Le carménère est considéré comme un cépage chilien, mais en réalité, le Chili en a hérité il y a environ 150 ans de la France. Le plus cocasse de l'histoire, c'est que ce cépage en voie de devenir le porte-étendard de ce grand vignoble andin y a prospéré pendant plus d'un siècle sous une fausse identité.
Exporté vers le Chili dès le XVIIe siècle, le carménère (connu sous le nom de Grand vidure en France à l'époque) est tombé dans l'oubli, les vignerons chiliens le confondant avec le temps avec du merlot.
Contrairement à ses nobles cousins cabernet sauvignon, merlot, petit verdet, malbec et cabernet franc, le carménère n'a pas résisté au phylloxéra en France vers la fin du XIXe siècle et on a donc présumé qu'il avait tout simplement disparu.
Ce n'est qu'en 1991 qu'un œnologue français, Claude Valat de l'Université de Montpellier, alors en visite dans les vignobles chiliens, a redécouvert le mythique carménère. Et encore, la chose n'a pas été simple puisqu'il a fallu que notre œnologue se transforme en détective digne de la populaire série télévisée CSI.
En arpentant un vignoble de la vallée du Maipo, notre bonhomme constate que certains pieds de vigne identifiés comme du merlot présentent des caractéristiques différentes. Les feuilles, notamment, ont de légères différences.
Voulant dissiper tout doute, M. Valat lance ses recherches et c'est finalement par des tests d'ADN qu'il a fait la démonstration que ce mystérieux cépage n'était pas du merlot, mais bien le défunt carménère.
Le nom carménère vient du mot espagnol carmin, qui signifie cramoisi, une analogie qui saute aux yeux, en effet, dès que l'on verse un verre de vin riche, dense et coloré.
Le goût particulier du carménère et son histoire singulière a rapidement capté l'attention des amateurs de vins chiliens au cours de la dernière décennie, si bien qu'il occupe de plus en plus d'espace dans le grand vignoble du Chili. On assiste même ces années-ci à un débat au sein de l'industrie chilienne: miser sur le carménère comme vaisseau amiral de la viticulture du pays ou s'en remettre plutôt à la valeur sûre, le cabernet sauvignon.
Chose certaine, le carménère, avec son passé mythique et son goût particulier est un rêve pour les spécialistes du marketing.
Mais est-ce du bon vin? Tous les goûts sont dans la nature, bien sûr, mais une dégustation récente de quelques carménère offerts au Québec m'a permis de constater qu'il s'agit plus que d'un phénomène marketing.
Le cépage donne des vins solides, à la robe éclatante un peu rustique, mais de bonnes longueurs en bouche et dégageant un nez de pruneaux cuits, de réglisse noire, de tabac et même, parfois, quelques notes de chocolat, avec un peu de bois, mais moins que la plupart des cabernet sauvignon de ce pays.
Excellent rapport qualité-prix, le Errazuriz Estate, Valle de Aconcagua (en ce moment, le 2007 à 14,80$, code SAQ: 10 673 575).
Évitez, à mon humble avis, les mélanges avec du cabernet sauvignon, des assemblages qui ne permettent pas de bien goûter les particularités du carménère.
La SAQ tient une dizaine de carménère (100% ou en assemblage), dont un grand cru des frères Lurton vendus 48,50$, mais vaut mieux vérifier les disponibilités sur le site Internet puisque certaines bouteilles sont plus rares.