BANQUE CENTRALE DU CHILI – CINQ CENTS ESCUDOS « NOUS NE DEVONS CONSENTIR QUE CETTE VASTE ET RICHE RÉGION SOIT CONVERTIE EN UNE SIMPLE FACTORERIE ÉTRANGÈRE ». JOSÉ MANUEL BALMACEDA FERNÁNDEZ. LE VERSO DU « MINEUR », AVEC UNE CITATION DU PRÉSIDENT JOSÉ MANUEL BALMACEDA FERNÁNDEZ, QUI PRÉVOYAIT AU XIXE SIÈCLE L’IMPORTANCE DÉCISIVE DE LA RICHESSE MINIÈRE, ET UNE GRAVURE DE LA MINE « CHUQUICAMATA » LA PLUS GRANDE MINE DE CUIVRE A CIEL OUVERT DU MONDE, SITUÉE DANS LE DÉSERT D'ATACAMA. ELLE CONTIENT 13 % DES RÉSERVES DE CUIVRE DU MONDE. |
L’opération de nationalisation des richesses minières a été pour le Chili absolument essentielle. Elle a été acquise par une réforme constitutionnelle donnant à l’exécutif le droit d’évaluer les bénéfices excessifs réalisés par les compagnies expropriées et de les déduire du montant de l’indemnisation.
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« CUIVRE CHILIEN, TU ES LA PATRIE,
DÉSERT ET PEUPLE, SABLE, ARGILE, ÉCOLE,
MAISON, RÉSURRECTION, POING, OFFENSIVE,
ORDRE, DÉFILÉE, ATTAQUE, BLÉ, LUTTE,
GRANDEUR, RÉSISTANCE ».
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L'AFFICHE : L’énoncé est en soi un dense discours, énumération hétérogène attribuant d’emblée au cuivre un ensemble de caractéristiques d’une grande portée symbolique. Identifié à des éléments concrets comme la terre et le blé, le foyer, le poing, et l’argile et le sable constitutifs de la géographie nationale, il l’est aussi à des éléments moins objectifs, comme la grandeur et la patrie, le peuple et la lutte, l’offensive et l’attaque, l’ordre, la résistance et la résurrection.
Ainsi caractérisé, le Cuivre chilien incarne une totalité riche et complexe, une sorte de solide entité tutélaire qui soutient le projet unifiant et populaire du gouvernement socialiste. Cette rhétorique est amplifiée par l’image de l’affiche.
Sur un socle de cuivre en lingots se tient réunie la grande famille, représentée par tous les segments du corps social caractérisés par leurs habits. Une représentation qui se veut exhaustive des composants de la société, évoque l’ensemble des acteurs concernés par la nationalisation du cuivre, mais suggère également l’indispensable investissement de tous aux grandes tâches de la reforme en cours. C’est aussi l’adéquation du cuivre, matière première fondamentale, en puissant outil d’intégration nationale pour une patrie longue et socialement divisée.
Malgré les énormes difficultés rencontrées et les obstacles formels opposés par la droite nationale, intimement liée aux puissants intérêts américains qui détenaient une part importante du pouvoir économique et politique, l’Unité populaire a pu compter sur une très large unanimité au sein de la gauche chilienne et un solide soutien du peuple au président Allende.
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« LE CHILI SE MET EN PANTALONS LONGS
MAINTENANT LE CUIVRE EST CHILIEN ! » |
L'AFFICHE : La ligne est simple et limpide, en filiation directe avec la bande dessinée, très consommée alors au Chili, un pays jeune où la télévision était à ses débuts. Dans un registre humoristique, un clin d’œil fait aux anciennes coutumes locales : traditionnellement, arrivés à l’âge de quinze ans les garçons avaient le droit de porter des pantalons aux jambes longues. C’était le rite initiatique du passage à l’âge adulte, la fin de l’enfance et de la dépendance des adultes, le début de l’autonomie personnelle. En nationalisant son Cuivre, le Chili a accompli un geste analogue : il atteint sa majorité et conquiert son indépendance économique vis-à-vis de l’Amérique qui exploitait ses richesses minières.
C’est ce que signifie le sujet de l’affiche, vêtu d’un long pantalon malgré son jeune âge, aux cheveux noirs, au teint foncé et habillé humblement, qui juché sur un amas de minerai de cuivre sans raffiner lève ─enthousiaste et défiant─ le drapeau national dans sa main gauche. C’est le sujet populaire, l’acteur nouveau du processus de changement proposé par l’Unité populaire.
C’est ce que signifie le sujet de l’affiche, vêtu d’un long pantalon malgré son jeune âge, aux cheveux noirs, au teint foncé et habillé humblement, qui juché sur un amas de minerai de cuivre sans raffiner lève ─enthousiaste et défiant─ le drapeau national dans sa main gauche. C’est le sujet populaire, l’acteur nouveau du processus de changement proposé par l’Unité populaire.
Considéré de l’extérieur, le Chili constituait à la fin de l’année 1971 une sorte de « laboratoire » pour les socialistes du monde, qui tentaient d’analyser les erreurs à ne pas commettre et les difficultés rencontrées lors des reformes ou d’un éventuel passage au socialisme par voie démocratique.
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Sur cette nationalisation la dictature militaire de Pinochet n’a décidé de revenir que très partiellement. En revanche, dès le retour de la démocratie en 1990, la coalition de centre gauche a ouvert en grand les portes du secteur aux capitaux privés : Codelco est restée publique à 100%, mais l'exploitation du cuivre a été ouverte à des intérêts étrangers privés, qui représentent désormais les deux tiers de la production nationale.
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Vingt ans après le départ du vieux dictateur aux lunettes noires, Sebastián Piñera a ramené la droite au palais de La Moneda, et à peine élu à la tête de l'État, l'homme d'affaires et milliardaire a annoncé « des changements profonds » à Codelco, accusée d'avoir « perdu en compétitivité et en efficacité».
Malgré qu’elle produisait à elle seule plus de 12 % de la production mondiale de cuivre, elle avait besoin de « capital frais », c'est-à-dire de fonds privés, même si n’était qu'une privatisation partielle.
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UNE PIÈCE DE COLLECTION, LE TIMBRE POSTAL DE LA NATIONALISATION DU CUIVRE, LOI N° 17.450 D’UNE VALEUR FACIALE DE 1,15 E, DE 1971. |
« Le coup d'État de 1973 peut être analysé comme la réaction à la nationalisation par Allende. La fin du régime Pinochet peut être lue aussi à travers la question du métal rouge, poursuit-il. J'étais de ceux qui luttaient contre le régime militaire. Mais je ne crois pas que notre mobilisation a provoqué la chute de la dictature, ni la volonté de la communauté internationale d'en finir avec les atteintes aux droits de l'homme. Le déclencheur de la chute est plutôt venu de la lassitude de Washington, agacé de voir l'armée chilienne refuser d'ouvrir largement le secteur du cuivre aux capitaux étrangers. »
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UNE PLAQUE COMMÉMORATIVE A ÉTÉ DÉVOILÉE EN 2008 À RANCAGUA, LA VILLE OÙ A ÉTÉ SIGNÉE EN 1971 LA LOI DE NATIONALISATION DU CUIVRE, PRÈS DU BASSIN CUPRIFÈRE « EL TENIENTE » |
« Il y a du cuivre sur un autre kilomètre de profondeur, et nous allons creuser encore », explique-t-on chez Codelco. Pour creuser, il faut élargir pour descendre le long d'une pente régulière. Dans quelques années, le trou béant aura complètement eu raison de la cité de Chuquicamata.