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mercredi 23 septembre 2015

LES RÉUSSITES DU CHILI : DES LEÇONS EN MATIÈRE DE PRÉPARATION AUX SÉISMES

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UN MEMBRE DE LA CROIX-ROUGE CHILIENNE PARTICIPE AU REDRESSEMENT DU PAYS APRÈS LE TREMBLEMENT DE TERRE DE 2010. PHOTO CAROLA SOLÍS, CROIX-ROUGE CHILIENNE 


Londres , 22 septembre 2015 (IRIN) - Il y a quelques mois, un séisme de magnitude 8,1 a frappé le Népal, faisant plus de 8 000 victimes et déplaçant près de trois millions de personnes. 
Il y a quelques jours, un tremblement de terre plus puissant s’est produit au Chili. L’épicentre était proche de zones peuplées, à seulement 280 kilomètres au nord de Santiago, la capitale, mais il n’y a eu que 11 victimes et quelques centaines de maisons endommagées.


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DES BÉNÉVOLES DE LA CROIX-ROUGE CHILIENNE PARTICIPENT AUX OPÉRATIONS DE SECOURS DANS LA VILLE D’ILLAPEL APRÈS LE TREMBLEMENT DE TERRE DE 2015. PHOTO CROIX-ROUGE CHILIENNE

Explications : 

1) « Les séismes ne tuent pas, ce sont les bâtiments qui font des victimes » 

En 1960, le Chili a adopté des normes de construction parasismique strictes après avoir été frappé par le tremblement de terre le plus puissant de l’histoire. Malgré cela, le tremblement de terre de magnitude 8,8 qui a frappé le pays en 2010 a provoqué de nombreuses destructions dans le Sud et le Centre. Plus de 500 personnes ont trouvé la mort et plus de 200 000 logements ont été détruits dans le tremblement de terre et le tsunami qui l’a suivi. De nouvelles mesures devaient être prises.

Les normes de construction ont été mises à jour pour que les infrastructures résistent mieux aux ondes sismiques. Le respect du principe poteaux forts-poutres faibles permettrait aux bâtiments d’accompagner les secousses sans s’effondrer. Des pressions ont été exercées sur les planificateurs urbains pour que les nouvelles infrastructures soient construites plus loin du littoral. 

Selon Vicente Sandoval, doctorant chilien en planification du développement au University College de Londres qui s’est spécialisé dans les causes des catastrophes naturelles, il est important de noter que ces changements n’étaient pas que théoriques et qu’ils ont été mis en œuvre par les autorités. « Il s’agit d’une matrice de circonstances et de processus qui permettent au système de normes de construction de perdurer et de fonctionner », a-t-il dit à IRIN. 

2) Information, information, information

« ROUTE D'ÉVACUATION DE TSUNAMI »
Après le séisme de 2010, les autorités chiliennes n’ont pas émis d’alerte au tsunami avant l’arrivée des vagues sur le littoral. « Il y a eu un retard en matière de communication lié à la manière dont l’ordre d’évacuation allait être interprété et donné », se souvient Alfredo Zamudio, le directeur chilien du Centre de surveillance des déplacements internes (Internal Displacement Monitoring Centre, IDMC). «Cela a entraîné la mort de nombreuses personnes après le tsunami ».

Fortes de leurs expériences passées, les autorités ont mis en place des systèmes d’alerte précoce plus efficaces. Le Centre sismologique national du Chili fonctionne 24 heures sur 24 depuis que le gouvernement a investi dans le déploiement d’un réseau de capteurs à travers le pays pour enregistrer l’activité sismique. Si un grand séisme se produisait, ils seraient alertés. 

Deux bouées DART (Deep-ocean Assessment and Reporting of Tsunamis), qui détectent les changements de pression de la mer, ont été déployées au large des côtes septentrionales du Chili il y a quelques années dans le cadre d’un système d’alerte au tsunami plus sophistiqué. En outre, des sirènes installées dans les régions côtières ont été utilisées par la marine ce mercredi pour alerter la population de l’arrivée de possibles vagues. 

La population chilienne sait que l’état d’urgence accorde des pouvoirs au gouvernement : des troupes peuvent être déployées pour empêcher les pillages et l’aide peut être acheminée vers les zones touchées plus rapidement. Il en résulte « une relation respectueuse et un dialogue entre la population civile et les forces armées », selon M. Zamudio.

Les médias chiliens ont également joué un rôle en promouvant les outils disponibles en ligne, comme l’outil ‘Safety Check’ de Facebook, qui permet aux utilisateurs présents sur les lieux d’une catastrophe de signaler qu’ils se trouvent en sécurité et d’envoyer un message à leurs proches une fois que leur statut a été confirmé. 

Ces avancées sont utiles, mais M. Zamudio s’est empressé d’ajouter que « ce n’est pas la technologie qui réduit l’impact des catastrophes, mais la communauté, quand elle travaille avec le gouvernement national et quand les efforts communautaires sont déployés en concertation avec les autorités nationales ». 




3) Une culture de la préparation

Le Chili a surmonté un séisme de grande ampleur et 
« ZONE À RISQUES DE TSUNAMI »
il y a eu peu de victimes, car le pays était prêt. Depuis quelques années maintenant, des groupes locaux, disséminés dans le pays, se sont familiarisés avec les plans de préparation aux catastrophes, en réalisant de nombreux exercices de simulation de tremblement de terre et en empruntant les itinéraires d’évacuation à de maintes reprises. Résultat ? Plus d’un million de personnes ont été évacuées des zones côtières en seulement quelques heures, ce qui leur a permis d’échapper aux vagues de tsunami, dont certaines ont atteint 4,5 mètres de haut dans la région de Coquimbo.

Les jeunes enfants aussi ont appris à réagir en situation d’urgence, car leurs enseignants réalisent des exercices de simulation en classe. « L’ONEMI (l’office national d’urgence du ministère de l’Intérieur) a un programme baptisé ‘Chile Preparado’ ou ‘le Chili est prêt’ », a dit M. Sandoval. « Ils se rendent dans les écoles et les municipalités pour organiser des fêtes [et des ateliers] et distribuer des kits d’urgence ». 

Jeudi, Michelle Bachelet, la présidente du Chili, a félicité la population pour sa réactivité et a dit que le bilan des victimes était « regrettable, [mais] pas très élevé au vu de la puissance du tremblement de terre». Les systèmes d’alerte précoce sophistiqués et la préparation de la population avec un plan d’action rapide ont été des éléments clés et d’autres pays pourraient s’en inspirer. « Les exercices sont importants, tout comme la perception que la population a du dynamisme du pouvoir. De l’organisation », a expliqué M. Zamudio. « Ainsi, lorsque la population sait qu’il y a des systèmes [et] que les informations sont claires … vous verrez que l’ordre public règne comme vous avez pu le constater mercredi ». 

4) Participation citoyenne, volonté politique et investissement à long terme 

M. Sandoval a expliqué que le tremblement de terre de 2010 avait été un moment décisif pour la société civile chilienne. L’attention du public s’est portée sur la réduction des risques de catastrophe, lorsque l’action des responsables et des organisations comme l’ONEMI a été examinée et qu’il est apparu qu’ils n’avaient pas transmis les consignes d’urgence et avaient été incapables de sauver des vies. La large couverture médiatique du tremblement de terre et du tsunami a également permis de lancer les réformes institutionnelles, a-t-il ajouté. Quelle est la leçon à retenir ? 

La leçon est que la mobilisation de la population civile peut changer la donne. Les réformes des stratégies nationales du Chili en matière de réponses aux catastrophes ont pu être mises en œuvre, avec le soutien de la population. « L’année prochaine, l’ONEMI n’existera probablement plus. Nous aurons une autre institution capable de gérer la réduction des risques de catastrophe à long terme », a dit M. Sandoval. « C’était une demande de la société. [Et] jusqu’en 2012, nous n’avions pas de centre de recherche sur les catastrophes dans les universités chiliennes. [Cela] a été un tournant. [Le gouvernement] accorde de l’importance à ce que la population pense ». En d’autres mots, dialoguer avec la population est essentiel, après l’urgence pour évaluer les besoins et avant qu’une catastrophe ne frappe. 

Il serait trop facile de dire que les pays comme le Népal et Haïti devraient suivre l’exemple du Chili. Certains facteurs comme la topographie, les niveaux de pauvreté différents et le manque d’accès des organisations non gouvernementales (ONG) qui acheminent de l’aide humanitaire sont des éléments majeurs qu’il faut prendre en compte. Néanmoins, l’expérience du Chili offre des solutions globales comme l’investissement à long terme dans la réduction des risques de catastrophe, une meilleure planification urbaine et l’éducation de la population sur les actions à entreprendre en cas d’urgence. Le gouvernement népalais aurait tout intérêt à s’inspirer de cette expérience. 

dv/am/ag-mg/amz