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mardi 27 novembre 2012

UNE LOI QUI SENT LE POISSON

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« SAUVONS LA MER CHILIENNE ». MANIFESTATION CONTRE LA LOI DE PÊCHE DITE « LOI LONGUEIRA » À VALPARAISO. DES MILITANTS DE GREENPEACE MAQUILLÉS EN POISSONS PROTESTENT CONTRE UNE LOI CHILIENNE ACCUSÉE DE FAVORISER LA PÊCHE INTENSIVE, À VALPARAISO, LE 30 OCTOBRE. PHOTO ELISEO FERNANDEZ

Selon la nouvelle législation, l’État octroierait gratuitement aux grandes entreprises, pour une durée de vingt ans renouvelable automatiquement, les quotas qu’elles possèdent déjà et ce en vertu d’« un droit historique » que l’industrie détient pour avoir investi depuis cinquante ans dans cette activité économique. « C’est ainsi que le secteur industriel détiendrait à vie 95 % des quotas de pêche du maquereau, 75 % du merlu et 45 % de l’anchois », gronde Juan Carlos Cardenas, directeur de l’ONG Ecoceanos. Et d’ajouter : « Cette loi enlève la propriété de l’État sur les ressources présentes dans sa zone maritime.  »

De plus, le projet de loi fixe la limite de la zone protégée de la pêche artisanale à seulement un mille (1,8 km) de la côte. Cette zone s’étend du nord du pays à la région des lacs. Malgré la pression des pêcheurs artisanaux, les régions situées plus au sud ne sont pas concernées. Il est vrai qu’elles possèdent de grands parcs à saumon appartenant au secteur industriel.


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Un héritage de la dictature

« Cette loi possède noms et prénoms . Ce sont ceux des sept grandes familles chiliennes et des multinationales espagnoles Pescanova, japonaises Suissan Kaisha et norvégiennes Mongster. Il s’agit d’une loi qui exproprie des biens qui sont la propriété de tous les Chiliens », explique Juan Carlos Cardenas. Et d’évoquer un brin d’histoire : « La loi Longueira est en fait la loi élaborée en 1989, pendant la dictature, par l’amiral Toribio Merino pour privatiser les ressources maritimes, mais qui fut rejetée car le régime militaire touchait à sa fin. Ce n’est donc pas un hasard si les enfants de Pinochet (NdlR : Longueira est membre de l’UDI, parti fondé pour défendre l’héritage socio-économique de la dictature) finalisent cette ultime privatisation » Notons enfin que trois sénateurs possédant des intérêts directs dans l’industrie de la pêche n’ont pas jugé nécessaire de faire un pas de côté au moment où l’on doit voter cette nouvelle loi.

En tant que directeur du Conseil de défense du patrimoine de la pêche, Cosme Caracciolo se désole également de voir les ressources marines tomber dans les mains du secteur industriel et dénonce les ravages de la surexploitation : « Nous considérons les poissons comme une espèce qui doit être utilisée de manière adéquate. Les industriels génèrent du profit en faisant de la farine de poisson pour alimenter les poulets et les saumons. De notre côté, nous parlons de souveraineté alimentaire. »

Une autre critique qui pourrait rendre la loi non constitutionnelle concerne l’absence de consultation des peuples autochtones qui vivent de la pêche - Mapuches, Lafkenches, Huilliches, Rapa-Nui et Kaweskar - ce qui transgresse la résolution 169 de l’Organisation internationale du travail et la déclaration des Nations unies sur les peuples indigènes. Le projet de loi bénéficie du soutien de certains sénateurs de l’opposition comme Fulvio Rossi (Parti socialiste) et Hosain Sabag (Démocratie chrétienne) qui ont bénéficié des largesses financières du secteur de la pêche lors de leurs campagnes électorales.