili. C’est lui qui transmet la psychanalyse à Ignacio Matte-Blanco, reconnu comme le principal promoteur de la psychanalyse dans ce pays, persévérant pour son insertion dans la psychiatrie et à l’Université. C’est vers le milieu du xx siècle que commence l’histoire officielle de la psychanalyse au Chili, lorsqu’un groupe d’études chilien dirigé par Matte-Blanco est reconnu par l’IPA dans le congrès international de Zurich. Or, cela concerne l’histoire officielle, une autre histoire.

Notes

[*]
Article présenté à la onzième rencontre internationale de l’Association Internationale d’Histoire de la Psychanalyse. Aix-en-Provence, Juillet 2006. Les auteurs veulent remercier Liliana Pualuan, qui a eu la très grande gentillesse de leur faire parvenir du Chili des documents d’archives introuvables en France.

[1]
Gladys Swain, Le sujet de la folie. Naissance de la psychiatrie. Toulouse, Privat, 1977.

[2]
Actas de la Junta Directiva de la Casa de Orates, Valparaiso, Chile, 1901, (toutes les traductions espagnol – français sont à nous).

[3]
Rapporté par Enrique Laval, El Manicomio Nacional, inédit.

[4]
Le psychanalyste chilien Mario Gomberoff a situé cette controverse dans la préhistoire de la psychanalyse chilienne. Cf. Mario Gomberoff (1990), Apuntes acerca de la Historia del Psicoanálisis en Chile. Revista de Psiquiatría. VII, No 1, pp. 379-387.

[5]
Les détails de ce débat, réunissant l’ensemble des documents de l’époque, fut présenté par Armando Roa, dans son ouvrage Demonio y psiquiatría. Aparición de la conciencia cientifica en Chile. Santiago, Andrés Bello, 1974.

[6]
Manuel Antono Carmona (1857) in Armando Roa, Demonio y psiquiatría. Aparicion de la conciencia cientifica en Chile. Op. cit., p. 314.

[7]
Ibid., p. 245.

[8]
Ibid., p. 281.

[9]
Ibid

[10]
Rapporté par Enrique Escobar, José Ramon Elguero del Campo (1819-1877) in Rev Chil Neuro-Psichiat 2000 ; 38(2), pp. 131-132.

[11]
Ramon Elguero, Informe del médico de las Casas de Orates in Mémoria del Intérior, Santiago, 1863, p. 183.

[12]
Ibid. p. 185.

[13]
Ibid., p. 186.

[14]
Augusto Orrego Luco, Los asilos de los enajenados in Revista Chilena, 1875, p. 457.

[15]
Carlos Sazié, Influencia del trabajo i de las distractiones en el tratamiento de la enajenacion mental in Revista de Chile, Santiago, Gutemberg, 1881.

[16]
Williams Benham, Informe pasado al Ministerio del Interior in Diario la Republica, 27 novembre 1875.

[17]
Sigmund Freud (1911), Compte rendu de la communication de G. Greve : « Sobre psicologia y psicoterapia de ciertos estados angustiosos », trad. A. Rauzy in : Œuvres complètes : t.11 : 1911-1913. Paris, P.U.F., 1998.

[18]
Sigmund Freud (1914), Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique, trad. P. Cotet et R. Laine, in : Œuvres complètes : t. 12 : 1913-1914. Paris, P.U.F., 2005.

[19]
Sigmund Freud (1911), Compte rendu de la communication de G. Greve : « Sobre psicologia y psicoterapia de ciertos estados angustiosos », Op. cit. p. 92.

[20]
Ibid., p. 91.

[21]
German Greve, Debilidad de voluntad. Santiago : Ed de la Universidad de Chile, 1943.

[22]
Fernando Allende Navarro, El valor de la Psicoanálisis en Policlínica : Contribución a la Psicología Clínica, Santiago, Impr. Universitaria, 1925.

[23]
Dans les revues Psiquiatría y disciplinas conexas et Revista de neuro-psiquiatría il publie des travaux concernant le test de Rorschach, avec des applications sur des sourds-muets. Dans la Revista de Psiquiatría del Uruguay il publie Conferencias de psicoanálisis et Los fenómenos psicomotores y los estados crepusculares histéricos desde el punto de vista de su finalidad psicológica (vol. 4(21), pp. 33-37,1939 et vol. 3(14), pp. 39-85, 1938).

[24]
Rapporté par Carlos Nuñez, Fernando, Allende Navarro (1890-1981) Rev. Chil. Psicoanal. (1981) 3, p. 4.

[25]
cf. Oscar Fontecilla, Lección inaugural del curso de enfermedades mentales, Santiago, Impr. La Ilustración, 1926.

[26]
Sigmund Freud (1933), photocopie de la lettre à Fernando Allende-Navarro, Archivos APCH (notre traduction).

EN ARGENTINE, UNE GRAND-MÈRE N’A FINALEMENT PAS RETROUVÉ SA PETITE-FILLE ENLEVÉE SOUS LA DICTATURE

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La justice argentine a démenti ces informations, samedi, et écarté tout lien biologique entre les deux femmes : l’Unité spécialisée dans les cas d’enfants enlevés à leur famille pendant la dictature a annoncé que deux analyses génétiques officielles contredisaient les informations du premier test, réalisé par une clinique privée.

Interrogé par le journal argentin Clarin, Juan Martín Ramos Padilla, proche et biographe de Maria Mariani, a confirmé que la jeune femme n’était pas le 120ème enfant identifié après avoir été « volé » pendant la dictature militaire. Il a dit avoir émis des doutes lorsque la jeune femme s’est présentée avec les premières analyses génétiques, demandant une confirmation aux organismes officiels. Maria Mariani n’a pas réagi à ces nouvelles informations.

Les recherches menées par Mme Mariani pour retrouver sa petite-fille étaient connues de toute l’Argentine. La photo de Clara Anahí bébé était largement diffusée à chacun de ses anniversaires, pendant des décennies, et sa grand-mère a multiplié les lettres ouvertes écrites à sa petite-fille. En mars, Maria Mariani écrivait :

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« À 91 ans, mon vœu le plus cher est de t’embrasser et de me reconnaître dans ton regard, cela me ferait plaisir que tu viennes jusqu’à moi pour que ces longues recherches se concrétisent. Le principal souhait qui me maintient debout est qu’enfin nous nous rencontrions. »
Les Grands-mères de la place de Mai, une organisation fondée en 1977, en pleine dictature, s’activent depuis de longues années à rechercher ces petits-enfants portés disparus. Elles estiment que 500 bébés d’opposants politiques, enlevés à leur mère ou nés en captivité, ont ensuite été adoptés par des dignitaires du régime militaire, responsable de la mort ou de la disparition de 30 000 personnes. Nombre de ces enfants ont été élevés par des parents qu’ils pensaient être leurs géniteurs.

vendredi 25 décembre 2015

ARGENTINE : UNE GRAND-MÈRE RETROUVE SA PETITE-FILLE ENLEVÉE IL Y A 39 ANS SOUS LA DICTATURE

Le lien entre la grand-mère et sa petite fille a été établi à 99,9 % grâce à des analyses génétiques. Une photo de leurs retrouvailles a été diffusée sur les réseaux sociaux :

CLARA ANAHÍ AVEC SA GRAND-MÈRE MARIA MARIANI


Clara Anahí a été enlevée par un policier en voiture, juste après l’assassinat de sa mère au cours d’un raid des forces de sécurité à leur domicile à La Plata, à 60 kilomètres au sud de Buenos Aires.

Des recherches emblématiques

Les recherches menées par Maria Mariani pour retrouver sa petite-fille étaient connues de toute l’Argentine. La photo de Clara Anahí bébé était largement diffusée à chacun de ses anniversaires, pendant des décennies, et sa grand-mère a multiplié les lettres ouvertes écrites à sa petite-fille. En mars, Maria Mariani écrivait :
« À 91 ans, mon vœu le plus cher est de t’embrasser et de me reconnaître dans ton regard, cela me ferait plaisir que tu viennes jusqu’à moi pour que ces longues recherches se concrétisent. Le principal souhait qui me maintient debout est qu’enfin nous nous rencontrions. »
Les Grands-mères de la place de Mai, une organisation fondée en 1977, en pleine dictature, s’activent depuis de longues années à rechercher ces petits-enfants portés disparus. Elles estiment que 500 bébés d’opposants politiques, enlevés à leur mère ou nés en captivité, ont ensuite été adoptés par des dignitaires du régime militaire, responsable de la mort ou de la disparition de 30 000 personnes. Nombre de ces enfants ont été élevés par des parents qu’ils pensaient être leurs géniteurs.

En août 2014, la dirigeante historique de cette organisation emblématique en Argentine, Estela Carlotto, avait retrouvé son petit-fils, lui aussi enlevé sous la dictature, après trente-six ans de recherches.

COSTA RICA : DÉCÈS DU PEINTRE CHILIEN JULIO ESCÁMEZ

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LE PRÉSIDENT DU COSTA RICA, LUIS GUILLERMO SOLÍS, ET L'ARTISTE CHILIEN JULIO ESCÁMEZ.
 PHOTO TWITTER DU PRÉSIDENT DU COSTA RICA, LUIS GUILLERMO SOLÍS. 

Il fut l’assistant du peintre Gregorio de la Fuente dans l'élaboration de l’emblématique fresque l’«Histoire de Concepción» à Concepción, classée monument national le 8 septembre 2008.

En près de 70 ans de carrière (dont la plupart ont été passés au Costa Rica où il s'est exilé après le coup d'État chilien du 11 septembre 1973), Julio Escámez présente ses œuvres dans de nombreuses expositions : au Japon, en Inde, aux États-Unis, au Pérou...
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FRESQUE MURALE «MA TERRE», DANS LE « MUSÉE DU JADE », À  SAN JOSÉ, COSTA RICA
Au Costa Rica, son pays d’adoption, dès 1974, il fut un académicien de l'École d'Arts Plastiques de l'Université Nationale du Costa Rica et conseiller du Ministère de Culture de ce pays d'Amérique centrale.

Le président du Costa Rica, Luis Guillermo Solís, a regretté la mort de l'artiste chilien et il a publié dans son compte twitter « Au nom du Costa Rica et l'Université nationale, notre gratitude éternelle, paix et le repos à son âme »

jeudi 24 décembre 2015

★ JOYEUSES FÊTES !


CHILI: LE GARDIEN DE BUT CLAUDIO BRAVO ÉLU MEILLEUR FOOTBALLEUR DE L’ANNÉE

Il est devenu champion du monde des clubs avec le Barça en dominant River Plate (Argentine) en finale, 3-0, dimanche dernier au Japon.

Avant cet exploit, Claudio Bravo a gagné la même année la Ligue des champions, le championnat d’Espagne, la Coupe du Roi, la Supercoupe et la Copa America avec le Chili.

Au cours de cette cérémonie, le sélectionneur argentin Jorge Sampoli a été élu meilleur entraîneur de l’année, tandis que le gardien de but paraguayen de Colo Colo a reçu le titre de meilleur footballeur étranger en 2015.

mercredi 23 décembre 2015

«DE L’ÉTAT DE DROIT À L’ÉTAT DE SÉCURITÉ»


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ILLUSTRATION  OLIVIER BONHOMME
On ne comprend pas l’enjeu véritable de la prolongation de l’état d’urgence [jusqu’à la fin février] en France, si on ne le situe pas dans le contexte d’une transformation radicale du modèle étatique qui nous est familier. Il faut avant tout démentir le propos des femmes et hommes politiques irresponsables, selon lesquels l’état d’urgence serait un bouclier pour la démocratie.

Les historiens savent parfaitement que c’est le contraire qui est vrai. L’état d’urgence est justement le dispositif par lequel les pouvoirs totalitaires se sont installés en Europe. Ainsi, dans les années qui ont précédé la prise du pouvoir par Hitler, les gouvernements sociaux-démocrates de Weimar avaient eu si souvent recours à l’état d’urgence (état d’exception, comme on le nomme en allemand), qu’on a pu dire que l’Allemagne avait déjà cessé, avant 1933, d’être une démocratie parlementaire.

Or le premier acte d’Hitler, après sa nomination, a été de proclamer un état d’urgence, qui n’a jamais été révoqué. Lorsqu’on s’étonne des crimes qui ont pu être commis impunément en Allemagne par les nazis, on oublie que ces actes étaient parfaitement légaux, car le pays était soumis à l’état d’exception et que les libertés individuelles étaient suspendues.

On ne voit pas pourquoi un pareil scénario ne pourrait pas se répéter en France  : on imagine sans difficulté un gouvernement d’extrême droite se servir à ses fins d’un état d’urgence auquel les gouvernements socialistes ont désormais habitué les citoyens. Dans un pays qui vit dans un état d’urgence prolongé, et dans lequel les opérations de police se substituent progressivement au pouvoir judiciaire, il faut s’attendre à une dégradation rapide et irréversible des institutions publiques.

Entretenir la peur

Cela est d’autant plus vrai que l’état d’urgence s’inscrit, aujourd’hui, dans le processus qui est en train de faire évoluer les démocraties occidentales vers quelque chose qu’il faut, d’ores et déjà, appeler Etat de sécurité (« Security State », comme disent les politologues américains). Le mot « sécurité » est tellement entré dans le discours politique que l’on peut dire, sans crainte de se tromper, que les «raisons de sécurité » ont pris la place de ce qu’on appelait, autrefois, la « raison d’État ». Une analyse de cette nouvelle forme de gouvernement fait, cependant, défaut. Comme l’État de sécurité ne relève ni de l’État de droit ni de ce que Michel Foucault appelait les « sociétés de discipline », il convient de poser ici quelques jalons en vue d’une possible définition.

Dans le modèle du Britannique Thomas Hobbes, qui a si profondément influencé notre philosophie politique, le contrat qui transfère les pouvoirs au souverain présuppose la peur réciproque et la guerre de tous contre tous : l’État est ce qui vient justement mettre fin à la peur. Dans l’État de sécurité, ce schéma se renverse : l’État se fonde durablement sur la peur et doit, à tout prix, l’entretenir, car il tire d’elle sa fonction essentielle et sa légitimité.

Foucault avait déjà montré que, lorsque le mot «sécurité » apparaît pour la première fois en France dans le discours politique avec les gouvernements physiocrates avant la Révolution, il ne s’agissait pas de prévenir les catastrophes et les famines, mais de les laisser advenir pour pouvoir ensuite les gouverner et les orienter dans une direction qu’on estimait profitable.

Aucun sens juridique

 CARICATURE PAR DOAA ELADL
De même, la sécurité dont il est question aujourd’hui ne vise pas à prévenir les actes de terrorisme (ce qui est d’ailleurs extrêmement difficile, sinon impossible, puisque les mesures de sécurité ne sont efficaces qu’après coup, et que le terrorisme est, par définition, une série des premiers coups), mais à établir une nouvelle relation avec les hommes, qui est celle d’un contrôle généralisé et sans limites – d’où l’insistance particulière sur les dispositifs qui permettent le contrôle total des données informatiques et communicationnelles des citoyens, y compris le prélèvement intégral du contenu des ordinateurs.

Le risque, le premier que nous relevons, est la dérive vers la création d’une relation systémique entre terrorisme et État de sécurité : si l’État a besoin de la peur pour se légitimer, il faut alors, à la limite, produire la terreur ou, au moins, ne pas empêcher qu’elle se produise. On voit ainsi les pays poursuivre une politique étrangère qui alimente le terrorisme qu’on doit combattre à l’intérieur et entretenir des relations cordiales et même vendre des armes à des Etats dont on sait qu’ils financent les organisations terroristes.

Un deuxième point, qu’il est important de saisir, est le changement du statut politique des citoyens et du peuple, qui était censé être le titulaire de la souveraineté. Dans l’État de sécurité, on voit se produire une tendance irrépressible vers ce qu’il faut bien appeler une dépolitisation progressive des citoyens, dont la participation à la vie politique se réduit aux sondages électoraux. Cette tendance est d’autant plus inquiétante qu’elle avait été théorisée par les juristes nazis, qui définissent le peuple comme un élément essentiellement impolitique, dont l’État doit assurer la protection et la croissance.

Or, selon ces juristes, il y a une seule façon de rendre politique cet élément impolitique : par l’égalité de souche et de race, qui va le distinguer de l’étranger et de l’ennemi. Il ne s’agit pas ici de confondre l’État nazi et l’Etat de sécurité contemporain : ce qu’il faut comprendre, c’est que, si on dépolitise les citoyens, ils ne peuvent sortir de leur passivité que si on les mobilise par la peur contre un ennemi étranger qui ne leur soit pas seulement extérieur (c’étaient les juifs en Allemagne, ce sont les musulmans en France aujourd’hui).

Incertitude et terreur

C’est dans ce cadre qu’il faut considérer le sinistre projet de déchéance de la nationalité pour les citoyens binationaux, qui rappelle la loi fasciste de 1926 sur la dénationalisation des « citoyens indignes de la citoyenneté italienne » et les lois nazies sur la dénationalisation des juifs.

Un troisième point, dont il ne faut pas sous-évaluer l’importance, est la transformation radicale des critères qui établissent la vérité et la certitude dans la sphère publique. Ce qui frappe avant tout un observateur attentif dans les comptes rendus des crimes terroristes, c’est le renoncement intégral à l’établissement de la certitude judiciaire.

Alors qu’il est entendu dans un État de droit qu’un crime ne peut être certifié que par une enquête judiciaire, sous le paradigme sécuritaire, on doit se contenter de ce qu’en disent la police et les médias qui en dépendent – c’est-à-dire deux instances qui ont toujours été considérées comme peu fiables. D’où le vague incroyable et les contradictions patentes dans les reconstructions hâtives des événements, qui éludent sciemment toute possibilité de vérification et de falsification et qui ressemblent davantage à des commérages qu’à des enquêtes. Cela signifie que l’État de sécurité a intérêt à ce que les citoyens – dont il doit assurer la protection – restent dans l’incertitude sur ce qui les menace, car l’incertitude et la terreur vont de pair.

C’est la même incertitude que l’on retrouve dans le texte de la loi du 20 novembre sur l’état d’urgence, qui se réfère à « toute personne à l’égard de laquelle il existe de sérieuses raisons de penser que son comportement constitue une menace pour l’ordre public et la sécurité ». Il est tout à fait évident que la formule « sérieuses raisons de penser » n’a aucun sens juridique et, en tant qu’elle renvoie à l’arbitraire de celui qui « pense », peut s’appliquer à tout moment à n’importe qui. Or, dans l’État de sécurité, ces formules indéterminées, qui ont toujours été considérées par les juristes comme contraires au principe de la certitude du droit, deviennent la norme.

Dépolitisation des citoyens

La même imprécision et les mêmes équivoques reviennent dans les déclarations des femmes et hommes politiques, selon lesquelles la France serait en guerre contre le terrorisme. Une guerre contre le terrorisme est une contradiction dans les termes, car l’état de guerre se définit précisément par la possibilité d’identifier de façon certaine l’ennemi qu’on doit combattre. Dans la perspective sécuritaire, l’ennemi doit – au contraire – rester dans le vague, pour que n’importe qui – à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur – puisse être identifié en tant que tel.

Maintien d’un état de peur généralisé, dépolitisation des citoyens, renoncement à toute certitude du droit : voilà trois caractères de l’État de sécurité, qui ont de quoi troubler les esprits. Car cela signifie, d’une part, que l’État de sécurité dans lequel nous sommes en train de glisser fait le contraire de ce qu’il promet, puisque – si sécurité veut dire absence de souci (sine cura) – il entretient, en revanche, la peur et la terreur. L’État de sécurité est, d’autre part, un État policier, car, par l’éclipse du pouvoir judiciaire, il généralise la marge discrétionnaire de la police qui, dans un état d’urgence devenu normal, agit de plus en plus en souverain.

Par la dépolitisation progressive du citoyen, devenu en quelque sorte un terroriste en puissance, l’État de sécurité sort enfin du domaine connu de la politique, pour se diriger vers une zone incertaine, où le public et le privé se confondent, et dont on a du mal à définir les frontières.


Giorgio Agamben est un philosophe italien, spécialiste de la pensée de Walter Benjamin, de Heidegger, de Carl Schmitt et d’Aby Warburg.