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lundi 25 janvier 2010

"Madame Gil" défend son fromage

Des gens modestes qui achetaient des ferments lactiques pour produire des sortes de boules de fromage destinées à la prétendue fabrication de produits cosmétiques au Congo. Mise en examen en France pour "escroquerie en bande organisée" et "blanchiment", la Française vient d’être libérée après vingt-trois mois passés en prison. "Madame Gil" réfute en exclusivité les accusations portées contre elle.

Reconnaissez-vous être à l’origine de cette escroquerie aux "fromages magiques"?

Ce n’est pas une escroquerie! C’est une affaire commerciale qui a mal tourné. J’ai vendu des ferments lactiques aux dirigeants d’une société chilienne qui les vendaient ensuite aux personnes intéressées. A un moment donné, ils me devaient 50 000 euros. J’ai stoppé l’exportation de la marchandise car je voulais être payée. Ont-ils voulu me doubler ? Je n’accuse personne. L’un des dirigeants, qui avait travaillé pour moi en France, est pourtant quelqu’un de très droit. Mais avec tout cet argent entre les mains il a peut-être perdu la tête. En tout cas, je n’ai jamais eu accès aux comptes de cette société. Je ne suis allée qu’une dizaine de fois au Chili. Je m’occupais essentiellement de recruter ceux qui fabriquaient les produits. Je ne prenais une commission que sur l’exportation de la marchandise.


Vous contestez avoir détourné de l’argent ?

Vous croyez que j’aurais sorti 15 millions d’euros dans un sac poubelle sur le dos ? Et que je serais restée à Nice où j’avais monté une société ? La juge cherche cet argent partout, mais elle n’a rien trouvé. De toute façon, on ne sait pas comment cette somme a été calculée. Mon avocat, Me Arezki Baki, a demandé que des experts chiffrent exactement le préjudice subi. Des tonnes de fromage moisi ont été retrouvées dans un entrepôt au Chili. Pas un seul produit cosmétique n’a été fabriqué au Congo. C’était pourtant possible, je suis formelle. On pouvait, à partir de ces produits déshydratés, tirer une huile entrant dans la composition de crèmes de soin, de shampooings ou de crèmes servant à éclaircir la peau. Il y a un énorme marché en Amérique du Sud. Ayant longtemps travaillé en Afrique, j’avais des contacts au Congo où la fabrication des produits est moins taxée.

"Il m’a chargée, c’est humain"

Au Pérou, vous êtes aussi accusée d’avoir piégé 10 000 personnes de la même façon.

Le procédé était le même et la société était dirigée par un poète péruvien connu, qui a vécu en France. Mais il a vendu la société et je n’ai plus rien eu à voir avec lui. J’ai obtenu un non-lieu dans cette affaire.

Vous auriez dit à l’un de vos employés avoir gagné 9 millions de dollars au Pérou et projeté d’en faire autant au Chili. Il parle d’un système frauduleux.

Il a trois enfants et une femme qui ne travaille pas. Quand vous mettez quelqu’un six mois en prison, il vous dit ensuite ce que vous voulez entendre. Il m’a chargée, c’est humain.

En 1994, la presse belge vous a surnommée "Mme Yaourt" après votre arrestation au Mexique et votre condamnation à cinq ans de prison.

Plusieurs milliers de Belges avaient auparavant acheté des ferments lactiques destinés à l’industrie cosmétique… C’était il y a vingt ans. D’une expérience malheureuse j’ai voulu tirer une expérience heureuse.

"J’ai de grands projets"

Au début des années 2000, vous avez dirigé une entreprise de travaux et de construction, avant d’être, en 2004, mise en faillite personnelle, interdite de gestion pendant cinq ans et condamnée à deux ans de prison avec sursis pour "banqueroute" et "travail dissimulé". Votre passé ne plaide pas pour vous.

Dans le bâtiment, qui n’a pas de personnel non déclaré ?


On vous qualifie d’aventurière.

Le terme me plaît.

Qu’allez-vous faire maintenant ?

J’ai 450 euros pour vivre et ma famille a été blessée par cette histoire montée en épingle par les journaux chiliens. Tout est détruit autour de moi et il faut tout reconstruire. Mais je suis quelqu’un qui positive les choses. Et j’ai de grands projets.
Jean-Pierre Vergès - Le Journal du Dimanche
Dimanche 24 Janvier 2010