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lundi 10 août 2009

Les télescopes du bout du monde

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Le Très Grand Télescope (VLT) dans Google Earth

C'est dans ce coin perdu du Nord chilien que l'Europe est venue planter son télescope dernier cri, le Very Large Telescope (VLT). Le désert de l'Atacama a tout pour plaire à la lumière cosmique : pas de pollutions lumineuses, l'air le plus sec au monde, des nuages très rares et une altitude de 2.600 mètres. Autant d'assurances d'avoir la meilleure précision optique possible.
Mais à quel prix ! pour les astronomes, l'environnement est hostile, les familles lointaines, la route d'accès peu carrossable. Les rares moments où ils ne travaillent pas, les forçats de Paranal trouvent le réconfort dans leur «residencia». En contrebas des télescopes, près des hangars logistiques, l'ESO (*) a chouchouté ses pensionnaires expatriés dans ce bâtiment très architecturé, mi-base spatiale, mi-oasis. Atrium spacieux, piscine, jardin tropical, gymnase, une centaine de chambres confortables. Le bâtiment a même inspiré les producteurs du James Bond «Quantum of Solace», qui y ont tourné quelques scènes.
Les utilisateurs du VLT ne s'y attardent pourtant jamais. L'accès à cet instrument exceptionnel est un privilège qui se déguste au compte-gouttes, chaque minute de mesure est investie à fond dans la pièce de contrôle tapissée d'écrans. Les techniciens, eux, surveillent les fragiles télescopes comme le lait sur le feu. C'est à eux que beaucoup de chercheurs s'en remettent pour commander leurs observations à distance. La plupart des astronomes européens qui ont décroché un temps d'accès au VLT ne viennent pas sur place. Seule une poignée font le voyage, quelques jours, pour vivre au plus près des instruments de mesure.

Plus gros sursaut gamma

Avec ses 4 télescopes de 8,20 mètres de diamètre, le VLT restitue une antenne de 16,4 mètres de diamètre. A cette performance s'ajoute la technologie des optiques adaptatives, qui corrige sur certains miroirs une partie des fluctuations dues à l'atmosphère. D'après l'ESO, le VLT pourrait distinguer les phares d'une voiture sur la Lune ! Pas étonnant, donc, que l'instrument andin ait de belles trouvailles à son actif en onze ans de carrière. C'est lui qui a détecté le gigantesque trou noir au centre de notre galaxie. Il a catalogué la première planète en dehors de notre système solaire, puis enregistré le plus gros sursaut gamma.
Mais dans quelques années, le VLT sera presque ringard face à un autre instrument qu'un consortium international de laboratoires construit à 500 km au nord. Le télescope Alma est à la démesure du site qui l'accueille. A 5.000 mètres d'altitude, l'immense plateau de Chamjantor cédera 400 km de désert à 66 antennes mobiles. Un véhicule robotisé déplacera chaque récepteur en fonction des mesures. C'est la combinaison des 66 signaux qui donnera des images inédites de l'univers. Les Européens ne seront plus seuls à bord, les Anglo-Saxons dominent déjà le chantier. Le journal « Le Monde » expliquait il y a deux ans que le responsable italien d'Alma, Massimo Tarenghi, voulait rééditer le geste architectural de Paranal, en imaginant sur le site un hôtel ambitieux. Devant l'escalade des coûts du projet, les Américains imposèrent un bâtiment banal.
M. Q., Les Echos


(*) European Southern Observatory, Observatoire européen austral.