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APRÈS TROIS ANS À LA TÊTE D’ONU FEMMES, MICHELLE BACHELET BRIGUE UN SECOND MANDAT À LA PRÉSIDENCE DU CHILI. PHOTO EMEEQUIS
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Comment affronter « la crise du modèle chilien»?
Les sondages d’opinion la donne pour l’instant gagnante aux élections présidentielles de novembre. Une incertitude plane néanmoins sur la possible abstention -70% aux dernières élections communales – reflet d’un profond malaise social. Car Michelle Bachelet ne débarque pas dans un pays apaisé. Avec l’arrivée au pouvoir du candidat de droite Sébastián Piñera en 2010, la société chilienne est entrée dans une phase de mobilisation sociale sans précédent depuis le retour de la démocratie en 1990 : opposition à la construction de barrages hydroélectriques et de centrales thermiques, manifestations contre la vie chère à l’extrême sud du pays –notamment à Aysen et Magallanes-, prégnance de la question Mapuche… Sans oublier le mouvement étudiant acteur central de la contestation. En défilant pendant deux ans dans les rues de Santiago et en occupant universités et collèges, les étudiants ont dénoncé ce que le sociologue Alberto Mayol nomme la « crise du modèle chilien », c’est à dire : « la crise d’un modèle économique, social et culturel basé sur l’exportation de matières premières, le libre marché et une relation faible entre l’État et la société ». Selon lui, «l’articulation est trop fragile entre la réussite économique du pays et le développement social de la population. Les secteurs les plus touchés sont l’éducation et la santé (NdlR privatisés et sous-financés). » A ce modèle économique, se rajoute un conservatisme moral oppressant qui ne correspond en rien à l’évolution des mœurs de la société.
Défenseurs du modèle, Sébastián Piñera et son gouvernement n’ont jamais voulu effectuer les changements structurels souhaités par une majorité de la population dont les deux plus emblématiques sont une réforme fiscale pour mieux redistribuer la richesse et l’élaboration d’une nouvelle constitution pour en finir avec celle écrite par la junte militaire en 1980 et jamais réellement modifiée.
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MÊME SI BACHELET BÉNÉFICIE D’UNE POPULARITÉ IMPRESSIONNANTE LIÉE ENTRE AUTRES À SA SIMPLICITÉ ET À SON CÔTÉ MATERNEL, LA PRESSION QUI REPOSE SUR SES ÉPAULES EST FORTE. |
Une nouvelle majorité politique et sociale
Même si Bachelet bénéficie d’une popularité impressionnante liée entre autres à sa simplicité et à son côté maternel, la pression qui repose sur ses épaules est forte. Paradoxalement, la coalition et opposition de centre-gauche à laquelle elle appartient est également – si pas plus – décriée (22% d’approbation) que l’actuel gouvernement. Organisé autour du Parti socialiste et de la Démocratie chrétienne, il lui est reproché d’avoir gouverné pendant 20 ans sans engager les reformes nécessaires pour modifier un modèle économique et social créé de toute pièce sous la dictature et qui réduit le rôle de l’État à peau de chagrin. Une récente étude de l’Université du Chili vient d’ailleurs de reconnaître que le Chili est le pays le plus inégalitaire de la planète. De manière métaphorique le rapport relève que « pour un kg de tarte que produit notre économie, 300 grammes sont appropriés par 1% de la population, tandis 99% du reste de la population accède seulement à 700 grammes. »
L’ex-présidente a pris soin de ne s’afficher pour l’instant avec aucun dirigeant de la Concertación tant l’image qu’ils renvoient est chargée négativement. Elle semble avoir pris la mesure des attentes de la population en affirmant dans son discours que « les progrès de la lutte contre la pauvreté ne se sont pas traduits nécessairement par un changement significatif du niveau d’inégalité sociale » et d’ajouter qu’elle travaillera pour construire une nouvelle majorité politique, sociale et un pays plus inclusif. Le défi s’annonce colossal.
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LAURENCE GOLBORNE ET ANDRÉS ALLAMAND, RIVAUX DANS L'INTERNE DE LA DROITE POUR ÊTRE PRÉSIDENTIABLE EN 2013. PHOTO INFOLATAM |
Nervosité à droite
Du côté des candidats de la droite, Andrés Allamand et Laurence Golborne qui doivent s’affronter lors d’élections primaires le 30 juin, la nervosité est palpable tant il semble ardu de contrer la popularité de l’ex-présidente. Avec 54 % des voix, selon un dernier sondage, elle pourrait l’emporter au premier tour. Seul le candidat du Parti Progressiste Marco Enriquez-Ominami qui avait obtenu 20% des voix en 2009 semble en mesure de lui faire de l’ombre. Enfin, ultime cauchemar pour la droite, tout semble indiquer que le Parti communiste soutiendra l’ex-présidente en vue d’obtenir des postes ministériels.
François Reman, Journaliste indépendant correspondant au Chili. Il collabore entre autres avec Araucaria, La Libre Belgique, La Revue Nouvelle et le Courrier