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mardi 3 juin 2008

AU CHILI, FILMER DES INDIENS MAPUCHE PEUT MENER EN PRISON

Les tribunaux chiliens semblent s’intéresser de très près aux vidéastes s’aventurant en territoire mapuche : début mai, deux Italiens, surpris avec une caméra en compagnie d’activistes indigènes, avaient été brièvement interpellés, puis expulsés. Et en mars, deux jeunes français avaient connu semblable déconvenue.

Elena Varela réalisait « Newen Mapuche », un documentaire (subventionné par des fonds publics chiliens) sur l’interminable conflit opposant ces Amérindiens aux autorités. Connus jadis sous le nom d’Araucans, les Mapuches seraient selon les estimations entre 500 et 900 000 dans le sud du Chili. Farouchement indépendants, ils ont résisté aux Incas, puis aux Conquistadores espagnols, avant d’être anéantis par l’armée chilienne en 1882. 95 % de leur territoire de 5 millions d’hectares est alors distribué à des colons. Le régime du général Pinochet (1973-1990) a favorisé les investissements des compagnies forestières en pays mapuche. Naguère contée par le prix Nobel de littérature Pablo Neruda, leur forêt a cédé la place à des plantations de pins et d’eucalyptus ; bois et cellulose sont exportés vers le Japon. A l’exemple de nombreux peuples indigènes, les Mapuches n’ont guère profité de cette reconversion : expulsés, ils ont grossi les villes où ils pâtissent de discriminations.

Destruction de l’écosystème

Après la chute de Pinochet, les Mapuches demandent réparation. Cent milles hectares ont été restitués depuis 1993, mais les Mapuches dénoncent la faiblesse des indemnisations, les abus des autorités et la destruction de leur écosystème. Ils n’hésitent pas à sortir du cadre légal : incendies des biens de compagnies forestières, occupations des terres de grands propriétaires… En dix ans, plusieurs centaines de Mapuches ont été poursuivis par la justice, et certains condamnés à 10 ans de prison. Après le 11 septembre 2001, les tribunaux ont parfois recours à une « loi antiterroriste » pour juger les militants indigènes. Les tensions avec les forces de l’ordre sont récurrentes, et ces dernières années plusieurs Mapuches ont été tués par balles. En janvier dernier, la présidente socialiste chilienne Michelle Bachelet a nommé un médiateur pour promouvoir le dialogue, suscitant le scepticisme des organisations amérindiennes.
Cédric Gouverneur