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vendredi 12 octobre 2018

CANONISATION  : PAUL VI ET MGR ROMERO


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LES PORTRAITS DES DEUX CANDIDATS À LA
CANONISATION ONT ÉTÉ EXPOSÉS AU VATICAN.
PHOTO ALESSANDRO BIANCHI
La canonisation le même jour de Paul VI et de Mgr Romero est plus qu’un symbole. ll s’agit pour François, au mitan du Synode des jeunes, de transmettre aux nouvelles générations la tâche de rénover l’Église que Vatican II s’était assignée.
MGR OSCAR ROMERO, EN 1979
PHOTO KEN HAWKINS
Le symbole est fort : dimanche 14 octobre, le premier pape latino-américain va canoniser le premier pape à avoir posé le pied en Amérique latine. « C’était en 1968, Paul VI venait à Medellin (Colombie) pour l’assemblée de l’épiscopat latino-américain : un rendez-vous marqué par la théologie de la libération », rappelle le journaliste Michel Cool pour qui « cet événement n’a pu que marquer le jeune Bergoglio. »

LES ONZE FIORETTI DE
SAINT FRANÇOIS D'ASSISE
 
Pape des années de formation de Jorge Mario Bergoglio, Paul VI peut en effet être considéré comme le « mentor » de François qui le cite souvent dans ses textes et considère l’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi comme le « document pastoral le plus grand écrit à ce jour ».

Et leurs points communs sont nombreux. « Comme François, Paul VI a eu à faire à de fortes résistances dans la Curie, et l’Église en sortie que promeut le pape actuel est clairement dans la continuité de l’Église du dialogue chère à Paul VI, énumère Michel Cool. Pour l’un comme pour l’autre, les réformes institutionnelles dépendaient de la conversion personnelle. »

« Les gestes de Paul VI balisent le pontificat de François »

 INNOCENT III APPROUVE LA 
RÈGLE DES FRÈRES MINEURS
À bien des égards, de Jérusalem à Istanbul en
 passant par l’ONU, le pape argentin s’est aussi replacé dans les traces physiques de Paul VI. « Les gestes de Paul VI balisent le pontificat de François », résume le cardinal Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille.

Avec Mgr Oscar Romero aussi, les points communs sont évidents, au-delà de leur appartenance commune à l’Amérique latine. « C’est avant tout l’amour des pauvres qui les rapproche, note Roberto Morozzo della Rocca, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Rome III et auteur d’une biographie de Mgr Romero (lire ci-dessous).Comme François aujourd’hui, il critiquait à la fois le marxisme et le système libéral qui exploite les gens au nom de l’argent. Et il se référait toujours à la doctrine sociale de l’Église et au magistère de Paul VI. »

C’est d’ailleurs ce dernier qui avait nommé Mgr Romero à San Salvador. Il soutiendra toujours celui qui, dans les années 1930, avait été son élève à l’Université grégorienne à Rome. Les deux hommes ont longtemps entretenu une correspondance suivie. « Romero fait d’ailleurs partie des évêques qui ont demandé à Paul VI la béatification du fondateur de l’Opus Dei, rappelle Michel Cool. C’était loin d’être le Che Guevara que certains ont décrit ! »

Mgr Romero, un pasteur au milieu d’un conflit

« Oscar Romero était substantiellement un homme du magistère, fidèle aux conclusions du concile Vatican II et à Paul VI, résume Roberto Morozzo della Rocca. C’est d’ailleurs ce qu’a reconnu Benoît XVI quand il a demandé à la Congrégation des causes des saints d’avancer dans son procès en béatification. »

Pour l’universitaire italien, si Romero a pu devenir le porte-drapeau de mouvements de gauche issus de la théologie de la libération, il n’était pas lui-même un théologien : « C’était un pasteur qui s’est retrouvé au milieu d’un conflit. Cette image de révolutionnaire lui a nui : il était devenu un élément de conflit dans l’Église, et cela a longtemps bloqué son procès en béatification. » « François n’aime rien tant que réparer les injustices, constate Michel Cool. Et canoniser Romero et Paul VI procède un peu de cela pour lui : ce sont deux figures qui ont été très maltraitées ces dernières années. »

Le lien avec Vatican II a également son importance. Dimanche, François canonisera aussi cinq autres saints dont Nunzio Sulprizio, un jeune Napolitain du XIXe siècle, justement béatifié par Paul VI pendant le Concile avec la volonté de donner cette figure en exemple à la jeunesse. Or, depuis le début du Synode des jeunes, au milieu duquel sont célébrées ces canonisations, François n’a cessé de rappeler le Message aux jeunes de Paul VI, l’ultime texte conciliaire. Comme une volonté de transmettre aux acteurs de ce Synode la tâche de rénovation de l’Église que s’était assigné Vatican II et à laquelle il s’est lui-même attelé.
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Mgr Oscar Romero en dates
  • 15 août 1917. Naissance à Ciudad Barrios (nord-est du Salvador) d’Oscar Arnulfo Romero y Galdámez.
  • 1931. Entre au séminaire contre l’avis de son père.
  • 1937. Études à Rome.
  • 4 avril 1942. Ordonné prêtre.
  • 1943-1967. Prêtre dans le diocèse de San Miguel où il exerce en paroisse avant de devenir recteur du séminaire.
  • 1967. Secrétaire général de la Conférence épiscopale du Salvador.
  • 1970. Évêque auxiliaire de San Salvador.
  • 1974. Évêque de Santiago de María (dans l’est du Salvador).
  • 1977. Archevêque de San Salvador. Quelques semaines après son arrivée, son ami
  • le jésuite Rutilio Grande est assassiné par un escadron
  • de la mort.
  • 1979. Une junte militaire prend le pouvoir au Salvador. Mgr Romero écrit au président américain Jimmy Carter pour dénoncer l’aide militaire des États-Unis au nouveau
  • régime.
  • 23 mars 1980. Dans une homélie, appelle les soldats à la ­désobéissance, leur demandant d’« obéir à (leur) conscience plutôt qu’à l’ordre du péché ».
  • 24 mars 1980. Assassinat d’un coup de fusil en pleine poitrine pendant la messe dans la chapelle de l’hôpital de la Divine-Providence. 350 000 personnes accompagnent ses funérailles.
Paul VI en dates
  • 26 septembre 1897. Naissance de Giovanni Battista Montini à Concesio (nord de l’Italie). Il est baptisé le 30, jour de la mort de Thérèse de Lisieux.
  • 29 mai 1920. Ordonné prêtre.
  • 1923. Aumônier des étudiants romains. Il entre l’année suivante à la Secrétairerie d’État.
  • 1925. Aumônier national. Il est forcé à la démission en 1935 pour son opposition à Mussolini.
  • 1937. Substitut de la Secrétairerie d’État.
  • 1952. Pro-secrétaire d’État de Pie XII, avec Mgr Tardini.
  • 1954. Archevêque de Milan.
  • 21 juin 1963. Élu pape, annonce la continuation du concile Vatican II.
  • Janvier 1964. Voyage en Terre sainte : premier pape à quitter l’Italie depuis Pie VII.
  • 6 août 1964. Encyclique Ecclesiam suam, sur l’Église.
  • 4 octobre 1965. Discours à l’ONU.
  • 4 décembre 1965. Clôt Vatican II.
  • 7 décembre 1965. Paul VI et le patriarche orthodoxe Athénagoras de Constantinople lèvent les excommunications réciproques prononcées en 1054.
  • 29 mars 1967. Encyclique Populorum progressio, sur le développement des peuples.
  • 25 juillet 1968. Encyclique Humanae vitae, sur le mariage et la régulation des naissances.
  • 6 août 1978. Mort à Castel Gandolfo.

Nicolas Senèze