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Au Chili, la réélection à la présidence de la socialiste Michelle Bachelet, avec plus de 62 % des suffrages, au second tour de scrutin, le 15 décembre, marque le retour au pouvoir du centre-gauche, après un simple intermède de droite de quatre ans, depuis le retour de la démocratie en 1990. C’est avant tout une victoire de celle qui avait été la première femme à gouverner un pays d’Amérique du Sud, entre 2006 et 2010, et dont la popularité est restée inaltérée.
Michelle Bachelet, 62 ans, sera investie le 11 mars 2014. Pour son retour au palais présidentiel de La Moneda, l’ancienne présidente bénéficie de l’expérience acquise au cours de son premier mandat. Elle confie avoir tiré les leçons de ses échecs pour faire du Chili « un pays plus juste, plus égalitaire et sans discrimination».
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MICHELLE BACHELET ET SA MÈRE ANGELA JERIA, CÉLÈBRENT LA VICTOIRE.PHOTO THE ASSOCIATED PRESS |
Pourra-t-elle saisir cette deuxième chance ? Médecin de formation, torturée pendant la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990), Mme Bachelet est une femme forte et bien préparée. Elle a été ministre de la santé en 2000, et deux ans plus tard, la première femme ministre de la défense d’Amérique latine. Elle a passé trois ans à New York, à la tête de l’ONU Femmes, une entité des Nations unies chargée de promouvoir l’égalité de genre. Elle dit « avoir beaucoup appris » et être « parfaitement consciente que le Chili a changé. »
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CAMILA VALLEJO, JEUNE LEADER DES SYNDICATS ÉTUDIANTS CHILIENS, DEVENUE UNE ICÔNE MONDIALE DE LA CONTESTATION AU MODÈLE UNIQUE IMPOSÉ PAR LE NÉOLIBÉRALISME. |
Les manifestations des lycéens avaient ébranlé son premier gouvernement. Le mécontentement s’est depuis amplifié, avec de nombreux mouvements sociaux. Avec un système économique, donné comme modèle sur le continent et malgré la réduction de la pauvreté, beaucoup de Chiliens dénoncent la persistance de grandes inégalités et réclament leur part du « gâteau. » Le fantôme de Pinochet et la peur qui planaient sur Santiago ont disparu.
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UN ÉLARGISSEMENT AU PARTI COMMUNISTE
Mme Bachelet a recomposé l’ancienne coalition de centre-gauche qui avait gouverné pendant vingt ans (1990-2010). Elle a pris la tête de la Nouvelle Majorité, qui a remplacé la Concertation démocratique, en s’élargissant au Parti communiste, qui n’a participé à aucun gouvernement depuis la présidence du socialiste Salvador Allende (1970-1973). Le Parti communiste dispose de six députés. Reste à savoir si Mme Bachelet nommera un ministre communiste, au risque de s’attirer les foudres de ses alliés de la conservatrice démocratie chrétienne, qui avait soutenu le coup d’Etat contre Allende, et des hommes d’affaires de droite.
Malgré son écrasante victoire, avec plus de vingt points d’avance sur sa rivale de droite, Evelyn Matthei, elle n’a pas reçu un soutien aussi large qu’espéré. L’abstention a atteint 59 %, un record depuis le retour de la démocratie, signe de la perte de crédibilité des politiques.
Mme Bachelet devra ouvrir le dialogue avec les électeurs qui ont voté pour ses sept concurrents du premier tour de la présidentielle du 17 novembre, notamment Marco Enriquez-Ominami, le rebelle du Parti socialiste, ancien candidat à la présidence. Egalement avec les anciens dirigeants de la révolte étudiante qui ont été élus députés. Parmi eux, la « pasionaria » Camila Vallejo, Giorgio Jackson et Gabriel Boric ont averti qu’ils « ne donneraient pas un chèque en blanc à Michelle Bachelet et sont prêts à descendre de nouveau dans la rue ». La nouvelle génération, qui n’a pas connu les années de plomb, s’impatiente. Mme Bachelet devra répondre vite aux immenses attentes des Chiliens et éloigner tout risque d’explosion sociale.
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LA MAIN QUI N'ARRIVE PAS AUX URNES. DESSIN AHUMADA DANS LA JORNADA |
Un de ses atouts est que l’opposition de droite est démantelée, avec la disparition de la scène parlementaire des plus emblématiques barons de la droite dure. Mais une nouvelle droite, plus au centre et plus libérale, est apparue, conduite par le président sortant Sebastian Piñera, qui ne cache pas ses ambitions de briguer de nouveau le pouvoir en 2017.
« Il est temps de mener des transformations de fond», a déclaré la présidente élue. Mme Bachelet a fait beaucoup de promesses pendant sa campagne. Son ambition est d’en finir, une fois pour toutes, avec l’héritage Pinochet. Le pilier du changement est l’adoption d’une nouvelle Constitution pour remplacer celle de 1980, imposée par le régime militaire et toujours en vigueur. Seule la destruction de ce carcan, qui empêche notamment une représentation des minorités, permettra d’avancer vers une réforme fiscale, qui, à son tour, permettrait d’instaurer une éducation publique gratuite et de qualité et d’améliorer le système de retraite, la santé et les services publics.
Sur le plan régional, le prochain gouvernement devra affronter une résurgence des disputes frontalières. Le 27 janvier, la Cour internationale de justice de La Haye (CIJ) rendra son verdict sur la demande maritime du Pérou du président Ollanta Humala qui concerne près de 38 000 km2 dans l’océan Pacifique. Simultanément, le président bolivien, Evo Morales, insiste pour récupérer une sortie à la mer. Le vice-président bolivien, Alvaro Garcia Linera, a déjà demandé « un changement de mentalité » à la nouvelle présidente élue du Chili. Les cent premiers jours du nouveau gouvernement seront décisifs. Si elle échoue, Mme Bachelet a déjà prévenu que « ce ne sera pas une responsabilité d’une présidente mais d’un système politique incapable de répondre aux défis du Chili ».