«Nous sommes durement touchés par la fermeture de nombreuses fermes aquacoles, car l'industrie salmonicole faisait vivre une grande partie de la population», se lamente le maire, Ivan Haro. Ce port était l'épicentre de la ruée vers «l'or rose», dès les années 1980. Aujourd'hui, 60 % des habitants sont au chômage, et il est au bord de l'explosion sociale.Deuxième producteur mondial de saumon, le Chili doit abandonner son ambition de détrôner la Norvège. Une épidémie du virus AIS (anémie infectieuse du saumon), apparue en juillet 2007, ne cesse de s'étendre, faisant des ravages. Ce virus, détecté à l'origine en Norvège dès 1984, entraîne une forte mortalité dans les élevages.
La production est en chute libre selon le n° 1 mondial, le groupe norvégien Marine Harvest, qui domine le secteur au Chili. Elle s'est réduite de moitié en 2009. Le virus se propage vite. Cinq sites étaient infectés en juillet 2007, et 74 un an plus tard. L'épidémie oblige à massacrer les poissons malades et à fermer les sites contaminés.
La production est en chute libre selon le n° 1 mondial, le groupe norvégien Marine Harvest, qui domine le secteur au Chili. Elle s'est réduite de moitié en 2009. Le virus se propage vite. Cinq sites étaient infectés en juillet 2007, et 74 un an plus tard. L'épidémie oblige à massacrer les poissons malades et à fermer les sites contaminés.
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Les compagnies chiliennes accumulent les pertes et doivent licencier. Multiexport Food, la plus grande compagnie chilienne, a perdu près de 49 millions de dollars depuis juin. Marine Harvest a licencié 15 000 employés depuis 2008, selon les syndicats. Au total, le nombre de chômeurs pourrait atteindre 40 000 fin 2009. Ceux qui ont encore du travail doivent accepter des réductions de salaire. Le maire de Quellon se remémore l'époque du "miracle du saumon". Les gains avaient grimpé au Chili de 159 millions de dollars en 1991 à 2,5 milliards de dollars en 2006. A Quellon, le coup de grâce a été «la marée rouge», une bactérie qui rend les fruits de mer impropre à la consommation. Les pêcheurs artisanaux, sans travail, accusent la salmoniculture d'avoir pollué les fjords.
Il y a 550 «fermes à saumons» au Chili, dont 40 % sont entre les mains de multinationales. Le filon le plus exploité est l'archipel de Chiloé, composé d'une quarantaine d'îles, riches en baies protégées, fjords, lacs et fleuves profonds, ce qui lui a valu le surnom de «Salmon Valley».
Il y a 550 «fermes à saumons» au Chili, dont 40 % sont entre les mains de multinationales. Le filon le plus exploité est l'archipel de Chiloé, composé d'une quarantaine d'îles, riches en baies protégées, fjords, lacs et fleuves profonds, ce qui lui a valu le surnom de «Salmon Valley».
L'épidémie dévoile les abus de l'élevage intensif et le manque de régulation de la part du gouvernement. «C'est un nouveau Far West, mais sans shérif», lance Juan Carlos Cardenas, directeur du Centre pour le développement durable (Ecoceanos). Cette ONG dénonce les méfaits irréparables sur l'environnement, en raison notamment des déchets organiques rejetés par les saumons. «L'aquaculture est une industrie très polluante, explique M. Cardenas, car elle utilise beaucoup de produits chimiques et d'antibiotiques.»
Au mois de juillet, l'ONG Oceana a contraint le gouvernement chilien à révéler que la salmoniculture avait utilisé 385 tonnes d'antibiotiques en 2007, soit 600 fois plus que la Norvège, pour une production quasiment identique cette année-là. "Nous ne sommes pas opposés à l'activité même, mais à la façon dont elle se déroule", précise M. Cardenas. Il réclame un meilleur contrôle des conditions sanitaires. Il est convaincu que le virus AIS a été introduit dans des algues importées de Norvège.
DURES CONDITIONS DE TRAVAIL
Au Chili, les multinationales ne respectent pas toujours les normes qui ont cours dans leurs pays. Marine Harvest a été plusieurs fois condamnée pour infractions à la réglementation du travail. Il y a eu 42 décès entre 2005 et 2007, en particulier parmi les plongeurs chargés d'inspecter les cages sous l'eau. Les conditions de travail sont dures, les salaires sont bas, ce qui explique que le saumon chilien soit meilleur marché que ses concurrents norvégien, écossais ou canadien. La salmoniculture employait jusqu'à présent quelque 50 000 personnes, dont plus de 80 % sont des femmes qui travaillent dans des usines, de 10 à 12 heures par jour, debout, dans le froid et l'humidité.
Après le vin, le Chili s'était lancé dans l'aquaculture dans les années 1980, sous la dictature militaire du général Augusto Pinochet. Le «miracle de l'or rose» était censé sortir l'économie de sa dépendance au cuivre, «l'or rouge», dont le Chili est le premier producteur et exportateur mondial. En 2007, avant l'arrivée du virus, le Chili était près de rattraper le niveau de production de la Norvège, avec 650 000 tonnes de saumon, soit 22 fois plus qu'il y a vingt ans.
Aujourd'hui, la crise permet à la Norvège d'accroître encore sa part de marché, notamment aux États-Unis, qui étaient jusqu'à présent la chasse gardée des fournisseurs chiliens. La chute de la production chilienne contribue à réduire l'offre de saumon d'élevage et à faire grimper les prix mondiaux.
À Santiago, un projet de loi sur un «plan financier de sauvetage» de l'industrie salmonicole est à l'étude au Parlement. Il permettrait notamment aux multinationales de partir à la conquête de nouveaux sites, plus au sud, vers le détroit de Magellan.
Christine Legrand