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LE GÉNÉRAL AUGUSTO PINOCHET ET DES OFFICIERS PENDANT UNE MESSE TE DEUM À L'OCCASION DE LA FÊTE NATIONALE, SANTIAGO DU CHILI (1973). PHOTO CHAS GERRETSEN
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Le 11 mars 1990, ayant dirigé le pays d'une main de fer pendant 17 ans après un coup d'Etat sanglant, le général à la cape et aux lunettes noires, devenu l'incarnation symbolique et glaçante de toutes les dictatures latino-américaines, remet l'écharpe tricolore au nouveau président, élu démocratiquement, Patricio Aylwin.
Aujourd'hui «Pinochet est un personnage historique sans tombe ni héritiers», affirme le sociologue Eugenio Tironi, «les groupes politiques qui se déclaraient ses héritiers le renient, lui et sa famille». «Même les militaires ne veulent pas se reconnaître ouvertement de lui», dit-il à l'AFP.
Disparition des emblèmes
PHOTO CARLOS CARRION |
Les forces armées ont également officialisé le changement de nom de l'une des médailles militaires les plus prestigieuse.
«Il y a un démantèlement, qui est graduel mais constant», assure Eugenio Tironi.
La député communiste Karol Cariola veut pour sa part accélérer l'éradication de tous les symboles visibles de la dictature et vient de déposer un projet de loi au Congrès titré «Aucune rue ne portera ton nom».
Les rues rebaptisées
«Le Chili a encore une dette vis-à-vis des familles de prisonniers disparus qui n'ont toujours pas été retrouvés. Qu'elles puissent marcher dans la rue et se trouver nez-à-nez avec le nom d'une personne qui a été complice ou responsable de la dictature, qui a été un bourreau, un assassin, qui a du sang sur les mains, que des rues portent le nom de ces gens-là, cela nous parait inacceptable», s'indigne-t-elle.
Des dizaines de rues dans tout le pays portent encore le nom de «11 septembre» ou celui de Pinochet et des membres de la junte militaire et des monuments à leur gloire continuent de jalonner le Chili.
Ainsi, l'Académie de guerre abrite la «Bibliothèque Président Augusto Pinochet» et la grande route vers la Sud austral porte également le nom de l'ancien dictateur.
Un héritage contesté
En décembre dernier, un tollé a éclaté en plein Congrès, lorsqu'un membre du parti ultra-conservateur UDI a demandé une minute de silence en hommage à Pinochet pour le 8e anniversaire de sa mort.
Beaucoup de Chiliens estiment ouvertement que Pinochet a «sauvé le Chili du communisme» et approuvent les politiques libérales de la dictature maintenues en place durant les cinq mandats présidentiels - dont quatre de gauche ou centre-gauche - de ces 25 dernières années.
Revenue au pouvoir après sa réélection en décembre 2013, la présidente socialiste Michelle Bachelet s'est attelée à tourner la page, se fixant comme objectif de réformer de fond en comble la société chilienne, dont les lois du travail en restaurant notamment le droit de grève, l'éducation, dont le modèle 100% privé et inégalitaire est un héritage direct de la dictature tout comme la Constitution, toujours en vigueur.
«La figure de Pinochet est beaucoup moins présente, mais il existe le fantasme de la dictature comme régime fondateur, qui commence à peine à être débattu», relève pour sa part l'analyste Claudio Fuentes.
«Il y a eu un tournant lors du quarantième anniversaire du coup d'état en 2013, où l'ensemble de l'héritage de Pinochet a été fortement remis en question. On a beaucoup débattu sur le thème des violations des droits de l'homme, et aujourd'hui je crois que ceux qui défendent Pinochet le font beaucoup plus timidement», dit-il à l'AFP.
Un règne de 17 ans
Augusto Pinochet a quitté le pouvoir en mars 1990 mais est resté commandant en chef des forces militaires jusqu'en 1998. Il est mort en 2006 à 91 ans sans avoir été jugé pour les crimes du régime militaire qui a fait plus de 3.200 morts et 28.000 torturés.
Pour la jeune génération chilienne, en pointe ces dernières années sur la réforme de l'éducation, Pinochet appartient depuis longtemps à une autre époque. «C'est un personnage totalement absurde, c'est un dictateur», résume pour l'AFP Gregorio Cayuleo, un étudiant de 20 ans. (afp/Newsnet)