JOSÉ BALMES EN 2007 PHOTO PALOMA BAYTELMAN |
TROIS jours après l'arrestation de Pinochet, le peintre espagnol José Balmes a reçu à Santiago la visite de «fantômes » du passé qui l'ont menacé de mort, à la fois pour ses idées politiques et ses origines. Le lundi 19 octobre, sa fille recevait un coup de téléphone anonyme.
Après l'avoir informée de l'arrestation de Pinochet survenue trois jours plus tôt, «ils lui ont dit qu'ils allaient m'étriper », a raconté José Balmes, ancien républicain espagnol ayant opté pour le Chili en 1939, lors d'un entretien avec l'AFP. «Ils lui ont ensuite conseillé de commencer une relation d'amitié avec Carmen Soria », la fille d'un diplomate espagnol assassiné sous la dictature. Pour le peintre, professeur émérite de la Sorbonne, le message était clair.
À l'image de plusieurs leaders politiques de gauche ou de ressortissants espagnols ou britanniques, Balmes s'est ainsi retrouvé dans la ligne de mire des plus farouches partisans de Pinochet. «Ils m'ont peut-être choisi pour faire d'une pierre deux coups », a-t-il ironisé. Trois jours plus tard, des voisins ont alerté M. Balmes de la présence d'une voiture suspecte dans sa rue, avec une personne à l'intérieur qui portait un bas sur la tête. Ce même véhicule s'est ensuite garé devant l'entrée de la maison du peintre et l'a ainsi empêché de sortir en voiture de son domicile.
« Ceux qui profèrent ces menaces ne sont pas les mêmes qui participent aux manifestations » de soutien au général, a-t-il expliqué. «Ceux-ci ont un autre caractère, ce sont des professionnels et ils ont pris part aux disparitions et à la torture » sous la dictature. «A chaque fois que se produisent des événements comme celui-ci (la détention de Pinochet), il essayent de créer la panique«, a déclaré M. Balmes, qui s'était exilé en France à deux reprises, la première après la guerre civile espagnole, en 1939, et la seconde après le coup d'État de Pinochet, en 1973.
Aussitôt que surgissent des moments de tension dans la transition démocratique chilienne, «ils réapparaissent comme de vieux fantômes », a affirmé le peintre, allusion à l'ancienne police secrète de la dictature.
«Mais ces fantômes sont en chair et en os et ils continuent d'être bien présents » dans la société chilienne. Ami intime du président Allende, il estime que le Chili d'aujourd'hui «a quelque chose en lui qui est malade et que l'on essaie de cacher avec des calmants ». Dans la situation de crispation que vit actuellement le pays, M. Balmes craint que la tension se maintienne et surtout qu'elle débouche sur des opérations violentes. «Il y a des précédents », a-t-il rappelé. «Après l'attentat contre Pinochet en 1986, cinq militants de gauche ont été assassinés. » Pour faire face à la situation, il a demandé protection au gouvernement et un policier veille en permanence sur son domicile depuis vendredi dernier. «Pendant le week-end, je ne suis pas beaucoup sorti, à la demande de la police », a-t-il expliqué. «Mais depuis lundi j'ai décidé de reprendre une vie normale... »