Ces soldats, de tous jeunes hommes et mineurs lorsqu'ils furent appelés sous les drapeaux à l'époque du putsch du général Augusto Pinochet, ont donc été témoins des crimes de la dictature, ont parfois torturé et tué eux-mêmes.
Jusqu'à présent, la plupart des témoignages ayant permis de faire avancer les dossiers des crimes de la dictature sont ceux d'anciens détenus survivants. Et les indications des jeunes conscrits d'alors pourraient être précieuses pour retrouver les cadavres des disparus toujours recherchés par leurs familles.
Beaucoup veulent aujourd'hui se libérer du poids psychologique de cette culpabilité. "Nous avons été exécutants et témoins de nombreuses atrocités, et nous voulons en parler pour notre rédemption personnelle", explique le soldat Fernando Mellado, organisateur de la manifestation de dimanche et responsable pour la capitale du groupe "Anciens conscrits de 1973". "S'il y a un moyen pour nous de témoigner, peut-être sous couvert de l'anonymat, nous en serions heureux".
Selon lui, sur les quelque 8.000 adolescents originaires de Santiago de la classe 73, conscrits pendant cette terrible année qui suivit le renversement de Salvador Allende et au cours de laquelle la junte assit son pouvoir en réprimant à tour de bras, "20 à 30% sont prêts à parler". Et beaucoup savent des choses sur les disparus, selon lui.
Selon les chiffres officiels, 3.186 personnes ont été tuées par la dictature, dont 1.197 disparues. Depuis près de 20 ans que la démocratie a été rétablie au Chili, moins de 8% des dépouilles ont été retrouvées, selon Viviana Diaz, de l'organisation des Familles des Détenus Disparus.
Viviana Diaz espère donc que ces anciens appelés parleront, même hors des tribunaux. "Des gens viennent nous voir, et tout ce que nous leur disons c'est 'cela n'est pas grave si vous ne révélez pas votre identité, mais racontez-nous bien, l'endroit, des détails'".
Au Chili, comme en Argentine voisine, la loi de "l'obéissance due" permet une certaine clémence pour les soldats qui se soumettent à la justice, donnent les noms de leurs supérieurs et fournissent des informations permettant de résoudre certains crimes.
Mais la plupart des anciens soldats ont peur des conséquences pour eux et leurs familles, craignent parfois que des juges, arrivés en poste sous Pinochet, ne préfèrent protéger plutôt leurs anciens officiers supérieurs. Ils réclament donc l'immunité de poursuites pour ces faits.
Pour Mellado, ils sont aussi des victimes, forcés par la peur à faire des choses inavouables qui leur pèsent. Et de raconter ce soldat qui a été contraint d'abattre une famille entière, ou cet autre, aujourd'hui SDF dans les rues de Santiago, qui noya un enfant de sept ans dans un bac de ciment.
La plupart des disparus l'ont été aux mains de la terrible DINA (Direction des services de renseignements nationaux), la police politique chargée de la répression, sous les ordres du colonel Manuel Contreras, lequel est aujourd'hui derrière les barreaux pour plus de 350 ans.
Le centre de tortures originel de la DINA, son incubateur -"l'oeuf du serpent", selon l'avocat Hiram Villagra, spécialiste des droits de l'homme et défenseur des familles de disparus, était la caserne de Tejas Verdes, à une centaine de kilomètres de Santiago, sur la côte, près San Antonio, foyer de la dissidence.
Le conscrit José Paredes, 56 ans, y a fait cinq mois de service militaire. Vivant aujourd'hui reclus avec sa femme dans une petite bourgade du bord de mer, il s'est confié à l'Associated Press, racontant des choses qu'il "avait toujours dit qu'il emmènerait dans la tombe".
Et d'évoquer les cellules aveugles de deux mètres sur deux construites au "Camp de prisonniers numéro Deux", la camionnette blanche, surnommée "la colombe", qui emmenait les prisonniers vers la salle de tortures, le "centre médical", où certains tortionnaires portaient des tabliers blancs, les dents des prisonniers réduites en bouillie... "Notre mission était de monter la garde dehors, nous entendions les hurlements", déclare-t-il.
Tejas Verdes ferma à la mi-1974, et s'il n'existe pas de chiffres, Villagra estime que des milliers de détenus y sont passés, dont des dizaines ont disparu. Paredes dit y avoir "travaillé avec 500 ou 600 prisonniers" et "compté 30 à 40 morts".
Il raconte aussi que les "vols de la mort" y ont été pratiqués dès le début. "L'hélicoptère venait une fois par semaine, il se posait au régiment et emmenait les morts. C'était comme voir un film nazi".
Selon les chiffres auxquels l'agence AP a eu accès, 769 agents ont été poursuivis pour assassinat et autres violations des droits de l'Homme pendant ces années. Au 31 août, il avait seulement 276 condamnations.
"Il n'y a clairement aucun désir de notre part pour que ces soldats portent le poids de la culpabilité des officiers, qui prenaient les décisions", ajoute Hiram Villagra.
Jusqu'à présent, la plupart des témoignages ayant permis de faire avancer les dossiers des crimes de la dictature sont ceux d'anciens détenus survivants. Et les indications des jeunes conscrits d'alors pourraient être précieuses pour retrouver les cadavres des disparus toujours recherchés par leurs familles.
Beaucoup veulent aujourd'hui se libérer du poids psychologique de cette culpabilité. "Nous avons été exécutants et témoins de nombreuses atrocités, et nous voulons en parler pour notre rédemption personnelle", explique le soldat Fernando Mellado, organisateur de la manifestation de dimanche et responsable pour la capitale du groupe "Anciens conscrits de 1973". "S'il y a un moyen pour nous de témoigner, peut-être sous couvert de l'anonymat, nous en serions heureux".
Selon lui, sur les quelque 8.000 adolescents originaires de Santiago de la classe 73, conscrits pendant cette terrible année qui suivit le renversement de Salvador Allende et au cours de laquelle la junte assit son pouvoir en réprimant à tour de bras, "20 à 30% sont prêts à parler". Et beaucoup savent des choses sur les disparus, selon lui.
Selon les chiffres officiels, 3.186 personnes ont été tuées par la dictature, dont 1.197 disparues. Depuis près de 20 ans que la démocratie a été rétablie au Chili, moins de 8% des dépouilles ont été retrouvées, selon Viviana Diaz, de l'organisation des Familles des Détenus Disparus.
Viviana Diaz espère donc que ces anciens appelés parleront, même hors des tribunaux. "Des gens viennent nous voir, et tout ce que nous leur disons c'est 'cela n'est pas grave si vous ne révélez pas votre identité, mais racontez-nous bien, l'endroit, des détails'".
Au Chili, comme en Argentine voisine, la loi de "l'obéissance due" permet une certaine clémence pour les soldats qui se soumettent à la justice, donnent les noms de leurs supérieurs et fournissent des informations permettant de résoudre certains crimes.
Mais la plupart des anciens soldats ont peur des conséquences pour eux et leurs familles, craignent parfois que des juges, arrivés en poste sous Pinochet, ne préfèrent protéger plutôt leurs anciens officiers supérieurs. Ils réclament donc l'immunité de poursuites pour ces faits.
Pour Mellado, ils sont aussi des victimes, forcés par la peur à faire des choses inavouables qui leur pèsent. Et de raconter ce soldat qui a été contraint d'abattre une famille entière, ou cet autre, aujourd'hui SDF dans les rues de Santiago, qui noya un enfant de sept ans dans un bac de ciment.
La plupart des disparus l'ont été aux mains de la terrible DINA (Direction des services de renseignements nationaux), la police politique chargée de la répression, sous les ordres du colonel Manuel Contreras, lequel est aujourd'hui derrière les barreaux pour plus de 350 ans.
Le centre de tortures originel de la DINA, son incubateur -"l'oeuf du serpent", selon l'avocat Hiram Villagra, spécialiste des droits de l'homme et défenseur des familles de disparus, était la caserne de Tejas Verdes, à une centaine de kilomètres de Santiago, sur la côte, près San Antonio, foyer de la dissidence.
Le conscrit José Paredes, 56 ans, y a fait cinq mois de service militaire. Vivant aujourd'hui reclus avec sa femme dans une petite bourgade du bord de mer, il s'est confié à l'Associated Press, racontant des choses qu'il "avait toujours dit qu'il emmènerait dans la tombe".
Et d'évoquer les cellules aveugles de deux mètres sur deux construites au "Camp de prisonniers numéro Deux", la camionnette blanche, surnommée "la colombe", qui emmenait les prisonniers vers la salle de tortures, le "centre médical", où certains tortionnaires portaient des tabliers blancs, les dents des prisonniers réduites en bouillie... "Notre mission était de monter la garde dehors, nous entendions les hurlements", déclare-t-il.
Tejas Verdes ferma à la mi-1974, et s'il n'existe pas de chiffres, Villagra estime que des milliers de détenus y sont passés, dont des dizaines ont disparu. Paredes dit y avoir "travaillé avec 500 ou 600 prisonniers" et "compté 30 à 40 morts".
Il raconte aussi que les "vols de la mort" y ont été pratiqués dès le début. "L'hélicoptère venait une fois par semaine, il se posait au régiment et emmenait les morts. C'était comme voir un film nazi".
Selon les chiffres auxquels l'agence AP a eu accès, 769 agents ont été poursuivis pour assassinat et autres violations des droits de l'Homme pendant ces années. Au 31 août, il avait seulement 276 condamnations.
"Il n'y a clairement aucun désir de notre part pour que ces soldats portent le poids de la culpabilité des officiers, qui prenaient les décisions", ajoute Hiram Villagra.
PAR EVA VERGARA, ASSOCIATED PRESS