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lundi 6 novembre 2017

LA MORT DE L’URUGUAYEN DANIEL VIGLIETTI, STAR DE LA CHANSON ENGAGÉE LATINO-AMÉRICAINE

Né le 24 juillet 1939 dans la capitale de l’Uruguay, Daniel Alberto Viglietti Indart était le fils du colonel et guitariste Cedar Viglietti et de la pianiste Lyda Indart. D’une solide formation classique, il fut l’élève d’Atilio Rapat et d’Abel Carlevaro avant de se consacrer à la musique populaire qu’il composait et interprétait avec grande sophistication. Ses chansons ont été reprises par des interprètes comme Mercedes Sosa, Victor Jara ou Marc Ogeret en France.

Après un premier disque de compositions pour guitare et chansons folkloriques en 1963, il enregistre cinq disques qui demeurent le cœur de son œuvre : Hombres de nuestra tierra (1964), Canciones para el hombre nuevo (1968), Canto libre (1970), Canciones chuecas (1971) et Tropicos (1973). Ces titres connaîtront une longue carrière internationale. Ainsi, en 1968, Le Chant du monde édite Canciones para mi America, prix Charles-Cros, réédité en 1997 par Buda Musique.

Emprisonné au début des années 1970

Les titres de ces disques intègrent vite le patrimoine de la chanson latino-américaine : A desalambrar (« enlevons les clôtures »), écrite comme un réquisitoire contre la propriété rurale, devient un véritable hymne pour la liberté. En outre, Daniel Viglietti met en musique magistralement des poèmes de Rafael Alberti, Nicolas Guillen, César Vallejo ou Federico Garcia Lorca et réinterprète des auteurs comme Violeta Parra ou Atahualpa Yupanqui.

 À la suite d’une intense mobilisation populaire et d’une campagne internationale, il est libéré mais doit partir en exil

En 1972, il est emprisonné et ses chansons, considérées « perturbatrices », sont interdites en Uruguay. À la suite d’une intense mobilisation populaire et d’une campagne internationale à laquelle prennent part Oscar Niemeyer, Julio Cortazar, Jean-Paul Sartre, François Mitterrand, il est libéré mais doit partir en exil. Il s’installe à Paris où il reste jusqu’en 1984.

De retour dans son pays, il enregistre Trabajo de hormiga lors de concerts géants donnés en 1984 au stade Luna Park de Buenos Aires contenant des titres d’une délicatesse musicale unanimement saluée comme Anaclara ou Milonga de andar lejos. Il commence une série internationale de concerts en duo avec l’écrivain uruguayen Mario Benedetti dont résultera un disque en deux volumes, A dos voces (1985 et 1987).

En 1993 paraît Esdrujulo, l’œuvre la plus intimiste du musicien où ses angoisses et ses 

déchirements prennent une forme esthétique unique. Son album de 2004 porte un titre pour une fois biculturel : Devenir. Fidèle à son public français, il donna son dernier concert parisien le 2 novembre 2016 à la Maison de l’Amérique latine. Ce soir-là, Christiane Taubira était présente pour saluer l’engagement pour les droits de l’homme du vétéran troubadour.

Forte racine libertaire

Proche des Tupamaros de l’ancien président José Mujica, sa chanson avait une forte racine libertaire qui l’amena à accompagner de nombreux mouvements révolutionnaires, jusqu’aux zapatistes mexicains des années 1990. Il était un compagnon infatigable des Mères de la place de Mai à qui il consacra la chanson Otra voz canta, sur des vers de la poétesse Cirse Maia : « Juste derrière ma voix, écoute, écoute, une autre voix chante. »

En octobre, Daniel Viglietti était à La Higuera, en Bolivie, pour commémorer le cinquantième anniversaire de l’assassinat du Che Guevara. Il préparait un concert à l’opéra de Montevideo lorsqu’une crise cardiaque l’a emporté. Une foule immense a accompagné son enterrement. La musique latino-américaine perd l’un de ses plus grands compositeurs, la gauche l’un de ses plus précieux libertaires, les Uruguayens leur troisième main, la mano impar.

Daniel Viglietti en dates
  • 24 juillet 1939 Naissance à Montevideo
  • 1968 « Canciones para mi America », prix Charles-Cros
  • 1985 « A deux voix », avec l’écrivain Mario Benedetti
  • 30 octobre 2017 Mort à Montevideo