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lundi 30 novembre 2009

Un ancien guérillero va devenir président en Uruguay

Agé de 74 ans, M. Mujica, affectueusement baptisé "Pepe", sera investi le 1er mars 2010 pour un mandat de cinq ans. Il succédera au président socialiste Tabaré Vazquez, qui a été le premier chef d'Etat de gauche de ce petit pays de 3,5 millions d'habitants. Elu au premier tour en 2004, sans possibilité de réélection, M. Vazquez quitte le pouvoir avec une popularité record de 71 %.
Les Uruguayens ne s'attendent pas à de grands changements même si M.Vazquez, oncologue réputé, d'allure discrète, et l'ex-guérillero ont des styles très différents. Avec son franc-parler et ses rondeurs de bon vivant, M. Mujica se définit comme "un ex-guérillero végétarien" et "un paysan de vocation". Tous deux appartiennent à la même coalition qui s'est renforcée au fil des ans et qui a opté pour une ligne social-démocrate. "Celui qui gouverne en Uruguay, c'est le Front élargi plus qu'une personne", note le recteur de l'
Université de Montevideo, Rodrigo Arocena.
LULA COMME MODÈLE
"Viva el frente !" ("Vive le front !") : un climat de fête régnait, dimanche soir, à Montevideo, capitale et port cosmopolite qui a conservé un rythme provincial. Malgré la pluie, les partisans du Front élargi ont dansé dans les rues au son de tambours.
M. Mujica a fait son autocritique sur son passé de guérillero. Son modèle est
Luiz Inacio Lula da Silva, le président brésilien. Il bénéficie de la majorité au Parlement et il a promis "un gouvernement dans la continuité". Se présentant comme "le candidat des pauvres", il s'est engagé à renforcer la lutte contre les inégalités sociales.
Sous le gouvernement de M. Vazquez, 200 000 emplois ont été créés et le chômage a été ramené de 13 % à 7,7 %. L'ex-guérillero souhaite dépénaliser l'avortement. Le président M.Vasquez avait mis, l'an dernier, son veto à un projet de loi légalisant l'IVG, invoquant des "principes éthiques".
POPULAIRE AUPRÈS DES JEUNES
Malgré deux évasions spectaculaires, M. Mujica a passé quatorze ans en prison, avant et pendant la dictature militaire (1973-1985), enfermé deux ans dans un puits et torturé. Au retour de la démocratie, il bénéficie des lois d'amnistie, fonde le Mouvement de participation populaire (MPP), et adhère au Front élargi en 1989.
Député en 1995, il est, quatre ans plus tard, le sénateur le mieux élu de l'histoire uruguayenne. En 2004, M. Mujica, qui est né dans une modeste famille paysanne, est nommé ministre de l'agriculture. Il est marié à une ex-guérillera,
Lucia Topolansky, qui a été, elle aussi, prisonnière pendant treize ans.
En dépit de son âge, M. Mujica est paradoxalement le politicien le plus populaire auprès des jeunes qui aiment sa simplicité et son humour. "Ils voient en Mujica quelqu'un d'authentique, de moins structuré, qui syntonise les valeurs postmodernes, plus spirituelles que matérielles", note le sociologue
Ignacio Zuasnabar.
En revanche, "Pepe" est mal vu dans la classe aisée, choquée par ses manières un peu frustre. La présence à ses côtés, du vice-président élu,
Danilo Astori (59 ans), rassure. Cet ancien ministre de l'économie, plus modéré, est respecté dans les milieux d'affaires.
Surnommé "la Suisse de l'Amérique latine", l'Uruguay a le taux le plus élevé d'alphabétisation du continent (98 %). Pays laïque, il est pionnier dans la région en matière de mœurs. Le divorce a été légalisé dès 1907. Les femmes ont le droit de vote depuis 1932. L'union civile entre gays, similaire au pacs français, est autorisée et les couples homosexuels peuvent, depuis septembre, adopter des enfants.

Christine Legrand