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UNE VUE DE LA VILLE DE LA SERENA, AU CHILI. PHOTO RODRIGO GARRIDO, ARCHIVES REUTERS |
De plus en plus d'États émettent des obligations pour financer de grands projets écologiques. Fait nouveau, la « dette verte » attire désormais des pays émergents, comme récemment le Chili, premier pays du continent américain à franchir le pas.
AAu moment où certains de ses pairs hésitaient à se rallier au consensus sur le climat au sommet du G20 à Osaka fin juin, sous l'influence du climatoscepticisme revendiqué par Donald Trump, le Chili affichait sa conviction écologique.
Six mois avant d'accueillir la prochaine conférence annuelle de l'ONU sur le climat en décembre, il a ainsi levé d'abord 850 millions de dollars et juste après 861 millions d'euros pour financer des infrastructures de transports en commun propres, des projets dans le domaine des énergies renouvelables et de la gestion de l'eau.
« Le Chili est non seulement le premier État du continent à se lancer, mais c'est aussi un des plus avancés dans la lutte contre le changement climatique », observe auprès de l'AFP Tanguy Claquin, responsable mondial de la finance sociale et environnementale de Crédit Agricole CIB, qui fait partie des banques ayant piloté l'émission en euros.
Avec l'Indonésie en février, la Corée du Sud début juin ou Hong Kong en mai, le courant vert a gagné en 2019 de nouveaux adeptes après le Nigeria et les îles Fidji en 2018.
« Le monde émergent, à l'instar des économies développées, est évidemment concerné par ces enjeux environnementaux et sociaux. Faire une émission verte est un vecteur exceptionnel pour l'affirmer », souligne auprès de l'AFP Frédéric Gabizon, responsable pour le marché obligataire chez HSBC, qui fait partie des banques ayant piloté la grande majorité de ces émissions fléchées sur des projets respectueux de l'environnement.
Car les pays émergents sont nombreux à estimer avoir besoin de davantage d'aide en matière climatique et une bonne part d'entre eux apparaissent, à tort ou à raison parfois, comme moins concernés par ces problématiques.
« Certains pays ont traversé des crises qui font que la dette verte n'est pas au sommet de leur agenda », note M. Claquin.
En Amérique latine, le Brésil a renoncé à accueillir la COP25 un mois après l'élection du président d'extrême droite Jair Bolsonaro, un climatosceptique notoire. Il a également fait partie des pays, avec la Turquie et l'Arabie saoudite, qui ont failli rompre le consensus sur le climat lors du G20, avant de finalement signer le texte de compromis.
Mais pour M. Gabizon, « la tendance au développement économique durable est croissante et, de ce point de vue, les pays émergents s'inscrivent complètement dans ce mouvement planétaire ».
Tout le monde regarde
Nées il y a un peu plus de dix ans, les obligations vertes, destinées à financer des investissements en faveur de la transition énergétique et écologique, n'en finissent en effet plus de fleurir. Le montant des émissions mondiales depuis le 1er janvier, pour les États et les entreprises, atteignait 147 milliards dollars fin juin, selon des chiffres de HSBC.
L'année a surtout été marquée par l'arrivée triomphale des Pays-Bas, qui ont levé près de 6 milliards d'euros, inscrivant leurs pas dans ceux de la France qui fait référence dans ce domaine avec une première émission de 7 milliards d'euros en janvier 2017 pour un encours qui s'élève désormais à 19 milliards.
« Cette opération du Chili va sans doute en entraîner d'autres. La tendance est déjà là », estime M. Claquin.
Et pour chaque opération, l'appétit des investisseurs est immanquablement au rendez-vous, offrant des conditions d'emprunt a minima aussi attractives qu'un prêt classique.
Selon Climate Bonds Initiative (CBI), l'organisme de référence en matière de dette responsable, le Nigeria « se prépare pour une deuxième émission » et l'Égypte ou le Pérou se profilent à l'horizon pour 2020.
Saluant la volonté politique manifestée par le Chili pour satisfaire aux exigences de l'Accord de Paris de 2015, qui prévoit de limiter l'élévation de la température moyenne de la planète bien en dessous de 2 °C, le CBI a estimé que l'hôte de la COP25 avait « mis la barre verte bien haut sur le continent ».