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mardi 31 décembre 2019

REPLAY - EN GRÈVE, L'OPÉRA DE PARIS JOUE SUR LE PARVIS DE LA BASTILLE

L'OPÉRA DE PARIS JOUE SUR
LE PARVIS DE LA BASTILLE
 « REPLAY - EN GRÈVE, L'OPÉRA DE PARIS 
JOUE SUR LE PARVIS DE LA BASTILLE» 
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L’orchestre de l’Opéra national de Paris a joué mardi devant la foule, sur les marches de l’opéra Bastille. Le régime spécial de l'Opéra est l'un des plus anciens de France et de nombreux artistes sont en grève pour le défendre.

MANIFESTANT A ÉTÉ ÉCRASÉ PAR DEUX VOITURES DE POLICIERS

CAPTURE D'ÉCRAN MEGANOTICIAS
 « CHILI : MANIFESTANT A ÉTÉ ÉCRASÉ PAR 
DEUX VOITURES DE POLICIERS» 
AVERTISSEMENT : DES IMAGES PEUVENT HEURTER LA SENSIBILITÉ DES SPECTATEURS. 
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lundi 30 décembre 2019

CHILI : LE CAUCHEMAR DES RETRAITÉS SOUMIS À LA FINANCE

 LE CAUCHEMAR DES RETRAITÉS

 
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CHILI : LE CAUCHEMAR DES RETRAITÉS SOUMIS À LA FINANCE » 
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Dans ce reportage poignant, Nicolas Margerand et Erasmos Salas nous donnent à voir un Chili en pleine insurrection, dressé contre le système économique néolibéral mis en place sous la dictature d’Augusto Pinochet. Focus sur les seniors chiliens, poussés à la misère, contraints de travailler jusqu’à leurs dernières forces, pressurisés par un système de retraites privatisé, au seul bénéfice de puissants fonds de pension.

samedi 28 décembre 2019

VIDEO. NOUVEAUX AFFRONTEMENTS VIOLENTS À SANTIAGO


 
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NOUVEAUX AFFRONTEMENTS VIOLENTS À SANTIAGO » 
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LE CHILI S'ENLISE DANS LA VIOLENCE


 
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LE CHILI S'ENLISE DANS LA VIOLENCE » 
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vendredi 27 décembre 2019

CHILI : « DEEPFAKE » PIÑERA

« EN DEHORS DU CHILI »

 
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« DEEPFAKE » PIÑERA » 

DE SANTIAGO À PARIS, LES PEUPLES DANS LA RUE


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« TIR AUX PIGEONS »  2011, AURÉLIE PIAU
Est-ce déjà la troisième ou la quatrième vague de protestations de masse contre l’ordre néolibéral et ses gouvernants ? De Beyrouth à Santiago, sans oublier Paris, le pouvoir politique paraît en tout cas incapable de rétablir la situation. Y compris quand il recourt à la manière forte.
ILLUSTRATION TIAGO HOISEL
A comme Algérie, B comme Bolivie, C comme Colombie, E comme Équateur, F comme France… Le point de départ des protestations a parfois peu d’importance un mois plus tard. Et la satisfaction de l’exigence initiale des manifestants, peu d’effet. En annulant une augmentation de 4 % du prix du métro, M. Sebastián Piñera n’a pas davantage dégagé les rues de Santiago que le gouvernement de Hongkong n’avait désarmé ses opposants en retirant un projet de loi d’extradition. Une fois le mouvement lancé, il faut céder plus. Le cas échéant, envoyer la police, l’armée. Promettre, en Irak, au Chili, en Algérie, qu’on modifiera la Constitution.

Mais, sitôt le feu apaisé quelque part, il se rallume ailleurs. Les exigences sont immenses : « Le peuple veut la chute du régime. » Comment peut-il y parvenir ? Pour faire quoi ? Il ne le sait pas toujours, et il avance. En Algérie, cela fera bientôt un an qu’il manifeste. À Hongkong, il s’est mis en marche en avril dernier. Son mérite est grand : la crainte d’une répression féroce pourrait paralyser les contestataires. Pourtant, ils ne lâchent rien. Et que se passe-t-il en Iran, où même le nombre des manifestants assassinés est tenu secret ?

Une défiance générale sert de ciment, ou de glaise, au mouvement populaire. Défiance envers le libéralisme économique qui parachève une société de castes, avec ses nababs et ses parias. Mais surtout, défiance envers l’arrogance et la prévarication du système politique en place, que la classe dominante, « les élites », a transformé en garde prétorienne de ses privilèges.

L’impuissance, la question de l’environnement en apporte la preuve. Quatre ans après les proclamations solennelles de la COP 21, le vernis a déjà craqué. La planète des riches n’a pas réfréné ses appétits de consommation ; les risques de surchauffe se sont précisés. La maire socialiste de Paris, Mme Anne Hidalgo, aligne les péroraisons écologiques, tout en laissant recouvrir les grands bâtiments de la capitale de publicités géantes et lumineuses pour des marques de luxe ou de téléphones portables. Et le ministre des transports français se délecte des carrières prometteuses dans son secteur de responsabilité : « On a besoin de trente mille chauffeurs dans les prochaines années, donc c’est un métier qu’il faut valoriser, notamment auprès des jeunes. » Plus de chauffeurs sur les routes, plus de «cars Macron », voilà qui protégera l’écosystème. Le fret ferroviaire, la SNCF ? Hors de question, puisqu’il faut combattre les sureffectifs dans les entreprises publiques.

En décembre 2010, le soulèvement tunisien ouvrit le cycle des « printemps arabes ». Le « mouvement des places » espagnol intervint en mai de l’année suivante ; la mobilisation des étudiants chiliens, en juin ; Occupy Wall Street, en septembre. L’année qui s’ouvre marquera donc le dixième anniversaire pour tous. Déjà, à l’époque, on relevait la jeunesse, la spontanéité, l’usage des réseaux sociaux, le refus d’être récupérés, la colère née de politiques économiques presque partout destinées à éponger des dégâts provoqués par les banques. Neuf ans plus tard, si une dictature est bien tombée en Tunisie, les exigences sociales à l’origine de ce soulèvement n’ont pas reçu l’ombre d’une solution. Et la situation n’est pas plus brillante ailleurs. On comprend, dans ces conditions, l’utilité des bonnes nouvelles. Et la tentation de surestimer l’existence d’une conscience internationale, proche des priorités qu’on défend soi-même, là où n’existent encore que des mouvements composites, instables et qui ne se soucient guère d’établir des liens entre eux.

Depuis la fin du siècle dernier, la mort du capitalisme, la convergence des luttes, l’épuisement de l’hégémonie de la mondialisation ont été annoncés avec une régularité de métronome. Cent fois l’adversaire a été diagnostiqué à l’agonie ou donné pour mort. Mais, toujours, il sait changer de visage et de discours. Quarante ans après l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher, il vient de triompher une nouvelle fois au Royaume-Uni. Et, de l’autre côté de l’Atlantique, sa défaite en novembre n’est en rien garantie. Mieux vaut le savoir, même s’il est réconfortant de détourner son regard d’un échec, ou de plusieurs — au Brésil, en Grèce, en Bolivie, en Italie —, sitôt qu’on apprend que quelque part, ailleurs, le feu reprend.

Cela étant, les mêmes carburants de l’incendie se retrouvent aujourd’hui presque partout. Économiques et politiques à la fois : non seulement la crise financière de 2008 a profité à ses principaux responsables, mais les grands partis traditionnels, droite et gauche mêlées, se sont relayés pour imposer avec obstination des choix injustes à leur population. La légitimité du « système » en a forcément souffert. Dix ans plus tard, elle est à terre. Le constat d’une telle faillite peut toutefois ouvrir la voie (ou prêter le flanc) à des interprétations idéologiques opposées. Car le « système » qu’on met en accusation, ce n’est pas forcément celui qui s’active au service de la classe capitaliste. D’autres voient plutôt en lui tout ce qui, selon eux, protège indûment les gens d’à côté, un peu moins mal lotis, ou encore les étrangers, les « assistés ». Les privilèges des dominants profitent de ce genre de ressentiment.

La « réforme » des retraites de M. Emmanuel Macron en offre un nouvel exemple (lire « Briser le collectif »). Elle prétend créer un « régime universel» qui « sera le même pour tous les Français sans exception ». Elle consacre au contraire une rupture générationnelle (les travailleurs nés avant 1975 ne seront pas concernés par le nouveau système, moins avantageux) en même temps qu’elle prévoit, au prétexte de l’« équité », que les cadres supérieurs n’auront plus de retraite par répartition au-delà d’un certain salaire, ce qui les encouragera à se tourner vers des fonds de pension pour assurer le complément (1). Toutefois, par souci de défendre — y compris contre les manifestants — son universalité d’un genre très particulier, le gouvernement français a décidé de maintenir le régime dérogatoire de retraite des policiers, au motif qu’ils « occupent des fonctions régaliennes de protection de la population»…

Financer des intérêts privés par la destruction des services publics


En dépit de ces entreprises de division, qui ailleurs ciblent sunnites, chiites, Kabyles ou Catalans, l’unité des protestataires se maintient pour le moment. Autour d’exigences et de refus qu’on retrouve presque partout : vivre décemment, dignement ; s’opposer à une nouvelle amputation des programmes sociaux, au relèvement du prix des services indispensables (transports, énergie, communications) ; ne pas se satisfaire d’une baisse du taux de chômage quand elle recouvre la multiplication des « emplois-poubelles » (en Espagne, 40 % des nouveaux contrats de travail sont établis pour moins d’un mois (2)), d’autant que ces boulots précaires sont souvent localisés dans des métropoles où le coût de l’immobilier a explosé. La cherté de la vie, la pauvreté, les inégalités forment donc la trame des contestations. Au Soudan comme en Équateur, au Liban comme au Chili.

Presque partout, aussi, grâce à la brutale franchise du néolibéralisme, qui déchire le voile entre l’État et le capital, les revendications économiques se sont aussitôt doublées d’exigences politiques. Car la corruption, les scandales ne se résument pas aux affaires secondaires que la presse met en scène : un assistant parlementaire dont une partie du temps de travail est consacrée à des activités partisanes, un président de l’Assemblée qui offre du homard à ses convives ; et tournent manège, tweets indignés, révélations feuilletonnées, émissions spéciales… Dorénavant, chacun, ou presque, a compris que la corruption concerne plus fondamentalement un État néolibéral qui finance par la destruction des services publics le développement d’intérêts privés. Lesquels, logiquement, profitent de chaque « réforme » engagée (privatisations, fiscalité, retraites).

Mais la corruption, c’est aussi un système politique qui laisse des élites mondialisées s’approprier les richesses nationales, ou les détruire, les délocaliser en usant du libre-échange et des paradis fiscaux. Et c’est également des gouvernants coupables de forfaiture lorsque, comme au Liban, ils se montrent incapables d’assurer le nettoyage de villes suffoquant sous leurs ordures, au risque de vicier un peu plus la qualité de l’eau et la survie de la flore. La corruption, c’est encore des pouvoirs frappés d’illégitimité quand, comme en Irak, ils désertent leur mission essentielle en laissant dépérir l’école, alors qu’en seize ans l’équivalent de deux fois le produit intérieur brut se serait évaporé dans les poches de responsables politiques et d’entrepreneurs véreux (3). Enfin, on ne sait plus trop quel terme employer en France quand le premier ministre constate benoîtement que l’hôpital public est « en phase de décrochage, comme on dit d’un avion qui ne se porte plus et qui pourrait décrocher ». « Décrocher » signifie partir en vrille et piquer du nez. M. Édouard Philippe sera-t-il encore à Matignon l’année prochaine pour commenter l’accident et consoler les parents des voyageurs ?

« Nous voulons une nation », proclament les Irakiens, que 450 victimes de la répression n’ont pas découragés et qui associent leur refus des ingérences étrangères et du confessionnalisme à un désir de solidarité, en vue de construire un État digne de ce nom, c’est-à-dire honnête (lire « Les Irakiens contre la mainmise de l’Iran »). Au Chili, berceau d’un néolibéralisme enfanté dans le sang, la répression des carabiniers (plus de 11 000 blessés, 200 éborgnés, 26 morts) n’a pas davantage endigué la protestation. Et elle se drape là aussi des couleurs nationales. Comme en Algérie, où des millions de manifestants réclament que l’armée cesse de monopoliser à la fois le pouvoir, le pétrole, la violence et les symboles de la nation. C’est encore le drapeau national que privilégient les « gilets jaunes », désireux de prévenir ainsi toute division interne d’ordre politique ou électoral, eux dont les parcours ont divergé jusqu’au jour où leurs colères et leurs exigences se sont rejointes sur les ronds-points de leurs communes.

Quand il exprime un tel refus de l’individualisme, des prédations du marché et des divisions que celui-ci entretient entre ses victimes, le national a plutôt bonne mine. Et meilleure encore quand le mondial qu’on lui oppose a le visage des traités de libre-échange, des géants du numérique qui espionnent nos actes et dissimulent leurs profits. Ou celui des banques d’affaires qui préparent la prochaine catastrophe financière (dont elles sortiront indemnes, une fois de plus). Ou celui du Fonds monétaire international, qui, au Liban, en Égypte, en Équateur, en Haïti, en Grèce, au Soudan, en Argentine, impose à une population épuisée ses remèdes de cheval.

Mais la mondialisation a au moins un mérite : celui de montrer à quel point les classes dirigeantes se ressemblent. Un jeune ancien banquier préside un pays, un milliardaire septuagénaire un autre. A priori, tout les distingue, sauf ceci : l’une des principales réalisations de l’un et de l’autre fut de favoriser fiscalement les riches. Et puis, lorsque ces dirigeants quittent le pouvoir, pour qui travaillent-ils ? L’ancien premier ministre français François Fillon, artisan d’une réforme des retraites en 2010 puis partisan d’un système à points pour « baisser le montant des pensions », œuvre à présent pour la banque Barclays. Tout comme M. François Baroin, que la presse (qui l’adore) présente déjà comme un potentiel candidat de droite à la prochaine élection présidentielle. En attendant, peut-être, qu’il puisse bientôt « faire barrage » à l’extrême droite, Barclays l’a chargé de « guider les acquéreurs étrangers dans l’Hexagone ».

M. José Manuel Barroso, ancien premier ministre portugais et ancien président de la Commission européenne, a préféré une autre banque, Goldman Sachs. Quelques semaines plus tôt, son ex-commissaire au numérique, la Néerlandaise Neelie Kroes, avait été recrutée par Uber. Et il y a un an, Facebook s’est offert un ancien vice-premier ministre britannique, M. Nicholas Clegg, comme directeur des relations publiques. Son salaire devrait atteindre 4 500 000 euros par an, soit soixante fois ce qu’il touchait comme parlementaire. Les manifestants sont-ils vraiment tous paranoïaques quand ils se demandent pour quels employeurs futurs travaillent déjà leurs gouvernants ? Et comment les Chiliens devaient-ils réagir quand, en septembre dernier, leur ministre des finances, choisi par le président Piñera, lui-même milliardaire, expliqua aux manifestants mécontents d’une hausse des prix alimentaires que les « romantiques » pouvaient toujours acheter des fleurs, dont le prix avait « chuté » ?

L’exemple du Chili est parlant. Malgré la fin de la dictature militaire et une transition démocratique à laquelle ont participé des gouvernements de gauche, la Constitution du général Augusto Pinochet a été à peine retouchée depuis 1980. Le pays conserve ainsi son corset néolibéral ajusté au profit d’intérêts financiers : retraites par capitalisation, autoroutes urbaines payantes, universités privées, vente des cours d’eau sous forme d’actions. Dans ce mouvement chilien, sans porte-parole et qui rassemble des foules immenses, le désaveu ne pouvait donc pas épargner l’opposition de gauche. Elle a trop souvent eu peur de faire peur en s’opposant vraiment à la droite « libérale ». Par conséquent, depuis, « El pueblo unido avanza sin partido » (« Le peuple uni avance sans parti »). Pas de fanion politique dans les manifestations, juste le drapeau national et celui du peuple mapuche, cible privilégiée de la répression.

Pourtant, là comme ailleurs, en particulier dans les pays arabes, une question se pose. Le désir de ne pas se compromettre, le refus de désigner des dirigeants, des représentants, sont ancrés dans une longue expérience de déceptions, de défaites et de trahisons. Mais comment éviter la marginalisation, la lassitude ou l’écrasement si la pression populaire ne trouve jamais de débouché politique ? Le durcissement de la répression judiciaire, policière et militaire, les liens toujours plus étroits entre le capital et l’État interdisent qu’on juge accessoire un tel débat. « Il faut être organisé et savoir où l’on va, résume Frédéric Lordon, parce que d’autres sont organisés et savent où ils vont (4). »

En attendant, alors que depuis trente ans aucune réforme structurelle essentielle codifiée par le néolibéralisme (libre-échange, marché unique, privatisations, déréglementation financière) n’a été remise en cause par une alternance électorale, les mouvements populaires de ces derniers mois peuvent déjà afficher un tableau de chasse flatteur : un régime est tombé (Soudan), des premiers ministres ont dû démissionner (au Liban et en Irak), un président infirme n’a pas pu se représenter (en Algérie), de nouvelles Constitutions pourraient bientôt dynamiter les vieux arrangements (celle du Chili a vocation à être entièrement réécrite). Surtout, une génération nouvelle, trop souvent condamnée à rembourser sa dette étudiante, à vivre dans la précarité et à ne pouvoir escompter qu’une retraite mutilée et un environnement dégradé, découvre le combat collectif, la solidarité et la victoire. La suite reste ouverte, mais cette seule expérience, vécue par des dizaines de millions de manifestants qui se sentent désormais plus forts et plus dignes, garantit qu’aucun gouvernement ne pourra plus offrir au néolibéralisme l’espoir d’un retour à la normale.

Serge Halimi
Notes :
(1) Lire « Contre l’équité », Le Monde diplomatique, décembre 2010.
(2) Daniel Michaels et Paul Hannon, « Europe’s new jobs lack old guarantees — stoking workers’discontent », The Wall Street Journal, New York, 25 novembre 2019.
(3) « Pour Washington, l’Irak doit répondre aux revendications des manifestants », Le Figaro (avec l’Agence France-Presse), Paris, 29 novembre 2019.
(4) Frédéric Lordon, « Le capitalisme ne rendra pas les clés gentiment», La pompe à phynance, 22 novembre 2019

ILLUSTRATION TIAGO HOISEL

DU MÊME AUTEUR :

CHILI. LAS TESIS, LE COLLECTIF CHILIEN QUI RÉINVENTE LE COMBAT FÉMINISTE


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DAFNE VALDES, SIBILA SOTOMAYOR, LEA CACERES ET PAULA COMETA
DU COLLEFTIF LASTESIS, À VALPARAISO LE 11 DÉCEMBRE 2019. 
PHOTO / REUTERS / RODRIGO GARRIDO

 

Le groupe féministe Las Tesis a mobilisé les foules dans les rues des grandes villes, au Chili comme ailleurs dans le monde, en recourant à une mise en scène originale qui a permis à son message d’être largement diffusé.
 «UN VIOLEUR SUR TON CHEMIN» 


PHOTO MARIO TÉLLEZ / LA TERCERA
Mettre en scène les thèses d’auteures féministes, telle est la proposition du collectif pluridisciplinaire LasTesis – d’où son nom, “LesThèses”.

Et c’est donc au travers d’une performance dans une langue du quotidien, avec de la musique électro et des effets visuels forts (les yeux bandés d’un foulard noir) que les quatre femmes de LasTesis entendaient faire connaître certaines vérités méconnues du public sur les violences sexistes. Et notamment que, quel que soit le lieu, quelle que soit sa tenue, une femme victime d’une agression, d’un viol ou d’un féminicide n’est jamais coupable.

La performance s’est déroulée pour la première fois le 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, à Santiago et à Valparaiso, point de départ des premières interventions du collectif.

Photos et vidéos de l’événement n’ont pas tardé à circuler sur les réseaux sociaux, reprenant ces phrases lancinantes : “Y la culpa no era mía, ni dónde estaba, ni cómo vestía. El violador eres tú.” (“La coupable ce n’est pas moi, ni mes fringues ni l’endroit. Le violeur, c’est toi.”)

Un écho mondial

Les quatre membres de LasTesis, Daffne Valdés Vargas, Sibila Sotomayor Van Rysseghem, Paula Cometa Stange et Lea Cáceres Díaz, ont donné pour titre à leur performance “Un violador en tu camino” [“Un violeur sur ton chemin”].

Depuis lors, leur intervention a connu de nombreuses reprises au Chili, puis partout dans le monde : à Paris, Londres, Barcelone, New York, Mexico, Istanbul, Madrid, Berlin, Bogotá, et dans bien d’autres villes.

Les quatre Chiliennes ont franchi les frontières mais ont aussi transcendé les lieux et les générations. Sur les réseaux sociaux, on peut ainsi voir des vidéos de collégiennes ou des groupes de voisines reproduisant la chorégraphie ; et, le 4 décembre, une grande mobilisation “LasTesis senior” était attendue, pour rassembler, cette fois, des femmes de plus 40 ans.

Comment expliquer ce large écho qu’a connu la performance de LasTesis en quelques jours à peine ? Selon Lorena Fries, la présidente de Corporación Humanas, la mobilisation d’un grand nombre de femmes autour de ce mouvement montre clairement “que, nous, les femmes, nous souffrons toutes, partout, de discrimination”.

Un tournant dans la prise de conscience

La violence liée au genre a de nombreuses façons de s’exprimer, poursuit-elle, toutes les femmes sont concernées :

C’est pour cette raison que nous nous identifions instantanément, aussi bien au mouvement #MeToo que, aujourd’hui, à Un violador en tu camino. Un effort d’inventaire des formes de violence a commencé dans les années 1990 – des violences dans la sphère privée, certes, mais touchant tous les autres pans de la vie, jusqu’à la violence exercée par l’État lui-même, en passant par les violations des droits humains dont sont victimes les femmes en particulier, ou dans la rue, au travail, avec les gestes déplacés d’un supérieur, etc.”

L’intervention du collectif LasTesis marque un tournant qui était en préparation depuis quelque temps déjà, comme l’a montré la dernière Journée internationale des femmes, le 8 mars dernier, commente Constanza Valdés, diplômée en droit, militante trans et féministe. “Une plus grande visibilité désormais donnée au sujet et le sérieux du débat féministe au sens large aident les femmes à prendre la parole pour défendre leurs droits.”

Le bandeau, symbole de l’injustice

Pour sa part, Hillary Hiner, chercheuse à la faculté d’histoire de l’université Diego Portales [à Santiago] et membre du Réseau des historiennes féministes, estime que le succès du collectif s’inscrit dans le droit fil des mouvements antérieurs, tels que le Mai féministe de 2018 [de grandes manifestations féministes s’étaient alors déployées dans les universités du pays pour protester contre le harcèlement sexuel au cœur des établissements].

Le collectif LasTesis nous parle de la violence politique qui s’est exprimée durant les manifestations au Chili, analyse Hillary Hiner, c’est pourquoi nombre de performances se tiennent devant des commissariats et des tribunaux.” Ainsi les yeux bandés dans la mise en scène, rappelle la chercheuse, symbolisent-ils l’injustice dans tous les domaines.

La solidarité que des femmes du monde entier ont affichée avec le collectif, cela démontre la puissance de cette performance “qui dénonce l’impunité des agresseurs et qui, en réunissant toutes les femmes, permet une identification large”, relève Diana Aurenque, chercheuse en philosophie à l’Usach (université de Santiago du Chili).

Proche de ce Chili qui s’éveille

À l’échelle mondiale, le féminisme a le vent en poupe, et c’est aussi ce qui porte le phénomène LasTesis : les enjeux sont plus visibles et le public est plus réceptif, poursuit Diana Aurenque : “Il s’inscrit dans un mouvement social plus large, et il serait erroné de n’y voir qu’un combat féministe, car les féministes veulent faire partie de ce nouveau Chili qui s’éveille et y avoir une place. La fin des violences est un appel transversal.

L’étincelle des débuts commence à se rationaliser sous la forme de petits groupes qui, maintenant, formalisent leurs revendications. “Certains n’y voient que pure colère et irrationalité sans comprendre qu’il y a une volonté profonde de mobilisation et de changement”, insiste la chercheuse de l’Usach, soulignant que le côté cathartique de la performance fait davantage que “vingt ans de politiques publiques”.

Un fardeau en moins

Car rares sont les plaintes pour violences sexuelles qui aboutissent en justice, rappelle Diana Aurenque. “L’État ne se mobilise pas sur ces sujets et, par conséquent, il y a quelque chose de thérapeutique dans le fait de se déplacer, de participer et de prononcer ces mots très forts. De nombreuses femmes ont osé prendre la parole sur les réseaux sociaux pour dénoncer les violences qu’elles ont elles-mêmes vécues, et qu’elles taisaient depuis vingt ou trente ans. S’ouvrir et se libérer d’un tel fardeau, c’est énorme.
Pour la philosophe Diana Aurenque, la performance a aussi pour vertu de dénoncer la culpabilisation de la victime :
« Faire porter à la femme la responsabilité du viol qu’elle a subi est typique de la société chilienne. »
Il n’en reste pas moins que le succès de la performance auprès de tant de femmes de tous âges doit beaucoup à son inventivité, estime l’avocate Lorena Fries. “Quand nous étions jeunes, la conscience des inégalités était bien moins forte. Aujourd’hui, nous, femmes mûres, voulons soutenir ce mouvement, et le mouvement plus général en faveur d’un État solidaire et démocratique au Chili.”
Paulina Sepúlveda


EL PUEBLO UNIDO, VERSION KOREAN POP

 « EL PUEBLO UNIDO, VERSION K-POP » 
 LA FAUTE À LA K-POP! 

jeudi 26 décembre 2019

GIGANTESQUE INCENDIE À VALPARAISO AU CHILI : AU MOINS 245 HABITATIONS TOUCHÉES


« GIGANTESQUE INCENDIE À VALPARAISO AU CHILI » 
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mercredi 25 décembre 2019

VILLANCICOS CHILENOS / CONJUNTO CUNCUMÉN

« CHANTS DE NOËL 
CHILIENS »
CONJUNTO CUNCUMÉN

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« VILLANCICOS CHILENOS » (CHANTS DE NOËL CHILIENS),
 PARU DANS LE CD AUDIO SKU: CDA 505 DU  MÊME NOM 
ENREGISTRÉ EN 2006, 
CHEZ SELLO ALERCE
INTERPRÉTÉE PAR L'ENSEMBLE CUNCUMÉN

mardi 24 décembre 2019

EN GRÈVE, L’OPÉRA DE PARIS PROPOSE « LE LAC DES CYGNES » SUR SON PARVIS

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LES DANSEUSES DU CORPS DE BALLET DE L’OPÉRA DE PARIS,
DEVANT LE PALAIS GARNIER, MARDI 24 DÉCEMBRE 2019
PHOTO STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

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L’orchestre symphonique et le ballet se sont produits devant les portes du Palais Garnier pour protester contre la réforme des retraites.
Le Monde avec l'AFP
Prchestre symphonique, danseuses de l’Opéra en tutu blanc et, à l’arrière-plan, des banderoles de manifestation. À la veille de Noël, l’Opéra de Paris a voulu rappeler, à sa manière, son opposition à la réforme des retraites. Entre deux Marseillaise, sous le ciel gris parisien, une quarantaine de danseuses du corps de ballet de l’Opéra ont exécuté des tableaux du Lac des cygnes, sous les applaudissements d’une petite foule amassée sur la place de l’Opéra, en plein cœur de la capitale.

Dans leur dos, deux grandes banderoles : « Opéra de Paris, grève » et « La culture est en danger ». «Même si on est en grève, on a voulu offrir pour le 24 décembre un moment de grâce », a déclaré à la presse le danseur et élu à la caisse des retraites Alexandre Carniato. « Malgré un temps extrêmement frais, les filles ont voulu relever le défi et les musiciens les accompagner », a-t-il ajouté.

« C’est notre art qui est mis en danger »

S’AJOUTE À LA QUARANTAINE DE DANSEUSES LES MUSICIENS
DE L’ORCHESTRE SYMPHONIQUE, À GAUCHE DE LA PHOTO,
PLACE DE L’OPÉRA À PARIS, MARDI 24 DÉCEMBRE.
PHOTO LUDOVIC MARIN / AFP
L’Opéra est en grève depuis quinze jours, ce qui a entraîné l’annulation de nombreux spectacles. « On nous inculque depuis l’âge de 8 ans qu’on a une mission régalienne et qu’on va danser pour l’Opéra de Paris qui représente la France », souligne Alexandre Carniato, 41 ans.

« L’ensemble de l’Opéra est touché » par la réforme des retraites, indique Héloïse Jocqueviel, 23 ans, danseuse du corps de ballet qui a participé au spectacle. « C’est notre art qui est mis en danger ». Les danseuses ont choisi l’acte IV du Lac des cygnes, « l’un des ballets les plus difficiles », qu’elles ont dansé « sur du marbre, dans le froid ».

« Ce que les filles vous ont montré, c’est 15 ans de sacrifices, et c’est du travail quotidien. Et pour arriver à ça, il y a une limite, une contrainte, a souligné Alexandre Carniato. Si on veut continuer à voir de jolies danseuses ou de jolis danseurs sur scène, on ne pourra pas continuer jusqu’à 64 ans, ce n’est pas possible. »

Une retraite à 42 ans


« Je suis entrée à l’école de la danse à 8 ans, j’ai quitté ma famille et aménagé ma scolarité. Avec cinq heures de danse par jour, à 17-18 ans, on est nombreux à avoir des blessures chroniques, des tendinites, fractures de fatigue, douleurs aux genoux (…). On est nombreux à ne pas avoir notre baccalauréat », énumère-t-elle
.
LE RÉGIME DE RETRAITE DE L’OPÉRA DE PARIS PERMET AUX
DANSEUSES DE PRENDRE LEUR RETRAITE À 42 ANS.
PHOTO STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
L’Opéra et la Comédie-Française sont les seules institutions culturelles concernées par la réforme du gouvernement. Le régime spécial de l’Opéra est l’un des plus anciens de France, puisqu’il date de 1698, sous Louis XIV.

Ce régime permet de tirer sa révérence à 42 ans, compte tenu de la « pénibilité » du métier, des risques de blessure, et du fait que la majorité des danseurs peut difficilement continuer à danser les grands ballets au-delà de cet âge avec le même niveau d’excellence. 

lundi 23 décembre 2019

LA QUESTION N’EST PAS DE SAVOIR POURQUOI LE CHILI A EXPLOSÉ, MAIS POURQUOI IL N’A PAS EXPLOSÉ AVANT?

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« JOYEUX ANNIVERSAIRE,  M. LE PRÉSIDENT PIÑERA ! »
DESSIN LANGER
La coqueluche néolibérale est nue
L’extrême inégalité sociale au Chili se manifeste par le fait que 60% de la population survit avec des revenus inférieurs aux Angolais, tandis que le patrimoine de trois familles (Luksic, Matte et Paulmann) atteint 38 milliards de dollars.
DESSIN SERGIO LANGER
La nation chilienne continue de bouillir. L’étincelle qui a mis le feu à la prairie fut l’augmentation du prix du ticket de métro. Quelques jours plus tôt, le président Piñera avait déclaré qu’ils étaient un « oasis » en Amérique latine.

Les manifestations généralisées et persistantes révèlent un profond mécontentement des citoyens à l’égard des problèmes structurels (éducation, santé, système de retraite) de la société transandine. La plupart de ces transformations ont été imposées par le régime d’Augusto Pinochet.

Faisons un peu d’histoire, la dictature chilienne a traversé deux étapes différentes en matière économique :
1) la politique monétariste commandée par les «  Chicago boys  » qui s’est soldée par un échec retentissant : l’activité a baissé de 14% au cours de l’exercice biennal 1982-1983 ; 
2) le projet mené par des groupes économiques locaux liés au capital transnational. Au cours de la période 1986-1998 (les quatre dernières années de la dictature, les huit premières de la démocratie), l’économie chilienne a progressé de 7,3% en moyenne annuelle.
La contrepartie était l’extrême inégalité sociale. Dans une étude publiée en 2013, l’économiste Andrés Zahler a estimé que 60% des Chiliens survivaient avec des revenus inférieurs à ceux des Angolais. Au contraire, le patrimoine de trois familles (Luksic, Matte et Paulmann) a atteint 38 milliards de dollars.

La même année, le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, a annoncé que le Chili était entré dans le club des pays à revenu élevé en dépassant 20 000 dollars de revenu par habitant (mesuré en Parité de Pouvoir d’Achat (PPA)).

Le PPA est une technique, initialement développée à l’Université de Salamanque, qui correspond à la capacité d’achat des résidents de différents pays. Comme on le sait, le panier de produits / services qu’une personne disposant de 1 000 dollars peut acquérir sera très différent en Argentine qu’au Paraguay, en France ou aux États-Unis par exemple.

Par conséquent, le principal problème du classement du PIB national par habitant (en dollars courants) est qu’il compare les poires aux pommes. La technique PPA corrige ce problème mais a aussi ses faiblesses.

Dans l’article «  Como fue que nos graduamos de país de ’ingreso alto’ sin salir del subdesarrollo  », l’économiste chilien Gabriel Palma explique que « si l’on regarde les chiffres de la Banque mondiale (à l’exclusion seulement des petites îles, comme les paradis fiscaux et quelques pays ex-communistes), aucun pays ayant un revenu par habitant PPA similaire au Chilien, n’a autant de différence entre le revenu par habitant en dollars courants et en dollars fictifs, les PPA. Aucun ! Est-ce une raisoin pour être heureux ? Permettez-moi de vous donner un indice : le pays qui est sur nos talons est l’Afrique du Sud. En d’autres termes, cette grande différence entre les deux statistiques - 50% - est aussi un indicateur de notre sous-développement : de la persistance d’une mauvaise répartition des revenus ».

En d’autres termes, l’écart de revenu élevé (mesuré en dollars courants et en PPA) est une conséquence du fait que les services sont moins chers (c’est-à-dire les bas salaires) sur le plan international.

Que se passerait-il si on appliquait une politique économique qui réduirait les revenus en termes réels? « La réponse paradoxale est que si le revenu est mesuré en termes d’APP, cela aurait pour effet pervers d’augmenter le revenu par habitant. La raison est évidente : si le prix de la plupart des services est un markup ou marge sur les coûts de production, il est fort probable qu’on finirait par payer moins cher pour le taxi, le coiffeur, le restaurant, la couturière, etc », répond Palma.

Autrement dit, l’aggravation de la répartition des revenus augmente le PIB par habitant (version PPA). Le pays est « plus riche » même si la majorité de la population est appauvrie. « Lorsque l’écart entre les deux mesures du revenu par habitant disparaît, la grande majorité de la population chilienne peut également célébrer une augmentation du revenu national en termes de PPA. Pendant ce temps, 1% a un niveau de revenu d’élite des pays développés et sa consommation est également subventionnée par les bas prix des services », conclut Palma. La question n’est pas de savoir pourquoi le Chili a explosé, mais pourquoi il n’a pas explosé auparavant?

Diego Rubinzal - drubinzal@yahoo.com.ar - @diegorubinzal


Traduit de l’espagnol pour El Correo de la Diaspora par : Estelle et Carlos Debiasi