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Réalisé par Jairo Boisier. Chili. Drame. 1h24 (Sortie le 24 juin 2015). Avec Paola Lattu, Catalina Saavedra, José Soza, Daniel Antivilo, Hernando Lattus et Daniela Ramirez.
Philippe Person
Si l'on parle généralement de « fantastique argentin», on n'a pas l'habitude d'accoler de qualificatif à « chilien ». Et pourtant, « Le retour de Fabiola » de Jairo Boisier en fournit la preuve, il y a une manière toute chilienne de jouer avec le banal pour en faire du singulier.
La seule référence cinématographique récente que l'on a pour appuyer cette réflexion est « La Nana », un film de Sebastian Silvera, dans lequel jouait déjà la formidable Catalina Saavedra, qui fait ici la sœur de Fabiola.
Comme dans « La Nana », « Le retour de Fabiola » expose des faits très simples, très plats. Une jeune femme revient vivre avec son père et sa sœur dans une province éloignée de Santiago où elle avait cru pouvoir réussir. Pas très bien accueillie par son père et sa sœur, maniaque du ménage, elle trouve vite un travail dans une « casse ».
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Assez mutique, Fabiola ne semble pas ravie par ce retour mais ne paraît pas trop en souffrir. On la sent seulement plus très habituée à un climat plus rude qu'à la capitale. Tout ce qui lui importe, c'est d'avoir un vélo en état de marche...
Peu à peu, on va en apprendre de belles. Mais pas directement, plutôt par allusions qui permettront de comprendre, par exemple, la mauvaise humeur de son père, vieux mineur fier de son ancienne condition, et l'intérêt pour Fabiola d'un jeune garçon et de son père.
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Disons-le tout net : Fabiola a fait du « X » et ses films ont été vus dans ce coin paumé du Chili. Sujet prétexte aussi à alimenter beaucoup de non-dits à la Kaurismaki. Car il n'y a pas que Fabiola à être une « taiseuse ». On ne s'épanche pas beaucoup dans cette contrée où l'on finit par boire plus qu'on ne parle.
« Le retour de Fabiola » de Jairo Boisier vaut pour son ambiance bien particulière, son infra-humour qui cache un désespoir qui ne cherche pas à être poli.
Vaste et froide prison des âmes, le Chili moderne donne l'impression de naviguer entre passé absent et futur introuvable. Fabiola revient pour repartir. Sa volonté est intacte et elle incarne, bonnet de laine sur la tête, l'avenir d'une voyageuse avec à peine des bagages. Elle se cherche, et c'est finalement une bonne nouvelle qu'elle ne se soit pas retrouvée dans le village de ses origines.
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Qu'elle laisse le canari de son père pousser quelques notes dans sa cage éternelle, au bout de sa route, il y a un chemin...
« Le retour de Fabiola » de Jairo Boisier est un film d'étape de montagne comme on dirait sur le Tour de France. Dans un prochain, plus roulant pour son vélo, l'excellente Paola Lattus, qui rend consistante l'inconsistance de Fabiola, saura peut-être rire ou sourire. Qu'importe, on est prêt à la suivre et sans arrière-pensées vers un autre beau film comme celui-ci, tout simplement.
Philippe Person