Catégorie

vendredi 12 juin 2020

AU CHILI, UNE ÉCOLE ITINÉRANTE POUR LUTTER CONTRE LE DÉCROCHAGE

[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
L’HABITACLE DU MINIBUS A ÉTÉ AMÉNAGÉ, LA PAROI ANTI-PROJECTIONS 
SERT DE SUPPORT AU TABLEAU ET LES SIÈGES SONT RECOUVERTS 
D’UN PLASTIQUE RENOUVELÉ APRÈS CHAQUE COURS. 
PHOTO ALAN LOQUET

Face à la fermeture des établissements scolaires pour cause de pandémie, une école rurale du sud du Chili a innové en aménageant ses deux minibus en salles de classe.
Par Alan LOQUET
 ALAN LOQUET
C’est plus fort que lui. Il trépigne, il sautille. Après trois mois sans école pour cause de coronavirus, c’est la première fois que Benjamin Quirilao, 8 ans, retourne en classe. Une rentrée sans camarades ni estrade, à bord d’un habitacle à quatre roues stationné devant sa modeste maison. Après un strict protocole sanitaire comprenant lavage des mains et prise de température, place au cours de mapudungun, la langue des Mapuches, le principal peuple autochtone du Chili.

« Les cours à distance n’étaient pas suivis   » 



Pour limiter le décrochage scolaire, l’école rurale de Catripulli, à 800 km au sud de Santiago-du-Chili, a aménagé deux minibus en salles de classe itinérantes.  « Le projet a germé après les retours alarmants des professeurs »  , rembobine Marisol Araneda, l’énergique directrice de cette école accueillant habituellement 101 élèves de 4 à 14 ans.  «  Les cours à distance envoyés aux parents n’étaient pas suivis.  » 

Ici, les familles mapuches dépendent d’une agriculture d’autosubsistance :  99 % ne disposent pas d’ordinateur ou de réseau mobile, précise Marisol Araneda. Neuf élèves sur dix vivent sous le seuil de pauvreté.  Pour contrer cette fatalité, l’idée a surgi :  Si les enfants ne viennent pas à l’école, c’est à l’école d’aller chez eux. 

Trente-cinq élèves en difficulté scolaire reçoivent, une fois par semaine, la visite d’un des deux minibus. Du lundi au jeudi, la salle de classe ambulante se tortille entre les collines embrumées de l’Araucanie. Sur ces chemins en gravier, le véhicule jaune citron peine à se faufiler parmi les poids lourds de l’industrie forestière.

« Nécessité pédagogique et émotionnelle   » 


« Cette initiative est formidable, applaudit Nelda Huenumil, un œil sur sa fille Stefanía, installée à l’arrière du minibus pour quarante-cinq minutes d’anglais. Je ne suis pas capable de remplacer les professeurs. Ça fait du bien aux petits. Ils étaient plus stressés ces derniers temps.  »  

« L’école itinérante est fondamentale sur le plan pédagogique, mais elle répond aussi au besoin émotionnel des élèves, confirme Nelson Santibañez, professeur d’anglais en charlotte et lunettes anti-projections. Ils vivent dans des habitats isolés, parfois dans des contextes familiaux compliqués.  »  

Pour ce projet, l’école a fléché une partie des subventions du ministère de l’Éducation. L’équivalent de 1 150 € a été investi pour aménager les minibus et assurer l’achat de désinfectants, thermomètres sans contact et autres masques de protection. L’idée séduit tellement que d’autres établissements de la région s’apprêtent à l’imiter. Indispensable lorsque l’on sait que seulement 30 % des professeurs chiliens ont pu entrer en contact avec leurs élèves depuis la fermeture des écoles. 

[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ] 
ILLUSTRATION PABLO DELCAN  
« Grâce aux données collectées par les chercheurs de l'université américaine Johns-Hopkins, qui recensent les cas et les décès confirmés, il est possible de suivre jour après jour l’évolution de l’épidémie au Chili. »
SUR LE MÊME SUJET :