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vendredi 3 avril 2020

LE DARWINISME DE LA SANTÉ AU CHILI

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PHOTO MONTAGE DARWIN 
AMÉRIQUE LATINE • Le sociologue Andrés Kogan Valderrama dénonce la politique sanitaire du gouvernement de Sebastián Piñera.
Comme si les graves violations des droits de l’homme durant les manifestations lancées contre le gouvernement de Sebastián Piñera en octobre dernier n’étaient pas suffisantes, s’ajoute aujourd’hui la réponse erratique de l’exécutif face à l’expansion du coronavirus. Bien qu’aucun gouvernement dans le monde n’ait problématisé les causes structurelles de la pandémie, qui sont liées à l’expansion de l’agrobusiness et de l’industrie de la viande, son expansion a suscité des réactions différentes de la part des dirigeants au niveau international. Parmi les mesures concentrées sur la mise en œuvre de mesures de prévention universelles pour la population, il faut saluer celles qui ont mis l’accent sur le renforcement du dépistage du virus, l’isolement des personnes infectées, la distanciation sociale et la promotion rigoureuse des mesures d’hygiène.

Confusion entre santé et sécurité


Dans le cas du Chili, la situation pourrait s’avérer dramatique et très grave si des mesures de prévention universelles fortes ne sont finalement pas prises, étant donné que plus d’un millier de personnes ont déjà été diagnostiquées avec le Covid-19 dans le pays. Malgré cela, le gouvernement Piñera a refusé de déclarer une quarantaine nationale et régionale, l’appliquant uniquement dans les zones orientale et centrale de la capitale, car il ne semble pas vouloir modifier l’ordre économique du pays. Seul un état d’urgence et un couvre-feu dans tout le pays ont été décrétés, comme si le problème était un problème de sécurité et non de santé.

Ces mesures s’inscrivent dans un cadre politique où la santé, comme presque tout le reste, est régulée par le marché. Elles sont les conséquences de l’imposition d’une constitution née de la dictature il y a 40 ans. Celle-ci nie la possibilité d’un droit universel, public et solidaire à la santé pour tous, générant au contraire un système fragmenté, qui dépend de la fortune de chacun.

Il n’est dès lors pas surprenant qu’un tel modèle commercial de la santé suscite aussi bien l’augmentation du prix des médicaments dans les pharmacies que celle du prix des tests de prévention, qui ne sont ni gratuits, ni universels.

Logique darwiniste inégalitaire


Plus qu’à un État négligent, la population fait face à un État darwinien, favorisant ceux qui ont les moyens économiques de vivre, considérant que le nombre de lits d’hôpitaux par habitant au Chili est bien inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE. De plus, malgré le fait que les personnes infectées par le Covid-19 sont concentrées depuis le début dans le secteur Est de la capitale – zone de loin la plus riche en revenus de la région métropolitaine (Las Condes, Vitacura, Providencia), aucune mesure immédiate n’a été prise pour isoler ces communautés, révélant leur manque d’intérêt pour les secteurs les plus pauvres.

Il est aussi très grave que les autorités en aient seulement appelé à une quarantaine volontaire au niveau national, sachant que la grande majorité des licencié.e.s doivent utiliser les transports publics pour se rendre à leur travail de peur d’être licenciés. L’initiative de télétravail récemment lancée par le gouvernement est destinée à l’élite. Elle ne protégera pas ceux et celles qui effectuent un travail physique dans le domaine du nettoyage et de la construction, par exemple. Bref, l’expansion du Covid-19 au Chili ne fait qu’exemplifier une nouvelle fois la logique darwiniste en matière de santé du pays, en montrant mépris total de la population générale en matière de soins.

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