[ Pour écouter, double-cliquer sur la flèche ]
« CE MONDE » PAR RICHARD ANTHONY ADAPTATION DE (IL MIO MONDO) COVER D'UMBERTO BINDI ET GINO PAOLI, CHEZ RCA EN 1963.
DURÉE : 00:02:38
RICHARD ANTHONY, CHANTEUR FRANÇAIS EN 1961 PHOTO ROGER-VIOLLET |
Du train qui siffle ou du blues que l’on twiste, que retiendra-t-on de Richard Anthony, mort dans la nuit du lundi 20 avril à Pégomas (Alpes-Maritimes) à l’âge de 77 ans ? Comme fil rouge du souvenir, il y aura d’abord la voix d’un miel somme toute très oriental. Polyglotte (il parlait six langues), d’une rondeur enveloppante, Ricardo Btesh, dit Richard Anthony, était né le 13 janvier 1938 au Caire. Il avait grossi les rangs des étoiles venues d’Egypte – Dalida, Georges Moustaki, Guy Béart, Claude François… – pour écrire un chapitre faste de la chanson française. Son père, Edgar, était industriel dans le textile, issu d’une famille syrienne d’Alep ; sa mère est à moitié anglaise, fille de Samuel Shashoua Bey, consul honoraire d'Irak à Alexandrie. Après une période d’errance familiale, dû au resserrement du nationalisme en Egypte, passant par l’Argentine et l’Angleterre, le futur chanteur arrive en France en 1951, à l’âge de 13 ans.
« Nouvelle vague »
Elève du lycée Jeanson-de-Sailly, à Paris, il débute sa vie professionnelle comme représentant de commerce en électroménager et joue du saxophone dans les clubs de jazz, notamment au Vieux Colombier. En 1958, il enregistre deux titres du répertoire rock naissant, You Are My Destiny, de Paul Anka et Peggy Sue, de Buddy Holly. Le succès arrive avec Nouvelle Vague, adaptation française de Three Cool Cats, des Coasters : « Nouvelle vague/Une p'tit M.G. trois compères/Assis dans la bagnole sous un réverbère/Une jambe ou deux par-dessus la portière…/Nouvelle vague/ Nouvelle vague/ Trois mignonnes s'approchent fort bien balancées/Elles chantent une chanson d'Elvis Presley/Voilà nos trois pépères/Soudain tout éveillés par cette/Nouvelle vague. »
À cette époque, la décolonisation bat son plein, l'Algérie inaugure le temps des barricades et les nouveaux francs compliquent la pensée du Français moyen. En 1960, la décennie à venir a du mal à définir ses contours. Le monde américain fait irruption, délivré des poids de l'après-guerre, et passé au filtre naïf d'un optimisme tout tropézien (Souvenirs, Souvenirs, de Johnny Hallyday, puis Panne d'essence, de Sylvie Vartan et Frankie Jordan en 1961, Twist à Saint-Tropez, des Chats sauvages…). En 1959, un objet radiophonique insolite était né : l’émission « Salut les copains », imaginée sur Europe n° 1 par Daniel Filipacchi, avec son générique emblématique, Last Night, des Mar-Keys, le groupe du label américain Stax.
Richard Anthony est sur les ondes, il est aussi sur toutes les photos de Salut les copains, le magazine, fondé en 1962, posant en romantique ténébreux et sentimental. Il est évidemment place de la Nation, le 22 juin 1963, pour la soirée « entre copains » organisée par Europe n° 1 à l’occasion du premier anniversaire de la revue. Ils seront 150 000 à se rassembler, et ce fut un séisme politique. Le sociologue Edgar Morin écrit alors un long article dans Le Monde, où il fonde la génération des « décagénaires », celle de ces adolescents qui n'ont pas 20 ans, ont déjà leurs idoles absolues – Johnny, Sylvie, Françoise, Petula, Eddy, James, Elvis, et invente le terme de yéyé.
Le « temps des idoles »
Richard Anthony accompagne dès lors ce « temps des idoles », portées par les 45-tours et les tubes de l’été. Il est avec Johnny Hallyday, dans le rôle du mauvais garçon, le plus gros vendeur de disques en 1962 (La Leçon de twist, Et j'entends siffler le train, adaptation en français d’une chanson folk notamment interprétée en 1961 par The Journeymen puis par le trio Peter, Paul and Mary) et en 1963 (Itsy Bitsy Petit Bikini, dont le clip est réalisé par Claude Lelouch). Il enchaîne les tubes, dont A présent tu peux t'en aller, en 1964, donne trois cents galas par an, achète des villas à Saint-Tropez, à Marbella, à Crans, ouvre un hôtel en Jamaïque, et vend en 1967 plus de cinq millions d’albums de son adaptation du Concerto d’Ajanjuez, de Joaquim Rodrigo.
Divorcé de son épouse Michelle, qui dit-on aurait inspiré la chanson des Beatles, il prend le large à Saint-Paul-de-Vence. Il retrouve le succès en 1974 avec la chanson Amoureux de ma femme, et part s’installer à Los Angeles. Revenu en France en 1982, rattrapé par le fisc, il mène une existence retirée, avant de reprendre en 2007 le rythme des galas et des tournées pour « Age tendre et tête de bois ». Ce spectacle nostalgique, qui tire son nom de l'émission de variétés de l'ORTF présentée par Albert Raisner de 1961 à 1966, connaît un incroyable succès. Aux côtés de Frank Alamo (1941-2012 ), Michèle Torr, Jean-Jacques Debout, Gilles Dreu, Los Machucambos ou Demis Roussos (1946-2015), Richard Anthony y tient son rang de grand sentimental, timide et sauvageon.
Dates clés
13 janvier 1938
Naissance au Caire (Egypte)
1962
Et j’entends siffler le train
2007
Retour en scène dans la tournée « Age tendre et tête de bois »
20 avril 2015
Mort à Pégomas (Alpes-Maritimes)