PAR CARLOS LATUFF |
Plusieurs députés ont même commencé à parler de la « nécessité » d’installer une base militaire américaine dans le pays. Ceux de l’Unace [Union nationale de citoyens éthiques, droite nationaliste], le parti de l’ancien général putschiste Lino Oviedo, ont même proposé un site : dans le Chaco, à la frontière avec la Bolivie, à équidistance ou presque de l’Argentine, du Brésil et du Venezuela. La purge des fonctionnaires soupçonnés d’être proches du président Lugo, ou qui ne sont pas ouvertement favorables au nouveau gouvernement, a d’ores et déjà commencé. Tout est mis en œuvre afin d’obtenir le maximum de voix à l’élection présidentielle d’avril 2013, mais aussi de récolter les fonds qui permettront au Parti libéral radical authentique de Federico Franco de devancer son allié, le Parti colorado, qui dispose de moyens financiers infiniment supérieurs.
Plus les jours passent et mieux on comprend à qui profite le crime. Les grands bénéficiaires de ce coup d’Etat sont, d’une part, les multinationales de l’agroalimentaire, et, d’autre part, certains hommes politiques, pour la plupart liés à l’agrobusiness. Côté politique, le grand gagnant de la destitution de Lugo est Horacio Cartes, du Parti colorado, l’un des plus puissants chefs d’entreprise du pays et, selon WikiLeaks, il aurait fait l’objet d’une enquête aux Etats-Unis pour des affaires de blanchiment d’argent en lien avec les trafiquants de drogue. Horacio Cartes est un grand propriétaire terrien, cultivateur de soja, comme son collègue Blas Riquelme, qui est à la tête de plus de 70 000 hectares dans la région de Curuguaty [dans l’ouest du pays]. Riquelme s’est approprié ces terres, sans que l’on sache très bien comment, sous le régime militaire (il n’a pas de titres de propriété).
Il cherchait également des soutiens financiers pour écraser la concurrence au sein de son parti. C’est surtout sur le thème du retour sans condition des capitaux étrangers que le nouveau gouvernement s’est exprimé le plus clairement. Tous les membres du nouveau cabinet ont donné leur accord au débarquement de la multinationale d’aluminium Rio Tinto Alcan, dont le représentant en Uruguay est Diego Zabala, actuel ministre adjoint de l’Industrie. Le gouvernement de Lugo s’était montré moins compréhensif. Des représentants des mines canadiennes (or, uranium et titane) ont manifesté leur soutien au nouveau gouvernement de Franco. Le Canada a été le premier pays à reconnaître la légitimité du nouvel exécutif.
La résistance au régime de Federico Franco est faible : le personnel de la télévision publique et les paysans sont les plus mobilisés. Mais les forces de gauche sont dispersées. Ces quatre dernières années, il n’y a pas vraiment eu de regroupement politique, ce qui ne fait qu’aggraver le sentiment d’impuissance des Paraguayens.