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jeudi 20 septembre 2018

AU MEXIQUE, L'ÉTAT DE JALISCO CROULE SOUS LES CORPS DE VICTIMES DES CARTELS


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PRÈS DE 300 CORPS AVAIENT ÉTÉ PLACÉS DANS UN CAMION
FRIGORIFIQUE, QUI A ÉTÉ GARÉ DANS UN TERRAIN VAGUE
D'UN QUARTIER PAUVRE DE LA VILLE.
PHOTO ULISES RUIZ 
Faute de place dans la morgue de la deuxième ville du pays, les corps de 273 personnes non identifiées étaient entreposés dans un camion frigorifique, déménageant au fil des plaintes des habitants sur l'odeur.
Le camion frigorifique a dû changer plusieurs fois d'emplacements dans les environs de Guadalajara, deuxième ville du Mexique, au gré des récriminations du voisinage. Ces derniers se plaignent de l'odeur pestilentielle qui s'en dégage et des mouches qui pullulent à proximité de sa remorque. À l'intérieur se trouvaient les restes de 273 corps humains. Ces cadavres appartiennent à des victimes de meurtres qui, faute d'avoir été identifiés, n'ont pas été restitués à leur famille. Or la loi mexicaine interdit leur incinération. Faute de place dans les morgues, les autorités de Jalisco, État gangrené par la violence des cartels, n'ont donc trouvé d'autres solutions que de les entreposer dans une remorque. L'association de famille de disparus à Jalisco, Por amor a ellos, dénonce un traitement «dégradant».
« Il y a beaucoup d'enfants dans le quartier… Cela pourrait nous rendre tous malades.»
Un habitant interviewé par la BBC

Deux semaines durant, le camion est resté stationné sans autorisation dans un entrepôt de La Duraznera, une banlieue défavorisée au sud de Guadalajara. Des riverains, incommodés par l'odeur, ont fini par alerter jeudi dernier la municipalité. Le lendemain, la remorque était laissée vraisemblablement à l'abandon dans un terrain vague. Elle n'y restera que le temps d'un week-end. Car, à leur tour, des voisins se sont inquiétés d'éventuels risques sanitaires. «Il y a beaucoup d'enfants dans le quartier… Cela pourrait nous rendre tous malades», craignait ainsi un habitant interrogé par la BBC. Le camion a aujourd'hui été rapatrié dans un entrepôt appartenant au parquet de Jalisco. Seulement, l'affaire a depuis pris une ampleur nationale avec la diffusion d'images des corps empilés dans des sacs noirs à l'intérieur du camion.


Bouc émissaire

« Il est clair que de graves omissions doivent être sanctionnées. Ceux qui étaient en charge de la procédure de transfert ont modifié le protocole sans en avertir leurs supérieurs », a fini par reconnaître mercredi le gouverneur de l'État, Aristóteles Sandoval, après avoir ordonné l'ouverture d'une enquête. Le scandale a coûté leur poste à deux fonctionnaires. Loin de reconnaître une faute, le médecin légiste en chef, Luis Octavio Cotero, assure être un bouc émissaire. «C'est une mauvaise gestion politique», explique-t-il à Reuters. Il a au passage révélé l'existence d'un second camion. Celui-ci contenait une cinquantaine de corps. Le gouverneur s'est engagé à trouver une solution adéquate pour conserver les corps avant la mi-octobre. Un site, actuellement en construction, devrait permettre d'enterrer 800 personnes.

Le service médico-légal de Jalisco peut actuellement accueillir jusqu'à 144 corps dans sa morgue. Or le Mexique doit faire face à une recrudescence de la violence depuis que l'armée a été déployée contre les cartels en 2006. Au cours des douze dernières années, le pays a enregistré plus de 200.000 morts violentes. Sur la seule année 2017, les autorités en ont comptabilisé 28.700, un record. L'État de Jalisco, berceau d'un des plus puissants cartels du Mexique, est lui-même particulièrement exposé notamment depuis mars 2017, en raison d'une scission au sein du cartel Jalisco Nueva Generacion. Dans cet État, l'année 2018 promet déjà de battre le triste record de 2017. Selon un décompte réalisé par le quotidien Reforma , 1533 personnes ont été assassinées depuis le début de l'année, soit 19 victimes de moins que sur toute l'année précédente.