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mercredi 22 juin 2016

DES CHILIENS CÉLÈBRENT L’EXPÉDITION TAHITI NUI

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TIMBRE-POSTE ERIC L'ÉVÊQUE, POLYNÉSIË FRANÇAISE.
COLLECTION ERIC DE BISSCHOP DU 30 08 1988 

« Sous le commandement de M. De Bisschop, ils étaient partis de Papeete (avec Francis Cowan et Michel Brun, NDLR) un jour de novembre 1956, à bord du radeau Tahiti Nui I, construit entièrement en bambous », nous écrivait-il.

La traversée aller-retour de plus de 16 000 kilomètres devait appuyer la théorie d’Éric de Bisschop selon laquelle les Polynésiens, “meilleurs navigateurs que les Égyptiens, les Grecs ou les Phéniciens”, avaient vogué le long des côtes sud-américaines, il y a deux millénaires, avec leurs pirogues à voiles d’une dizaine de mètres de long. 


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L'EXPÉDITION DU KON-TIKI
Il souhaitait ainsi s’opposer à la théorie du Norvégien Thor Heyerdahl, qui avait fait le chemin inverse, dix ans auparavant, afin de prouver que c’étaient les marins pré-incas qui s’étaient rendus en Polynésie, et l’avait peuplée. 

« Malheureusement, après  200 jours sur l’océan (en mai 1957, NDLR), ils ont lancé un SOS à l’armée chilienne, et c’est la frégate Baquedano, qui les a sauvés près de l’archipel Juan Fernández », explique Jorge Orellana. 

Acheminés jusqu’à Valparaiso, à 600 km environ, les aventuriers y furent tout de même reçus « comme de vrais héros du Pacifique », et se mirent rapidement à préparer le retour. 

Les chantiers navals de Constitución, une cité portuaire réputée, à 250 km au sud de Valparaiso, furent choisis pour construire le nouveau radeau, en cyprès de la région.

Un survivant à Moorea

Jorge Orellana, adolescent, s’y rend « tous les jours » avec fascination. 


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ÉRIC DE BISSCHOP
« Le radeau Tahiti Nui II est parti du port chilien de Constitución, le 15 février 1958, pour rentrer à Tahiti, se souvient-il plus d’un demi-siècle plus tard. Le point de départ était plein de monde, M. l’ambassadeur de France au Chili faisant partie des nombreux spectateurs qui souhaitaient bon voyage et bonne chance aux vaillants navigateurs. On écouta la Marseillaise et le radeau, remorqué par trois navires, fut mis à la mer. »

Cette fois, Éric de Bisschop, Alain Brun, et Juan Bugueño naviguent avec Jean Pelissier et Hans Fischer. Ils remontent vers les côtes péruviennes avant d’entreprendre leur longue traversée vers la Polynésie.

« Poussés par les vents et les courants », ils s’échoueront six mois plus tard sur la barrière corallienne de Rakahanga, un atoll des îles Cook. Le capitaine Éric de Bisschop n’y survivra pas. 

« Le 17 juin 2016, on va faire une cérémonie, dans le centre culturel de Constitución, pour fêter les 58 ans de la fin de l’expédition et de la mort de M. De Bisschop », nous a donc écrit Jorge Orellana le mois dernier, en estimant qu’il s’agissait de l’une “des plus importantes et émouvantes navigations à voile de l’après-guerre”, une « expérience maritime et culturelle qui a eu une très grande influence dans tout le village et en particulier sur beaucoup de jeunes Chiliens, comme moi ». 

Grâce à une publication Facebook, la mairie de Papeete, que nous avions informée de cette cérémonie, a pu retrouver des membres de la famille de Michel et d’Alain Brun, décédés respectivement au Paraguay, en 2004, et au Japon, il y a quelques semaines.

Yuko, une fille de Michel Brun, a fait parvenir des images et des témoignages d’époque à Jorge : « Mon père aurait été très très touché, s’il était vivant, de la délicate attention qui vous anime, et de votre idée d’organiser cet événement au Chili », lui a-t-elle écrit, à la fin du mois de mai. 

À Moorea, Jorge a aussi retrouvé la trace de Jean Pelissier, âgé de 82 ans, qui lui « a promis qu’il viendra au Chili, en fin d’année ». 

À 89 ans, Juan Bugueño vit quant à lui dans la province de Valparaiso. 

Vendredi dernier, dans la petite ville industrielle de Constitución, qui compte aujourd’hui 60 000 habitants, il a été décoré par le maire, après avoir confié ses souvenirs à l’assistance. 

« L’histoire des radeaux Tahiti Nui doit être connue et reconnue par les nouvelles générations, tant au Chili qu’à Tahiti »  a conclu Jorge Orellana.

Marie Guitton