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lundi 10 novembre 2008

Au Chili, CNN promet de l’info au pays de l’intox

La première chaîne d’infos en continu du Chili s’engage à faire du «journalisme agressif indépendant», selon Rolando Santos, parachuté par la maison mère américaine pour créer la nouvelle entité.

Si l’idée d’une CNN chilienne remonte à 1993, beaucoup se demandent ce qu’elle vient faire dans un pays de 16 millions d’habitants. D’autant qu’elle ne sera visible que sur le câble, qui ne compte qu’un million d’abonnés. Mais c’est le premier pas de CNN en Amérique latine. La stabilité politique et économique du Chili aurait séduit, ainsi que l’absence de chaîne d’informations en continu. Cependant, nourrir une grille de vingt-quatre heures dans un pays aussi petit sera un défi...

Ce qui joue en sa faveur, c’est que CNN aura tout à dire ! Quand on demande à Rolando Santos pourquoi le Chili, il répond : la qualité du journalisme. A croire qu’il ironise. Les trois quarts d’heure des JT du soir, entrecoupés de quinze minutes de pub, se composent d’un tiers de faits divers et de people, un tiers de sports et un tiers d’actualités. «Ce qu’on nous demande aujourd’hui, explique un présentateur, c’est de divertir en informant.» La part faite à l’international est minime, sous prétexte que « ça n’intéresse pas les Chiliens ». Et le traitement en surface de l’actualité est soumis à bien des pressions. Il y a d’abord l’influence des propriétaires des télés. Tous de droite et conservateurs. Et la seule chaîne nationale, TVN, a bien du mal à préserver son indépendance.

Il y a aussi la publicité. Selon des journalistes, il est courant que le rédacteur en chef appelle les services de relations publiques des principaux annonceurs pour vérifier que l’info du JT ne les dérange pas ! Et vice-versa : les journalistes couvrent des événements à la demande des annonceurs... Car quand les entreprises sanctionnent, c’est en coupant dans les budgets pub, ce qui veut dire des millions de pesos en moins pour les chaînes. Résultat : même le directeur de l’information de la radio la plus importante du Chili, la radio Bio-Bio (qui a d’ailleurs signé une alliance avec CNN), avoue ne jamais regarder le JT pour s’informer.

Certains se demandent comment CNN réussira à préserver son indépendance, puisqu’elle aussi aura besoin de pub pour se financer. Son pari, c’est de capter l’audience des classes sociales les plus aisées, avec un accent particulier sur l’économie et la poli­tique. Sans faits divers. Avec de l’international. Parlant de ce que tous taisent, confrontant les faits, rien que les faits. Un rêve qui, s’il devient réalité, pourrait bien faire tomber plus d’un homme politique ou chef d’entreprise, habitués à des médias aseptisés, et esquisser une presse plus libre.

par Claire Martin