Des expressions visuelles neuves se manifestent ; des brigades murales, des affiches et des journaux, des pochettes de disques, contribuent très vite à générer une iconographie nouvelle, qui vient accompagner un processus de vastes changements qui semblait alors inéluctable.
Cette mutation s’est aussi manifestée dans l’humour graphique par la recherche d’un langage nouveau, jeune, synchronique avec l’époque et dépassant le cadre formel traditionnel.
Engagé dans des mesures de promotion populaire, le gouvernement démocrate chrétien crée en 1968 les associations de voisins et des mères, germes d’organisation sociale dans la vaste banlieue chilienne.
Dans l’espace urbain populaire, les ouvriers, les petits employés et des mères de famille, des étudiants et les paysans, les habitants, prennent très vite conscience de leur propre existence sociale, de leur poids. Un acteur urbain éminent est né. C’est l’irruption du quartier, qui devient un personnage collectif, pluriel et multiforme.
Cette mutation s’est aussi manifestée dans l’humour graphique par la recherche d’un langage nouveau, jeune, synchronique avec l’époque et dépassant le cadre formel traditionnel.
Engagé dans des mesures de promotion populaire, le gouvernement démocrate chrétien crée en 1968 les associations de voisins et des mères, germes d’organisation sociale dans la vaste banlieue chilienne.
Dans l’espace urbain populaire, les ouvriers, les petits employés et des mères de famille, des étudiants et les paysans, les habitants, prennent très vite conscience de leur propre existence sociale, de leur poids. Un acteur urbain éminent est né. C’est l’irruption du quartier, qui devient un personnage collectif, pluriel et multiforme.
« La Chiva » a mis en images cette décisive mutation. Une revue dessinée paraissant chaque quinzaine en format national —c'est-à-dire, long et étroit (ou paysage)—, mettant en scène une bande de personnages incisifs et décalés, blasés et attachants, si près de la réalité et qui font face à la galère structurelle avec auto dérision et le panache fabuleux des fauchés. Le trait est simple, la ligne impure. La bande dessinée principale se passe à Lo Chamullo, un quartier comme le votre.
Les personnages les plus représentatifs de Lo Chamullo sont Pancho Moya, « profession chômeur, qui exerce à l’occasion comme plombier, maçon, menuisier, électricien ou peintre, affamé et mécontent ».
Don Paello, l'épicier, espagnol républicain rescapé du franquisme, arrivé au Chili à bord du Winnipeg grâce à l'intervention de Pablo Neruda.
Les Trois Marías, trio de vieilles cancanières, « elles sont comme la CIA : elles se mêlent de tout ». Les frères du Villar, le « Fantômas » et le « Spectre », très connus des services de police. Il suffit de signaler que sur la « photo de groupe », l’un des frères porte un autoradio.
Le Mozambique est un jeune diplômé qui travaille comme serveur dans le bar de don Pantruco. « C'est l’endroit où l’on mange le mieux à Lo Chamullo. C'est plutôt le seul endroit où on mange. Quand on mange. »
À Lo Chamullo Haut, la partie cousue du quartier, à bord d’une énorme voiture un père part au travail, —sans doute un grand entrepreneur—, entouré du chœur de ses rejetons : « apporte-nous des chocolats, des gâteaux, des meringues et tiramisu! ». Simultanément, dans la zone, le gourbi de Lo Chamullo Bas, un père présumé part chercher du travail, et ses enfants, nombreux, avec des yeux écarquillés sur des pommettes façonnées par la malnutrition endémique, supplient : « des protéines, papa, apporte-nous des protéines! »
À Lo Chamullo les pauvres de la ville vivent envers et contre tout, critiques et joyeux, dignes et comiques.
La Chiva a marqué de sa touche générationnelle le mode de rédaction et d’exécution des revues de l’époque. Un air frais, l’esprit des années soixante, une très étroite collaboration qui s'exprime dans la création d'une bande dessinée collective. En cas d’absence d’un dessinateur, un autre prenait tout naturellement sa place, sans conséquences sur le travail final. Il y a des planches de Lo Chamullo réalisées à huit mains où chacun dessine un détail en y mettant sa patte personnelle.
La revue a expérimenté par ailleurs une nouvelle forme de faire de l’humour politique au Chili, et au moment où tout le monde a pris parti, elle a pris aussi le sien.
C’est certain que La Chiva a accompagné ainsi le processus de prise de conscience et d’agitation politique et sociale qui a débouché sur la victoire électorale de Salvador Allende en septembre 1970.
En exil, éparpillée de par le monde suite au putsch de 1973, l’équipe de dessinateurs et scénaristes a continué à collaborer dans divers médias. Les survivants ont participé dans les années '80 à la timide reconstitution de l’humour graphique chilien, dans les rares revues tolérées par le régime militaire.
La réédition d’aujourd’hui est aussi un hommage à ce travail risqué, intelligent et audacieux, qui a contribué sans doute à sa manière à hâter la fin de la dictature.
LANCEMENT DE La Chiva
Jeudi 22 décémbre 2011, 19.30 h
Bodega Feroces - Esmeralda 759
M° 5 - BELLAS ARTES