PRISES D'UN PÊCHEUR. PHOTO: KASHFI HALFORD / FONDATION BERTARELLI |
Une étude de l’ONG américaine Sky Truth commandée par le Pew Charitable Trusts et la fondation Bertarelli, notamment sur la base d’images satellites, a dénombré 25 navires dans cette zone, mais sans pouvoir montrer s’ils étaient en pêche illégale ou non. La marine chilienne y a mené cette année dix opérations contre la pêche illégale, et a contribué à inscrire sur liste noire le chalutier-usine Lafayette (299 mètres).
Renforcer les contrôles
La solution proposée contre la pêche illégale est cet immense parc marin en grande partie interdit de toute pêche, présenté comme nécessaire pour renforcer les contrôles. Et sans doute les simplifier. Englobant 278 000 miles carrés (environ 445 0 000 km2), il serait le plus grand au monde s’il se crée avant celui proposé par le Royaume-Uni autour des îles Pitcairn, les terres habitées les plus proches, à 2 000 km à l’ouest.
La pêche ne serait autorisée aux insulaires que dans un cercle de 50 miles autour des côtes ainsi que dans un couloir menant à Sala y Gomez, petites îles inhabitées à l’est, où un parc marin existe déjà. Hormis ce petit secteur, la pêche serait donc interdite dans des cercles se chevauchant d’un rayon de 200 miles autour des îles de Pâques et Sala y Gomez.
MOAI ET VILLAGE DE PÊCHE DANS ÎLE DE PÂQUES PHOTO: KASHFI HALFORD / FONDATION BERTARELLI |
Pourquoi interdire la pêche ?
Pour dissuader les navires, il est visiblement prévu que la marine chilienne renforce ses contrôles, bien qu’il faille six jours pour rejoindre l’île depuis le continent. Pourquoi ce parc est-il indispensable pour assurer cette surveillance accrue ? « Ce genre de réserve est incontrôlable à moins d’y mettre des moyens militaires considérables, souligne Alain Le Sann, de l’association Pêche & développement. Et si les pêcheurs étaient les mieux placés par leur activité pour contrôler ces espaces ? Apparemment, certains pêcheurs locaux se plaignent de ne pas avoir de bateaux pour aller au large. »
Ils renforceraient ainsi à la fois leurs captures et la présence sur zone, dissuasive pour la pêche illégale. Il y a visiblement des divisions entre groupes de pêcheurs, « mais il y a tellement d’argent déversé sur de petits groupes... » Opposé au parc marin, un des 150 pêcheurs de l’île est convaincu que, contrairement au projet, la zone de pêche autorisée sera aussi progressivement fermée. D’autres sur l’île se méfient, échaudés par le parc national côté continent, créé dans les années 1950 par le Chili sans impliquer les autochtones. Il attire un grand nombre de touristes mais sans que cela ne leur profite beaucoup.
« Leadership international »
Mais l’opposition au parc ne semble pas farouche sur l’île, dont les peuples autochtones prendront la décision finale, selon une convention de l’Onu. Le maire y voit une occasion d’effacer les déboires avec le parc terrestre et d’améliorer l’image de l’île, si souvent citée pour le désastre de la déforestation. Et le ministre des Affaires étrangères du Chili, fervent partisan du parc, veut ainsi « afficher un leadership international sur la conservation de l’océan ».
C’est sans doute surtout cela, une question de géostratégie, d’affirmation de puissance. Et de mainmise du privé sur le public, avec le risque de privatisation des océans déjà dénoncé qui pourrait s’avérer profitable par le négoce de « carbone poisson ».
Cette zone est inscrite depuis le début dans le « portefeuille » de parcs du programme Global Ocean Legacy de Pew. Et son partenaire, la fondation Bertarelli, finance également la réserve des Chagos, avec Pew, et intervient dans le projet d’aire marine protégée au Belize avec la Oak Fondation.