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«LA FEMME AU BANDEAU VERT», ŒUVRE DE GONZALO MATIZ,
PEINTE AU CŒUR DU QUARTIER BELLAVISTA, À SANTIAGO DU CHILI
PHOTO LISA HANOUN |
Reportage.– Un an après #Metoo, immersion à Bellavista, plus vieux quartier de Santiago, où le street-art appelle à déconstruire la société machiste et condamne les violences faites aux femmes.
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LE GRAPHEUR GONZALO MATIZ
PHOTO LISA HANOUN |
«Je peins les femmes parce qu’elles sont une véritable source d’inspiration. À travers leur visage je peux raconter mon quotidien», explique Gonzalo Matiz Salinas, perché sur son échelle, pinceau dans la main droite. Dans l'autre, il tient son téléphone portable. Il reproduit avec précision le modèle qu'il a réalisé dans son atelier, situé juste en face. Fin août, c’est la fin de l’hiver à Santiago. En plein cœur de Bellavista, le plus vieux «barrio» (quartier) de la ville, ce grapheur chilien de 34 ans s’attèle à sa nouvelle fresque. Une femme. Pour le moment, on ne discerne que la moitié du visage. On devine qu’elle porte un bandeau vert, symbole du mouvement pro-IVG en Amérique latine. « Les femmes devraient avoir le droit de choisir de garder ou pas un enfant. Aujourd’hui c’est comme si l’avortement était encore illégal (au Chili, il est partiellement légalisé, NDLR). C’est pour cela que je peins ce bandeau vert». Matiz ne représente que des femmes. «Nous vivons dans une société machiste, ce n’est pas qu’au Chili, c’est historique. »
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Situé entre la colline San Cristobal et le musée des Beaux-Arts, Bellavista est le quartier bohème, fief des artistes de Santiago. À quelques pas de là, se trouve La Chascona, maison du célèbre poète Pablo Neruda. Restaurants, bars et galeries d’artistes envahissent les trottoirs. Toutes les façades sont entièrement recouvertes de tags. Ces peintures forgent l’identité du quartier. Leur point commun : les femmes, toujours au premier plan.
Dans les rues de Bellavista, fief des artistes de Santiago
Déconstruire le patriarcat
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DANS LES RUES DE BELLA VISTA, FIEF DES ARTISTES
DE SANTIAGO DU CHILI CES PEINTURES CONSTITUENT
LE SYMBOLE ET LE CŒUR DE L’IDENTITÉ DU QUARTIER.
LEUR POINT COMMUN : LES FEMMES
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Au Chili, les graffitis sont un art à part entière. Ils habillent les murs. «En Amérique latine, les femmes ont une place très importante dans l’imaginaire des jeunes grapheurs. Elles représentent un véritable moyen d’expression. À travers le corps d’une femme, ils veulent déconstruire un système patriarcal», explique Pascale Maquestiau, sociologue spécialiste de l’Amérique latine. «Les jeunes générations sont inspirées par les collectifs d'artistes féminins qui ont marqué l'histoire du continent.» Paula Angelica Ortega est une jeune artiste chilienne. Grâce au street art, elle veut dénoncer les violences faites aux femmes et obtenir une meilleure protection de la loi.
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SUR LES MURS DE SANTIAGO DU CHILI
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« L’art mural permet de communiquer des verbes à travers une histoire. L’année dernière nous avons peint avec
d’autres artistes, une femme haïtienne, Joane Florvil, emprisonnée et tuée après avoir été injustement accusée d’avoir abandonné son bébé. En peignant nous voulons montrer que nous ne sommes pas indifférents à ce qu’il se passe.» Dans le pays, les femmes investissent l’espace public. «En tant qu’artistes ou sur les murs, elles questionnent sans cesse le vivre ensemble», ajoute la sociologue.
« Il y a toujours une arrière-pensée politique»
Pascale Maquestiau
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LA CÉLÈBRE STATION DE MÉTRO BELLAS ARTES, À DEUX PAS DU MUSÉE. EN MAI 2018, LE STREET ARTISTE CHILIEN INTI A RECOUVERT UN MUR QUI SURPLOMBE LA STATION. ON PEUT Y VOIR UN CLOWN ISSU DES CARNAVALS BOLIVIENS QUI S’ÉRIGE EN SYMBOLE DE LIBERTÉ, ALORS QUE LA SOCIÉTÉ CHILIENNE IMPOSE DES LIMITES. IL L'AVAIT DÉJÀ INVESTI EN 2013
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Au Chili, le street art est l’héritier du «muralisme». Né dans les années 1970, un peu avant le coup de d’État contre le président Salvador Allende, le muralisme a été durant toute la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1980), un outil militant pour protester contre le pouvoir. Dans son livre Muralisme chilien : communication et art populaire, l’écrivain Carlos H. Leon définit la peinture murale comme «l’aboutissement d’un processus de prise de conscience sociale». Pour Gonzalo Matiz, le graphisme est avant tout une expression artistique. «À l’époque de la dictature, c’était interdit. Les grapheurs sortaient la nuit et se cachaient pour peindre. Si les autorités les voyaient, ils les tuaient, explique Gonzalo Matiz. Aujourd’hui,
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nous sommes libres de peindre ce que l’on veut.» Cependant, si la jeune génération ne se revendique pas comme engagée, elle est très imprégnée de la culture militante des origines. «Sur chacune de leurs commandes ils exigent d'avoir carte blanche pour pouvoir exprimer leur propre message, il y a toujours une arrière-pensée politique», poursuit Pascale Maquestiau.
Art et politique
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DANS LES RUES DE BELLA VISTA, FIEF DES ARTISTES DE SANTIAGO DU CHILI EN AMÉRIQUE LATINE, LES FEMMES ONT UNE PLACE TRÈS IMPORTANTE DANS L’IMAGINAIRE DES JEUNES GRAPHEURS. ELLES REPRÉSENTENT UN VÉRITABLE MOYEN D’EXPRESSION
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Les traits du visage commencent à se distinguer. Les yeux verts apparaissent. Ils contrastent avec le teint pâle. Les bombes sont alignées contre le mur et rangées par couleurs. Gonzalo Matiz colorie avec précision. Il peint dans ce quartier depuis l’âge de 17 ans. Ici, tout le monde le connaît. «Hola Matiz !» lance Vicky qui promène son chien. «C’est ma mère adoptive, elle me connaît depuis que je suis petit.» Il interrompt sa peinture. L’après-midi bat son plein. La rue est calme. De part et d’autre, les murs sont rythmés par les visages féminins qui s’enchaînent. Sur le trottoir d’en face, l’atelier de Matiz brille au soleil. La fenêtre du premier étage est restée ouverte. On voit le rideau blanc voleter à l’extérieur. La façade jaune est recouverte d’une fresque représentant une femme métisse avec un bandeau vert noué dans les cheveux.
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À TRAVERS LE CORPS D’UNE FEMME, LES GRAPHEURS, HOMMES COMME FEMMES, VEULENT DÉCONSTRUIRE UN SYSTÈME PATRIARCAL
PHOTO LISA HANOUN
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Le visage est terminé. En contraste avec le regard froid, le bandeau vert donne une impression de mouvement. «Je veux fusionner le graphisme et la politique», affirme Gonzalo Matiz. Comme si l’art appelait à la sororité.