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Élue à la présidence du Chili le 15 décembre 2013, Michelle Bachelet rejoint le club des femmes au pouvoir dans la région, formé jusqu’ici par l’Argentine Cristina Fernandez de Kirchner et la Brésilienne Dilma Roussef. Trois femmes qui se connaissent, et qui savent dépasser leurs différences.
Avec l’élection à la présidence du Chili de la socialiste Michelle Bachelet ce dimanche 15 décembre, la gauche, déjà majoritaire en Amérique du Sud, se renforce encore. De fait, si l’on exclut Guyana et le Surinam, qui ne font pas partie historiquement de cette région dominée par l’héritage ibérique, seuls deux gouvernements sud-américains sur neuf, ceux de la Colombie, avec Juan Manuel Santos, et du Paraguay, avec Horacio Cartes, peuvent être classés à droite.
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Mais le retour aux affaires de Bachelet, qui a occupé la présidence de son pays entre 2006 y 2010, vient aussi renforcer le club des femmes au pouvoir en Amérique du Sud, formé jusqu’ici par l’Argentine Cristina Fernández de Kirchner et la Brésilienne Dilma Rousseff.
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Au moins jusqu’au 1er janvier 2015, date à laquelle Rousseff terminera son mandat, trois des principales économies de la région seront dirigées par des femmes : le Brésil, première puissance sud-américaine et sixième mondiale, l’Argentine, deuxième, et le Chili, qui occupe la cinquième place, mais est considérée la plus dynamique. Le poids de leurs pays donnera à ces trois présidentes un rôle déterminant dans les prochains sommets du Mercosur : face à quatre hommes (le Vénézuélien Nicolás Maduro, l’Uruguayen José Mujica, le Bolivien Evo Morales et le Paraguayen Horacio Cartes), elles représenteront, ensemble, plus de 80% du PIB des États membres et associés du Marché commun du Sud.
Pour autant, travailleront-elles ensemble, ou au moins dans la même direction ? Évidemment, chacune défendra les intérêts de son pays, ce qui entraînera sans doute des désaccords. Toutefois, ce qui les unit est plus important que ce qui les sépare, tant d’un point de vue politique que sur le plan personnel. Si elles sont issues de courants idéologiques différents, on remarquera que leurs adversaires recourent souvent aux mêmes termes pour les attaquer.
Ainsi, l’opposition argentine ne cesse de dénoncer le «populisme » de Cristina Kirchner, comme le fait la droite brésilienne pour combattre certaines initiatives de Dilma Roussef et comme l’ont fait aussi les conservateurs chiliens durant la campagne présidentielle pour tenter de disqualifier les promesses électorales de Michelle Bachelet.
De fait, les réformes qu’entend mettre en œuvre Michelle Bachelet, notamment la gratuité de l’éducation, impliquent un changement dans le modèle libéral en vigueur au Chili depuis la dictature d’Augusto Pinochet et un rapprochement avec des systèmes où l’État est plus présent, comme au Brésil et plus encore en Argentine.
Une personnalisation commune du pouvoir
D’autre part, les trois ont développé un leadership marqué par le « personnalisme ». En Argentine, celui de Cristina Kirchner s’enracine dans la tradition péroniste et l’effondrement des partis politiques suite à la crise de 2001-2002. Au Brésil, le système politique ne s’est pas effondré, mais de longue date les partis y ont peu de poids et c’est ainsi que Dilma Rousseff, dans les pas de Lula Da Silva, a imposé le sien.
Curieusement, en cela aussi le Chili se rapproche aujourd’hui des deux autres pays: le discrédit des coalitions de gauche et de droite au pouvoir au cours des deux dernières décennies y est évident et Michelle Bachelet a plus dû son élection au lien personnel qu’elle a su tisser avec l’opinion qu’aux forces politiques que la soutenaient.
De plus, Kirchner (60 ans), Rousseff (66) et Bachelet (62) font partie d’une même génération dont l’engagement politique a commencé dans les années 70, quand les dictatures militaires dominaient la région et leurs pays. Le père de Michelle Bachelet a été torturé et est mort en prison ; elle-même a été détenue avant de devoir s’exiler.
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Dilma Rousseff, alors membre d’un groupe de guérilla d’extrême gauche, a été emprisonnée et torturée. Kirchner n’a pas souffert personnellement de la dictature argentine, mais beaucoup de ses camarades de la gauche péroniste ont été assassinés. Le souvenir de ces années noires qui ont marqué leur vie politique et leur vision du monde les unit peut-être plus que toute autre chose.
Une amicale connivence
Cela explique sans doute que, durant sa première présidence, Michelle Bachelet ait pu trouver des points d’accord avec Cristina Kirchner qui ont permis de résoudre la plupart des conflits bilatéraux. Mieux : qui les a vues, ensemble, dans des sommets et des visites d’État, peut témoigner de l’existence de véritables liens d’amitié entre ces deux femmes.
Il en est de même entre Dilma Rousseff et la présidente argentine : depuis que la première a accédé au pouvoir en janvier 2011, elles ont su lors de chaque rencontre dépasser les désaccords qui surgissaient entre les deux pays. Au nom d’une relation stratégique qui oblige à des concessions de part et d’autre, bien sûr.
Mais aussi grâce à une amicale connivence. Si elles se connaissent déjà, Rousseff et Bachelet n’avaient pas jusqu’ici été en fonction en même temps, et n’ont donc pas eu ce genre de rapports de « présidentes amies ». Ce sera le cas bientôt. On peut penser que le lien de chacune d’elles avec Cristina Kirchner facilitera la relation. Et, surtout, que ces trois femmes feront parler d’elles dans les prochains mois.