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vendredi 24 octobre 2008

McCain: L'accroc Pinochet

Et une tuile supplémentaire pour John McCain en cette fin de campagne présidentielle. Elle provient d'une information du Huffington Post, un site politique très prisé de la blogosphère, dirigé par Arianna Huffington, elle-même électron libre dans le paysage politique américain (elle fut conservatrice avant de verser dans une certaine forme de populisme, battue en 2003 par Arnold Schwarzenegger alors qu'elle convoitait le poste de gouverneur de Californie). A en croire le "Huff Post", le candidat républicain à la Maison blanche, déjà malmené par les sondages, aurait, à la fin de l'année 1985, en compagnie de son épouse Cindy, pris la direction du Chili, à la rencontre d'un certain Augusto Pinochet. Une épine dans le pied de celui qui annonçait ne jamais vouloir s'asseoir à la même table qu'un dictateur, si d'aventure les portes de la Maison blanche s'ouvrent à lui le 4 novembre prochain...

Selon le média, qui reproduit sur son site une enquête extrêmement bien renseignée, le vétéran du Vietnam, alors député de l'Arizona et membre de la commission des Affaires étrangères de la chambre des représentants, se serait entretenu avec le dictateur chilien, à l'époque maître incontesté de Santiago, le 30 décembre 1985 très exactement. Leurs échanges n'auraient pas excédé une demi-heure. Ils auraient été rendus possibles par les efforts de Hernan Felipe Errazuriz, qui était lui ambassadeur
du Chili aux Etats-Unis . Contacté par le site américain, ce dernier dément aujourd'hui toute rencontre entre les deux hommes, même s'il confirme la présence du couple McCain dans le pays à cette période. Le 27 décembre, John et Cindy McCain ont ainsi pris leurs quartiers dans le sud du Chili, invités par un certain Marco Cariola, proche de Pinochet, et qui devint par la suite sénateur. Selon Errazuriz, le couple américain se serait adonné à de paisibles occupations trois jours durant (pêche au saumon et balades à cheval), dans l'une des régions les plus remarquables du pays sud-américain.

Dissertation sur les dangers du communisme

Mais, à la parole de l'ancien ambassadeur s'oppose aujourd'hui des documents officiels américains déclassifiés, dont le Huffington Post a pu prendre connaissance. L'un d'entre eux, émanant de l'ambassade des Etats-Unis au Chili, et que Hernan Felipe Errazuriz, considère "fabriqué", relate brièvement la teneur des discussions entre McCain et Pinochet, qui était accompagné de certains membres de son cabinet et de son ministre des Affaires étrangères, Jaime Del Valle. Le dictateur, accusé en 2006, quelques mois avant sa mort, de meurtre, enlèvement et torture, et dont les dix-sept années de règne (de 1973 à 1990) ont provoqué la mort de 3000 opposants, aurait ainsi disserté sur les dangers du communisme. En pleines années Reagan, pourtant pas réputé pour sa mansuétude à l'égard de l'URSS, Pinochet se serait également plaint de la mollesse des pouvoirs publics américains contre "le péril rouge".

A l'issue de l'entretien, John McCain aurait alors rapporté que parler à Pinochet revenait à s'entretenir avec les dirigeants de la John Birch Society (*). Rien, dans ce texte, n'indique en revanche ce qu'a dit ce dernier à Pinochet. A-t-il au moins fait part des inquiétudes du monde occidental face à la situation critique des droits de l'Homme et de la démocratie au Chili? Rien ne permet de l'affirmer (ou de l'infirmer). Ce qui est sûr en revanche, c'est que douze jours après cet épisode, Ted Kennedy, l'emblématique sénateur démocrate du Massachussetts, s'est à son tour rendu à Santiago afin de plaider, aux côtés d'opposants à la junte militaire en place, la cause de la démocratie au Chili. Bloqué à l'aéroport et accueilli par des jets d'oeufs, le frère de JFK a eu toutes les peines du monde à rallier Santiago. "Si le sénateur McCain a pu rencontrer Pinochet et ne lui a pas fait part des inquiétudes sur l'état de la démocratie au Chili, ce serait vraiment désolant", raconte aujourd'hui Mark Schneider, qui avait à l'époque organisé le voyage de Ted Kennedy à Santiago. Invité par le "Hoff Post" à s'exprimer sur le sujet, le staff de campagne du candidat républicain à la présidence américaine s'est contenté d'un cinglant "no comment" sur cette dérangeante demi-heure.

(*) La John Birch Society (JBS) est une association anticommuniste et conservatrice américaine, fondée à Indianapolis en 1958. Son nom fait référence à John Birch, militaire et missionnaire protestant, tué par des communistes chinois en 1945, considéré ainsi comme la première victime de la Guerre froide.