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dimanche 30 mars 2008

UN RÉFUGIÉ FRANÇAIS AU CHILI

Le carménère est considéré comme un cépage chilien, mais en réalité, le Chili en a hérité il y a environ 150 ans de la France. Le plus cocasse de l'histoire, c'est que ce cépage en voie de devenir le porte-étendard de ce grand vignoble andin y a prospéré pendant plus d'un siècle sous une fausse identité.

Exporté vers le Chili dès le XVIIe siècle, le carménère (connu sous le nom de Grand vidure en France à l'époque) est tombé dans l'oubli, les vignerons chiliens le confondant avec le temps avec du merlot.

Contrairement à ses nobles cousins cabernet sauvignon, merlot, petit verdet, malbec et cabernet franc, le carménère n'a pas résisté au phylloxéra en France vers la fin du XIXe siècle et on a donc présumé qu'il avait tout simplement disparu.

Ce n'est qu'en 1991 qu'un œnologue français, Claude Valat de l'Université de Montpellier, alors en visite dans les vignobles chiliens, a redécouvert le mythique carménère. Et encore, la chose n'a pas été simple puisqu'il a fallu que notre œnologue se transforme en détective digne de la populaire série télévisée CSI.

En arpentant un vignoble de la vallée du Maipo, notre bonhomme constate que certains pieds de vigne identifiés comme du merlot présentent des caractéristiques différentes. Les feuilles, notamment, ont de légères différences.

Voulant dissiper tout doute, M. Valat lance ses recherches et c'est finalement par des tests d'ADN qu'il a fait la démonstration que ce mystérieux cépage n'était pas du merlot, mais bien le défunt carménère.

Le nom carménère vient du mot espagnol carmin, qui signifie cramoisi, une analogie qui saute aux yeux, en effet, dès que l'on verse un verre de vin riche, dense et coloré.

Le goût particulier du carménère et son histoire singulière a rapidement capté l'attention des amateurs de vins chiliens au cours de la dernière décennie, si bien qu'il occupe de plus en plus d'espace dans le grand vignoble du Chili. On assiste même ces années-ci à un débat au sein de l'industrie chilienne: miser sur le carménère comme vaisseau amiral de la viticulture du pays ou s'en remettre plutôt à la valeur sûre, le cabernet sauvignon.

Chose certaine, le carménère, avec son passé mythique et son goût particulier est un rêve pour les spécialistes du marketing.

Mais est-ce du bon vin? Tous les goûts sont dans la nature, bien sûr, mais une dégustation récente de quelques carménère offerts au Québec m'a permis de constater qu'il s'agit plus que d'un phénomène marketing.

Le cépage donne des vins solides, à la robe éclatante un peu rustique, mais de bonnes longueurs en bouche et dégageant un nez de pruneaux cuits, de réglisse noire, de tabac et même, parfois, quelques notes de chocolat, avec un peu de bois, mais moins que la plupart des cabernet sauvignon de ce pays.

Excellent rapport qualité-prix, le Errazuriz Estate, Valle de Aconcagua (en ce moment, le 2007 à 14,80$, code SAQ: 10 673 575).

Évitez, à mon humble avis, les mélanges avec du cabernet sauvignon, des assemblages qui ne permettent pas de bien goûter les particularités du carménère.

La SAQ tient une dizaine de carménère (100% ou en assemblage), dont un grand cru des frères Lurton vendus 48,50$, mais vaut mieux vérifier les disponibilités sur le site Internet puisque certaines bouteilles sont plus rares.

samedi 29 mars 2008

RAPA NUI : L'ÎLE DE PÂQUES, UN SITE UNIQUE

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Les 3 400 habitants de cette île isolée et plutôt stérile de 166 km2 ont aussi la particularité de vivre plus loin de toute autre communauté humaine que n'importe quel autre lieu habité de la planète (l'île Pitcairn, sa plus proche voisine à 1 900 km, a d'autres voisins moins éloignés).

Un peu d'histoire

Nul ne sait vraiment avec certitude d'où les premiers habitants de Rapa Nui sont venus, pourquoi ils ont décidé de s'installer ici, quelle a pu être la fréquence de leurs rapports avec les étrangers, ni ce qui les a réellement motivés à sculpter et à ériger leurs grandioses monuments de pierre. On ne sait d'ailleurs pas non plus comment ils sont parvenus à transporter ces énormes blocs de pierre, d'un poids considérable, des sites dont ils ont été extraits à leurs emplacements actuels, encore que plusieurs hypothèses aient été émises à cet égard. Des vestiges trouvés sur les lieux suggèrent que le peuplement humain de l'île remonte au IVe siècle de notre ère.

Rapa Nui, qui signifie «le nombril du monde» et se prononce «ra-pa-NWI», est une sorte de terme fourre tout dans la langue locale, d'origine polynésienne, et se rapporte aussi bien à l'île elle même qu'aux descendants de ses habitants traditionnels et à la langue que la plupart d'entre eux parlent encore (quoique l'espagnol soit également très répandu). L'île ne se trouve sous la tutelle du Chili que depuis 1888, et elle fait officiellement partie de la même province que la ville portuaire de Valparaíso, avec laquelle elle n'entretient toutefois que des liens très sommaires. Les liaisons avec le continent sont assurées par plusieurs vols hebdomadaires de même que par un bateau de ravitaillement qui y fait halte environ quatre fois par année. Près d'un tiers des résidants de l'île ont leurs racines sur le continent, et de nombreux mariages interraciaux y ont eu cours. Un mouvement autonomiste discret encourage depuis un certain temps une plus grande autonomie locale ainsi qu'un relâchement de la mainmise que le Service des parcs nationaux exerce sur près de la moitié des terres de l'île.

Au gré du tourisme

La pêche et l'agriculture à petite échelle ont été remplacées par le tourisme et les services gouvernementaux en tant que piliers de l'économie locale. Pendant plusieurs décennies, une grande partie de l'île servait de pâturage au bétail en vertu d'un contrat exclusif avec une société étrangère, et l'on élève encore du bétail sur l'île, quoique à une échelle plus réduite. De nos jours, il n'y a que peu de signes de grande richesse ou d'extrême pauvreté à Rapa Nui. Les prix de la plupart des biens et services sont plus élevés que sur le continent, mais pas de beaucoup. Cela dit, les voyageurs au budget restreint (mais pouvant tout de même s'offrir le transport aérien jusqu'à l'île!) devront sans doute faire preuve d'une certaine créativité au moment de réduire leurs dépenses, tout particulièrement en ce qui a trait aux transports, justement. Par ailleurs, il convient de savoir que même certains des lieux d'hébergement les plus coûteux n'offrent qu'un confort relatif, quoiqu'on trouve ici de quoi compenser largement cette lacune. En effet, les habitants de l'île se montrent généralement hospitaliers, et les superbes attraits culturels des lieux surpassent de loin tous les inconvénients mineurs auxquels vous pourriez être exposé.

La longueur d'un séjour à Rapa Nui est parfois dictée par les horaires des compagnies aériennes, mais même une visite de deux ou trois jours permet de prendre part à une excursion d'une journée entière couvrant plusieurs des principaux sites archéologiques et offrant un bon aperçu de l'île. Cependant, si vous nourrissez un vif intérêt pour les mystères du passé, l'insolite en général et la beauté envoûtante des monuments anciens, vous voudrez évidemment rester beaucoup plus longtemps.

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Comment s'y rendre ?

Lan Chile dépêche plusieurs vols par semaine entre Santiago (capitale du Chili), l'île de Pâques et Papeete, sur l'île polynésienne française de Tahiti. La fréquence des vols varie selon les saisons, de sorte qu'il y a deux ou trois vols hebdomadaires de Santiago et deux vols par semaine au départ de Papeete. La durée du voyage de Santiago à l'île de Pâques est de cinq à six heures, et d'environ une demi heure de plus au départ de Papeete. Les tarifs tendent à être assez élevés, et il peut s'avérer difficile d'obtenir un prix d'excursion en haute saison (de décembre à février), voire même, parfois, de trouver un siège en classe économique. Compte tenu de la pénurie relative de lieux d'hébergement sur l'île de Pâques, il s'agit là d'un moyen efficace, et sans doute nécessaire, pour contrôler l'afflux des visiteurs.
Aucun navire de passagers ne se rend à l'île de Pâques, et le bateau de ravitaillement qui approvisionne l'île n'offre pas l'hébergement à bord.

Le saviez-vous?

L'île de Rapa Nui revêt une forme triangulaire, dont chacun des angles est marqué par la présence d'un volcan éteint. Le plus haut sommet est, au nord-ouest, le volcan Maunga Terevaka, qui culmine à 507 m et dont le cratère recèle un lac.

vendredi 28 mars 2008

Le maire de l'île de Pâques veut une punition exemplaire pour un vandale

Marko Kulju, un jeune homme de 26 ans, est accusé d'avoir brisé l'oreille d'une statue, dimanche, et d'avoir tenté d'emporter le morceau avec lui à titre de souvenir. Il est actuellement confiné à sa chambre d'hôtel et devrait s'en tirer avec une amende, même si une peine de prison n'est pas entièrement exclue.
Kulju a publié jeudi dans les pages d'un quotidien chilien des excuses, expliquant qu'il est désolé pour cet incident qui a causé tout un émoi sur cette île du sud du Pacifique.
On ne sait pas si le maire Pedro Edmunds Paoa avait pris connaissance de cette lettre ouverte avant de déclarer être en faveur d'une justice "oeil pour oeil, dent pour dent", et d'ajouter qu'on devrait trancher une oreille de l'accusé en guise de punition.
La statue endommagée est une des 400 qui se retrouvent sur l'île et qui représentent les ancêtres de ses résidants actuels.

mercredi 19 mars 2008

LE MARI D'INGRID BETANCOURT DEMANDE AU CHILI DE SOUTENIR UN NOUVEAU PLAN

Van Klaveren, Michelle Bachelet et Juan Carlos Lecompte. Photo Alex Ibañez

Juan Carlos Lecompte est venu à Santiago pour demander à la présidente chilienne de soutenir formellement un nouveau plan visant à libérer le plus rapidement Ingrid Betancourt. Le projet d'échange humanitaire est le fruit de la réflexion d'un ex-otage de la rébellion, Luis Eladio Perez, sénateur colombien récemment relâché par les FARC.

"Elle m'a promis de plancher activement sur la question. Je lui ai expliqué que nous étions à un stade crucial et que c'était le meilleur moment pour nous aider", a déclaré le mari de l'otage franco-colombienne peu après s'être entretenu avec Michelle Bachelet.

Le sénateur Perez a présenté mardi les grandes lignes de son plan de libération au chef d'Etat français Nicolas Sarkozy, déterminé depuis son accession à la présidence en mai 2007 à libérer Ingrid Betancourt.

Au moment de sa libération obtenue grâce au soutien du président vénézuélien Hugo Chavez, M. Perez avait indiqué que l'otage franco-colombienne était dans un état de santé alarmant, très affectée par une rechute d'hépatite B.

samedi 15 mars 2008

« 2666 » , ROMAN - ROBERTO BOLAÑO


À peine apparu, sitôt disparu. Si leurs oeuvres se ressemblent peu - quoique, sait-on jamais, si on regarde de très près... -, la situation de Bolaño n'est pas sans évoquer celle d'un autre météore admirable, l'Allemand W. G. Sebald (Les Anneaux de Saturne, Austerlitz, etc., éd. Actes Sud), mort à peu près au même moment que Bolaño, dans un accident de voiture, en Angleterre, quelques années après qu'on l'eut découvert avec la traduction des Emigrants. Voilà deux écrivains venus relativement tard à l'écriture, deux auteurs qui cependant n'ont pas attendu pour s'imposer comme cruciaux dans le paysage littéraire contemporain, et sur lesquels le rideau s'est refermé avec une brutalité inouïe.

Mais Roberto Bolaño, pourtant, ne s'est pas vraiment tu. Du moins, pas tout de suite. Érudite, cérébrale, ironique, hautement sceptique, inscrite dans la double tradition borgesienne et surréaliste, sa voix n'était pas épuisée. Restaient même à découvrir les deux grandes oeuvres du Chilien, à nous parvenues de façon posthume : Les Détectives sauvages, traduit chez Christian Bourgois en 2006 et qui apparut alors comme son livre le plus important, jusqu'à ce jour présent où nous est offert l'ample et magistral 2666. Un roman que la mort de Bolaño laissa, nous dit-on, inachevé - et on le croit volontiers, bien qu'après lecture il soit impos­sible de deviner en quoi auraient pu consister les ultimes interventions de l'écrivain sur ce texte d'une saisissante et ténébreuse ambition.

C'est un univers sans contours théma­tiques ou géographiques précis que dessine 2666 : au fil des cinq parties qui composent le roman, on se promène des deux côtés de l'Atlantique ; on voyage dans le XXe siècle européen et américain ; on s'attache, le temps de quelques centaines de pages, à des personnages (universitaires, flics, voyous, journalistes...) que l'on recroisera peut-être ultérieurement, ou pas ; on s'interroge sans fin sur ce qui constitue le noeud central de l'intrigue, on hésite et on ne parvient jamais à répondre avec assurance. Deux hypothèses se détachent pourtant, comme deux motifs insistants. Un homme : Benno von Archimboldi, écrivain allemand né en 1920 et aussi secret qu'un Salinger.

Un lieu : la ville mexicaine (fictive) de Santa Teresa, dans le désert de Sonora, théâtre au cours des années 1990 d'une série hallucinante d'assassinats de jeunes femmes, demeurés impunis. L'écrivain allemand et la ville mexicaine sont les deux sujets d'inves­tigation apparents du roman. Lequel, cependant, n'en finit pas de digresser et proliférer de fascinante façon, s'autorisant tous les développements et les changements de points de vue, les embardées encyclopédiques et poétiques, les fausses pistes et les impasses, les jeux de miroirs et d'échos. Semblant épouser souvent les codes du roman noir pour mieux glisser par instants vers les marges du fantas­tique ou du symbolisme.

Quel rapport y a-t-il entre l'énigmatique Archimboldi et la sinistre bourgade mexicaine de Santa Teresa, inspirée à Bolaño par l'authentique Ciudad Juárez et ses meurtres de femmes inexpliqués ? On ne le saura - et encore ! - qu'aux paragraphes ultimes du roman, mais entre-temps, la lente, violente et tragique déambulation de Bolaño aura été l'occasion d'une superbe et mouvante méditation sur le mal, sur la mort, sur l'histoire. Sur la création aussi, la littérature en particulier, à laquelle revient de prendre en charge la déchi­rante mélancolie humaine que génère cette barbarie sans fin, ce désastre permanent, ce chaos indescriptible qu'est et demeurera indéfiniment le monde. Tant qu'il y aura des hommes. 



Nathalie Crom

Telerama n° 3034 - 08 mars 2008

mercredi 12 mars 2008

L'étoile de la présidente du Chili pâlit

Élue à la tête du Chili le 11 mars 2006, Michelle Bachelet est la première femme présidente élue en Amérique du Sud. Photo Reuters

Le problème n'est pas économique. Le Chili continue d'être dynamique, les caisses de l'État n'ont jamais été aussi pleines grâce au prix élevé du cuivre. C'est sur le plan politique que la présidente peine.

Quelques mois après son arrivée au pouvoir, la première femme présidente élue en Amérique du Sud affronte la plus importante manifestation jamais vue depuis la fin de la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990), avec un million de collégiens et lycéens réclamant une éducation de qualité.

Trois ministres sautent, une commission chargée de réformer l'éducation naît. La réforme est en ce moment même en discussion. Elle devrait redonner à l'État un rôle de superviseur qui lui manquait.

L'année suivante, la bête noire de Michelle Bachelet se nomme le Transantiago. Le nouveau système de transports en commun, lancé le 10 février 2007 dans la capitale, est une belle idée... sur papier.

Il s'agissait de remplacer un système anarchique de bus polluants qui congestionnaient le centre, par un système coordonné de bus-métro-bus, maintenant les nouveaux véhicules hors du centre, pour réduire bruit et pollution. Seulement, le plan de transports, hérité du président antérieur, est mal conçu, il manque de moyens.

Au retour des grandes vacances, quatre millions d'usagers doivent attendre pendant des heures des bus bondés. Les arrêts sont mal identifiés. Le métro est incapable d'absorber les usagers qui prennent ses wagons d'assaut.

La présidente lance contre toute évidence: «Tout sera réglé en 48 heures.» Elle finit par demander pardon, avoue avoir lancé le système de transports trop tôt. Elle explique: «Mon intuition me disait de le retarder.» Ce sont ses conseillers qui l'auraient induite en erreur... Ces cafouillages lui font perdre une crédibilité politique fragile et le soutien des habitants de Santiago. Elle chute dans les sondages jusqu'à passer sous la barre des 40%.

Le coût politique est si fort que ses traces sont encore visibles aujourd'hui. L'amélioration du Transantiago exige une injection de fonds importante.

La faute au machisme?

Quelques députés et sénateurs ont refusé il y a quelques mois de les accorder au gouvernement. Ils ont quitté la Concertacion, la coalition de la présidente. Michelle Bachelet perd la majorité au Sénat et au Parlement. De plus en plus de partisans de la présidente la critiquent, estimant qu'elle manque de sens politique et de poigne.

Quant à elle, elle s'estime victime du machisme et de la persécution des médias, la plupart aux mains de la droite. Il est vrai qu'on entend peu parler des jardins d'enfants que la présidente fait construire pour permettre aux jeunes mamans de travailler. Pas beaucoup plus de la réforme des retraites qui entrera en application en juillet, et crée une retraite minimum universelle.

Si le Transantiago s'est amélioré, Michelle Bachelet n'aura pas pour autant une «seconde phase» tranquille. Les deux années qu'il lui reste sont des années électorales. D'abord les municipales, puis la présidentielle. L'appel à la collaboration qu'elle a lancé à la droite ne risque pas de se concrétiser. Vendredi, cette dernière a déposé une accusation constitutionnelle contre la ministre de l'Éducation, Yasna Provoste, pour des irrégularités commises dans son ministère. Si l'accusation est votée au Congrès, la ministre est destituée. Un précédent depuis la fin de la dictature qui laisserait la présidente et son gouvernement très affaiblis. Claire Martin