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ÁNGEL PARRA |
Fils de l'icône Violetta Parra, le chanteur folk fut une figure majeure de la résistance chilienne en exil à Paris. Depuis 1976, et bien après la chute de Pinochet, Angel Parra a poursuivi son œuvre militante. Il est mort à Paris, à 73 ans.
ÁNGEL PARRA «CHANSONS FONCTIONNELLES» |
Les écrivains (Luis Sepúlveda, Antonio Skármeta) et les cinéastes (Raul Ruiz) sont emprisonnés puis contraints à l'exil. Le chanteur Ángel Parra optera pour Paris, son refuge pendant quatre décennies : il vient d'y décéder à l'âge de 73 ans, après avoir longtemps combattu un cancer du poumon.
Le coup d'État chilien a dévié l'histoire de la famille Parra, qui avait déjà eu son lot de malheurs. Ángel a détaillé le suicide de sa mère, en 1967, dans un livre (Ma mère, Violeta Parra) qu'il lui a consacrée : « La détonation a dû s'entendre de loin. Ou peut-être pas. C'était un revolver de petit calibre. (…) Elle est entrée dans l'histoire par ce petit orifice. Les artistes, on le sait, doivent mourir pour être pleinement reconnus. » Adapté au cinéma par Andrés Wood (Violeta, 2012), le livre raconte l'histoire de cette femme campagnarde, devenue une icône nationale en ayant restauré la fierté du pays pour son folklore. Les chansons de Violeta, dont Gracias a la vida qui est devenue un standard international popularisé par Joan Baez, ne se privaient pas de contenus politiques. Ángel Parra, fils aussi d'un cheminot communiste, avait donc de qui tenir. Descolarisé, l'adolescent suivait sa mère en tournée sur le continent, enregistrant avec elle dès l'âge de 15 ans. Un temps basés à Paris (1961-1964), Violeta, Ángel et sa sœur Isabel sillonnaient l'Europe sous le nom de Los Parra de Chile. De retour à Santiago, frère et sœur formèrent un duo populaire et ouvrirent la Peña de los Parra, un centre culturel à l'épicentre de la Nueva Canción chilienne. On y croisait Neruda, Victor Jara, Pablo Milanés et Paco Ibañez. On y célébrait la révolution et la figure du « Che ».
Une œuvre militante
Le coup d'État de 1973 a brisé cet élan. Incarcéré et torturé dans le Stade national de Santiago, puis déporté pendant un an dans le camp de concentration de Chacabuco, Ángel Parra a été expulsé au Mexique en 1974 avant de rejoindre Paris deux ans plus tard. Charles Aznavour et Yves Montand étaient intervenus en faveur de sa libération. Devenu une grande figure de la nombreuse diaspora chilienne, le guitariste moustachu exprimait ses indignations et sa nostalgie, en saluant l'Argentin Atahualpa Yupanqui comme une inspiration majeure, sur les scène de la chanson engagée des années 1970. Enfin rentré au Chili en 1989, un an après le référendum qui poussa Pinochet vers la sortie, il y fit une tournée sans se convaincre d'abandonner Paris où il avait acquis sa double culture. Toujours membre du Parti communiste chilien, il a poursuivi son œuvre militante, balançant entre folk et rock, expérimentant les chansons pour enfants comme les chansons érotiques (Eroticas, avec des textes traduits par Régine Desforges). Parmi sa discographie pléthorique, ¡ Venceremos ! (2013) rendait hommage à Salvador Allende à l'occasion du quarantième anniversaire de sa mort. Toujours connecté à la politique de son pays, il a soutenu l'accession de la socialiste Michelle Bachelet à la présidence, tout en conservant un œil critique sur son action.
L'histoire de la famille Parra, devenue une institution de la culture chilienne, ne se termine pas avec la mort d'Ángel. La transmission n'est pas rompue puisque ses enfants (Javiera et Ángel) ont pris le relais et fréquentent les sommets des charts pop-rock dans leur pays. On se souviendra de leur père comme d'un artiste militant qui, quand on lui remettait une récompense, rechignait en expliquant modestement : « Ce qui m'importe, c'est d'avoir une petite place dans la mémoire du peuple chilien. »