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Un village de Dordogne ravive chaque été en août le souvenir de l’éphémère «roi» français d’Araucanie (sud Chili), à mi-chemin entre la folle histoire d’un aventurier périgourdin du 19e siècle adoubé par les Amérindiens Mapuches, et la très actuelle lutte de cette minorité ethnique.
DES VISITEURS OBSERVENT LE BUSTE DE ORÉLIE-ANTOINE IER,
NÉ ANTOINE ROUNENS, À TOURTOIRAC EN FRANCE, LE 17 AOÛT 2019
PHOTO NICOLAS TUCAT. AFP
Libération avec l'AFP
Une messe pour Sainte-Rose de Lima (première sainte des Amériques), une visite au «Musée des Rois d’Araucanie et de Patagonie» de Tourtoirac, une gerbe sur son buste, sa tombe: Antoine de Tounens (1825-1878), était célébré samedi dans ce village de 650 habitants par une poignée de fidèles du «royaume», et quelques passionnés.
« La réalité de son histoire dépasse les fictions. Un vrai western... S’il avait été Américain ou Anglais, Hollywood aurait déjà fait une dizaine de films sur lui!», raconte Jean-François Gareyte, historien amateur qui lui a consacré deux livres, des dizaines de voyages au Chili, s’immergeant autant dans les archives militaires, judiciaires, de presse, qu’au sein des communautés Mapuches. Où par endroits survit oralement --très inégalement, convient-il-- le souvenir du «Français».
Venu dans le jeune Chili en quête d’aventure, politique ou commerciale, De Tounens, un avoué franc-maçon de Périgueux se trouva, au détour de soubresauts politiques, mêlé aux Mapuches. Et en 1860, un consensus de caciques Mapuches le voyait désigné «Orélie-Antoine 1er, roi d’Araucanie et de Patagonie».
Dans une région alors en conflit larvé, De Tounens est en 1862 fait prisonnier par les Chiliens, présenté comme fou, expulsé. Il y reviendra au moins trois fois, avant de mourir, malade, à Tourtoirac. Bientôt, Araucanie et Patagonie allaient basculer sous tutelles chilienne et argentine.
«Bouffonnerie», «gasconnade» d’un «mythomane de province» , --comme le railla la presse parisienne à l’époque ? Ou improbable destin d’un aventurier chevaleresque, arrivé «premier à un concours de circonstances historiques» ?
Ce que les archives de Santiago attestent, assure M. Gareyte, c’est que le Chili de 1860-70, lui, prit au sérieux les va-et-vient (et les armes importées) de ce remuant Français dans une Araucanie alors loin d’être «pacifiée». Et s’interrogea sur ses éventuels soutiens à Paris, car on était à l’époque de l’expédition française au Mexique (1861-67).
Depuis 2018, Frédéric Luz, un héraldiste tarnais de 55 ans, est le successeur officiel d’Orélie-Antoine, «prince d’Aracaunie et de Patagonie», élu par un «conseil de régence», après le décès fin 2017 de son prédécesseur.
Mais ici cesse la tartarinade. Car au conseil du «royaume» siègent des Mapuches, tel Reynaldo Mariqueo, un dirigeant basé au Royaume Uni de l’ONG Auspice Stella, qui a depuis 2013 statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC). Et la «Maison royale» via l’ONG, aide matériellement, fait du lobbying -récemment un courrier à la Cour pénale internationale- pour les droits du peuple Mapuche toujours en lutte --parfois violente, et réprimée-- pour ses droits et terres ancestrales.
Tout cela --de même que la +querelle dynastique+ qui voit la légitimité de Frédéric contestée par deux prétendants-- passe un peu au-dessus de la tête des gens de Tourtoirac. Où, si l’on a cofinancé la stèle, affrêté le musée, on y voit surtout «une histoire locale sympa, partie du patrimoine, dont on a entendu parler depuis notre jeunesse. Ni prise en dérision, ni non plus affaire d’Etat», explique le maire Dominique Durand.
«Frédéric 1er» note avec satisfaction que la mémoire d’Antoine depuis peu «s’éloigne d’un folklore contreproductif, attire moins de sourires moqueurs», voire génère un intérêt de la presse sud-américaine. Qui coïncide avec une visibilité accrue de la cause Mapuche depuis 15-20 ans au Chili. En 2017, l’alors présidente Michelle Bachelet demanda officiellement «pardon» pour «les erreurs et les horreurs» historiques envers la communauté.
Cette «convergence» ne tourne pas la tête du prince, qui n’a d’ailleurs pas de couronne. «On n’est pas une micro-nation d’opérette, on ne +joue+ pas à créer un Etat, il est hors de question de revendiquer un quelconque territoire», explique à l’AFP Frédéric 1er. Il voit plutôt dans la Maison royale une «entité historico-culturelle», à la fois pour «perpétuer le souvenir d’Orélie-Antoine», et surtout une «caisse de résonance pour aider les Mapuches dans la défense de leurs traditions, leurs droits».
Car au-delà de la fascination romanesque pour De Tounens, «l’acteur principal de cette histoire, ce n’est pas lui, rappelle M. Gareyte. C’est le peuple Mapuche, sa lutte pour l’indépendance, et qui à un moment donné de son histoire, décida de jouer cette (De Tounens) carte-là».
AFP
« La réalité de son histoire dépasse les fictions. Un vrai western... S’il avait été Américain ou Anglais, Hollywood aurait déjà fait une dizaine de films sur lui!», raconte Jean-François Gareyte, historien amateur qui lui a consacré deux livres, des dizaines de voyages au Chili, s’immergeant autant dans les archives militaires, judiciaires, de presse, qu’au sein des communautés Mapuches. Où par endroits survit oralement --très inégalement, convient-il-- le souvenir du «Français».
-Un «fou» qui inquiétait-
Venu dans le jeune Chili en quête d’aventure, politique ou commerciale, De Tounens, un avoué franc-maçon de Périgueux se trouva, au détour de soubresauts politiques, mêlé aux Mapuches. Et en 1860, un consensus de caciques Mapuches le voyait désigné «Orélie-Antoine 1er, roi d’Araucanie et de Patagonie».
Dans une région alors en conflit larvé, De Tounens est en 1862 fait prisonnier par les Chiliens, présenté comme fou, expulsé. Il y reviendra au moins trois fois, avant de mourir, malade, à Tourtoirac. Bientôt, Araucanie et Patagonie allaient basculer sous tutelles chilienne et argentine.
«Bouffonnerie», «gasconnade» d’un «mythomane de province» , --comme le railla la presse parisienne à l’époque ? Ou improbable destin d’un aventurier chevaleresque, arrivé «premier à un concours de circonstances historiques» ?
Ce que les archives de Santiago attestent, assure M. Gareyte, c’est que le Chili de 1860-70, lui, prit au sérieux les va-et-vient (et les armes importées) de ce remuant Français dans une Araucanie alors loin d’être «pacifiée». Et s’interrogea sur ses éventuels soutiens à Paris, car on était à l’époque de l’expédition française au Mexique (1861-67).
Depuis 2018, Frédéric Luz, un héraldiste tarnais de 55 ans, est le successeur officiel d’Orélie-Antoine, «prince d’Aracaunie et de Patagonie», élu par un «conseil de régence», après le décès fin 2017 de son prédécesseur.
Mais ici cesse la tartarinade. Car au conseil du «royaume» siègent des Mapuches, tel Reynaldo Mariqueo, un dirigeant basé au Royaume Uni de l’ONG Auspice Stella, qui a depuis 2013 statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC). Et la «Maison royale» via l’ONG, aide matériellement, fait du lobbying -récemment un courrier à la Cour pénale internationale- pour les droits du peuple Mapuche toujours en lutte --parfois violente, et réprimée-- pour ses droits et terres ancestrales.
Tout cela --de même que la +querelle dynastique+ qui voit la légitimité de Frédéric contestée par deux prétendants-- passe un peu au-dessus de la tête des gens de Tourtoirac. Où, si l’on a cofinancé la stèle, affrêté le musée, on y voit surtout «une histoire locale sympa, partie du patrimoine, dont on a entendu parler depuis notre jeunesse. Ni prise en dérision, ni non plus affaire d’Etat», explique le maire Dominique Durand.
--Pas folklore, «caisse de résonance»--
«Frédéric 1er» note avec satisfaction que la mémoire d’Antoine depuis peu «s’éloigne d’un folklore contreproductif, attire moins de sourires moqueurs», voire génère un intérêt de la presse sud-américaine. Qui coïncide avec une visibilité accrue de la cause Mapuche depuis 15-20 ans au Chili. En 2017, l’alors présidente Michelle Bachelet demanda officiellement «pardon» pour «les erreurs et les horreurs» historiques envers la communauté.
Cette «convergence» ne tourne pas la tête du prince, qui n’a d’ailleurs pas de couronne. «On n’est pas une micro-nation d’opérette, on ne +joue+ pas à créer un Etat, il est hors de question de revendiquer un quelconque territoire», explique à l’AFP Frédéric 1er. Il voit plutôt dans la Maison royale une «entité historico-culturelle», à la fois pour «perpétuer le souvenir d’Orélie-Antoine», et surtout une «caisse de résonance pour aider les Mapuches dans la défense de leurs traditions, leurs droits».
Car au-delà de la fascination romanesque pour De Tounens, «l’acteur principal de cette histoire, ce n’est pas lui, rappelle M. Gareyte. C’est le peuple Mapuche, sa lutte pour l’indépendance, et qui à un moment donné de son histoire, décida de jouer cette (De Tounens) carte-là».
AFP
ORÉLIE-ANTOINE DE TOUNENS |
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