Le problème est d'abord historique, les terres ayant été dans une très large mesure confisquées par les conquérants, espagnols ou portugais, qui ont institué un régime de très grandes propriétés appelées latifundias. Cette situation d'accaparement du sol par une petite élite, des réformes agraires ont tenté de la corriger au siècle dernier, mais elles sont souvent restées lettre morte.
Les peuples autochtones, soucieux de récupérer le contrôle d'une partie au moins de leurs terres ancestrales, se mobilisent depuis plusieurs décennies. Leur effervescence s'est à l'usage révélée plutôt efficace ; à cet égard, les indigènes de l'Equateur ont fait figure de pionniers. En pleine forêt amazonienne, le peuple kichwa de Sarayaku s'est ainsi vu reconnaître la propriété collective de 140 000 hectares. «C'est une terre sans contamination, raconte leur porte-parole Tupak Viteri, avec des rivières saines, une faune et une flore abondantes. C'est une forêt primaire qui renferme beaucoup de richesse, naturelle et culturelle. Nous vivons de la terre, nous nous nourrissons des produits de la terre, des fruits de la pêche, de l'agriculture et de la chasse. Nous avons une relation directe avec la terre ».
Les Kichwa d'Equateur contre le pétrole
Mais les Kichwa se trouvent désormais confrontés à une intrusion qui menace cet environnement paradisiaque. «L'Etat nous a reconnu la propriété de la terre, mais seulement de la surface de la terre, explique Tupak Viteri. Il dit que le sous-sol lui appartient et, allié aux compagnies pétrolières, il essaie d'extraire les ressources qui se trouvent dans le sous-sol, c'est-à-dire le pétrole. Et pour atteindre le sous-sol, il lui faut logiquement s'en prendre d'abord à la surface. Or nos programmes de développement supposent une terre saine, des rivières non contaminées. L'intervention des compagnies pétrolières est un obstacle à notre développement, elle entrave son déroulement normal ».
Au sud du continent, à l'extrême pointe du Chili, le peuple mapuche connaît lui aussi des problèmes de propriété - et de contamination - de la terre, mais son histoire est assez différente. Car les Mapuches n'ont pas été vaincus par les Espagnols, au contraire. Ils étaient même parvenus à trouver avec les conquérants une sorte de modus vivendi, ratifié par traité, qui respectait leurs terres. Leur spoliation est beaucoup plus récente que celle des autres Amérindiens : elle date du XIXe siècle, quand le Chili, devenu indépendant, de même que l'Argentine de l'autre côté de la Cordillère des Andes, s'est lancé dans une sanglante expédition vers ce Sud qu'il souhaitait s'approprier. Une expédition appelée sans vergogne «Pacification de l'Araucanie ».
Chili : le conflit des Mapuches
Aujourd'hui, les Mapuches se sont mis aussi à revendiquer le sol, mais avec le sentiment plus présent dans la mémoire collective d'avoir longtemps été un peuple maître de son sort. Victor Ancalaf, l'un des dirigeants des communautés mapuches de Collipulli, estime que c'est la mobilisation qui a été « l'instrument d'une récupération progressive de l'espace territorial, et politique. Grâce aux occupations de terres rurales, nous avons repris possession de près de 5 000 hectares pour nos communautés de Collipulli. Nous en réclamons 50 000 autres, les terres qui manquent pour correspondre à nos titres de propriété. En sachant qu'historiquement, la revendication territoriale de notre peuple porte sur 30 millions d'hectares ».
Ce vétéran de la lutte mapuche, auquel son engagement a valu de connaître la prison, s'insurge plus généralement contre les gouvernements de la Concertation qui se succèdent au pouvoir à Santiago depuis le retour de la démocratie. « Sur la base d'une Constitution qui date de l'époque Pinochet, ils ont permis la privatisation des entreprises publiques de notre pays. C'est à dire qu'aujourd’hui sont privatisés les ports, les aéroports, l'eau, et les mines. Les trois-quarts des eaux au Chili ne sont plus chiliennes, mais appartiennent à des entreprises privées. De même que le littoral et la zone de pêche : des entreprises japonaises et chinoises sont en train de pratiquer une pêche sans discrimination jusqu'à menacer la ressource marine ».
Car l'Amérique du Sud n'est plus seulement dans une configuration de grandes propriétés rurales, mais bien aujourd'hui dans une logique de surexploitation quasi-industrielle par des multinationales. Le porte-parole d'une autre communauté mapuche, celle de Pepiukelen, en sait quelque chose : « Dans mon village de la région des Lacs, nous nous battons depuis huit ans contre une entreprise d'élevage de saumon qui s'est lancée, avec l'appui de l'Etat, dans un projet hautement contaminant, à seulement 25 mètres de nos maisons. Conséquence : l'eau et la terre sont contaminées, nos arbres fruitiers commencent à mourir, de même que notre bétail, qui est une source de revenus et de nourriture pour nous tous. Ces entreprises d'élevage de saumon sont dans leur grande majorité norvégiennes. En Araucanie, il y a aussi beaucoup d'entreprises étrangères forestières, et des sociétés minières, toutes des multinationales. Un peu plus loin dans une zone de rivières, ont commencé d'énormes travaux pour édifier cinq centrales hydroélectriques ».
Les 25 ans des Sans-Terre
Les peuples autochtones, soucieux de récupérer le contrôle d'une partie au moins de leurs terres ancestrales, se mobilisent depuis plusieurs décennies. Leur effervescence s'est à l'usage révélée plutôt efficace ; à cet égard, les indigènes de l'Equateur ont fait figure de pionniers. En pleine forêt amazonienne, le peuple kichwa de Sarayaku s'est ainsi vu reconnaître la propriété collective de 140 000 hectares. «C'est une terre sans contamination, raconte leur porte-parole Tupak Viteri, avec des rivières saines, une faune et une flore abondantes. C'est une forêt primaire qui renferme beaucoup de richesse, naturelle et culturelle. Nous vivons de la terre, nous nous nourrissons des produits de la terre, des fruits de la pêche, de l'agriculture et de la chasse. Nous avons une relation directe avec la terre ».
Les Kichwa d'Equateur contre le pétrole
Mais les Kichwa se trouvent désormais confrontés à une intrusion qui menace cet environnement paradisiaque. «L'Etat nous a reconnu la propriété de la terre, mais seulement de la surface de la terre, explique Tupak Viteri. Il dit que le sous-sol lui appartient et, allié aux compagnies pétrolières, il essaie d'extraire les ressources qui se trouvent dans le sous-sol, c'est-à-dire le pétrole. Et pour atteindre le sous-sol, il lui faut logiquement s'en prendre d'abord à la surface. Or nos programmes de développement supposent une terre saine, des rivières non contaminées. L'intervention des compagnies pétrolières est un obstacle à notre développement, elle entrave son déroulement normal ».
Au sud du continent, à l'extrême pointe du Chili, le peuple mapuche connaît lui aussi des problèmes de propriété - et de contamination - de la terre, mais son histoire est assez différente. Car les Mapuches n'ont pas été vaincus par les Espagnols, au contraire. Ils étaient même parvenus à trouver avec les conquérants une sorte de modus vivendi, ratifié par traité, qui respectait leurs terres. Leur spoliation est beaucoup plus récente que celle des autres Amérindiens : elle date du XIXe siècle, quand le Chili, devenu indépendant, de même que l'Argentine de l'autre côté de la Cordillère des Andes, s'est lancé dans une sanglante expédition vers ce Sud qu'il souhaitait s'approprier. Une expédition appelée sans vergogne «Pacification de l'Araucanie ».
Chili : le conflit des Mapuches
Aujourd'hui, les Mapuches se sont mis aussi à revendiquer le sol, mais avec le sentiment plus présent dans la mémoire collective d'avoir longtemps été un peuple maître de son sort. Victor Ancalaf, l'un des dirigeants des communautés mapuches de Collipulli, estime que c'est la mobilisation qui a été « l'instrument d'une récupération progressive de l'espace territorial, et politique. Grâce aux occupations de terres rurales, nous avons repris possession de près de 5 000 hectares pour nos communautés de Collipulli. Nous en réclamons 50 000 autres, les terres qui manquent pour correspondre à nos titres de propriété. En sachant qu'historiquement, la revendication territoriale de notre peuple porte sur 30 millions d'hectares ».
Ce vétéran de la lutte mapuche, auquel son engagement a valu de connaître la prison, s'insurge plus généralement contre les gouvernements de la Concertation qui se succèdent au pouvoir à Santiago depuis le retour de la démocratie. « Sur la base d'une Constitution qui date de l'époque Pinochet, ils ont permis la privatisation des entreprises publiques de notre pays. C'est à dire qu'aujourd’hui sont privatisés les ports, les aéroports, l'eau, et les mines. Les trois-quarts des eaux au Chili ne sont plus chiliennes, mais appartiennent à des entreprises privées. De même que le littoral et la zone de pêche : des entreprises japonaises et chinoises sont en train de pratiquer une pêche sans discrimination jusqu'à menacer la ressource marine ».
Car l'Amérique du Sud n'est plus seulement dans une configuration de grandes propriétés rurales, mais bien aujourd'hui dans une logique de surexploitation quasi-industrielle par des multinationales. Le porte-parole d'une autre communauté mapuche, celle de Pepiukelen, en sait quelque chose : « Dans mon village de la région des Lacs, nous nous battons depuis huit ans contre une entreprise d'élevage de saumon qui s'est lancée, avec l'appui de l'Etat, dans un projet hautement contaminant, à seulement 25 mètres de nos maisons. Conséquence : l'eau et la terre sont contaminées, nos arbres fruitiers commencent à mourir, de même que notre bétail, qui est une source de revenus et de nourriture pour nous tous. Ces entreprises d'élevage de saumon sont dans leur grande majorité norvégiennes. En Araucanie, il y a aussi beaucoup d'entreprises étrangères forestières, et des sociétés minières, toutes des multinationales. Un peu plus loin dans une zone de rivières, ont commencé d'énormes travaux pour édifier cinq centrales hydroélectriques ».
Les 25 ans des Sans-Terre
La récupération de la terre en Amérique du Sud ne concerne pas seulement les communautés indigènes. Les petits paysans en général, ou les paysans sans-terre, tentent de défendre leurs droits. Et le gigantesque pays qu'est le Brésil en est une bonne illustration... Là aussi les grandes propriétés rurales sont mises en cause, de même que les multinationales, « très présentes et qui pompent le marché national », comme le dit Yvonne Belaunde, chargée de mission pour le Brésil au CCFD (Comité contre la faim et pour le développement). Elle estime que le Mouvement des Sans-Terre a beaucoup fait avancer la cause de la redistribution des terres, même si pour l'actuel gouvernement brésilien, malgré les assurances de Lula, la réforme agraire n'est pas une priorité.
Le Mouvement des Sans-Terre vient précisément de célébrer son 25ème anniversaire. Vingt-cinq années d'un mouvement paysan qui s'est montré très actif sur le front de l'occupation des terres laissées en friche par leurs propriétaires. Grâce à ses opérations parfois un peu musclées, 350 000 familles brésiliennes ont pu se voir octroyer des terres à cultiver.